CHAPITRE XXIV

Un rayon du soleil levant éveilla Mark. Il se dressa doucement, repoussant le corps de sa compagne lovée contre lui. Il sursauta brusquement en reconnaissant la princesse Narda.

Elle ouvrit les yeux et sourit, s'étirant voluptueusement. Mark voulut se lever mais elle le retint doucement.

-Princesse... Princesse... balbutia le Terrien.

Narda lui posa la main sur la bouche pour l'obliger à se taire.

-Ne dites rien ! Je sais que vous allez partir ce matin pour regagner votre mystérieux pays. Inutile de mentir, vous ne venez pas d'une contrée au-delà des montagnes ! Là-bas, ne vivent que des peuplades sauvages et aucun homme ne pouvait accomplir vos exploits. Hier, j'ai obligé le malheureux Kent à me raconter en détail toutes vos aventures. Pourtant, même avec lui, vous avez été très discret. Pour obliger le grand Maître de Sark à vous céder sa place et à dissoudre l'Ordre, il vous a certainement fallu des pouvoirs extraordinaires.

-Mais pourquoi vous introduire ici...

-Je vous en prie ! Ce jour, je redeviens la princesse Narda. Demain j'épouserai Kent et je serai une reine modèle, une femme exemplaire, une mère idéale ! J'ai seulement voulu soustraire douze heures à ma vie de souveraine. Un demi-jour de bonheur partagé avec un demi-dieu. Etait-ce trop demander ?

Mark resta indécis, contemplant le visage ravissant de Narda auréolé de sa chevelure étalée sur l'oreiller. Le drap avait glissé, découvrant une poitrine altière, un ventre plat. Une nouvelle bouffée de désir lui mordit les reins. Il se pencha en avant et aussitôt des bras l'enserrèrent et un ventre frémissant se colla contre le sien...

***

Lorsque Mark, suivi de Ray, gagna les écuries, le soleil était déjà haut sur l'horizon. Un palefrenier leur sella rapidement deux montures et ils franchirent le pont-levis. Le Terrien ne put s'empêcher de se retourner. Etait-ce une illusion? Il lui sembla apercevoir le visage de la princesse à une fenêtre. La vision fugitive disparut aussitôt et ils éperonnèrent leurs montures.

-Où allons-nous ? demanda Ray.

-Là où nous avons atterri la première fois. La région est assez déserte et nous pourrons appeler le module sans trop attirer l'attention.

-Il ne faudra pas oublier de passer au-dessus du cratère pour détruire ce qui reste des lianes carnivores et des « yors », recommanda Ray.

Ils chevauchèrent paisiblement toute la matinée puis s'arrêtèrent au milieu du jour au bord d'une rivière pour faire boire leurs montures.

-Je sais que tu as eu une nuit fatigante, nota Ray. Une fois de plus, j'ai dû arrêter mes enregistrements ! J'espère que les techniciens ne remarqueront pas trop ces anomalies. De plus, je t'ai protégé d'une situation embarrassante.

Intrigué, Mark demanda à l'androïde de s'expliquer.

-Te souviens-tu de Perla ?

-Cette malheureuse que nous avons achetée au marché aux esclaves et qui me valut, par la suite, la rancune de Kasi ?

-Effectivement ! Cette petite avait appris je ne sais comment ton retour et avait réussi à s'introduire dans le château. Elle voulait absolument gagner ta chambre ! Sachant que tu étais fort occupé, j'ai dû tout tenter pour la retenir.

-Comment as-tu réussi à la neutraliser ?

-Ne voulant pas user de la force, j'ai dû employer tes méthodes. J'ai commencé par l'embrasser.

Mark retint un hoquet de surprise.

-Ensuite ? demanda-t-il amusé.

Ray afficha un air gêné.

-Tu sais que les ingénieurs qui m'ont fabriqué m'ont doté d'organes génitaux extérieurement semblables à ceux des humains.

-Alors tu as..., s'exclama Mark en éclatant de rire.

-Pour le mode d'emploi, je n'ai eu qu'à me repasser les nombreux enregistrements de tes prouesses !

-Ne s'est-elle aperçue de rien ?

-Je ne sais ! Je peux seulement te dire qu'elle a eu les mêmes réactions qu'avec toi. Soupirs, gémissements et curieux mouvements convulsifs.

-Et toi ?

L'androïde devint songeur.

-J'ai senti un certain trouble dans mes circuits. Un peu comme s'ils étaient temporairement affaiblis et uniquement occupés à suivre les ondulations de la fille !

Mark réfléchit longuement devant cette nouvelle réaction du robot. Une fois de plus, il pensa qu'il valait mieux omettre de signaler ce genre de détail dans son rapport.

-Dès notre retour sur Terre, dit-il, je prétexterai le besoin d'effectuer un rapport encore plus détaillé et nous sortirons ensemble de la base. Je connais un coin où la mer est bleue et les filles peu farouches. Nous recommencerons cette expérience. Je parie que dans peu de temps, c'est toi qui me donneras des leçons !