52
Dooku n’avait pas pris seul la fuite. Seules les gigantesques épaves des vaisseaux des Séparatistes et de la République chutant indolemment à la lumière des étoiles témoignaient encore de l’invasion de Tythe.
— Nous commencions tous à nous demander si vous alliez revenir, dit un chef d’équipe humain à l’adresse d’Obi-Wan et d’Anakin en guise de bienvenue dans la soute de lancement du croiseur d’assaut.
Obi-Wan descendit l’échelle fixée au cockpit du chasseur stellaire.
— Quand les Séparatistes ont-ils sauté ?
— Moins d’une heure en temps local. La déculottée qu’on leur a infligée a dû leur suffire.
Sautant sur le pont, Anakin lui adressa un rire méchant.
— Croyez-le si ça vous chante.
Le chef d’équipe fronça les sourcils d’incompréhension.
— Savez-vous quelle direction ils ont prise ? lui demanda aussitôt Obi-Wan.
Le chef se tourna face à lui.
— La plupart ont sauté en direction de la Bordure. Quelques-uns semblent avoir pris le chemin du système Nelvaan – à treize parsecs d’ici.
— Quels sont vos ordres ?
— Patienter. Pour tout vous dire, nous n’avons pas reçu la moindre communication en provenance de Coruscant depuis le début de la bataille.
Anakin prêta soudain une oreille beaucoup plus attentive aux remarques du chef d’équipe.
— Des interférences locales ? demanda Obi-Wan.
Leur interlocuteur paraissait en douter.
— Plusieurs autres groupes de combat nous ont rapporté rencontrer le même problème.
Anakin jeta à Obi-Wan un regard plein d’amertume ; il semblait sur le point d’exploser.
— Anakin, lui murmura Obi-Wan sur les talons.
Le jeune Jedi tourna sur lui-même.
— Nous avons eu tort de venir ici, Maître. J’ai eu tort de venir ici. Tout ceci n’était qu’un piège, et nous sommes tombés dedans. On nous a délibérément tenus éloignés de Coruscant. J’en ai la certitude.
Obi-Wan replia ses bras sur sa poitrine.
— Tu serais moins affirmatif si nous avions réussi à capturer Dooku.
— Mais nous n’y sommes pas parvenus, Maître. C’est la seule chose qui compte. Et à présent, les communications avec Coruscant qui sont coupées ? Vous ne comprenez vraiment pas, n’est-ce pas ?
Obi-Wan le fixa d’un regard prudent.
— Comprendre quoi, Anakin ?
Le jeune homme ouvrit la bouche pour parler, se ravisa, avant de se décider enfin :
— Vous auriez dû me laisser combattre. Vous n’auriez pas dû me laisser le temps de réfléchir.
Obi-Wan posa ses mains sur les épaules d’Anakin.
— Calme-toi.
Anakin se débarrassa de lui d’un geste brusque ; un feu nouveau brûlait dans ses yeux.
— Vous êtes mon meilleur ami. Dites-moi ce que je devrais faire. Oubliez un moment vos robes de Jedi et dites-moi quoi faire !
Piqué au vif par la gravité d’Anakin, Obi-Wan resta silencieux quelques instants avant de lui répondre :
— La Force est notre alliée, Anakin. Lorsque nous lui sommes attentifs, nos actes sont en accord avec sa volonté. Venir ici n’était pas une erreur. Nous n’en percevons pas encore la signification profonde, voilà tout.
Anakin baissa tristement la tête.
— Vous avez raison, Maître. Mon esprit n’est pas aussi rapide que mon sabre laser.
Il contempla sa main artificielle.
— Mon cœur, contrairement à ma main droite, n’est pas insensible à la douleur.
Obi-Wan avait l’impression qu’on lui avait noué les entrailles. Il avait déçu son apprenti, son ami le plus proche. Anakin souffrait, et le seul baume qu’il lui offrait se résumait à des platitudes Jedi. Son corps fut pris de violents soubresauts. Il allait parler quand le chef d’équipe les interrompit.
— Général Skywalker, quelque chose rend votre astromec très nerveux.
Obi-Wan et Anakin se précipitèrent en direction du chasseur stellaire.
— R2 ? cria Anakin avec inquiétude.
L’astromec klaxonnait, sifflait, chuintait.
— Il comprend le droïde ? demanda le chef d’équipe à Obi-Wan comme Anakin les dépassait.
— Ce droïde, lui répondit Anakin.
Anakin commença à escalader l’échelle du cockpit.
— Qu’est-ce qui se passe, R2 ? Qu’est-ce qui ne va pas ?
Le droïde siffla de plus belle.
Une fois dans le cockpit, Anakin appuya sur divers boutons. Obi-Wan venait d’atteindre la base de l’échelle lorsqu’il entendit la voix de Palpatine s’élever des haut-parleurs de l’habitacle.
— Anakin, si tu reçois ce message, j’ai urgemment besoin de ton aide…
Le comlink du chef d’équipe retentit.
Obi-Wan regardait successivement le technicien, puis Anakin.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il dans un souffle.
— Une communication sur bande étroite en provenance de Coruscant, lui répondit le chef, qui écouta quelques instants supplémentaires avant d’ajouter, manifestement incrédule : Général, les Séparatistes ont envahi la planète !
Obi-Wan le regarda bouche bée.
Au-dessus de lui, Anakin levait la tête en direction du haut plafond, un grondement sinistre aux lèvres. Lançant un regard furieux à Obi-Wan, il dit :
— Pourquoi le destin s’acharne-t-il sur les êtres qui me sont les plus chers ?
— Je…
— Chef d’équipe ! le coupa Anakin. Ravitaillez et réarmez nos chasseurs stellaires immédiatement !