VI
 
LES VIEUX PAPILLONS

 

Un mois s’ensauve, un autre arrive.

Le temps court comme un lévrier.

Déjà le roux genévrier

A grisé la première grive.

Bon soleil, laissez-vous prier,

Faites l’aumône !

Donnez pour un sou de rayons.

Faites l’aumône

À deux pauvres vieux papillons.

 

La poudre d’or qui nous décore

N’a pas perdu toutes couleurs,

Et malgré l’averse et ses pleurs

Nous aimerions à faire encore

Un petit tour parmi les fleurs.

Faites l’aumône !

Donnez pour un sou de rayons.

Faites l’aumône

À deux pauvres vieux papillons.

 

Qu’un bout de soleil aiguillonne

Et chauffe notre corps tremblant,

On verra le papillon blanc

Baiser sa blanche papillonne,

Papillonner papillolant.

Faites l’aumône !

Donnez pour un sou de rayons,

Faites l’aumône

À deux pauvres vieux papillons.

 

Mais, hélas ! les vents ironiques

Emportent notre aile en lambeaux.

Ah ! du moins, loin des escarbots,

Ô violettes véroniques,

Servez à nos cœurs de tombeaux.

Faites l’aumône !

Gardez-nous des vers, des grillons.

Faites l’aumône

À deux pauvres vieux papillons.