V
 
LA PÊCHE À LA LIGNE

 

Un chapeau de paille jaune

Dont les bords n’ont pas d’ourlet,

Au bout de sa pointe en cône

Une plume de poulet,

 

Un chapeau de paille encore,

Un troisième, un autre ! Ainsi

Le rivage se décore

Du Point-du-Jour à Bercy.

 

Sous ces éteignoirs sans nombre

Rien ne bouge. On ne peut voir

Que les pas lents de leur ombre

Qui s’allonge avec le soir.

 

Pourtant de chaque statue

Sort un grand sceptre en roseau,

Et ce peuple s’évertue

À tremper du fil dans l’eau.

 

Tout le long de la journée,

Ô destin, tu leur promets

La douce proie ajournée

Qu’ils n’attraperont jamais.

Et pas un ne s’en indigne,

Pas un ne songe à partir !

Car le pêcheur à la ligne

Vit et meurt vierge et martyr,