CHAPITRE IV

Les deux voyageurs traversèrent lentement la ville. C'était une cité médiévale typique aux ruelles étroites bordées de maisons à un ou deux étages avec poutres et colombages apparents. Les rez-de-chaussée étaient souvent occupés par des ateliers d'artisan dont l'échoppe se prolongeait dans la rue. Ils croisèrent plusieurs hommes d'armes, circulant par groupes de quatre et portant tous sur leur cuirasse une tunique blanche marquée d'un cercle rouge. Devant les patrouilles, la population s'écartait peureusement.

Ray, qui enregistrait pour les archives du service toutes les scènes de la vie quotidienne, nota :

-II n'y a aucun changement avec les bandes filmées par nos prédécesseurs. Je crois que notre mission sera fort brève.

-Je ne suis pas de ton avis, rétorqua Mark qui, avant de partir, avait longuement examiné les documents d'archives. Tout paraît identique mais je perçois un changement d'atmosphère. Ces gens sont apparemment terrorisés par les représentants de cet Ordre. Il nous faudra chercher dans cette direction !

Ils parvinrent bientôt devant la cathédrale. C'était un élégant édifice à voûte romane. Une place, trop exiguë pour l'importance de la construction, prolongeait le parvis.

L'auberge annoncée par le paysan se signalait par une enseigne en fer forgé représentant un fauve stylisé. Le patron, un bonhomme rondouillard au front dégarni, les accueillit avec force amabilité.

-Soyez les bienvenus dans mon établissement, mes Seigneurs, dit-il en s'inclinant autant que sa panse replète le permettait. Désirez-vous dîner?

-Effectivement, aubergiste, mais nous voulons également une chambre pour plusieurs jours.

Le sourire du tavernier se figea imperceptiblement.

-Sans doute venez-vous assister aux tournois. Peut-être même souhaitez-vous y participer?

-Cela n'est pas impossible, répondit Marc intrigué.

-Les festivités attirent beaucoup de monde et les chambres sont rares et chères.

-Nous vous payerons, rassurez-vous.

-Je suis certain de votre grande adresse, mais les joutes sont souvent dangereuses et il n'est jamais certain qu'un chevalier, aussi courageux soit-il, puisse obtenir un prix. Vous pouvez même être gravement blessé, aussi je souhaiterais une petite avance sur le montant de votre note.

Mark plongea la main dans sa bourse et puisa quelques pièces d'or qu'il tendit à l'hôtelier. Ce dernier retrouva aussitôt un large sourire et s'inclina jusqu'à terre.

-Seigneur, je vous réserve ma meilleure chambre. En attendant que le dîner soit prêt, souhaitez-vous vous rafraîchir?

Il conduisit les deux voyageurs à une table près d'une fenêtre et héla sa servante.

-Magda, apporte vite un pichet de mon meilleur vin pour ces nobles seigneurs.

La fille revint rapidement et déposa sur la table une cruche de terre et deux gobelets d'étain. Elle était vêtue d'une jupe de toile descendant jusqu'à mi-mollet et d'un corsage blanc qui, largement échancré, dévoilait une poitrine ronde et orgueilleuse.

-Désirez-vous autre chose, seigneur ? demanda-t-elle en dévisageant Mark.

Elle paraissait avoir dix-sept ans environ, et avait un visage aux traits réguliers. Le jeune homme glissa une pièce d'or entre les deux seins et murmura :

-Ce soir, tu me porteras dans ma chambre un broc d'eau.

Elle fit une gracieuse révérence et un sourire étira ses lèvres charnues.

-Je termine mon service à dix heures, chuchota-t-elle, mais je ne vous oublierai pas !

Puis, conseillé par le patron, Mark commanda un repas solide auquel il fit honneur. Sur le plan gastronomique, il songeait souvent que la Terre aurait bien des leçons à prendre des civilisations anciennes. Par exemple, la volaille farcie qu'il dégustait était autrement agréable à avaler que les rations aseptisées protéinées et aux calories mesurées que distribuaient les robots-serveurs des restaurants de la métropole. Un incident toutefois troubla sa digestion.

La porte de l'auberge s'ouvrit violemment et quatre gardiens de l'Ordre s'avancèrent vers le comptoir où le patron blême et tremblant leur servit aussitôt un pichet de vin.

Les conversations s'étaient interrompues dans la salle où toutes les tables étaient pourtant occupées. Chaque dîneur baissait la tête et attendait. Soucieux de ne pas attirer l'attention, Mark et Ray les imitèrent.

Les soldats burent tranquillement leur vin dans un silence pesant puis ils se dirigèrent vers une table où deux jeunes gens dînaient. L'un d'eux hurla et voulut se lever, mais aussitôt un lourd coup de poing sur la nuque l'étourdit. Soutenu par son camarade, il quitta l'auberge en titubant, encadré par les hommes d'armes.

La porte refermée, les consommateurs reprirent aussitôt leur conversation comme si rien ne s'était passé! Le dîner terminé, l'aubergiste tint absolument à conduire lui-même Mark à son logement. C'était une vaste chambre au premier étage avec un petit cagibi attenant, garni d'une paillasse destinée à Ray.

-J'ai demandé à votre servante de me monter de l'eau chaude, dit Mark d'un ton négligent.

Le patron dissimula un sourire et répondit très sérieusement :

-Je veillerai à ce qu'elle n'oublie pas, seigneur !

Il laissa une chandelle allumée sur la table et s'éclipsa rapidement.

Mark enleva ses bottes, déposa son ceinturon sur la table et s'allongea sur le lit, plus confortable qu'il ne l'avait cru au premier abord.

-Pourquoi as-tu convoqué cette femelle? demanda Ray avec un soupçon de reproche dans la voix.

Mark éclata de rire.

-Pour le plaisir d'abord, pour obtenir des renseignements ensuite. Après l'amour, les femmes bavardent beaucoup plus volontiers et cela risque moins d'attirer l'attention. Reste dans ton coin, mais garde tes détecteurs en activité pour prévenir toute mauvaise surprise.

Ray inclina la tête en signe d'acquiescement et alla s'enfermer dans le cagibi. Mark, fatigué par cette première journée sur Tor, ferma les yeux et s'endormit.

Un grattement à la porte le réveilla deux heures plus tard. Il perçut en même temps l'appel de Ray.

-C'est bien la fille et elle est seule, confirma l'androïde.

Rassuré, Mark alla ouvrir. Magda entra, portant une grosse jarre d'eau fumante. Le jeune homme la débarrassa aussitôt de son fardeau et l'enlaça. Elle ne protesta que faiblement.

-Seigneur, votre eau va refroidir...

Mark ne la laissa pas poursuivre. Il l'embrassa fougueusement et dégrafa son corsage, puis il s'attaqua aux boutons de la jupe. Le corps fuselé de Magda émergea des oripeaux. Elle avait une taille mince, des cuisses fuselées et une poitrine ferme. Tandis que Mark se déshabillait, la servante, pratique, ouvrit le lit en gloussant.

Mark la saisit par la taille et ils basculèrent sur la couche où un tourbillon de plaisir ne tarda pas à les emporter. Mark n'était certainement pas le premier amant de Magda, mais la jeune femme manquait encore un peu d'expérience et le jeune homme sut lui faire découvrir des joies insoupçonnées.

Un instant, il crut être dépassé par l'incendie qu'il avait allumé, mais au contact de ce jeune corps avide, il trouva les ressources nécessaires.

Epuisée, Magda reposait serrée contre son amant : deux gouttes de sueur perlaient à sa lèvre supérieure.

-Pourquoi les gardes ont-ils appréhendé ces deux jeunes gens ce soir ?

Magda tressaillit mais la chaleur de la main de Mark la rassura aussitôt.

-Tous les jours, les gardiens de l'Ordre arrêtent des hommes et des femmes, surtout des jeunes.

-Mais pourquoi ?

-Certains sont revendus dès le lendemain sur le marché aux esclaves, les autres sont gardés et présentés à la fin de chaque mois devant le Temple de l'Ordre. S'il ne se présente pas d'adversaire pour se mesurer à un chevalier de l'Ordre, ils sont emmenés vers le Nord et on ne les revoit jamais.

Après une seconde de silence, elle reprit :

-Malheureusement, un chevalier de l'Ordre ne peut jamais être vaincu !

Elle se serra plus fort contre Mark et ajouta :

-D'où venez-vous, seigneur, pour ignorer tout cela?

-J'arrive d'un pays très lointain, au-delà des montagnes où l'Ordre est inconnu !

-Comment est-ce possible ? L'Ordre est source de toute vie et est éternel.

Elle réfléchit un moment et chuchota :

-Pourtant ma mère avant de mourir m'a affirmé que lorsqu'elle était jeune, l'Ordre n'existait pas!

Magda ne devait pas avoir de réponse à ce problème car la main de Mark courait légère sur son corps, insistant sur des régions particulièrement sensibles. La jeune fille ne savait plus très bien ce qui lui arrivait. Jamais encore, elle n'avait éprouvé de telles sensations. Le patron de l'auberge et les quelques clients qu'elle avait rencontrés se contentaient de la prendre et la renvoyaient dès qu'ils avaient trouvé leur plaisir !

Avec un gémissement, elle se laissa aller sur le dos, étreignant convulsivement son amant.