CHAPITRE XXIII
Les heures qui suivirent la libération du roi furent assez mouvementées. Les barons délivrés se regroupèrent dans la grande salle du château, n'ayant encore rien compris à ce qui leur était arrivé.
Vers la mi-journée, le roi encore chancelant et la princesse descendirent le grand escalier, soutenus par Kent et suivis de Mark. Un grand silence se fit dans la salle en voyant le roi épuisé et un nouveau grand Maître qui semblait tenir la situation en main. Les vassaux attendirent prudemment avant de choisir le camp de celui qui prendrait le pouvoir.
Péniblement, le roi s'assit sur son trône. Aussitôt Mark s'agenouilla devant lui et déclara :
-Bien que chevalier étranger, c'est à la suite de circonstances indépendantes de ma volonté que j'ai été nommé Maître suprême de l'Ordre par son fondateur. Je proclame devant tous vos barons mon entière soumission à votre autorité. Mon seul but est d'achever la dissolution de l'Ordre avec sa conséquence la plus funeste : l'esclavage. Je vous supplie donc de proclamer avec moi l'abolition immédiate de l'esclavage sur toutes vos terres,
-Qu'il en soit ainsi ! dit le roi. Dès ce soir, des messagers l'annonceront dans tout le royaume ainsi que la disparition de l'Ordre !
Mark se releva, ôta sa tunique et la disposa aux pieds du Roi.
-L'Ordre n'est plus ! J'ai déjà envoyé des chevaliers l'annoncer dans les dernières commanderies. Je vous demanderai seulement l'autorisation de partir demain matin pour regagner mon lointain pays.
Le roi, bien que mal remis de ses émotions, était assez fin politique pour apprécier la disparition d'un rival qui, s'il l'eût voulu, aurait très bien pu s'installer sur son trône sans aucune difficulté. Aussi répondit-il avec empressement :
-Il en sera fait comme vous le désirez et nous tenons à vous témoigner publiquement notre reconnaissance et notre amitié. Si vous désirez revenir, sachez que vous pourrez toujours considérer cette demeure comme la vôtre.
La princesse dévisagea Mark et ajouta :
-Pourquoi une telle hâte, chevalier? Ne désirez-vous pas rester encore quelques jours en notre compagnie ?
-Cela serait un très grand honneur pour moi, princesse, mais mon père se fait vieux et attend mon rapport avec impatience, répondit Mark en songeant au général Khov qui devait commencer à manifester une certaine nervosité.
Le roi se leva, cette fois profondément salué par ses vassaux, et se retira avec la princesse. Kent s'approcha de Mark.
-Est-il exact, ami, que vous désirez partir aussi vite?
-Ma besogne est terminée et il me faut regagner ma patrie. Je pense que votre bonheur est maintenant assuré !
Kent rougit brusquement.
-La princesse m'a laissé entendre qu'elle désirerait me voir chaque jour et le roi m'a chargé de la réorganisation de son armée en attendant de me nommer officiellement connétable.
-Félicitations, mon cher. Puisque vous jouissez d'un crédit certain dans ce palais, pouvez-vous m'obtenir un lit, car j'avoue être épuisé par notre chevauchée nocturne.
-Malgré son état, la princesse a pensé à ces détails. Il lui a semblé normal que vous occupiez les chambres du grand Maître qui jouxtent les appartements royaux.
-Vous la remercierez de cette attention, car je souhaite partir demain à l'aube. Et où comptez-vous passer la nuit ?
-En tant que connétable, je dispose d'une aile du château. Normalement, les cuisiniers devraient nous avoir préparé une collation. Accepteriez-vous de la partager avec moi ?
-Avec grand plaisir !
Ce repas fut rapidement expédié, car Kent était désireux de s'atteler au plus vite à sa tâche. Mark tint cependant à lui donner certains conseils.
-N'oubliez pas de faire proclamer dès demain l'abolition de l'esclavage. Vous rencontrerez à coup sûr une certaine mauvaise volonté de quelques féodaux qui avaient pris l'habitude de faire cultiver leur domaine à peu de frais. Les derniers chevaliers de l'Ordre ne devraient pas trop vous poser de problèmes. Toutefois, méfiez-vous et refusez tout défi chevaleresque. Leurs épées sont truquées et vous n'auriez aucune chance dans un combat loyal. Saisissez leurs armes et détruisez-les !
Ses dernières recommandations effectuées, Mark, toujours escorté de Ray, gagna les appartements du grand Maître. II se déshabilla rapidement et se glissa avec plaisir dans l'immense lit à baldaquin. Le grand Maître de Vork avait une notion très nette de son confort.
La chandelle soufflée, Mark s'apprêtait à prendre un repos bien mérité lorsqu'un bruit imperceptible le fit se redresser. Dans le noir complet, il resta immobile. Un glissement de pieds nus sur le dallage parvint à ses oreilles. Peu après, le drap fut soulevé et un corps se glissa contre le sien. Toujours immobile, Mark sentit soudain deux lèvres fraîches se plaquer sur les siennes. Ses mains explorèrent un corps jeune, aux seins fermes, aux fesses rebondies et aux cuisses fuselées. Comme par enchantement, sa fatigue s'envola et il enlaça la jeune femme qui s'offrait à lui.
Cette première étreinte fut passionnée, presque brutale. A l'instant de parachever sa conquête, Mark hésita un instant devant une certaine résistance car la fille semblait n'avoir jamais connu d'homme avant lui. Il n'eut pas à réfléchir plus longtemps, car ce fut elle qui se propulsa en avant lui ôtant toute initiative, tandis que deux bras nerveux l'enserraient énergiquement, l'emportant dans un tourbillon de plaisir.
Les heures qui suivirent furent particulièrement houleuses. Après chaque assaut, Mark, encouragé par sa compagne, retrouvait de nouvelles forces au tréfonds de lui-même et le jeu recommençait comme s'il ne devait jamais finir.
Enfin épuisés, les deux partenaires s'endormirent brutalement sur le lit ravagé de l'ancien grand Maître...