III
 
LE NEZ VIOLET

 

À RAOUL PONCHON

 

 

Comparer toujours nos nez

Bourgeonnés

À des rubis, je condamne

Cette comparaison-là.

Changeons-la !

Qui n’a qu’un cri n’est qu’un âne.

 

Aux nez rubis rubiconds

Nous piquons

La couleur de sang ; c’est triste.

J’aime le mien quand il est

Violet

Comme une douce améthyste.

 

Vois ce nez rouge et camard,

Quel homard !

Compare-le donc avecque

Le tendre et clair demi-ton

Du piton

Habillé comme un évêque.

 

Quand je lorgne en tapinois

Son minois,

Il sourit comme un augure.

Ah ! quel bon évêque j’ai

Bien logé

Au mitan de ma figure.

 

Pour qu’il soit bien enchanté

En santé,

Mes mains de lui sont voisines.

Mes dix doigts sont ses valets.

Mon palais

Flambe au feu de ses cuisines.

 

Mais il me rend bien mon dû.

Rond, dodu,

Il semble un roi de kermesse,

Et jamais mon verre plein

Ne se plaint

Quand au fond il dit la messe.

 

Tu me diras que le tien

Est chrétien

Ni plus ni moins que le nôtre,

Et qu’un rouge cardinal

Moins banal,

Comme évêque en vaut un autre.

 

Moi, je te soutiens que non,.

Non de nom !

Car un cardinal peut être

Un monsieur laïque, au lieu,

Nom de Dieu !

Qu’un évêque est toujours prêtre.

 

Te voilà par le clergé

Submergé,

Ponchon, grand nez-culottiste ?

Nez de rubis, singe-nous !

À genoux

Devant le nez d’améthyste !