NOS TRISTESSES

I
 
REMÈDE FÉROCE

 

Ma gaieté, tu as la colique

D’amour.

Depuis le soir jusqu’au retour

Du jour,

Tu geins comme un mélancolique

Tambour.

 

Ma vieille, si tu veux m’en croire,

Ce goût

Ne me plaît pas beaucoup, beaucoup,

Et tout

Ce que je peux pour toi, c’est boire

Un coup.

 

Nettoie avec la rouge lie

Des brocs,

Loin des larmes et des sirops,

Tes crocs,

Et lance à la mélancolie

Des rots.

 

Et prends une purge, bégueule !

Du miel

Ne t’irait pas ; prends du gros sel.

Duquel ?

Je m’en moque un peu ! Mais dégueule

Ton fiel.

 

Puis, bois ! Et sans faire scandale,

Sans bruit,

Éclaire avec le vin qui luit

Ta nuit,

Et soûle, ivre-morte, ravale

L’ennui.

 

Nous allons lâcher d’un coup d’aile

Le sol.

Monté sur un flacon sans col,

Ton vol

Va planer dans l’air qui ruisselle

D’alcool.

 

Et dans une ivresse sans bornes,

Sans but,

Sur des cheveux de femme en rut

Pour luth,

Nous dirons aux tristesses mornes :

Bren ! zut !