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— Quand le Xi Charrien nous a parlé d’une opération minière sur un astéroïde, je ne m’imaginais pas un véritable astéroïde, dit Obi-Wan depuis le siège réservé au copilote du croiseur de la République.
— C’est TC-16 qui nous l’a dit, lui répondit Anakin. Peut-être a-t-il commis une erreur de traduction.
Le droïde protocolaire avait été envoyé sur Coruscant pour y subir un débriefing complet entre les mains du Renseignement de la République ; R2-D2 se trouvait sur Belderone, où des techniciens s’occupaient des dommages qu’il avait subis lors de la bataille qui y avait eu lieu. Obi-Wan et Anakin, qui s’étaient emparés du vieux vaisseau blanc, avaient échangé leurs robes Jedi contre des tenues plus crédibles pour des marchands spatiaux itinérants.
Nommée d’après la ceinture d’astéroïdes qui l’abritait, l’installation d’Escarte appartenait à la Guilde du Commerce. Elle orbitait entre deux géantes gazeuses massives dotées de lunes multiples dans un système solaire par ailleurs dénué de vie, à deux sauts hyperspatiaux de Belderone, sur la route commerciale Perlemienne en direction de la Bordure. Oblate lorsque les opérations minières avaient commencé vingt ans plus tôt, Escarte avait peu à peu pris la forme d’un hémisphère concave criblé de cratères par les forces de la nature et les gargantuesques droïdes ouvriers de la Guilde du Commerce. Une fois qu’elle eut extrait d’Escarte le moindre gramme de minerai que l’astéroïde recelait, la Guilde avait converti les vastes carrières, les tunnels et les puits en centres de traitement et d’administration de l’exploitation. Une technologie dernier cri de rayons tracteurs permettait à la Guilde de capturer de petits astéroïdes et de les conduire directement au cœur de l’installation, ce qui lui évitait d’avoir recours à des remorquages ou de procéder à une extraction sur site. À de nombreux égards, mais pour le minerai, Escarte était le pendant exact des installations d’extraction de gaz Tibanna qui flottaient dans la dense atmosphère de Bespin, bien loin de là.
Sise dans une région hostile, la ceinture était défendue par les corvettes de la Guilde du Commerce et par des appareils de patrouilles inspirés des chasseurs stellaires géonosiens. La République était néanmoins parvenue à introduire l’un de ses agents sur Escarte. Personne n’avait dit à Obi-Wan et Anakin quand ni même s’ils allaient entrer en contact avec lui, mais au moment de quitter Belderone, on les avait informés que Thaï K’sar – l’artisan Bith prétendument responsable de la conception du transceveur hyperspatial et de l’holoprojecteur de la mécanochaise de Gunray – avait été arrêté, pour des motifs à éclaircir.
Une sonnerie d’alerte s’éleva de la console d’instruments du croiseur.
— Escarte, dit Anakin. Ils nous demandent de nous identifier et de motiver notre demande.
— Nous sommes des marchands indépendants à la recherche d’un emploi, lui rappela Obi-Wan.
Anakin répéta ce discours sur le canal de communication.
— Croiseur corellien, lui répondit une voix rauque, mise à quai refusée. Escarte n’a actuellement aucun débouché. Vous suggère d’essayer Ansion ou Ord Mantell.
Le regard d’Obi-Wan se porta au-delà de la verrière. Une corvette s’était portée à leur niveau à tribord.
— Vecteurs d’interception, dit Anakin. Quelque instruction de dernière minute, Maître ?
— Oui : tenons-nous-en au plan. Nous faire arrêter reste notre meilleure chance de se rapprocher de K’sar.
Anakin sourit.
— Ça devrait pas poser de problèmes. Accrochez-vous.
Obi-Wan l’était déjà, ce qui lui permit de rester plus ou moins droit dans son siège quand Anakin déclencha les propulseurs et entama un virage serré – non pas loin de la corvette, mais dans sa direction.
Une nouvelle alerte monta de la console.
— Ils nous somment de décrocher, Anakin.
Anakin maintint la trajectoire du croiseur.
— Quelques figures, histoire de leur faire comprendre que nous n’apprécions pas d’être refoulés.
— Pas de lasers.
— Promis. On va juste les frôler.
Obi-Wan regardait la corvette grossir un peu plus à chaque seconde qui passait. La console hurlait désormais, passant sans cesse d’un niveau d’alerte au suivant. Un instant plus tard, deux faisceaux de turbolasers vinrent friser la proue du vaisseau.
Obi-Wan empoigna les accoudoirs de son siège.
— Ça ne les amuse pas, on dirait.
— Essayons encore.
Anakin abaissa le nez du croiseur pour gagner en vitesse. Il semblait résolu à se positionner directement en dessous de la corvette, mais au dernier moment il tira le manche à balai et lança le croiseur dans une succession de vrilles à pleine vitesse. Un tir en provenance des batteries avant de la corvette manqua de peu la queue du vaisseau.
— Tu en as assez fait pour nous rendre crédibles, commenta Obi-Wan. Stabilise le croiseur et signale-leur notre reddition.
— Maître, vous ne prenez pas notre devoir suffisamment au sérieux. Si je leur rends la tâche trop facile, ils nous soupçonneront de cacher quelque chose.
Obi-Wan vit deux appareils de patrouille rejoindre en hâte leur poursuivant. Cerné de toutes parts d’éclairs de lumières rouges, le croiseur effectua un éprouvant virage sur l’aile et prit la direction du cœur de la ceinture d’astéroïdes.
— La seule chose pire que d’être ton coéquipier, c’est d’être ton passager !
Anakin inclinait le vaisseau sur la tranche afin de serpenter à travers un amas de rochers quand un tir de laser toucha de plein fouet l’astéroïde le plus proche. Les débris engendrés par l’explosion se mirent à arroser les boucliers du croiseur, mais les écrans de la console vinrent confirmer l’intuition d’Obi-Wan qu’aucun ne l’avait endommagé.
Anakin s’agrippa de toutes ses forces au manche à balai et arracha un virage d’anthologie au croiseur. L’appareil de patrouille restait collé à ses basques, braquant pour déjouer la manœuvre de sa cible, mais Anakin referma ses propres virages pour forcer les chasseurs à décrocher. À peine le croiseur s’était-il réaligné que le jeune homme fit une brusque embardée qui rejeta les deux Jedi au fond de leurs sièges avant de les projeter en avant. Une fois qu’Anakin se fut redressé pour procéder à quelques réglages, le croiseur s’emballa une fois encore, pour aussitôt se figer, sujet à d’importantes vibrations.
Obi-Wan parcourut les écrans de visualisation.
— Nous avons été touchés ?
— Non.
— Un astéroïde ?
— Non plus.
— Ne me dis pas que tu es devenu raisonnable. Tu n’as quand même pas décidé de te rendre ?
Anakin lui adressa un regard immensément patient.
— Un rayon tracteur.
— Depuis Escarte ? Impossible. C’est bien trop loin.
— C’est aussi ce que je pensais.
Les mains d’Anakin se mirent à voler sur la console, éteignant certains instruments, en activant d’autres.
— N’essaie pas d’y résister, Anakin. Ce vaisseau ne le supportera pas.
Un frémissement caverneux en provenance des entrailles du croiseur vint confirmer ses dires.
Anakin serra la mâchoire, puis laissa ses mains retomber.
— Regarde le bon côté des choses, lui dit Obi-Wan tandis que leur vaisseau s’approchait inexorablement de l’installation minière. Au moins, tu les as forcés à nous conduire là où on voulait aller.
Le rayon tracteur avait déposé en douceur le croiseur dans un cratère minier faisant désormais office de dock. Sortis par la force de leur vaisseau, Obi-Wan et Anakin se tenaient au pied de la rampe d’embarquement, les mains sur la tête, entourés de Neimoidiens et de Gossams en uniforme. Une équipe de sécurité composée d’humains, de Géonosiens et de droïdes de combat marchait dans leur direction.
— L’accueil est moins chaleureux que sur Charros IV, remarqua Obi-Wan.
Anakin hocha imperceptiblement la tête.
— À vous faire regretter les Xi Charriens.
— Gardez les mains à découvert ! leur cria le chef humain du détachement de sécurité comme il posait le pied sur la plate-forme d’atterrissage. Et pas de gestes brusques !
— Quel acteur, sourit Anakin.
— Garde des traits d’esprit pour toi, le prévint Obi-Wan.
— Quel rabat-joie vous faites.
Blond, à la peau claire, l’officier de sécurité était aussi grand que Anakin, et plus large d’épaules. Un badge de la Guilde du Commerce attaché au col de son uniforme gris signalait son grade de capitaine de la Garde d’Escarte. Quand le détachement de sécurité se fut rapproché à trois mètres de la rampe d’embarquement, il lui ordonna de faire halte. À son signal, les Géonosiens se déployèrent en brandissant des blasters soniques à la bouche grande ouverte.
Le capitaine lorgna Obi-Wan et Anakin de haut en bas puis, mains derrière le dos, se mit à tourner autour d’eux. Les yeux fixés sur le vaisseau, il dit :
— Je n’en ai pas vu de semblables depuis un bon moment. Mais à en juger par ces canons modifiés, vous n’êtes sans doute pas des ambassadeurs de bonne volonté.
— Disons que nous avons dû nous adapter à l’époque, lui répondit Obi-Wan.
Le capitaine le menaça du regard.
— Qu’êtes-vous venu faire dans ce secteur ?
— Nous espérions trouver du travail en freelance, dit Anakin.
— On vous aura mal renseignés. Et pourquoi vous créer des problèmes en harcelant l’une de nos corvettes ?
— Vous vous êtes montrés franchement impolis – alors que tout ce que nous voulions, c’était nous présenter.
Le capitaine se retint de rire.
— Alors tout ceci n’a été qu’un malentendu ?
— Exactement, dit Obi-Wan.
Le capitaine secoua la tête d’amusement.
— Dans ce cas, nous nous ferons un plaisir de vous faire faire le tour du propriétaire – en commençant par le niveau des détenus ! (Il se tourna vers deux des humains du détachement.) Menottez-moi ces deux comédiens et fouillez-les, ça ne m’étonnerait pas qu’ils dissimulent des armes.
— Si nous nous acquittons d’une amende, vous nous laisserez repartir ? demanda Obi-Wan au moment où les menottes magnétiques se resserraient autour de ses poignets.
— Vous en parlerez au juge.
Une fois les suspects fouillés, les deux humains firent un pas en arrière.
— Pas d’arme.
Le capitaine hocha la tête.
— Un point pour eux. Fouillez le vaisseau et saisissez tous les objets de valeur. Et alertez le service de détention que nous avons deux clients pour eux. Tirant un blaster de son étui, il conduisit Obi-Wan et Anakin jusqu’aux turbo-ascenseurs.
Parmi les nombreux couloirs qui donnaient accès aux docks du cratère, certains étaient restés inchangés depuis l’époque où ils avaient servi de tunnels miniers, d’autres s’étaient vus renforcés par des panneaux de ferrobéton. Quant aux turbo-ascenseurs, la plupart avaient été logés dans d’anciens puits de mine.
Le capitaine indiqua un ascenseur inoccupé et suivit Obi-Wan et Anakin à l’intérieur. Lorsque deux Gossams se précipitèrent à sa suite, il leur fit signe d’en emprunter un autre. Une fois la porte refermée, il abaissa son arme et commença à parler avec une soudaine urgence.
— Il faut faire vite.
— Vous êtes Travale, lui dit Obi-Wan en faisant usage du code qu’on lui avait fourni.
— Les choses se sont compliquées pour le Bith. On l’a condamné à mort.
Les sourcils d’Anakin se rejoignirent.
— Pour quel motif ? Meurtre ?
— Une erreur de comptabilité.
— Ça semble un peu léger pour justifier la peine capitale, commenta Obi-Wan.
— Le système judiciaire d’Escarte prétend vouloir faire un exemple. Mais le chef d’accusation n’est évidemment qu’un prétexte. (Travale se tut un instant.) Ça pourrait bien avoir un rapport avec votre venue ici.
Travale n’en dit pas davantage, mais Obi-Wan hocha la tête en signe d’acquiescement.
— S’il s’attend à mourir, il ne va guère être enclin à nous parler.
— C’est bien mon avis, confirma Travale. Mais si vous parveniez à le faire s’échapper…
— Vous pourriez arranger ça ?
— On peut toujours essayer.
Le turbo-ascenseur s’immobilisa et la porte s’ouvrit dans un glissement.
— Bienvenue au niveau des détenus, dit Travale en les poussant dans l’antichambre. Les cinq non-humains renfrognés – des Aqualish Quara chauves arborant fièrement leurs défenses – qui s’activaient derrière une batterie de consoles disposées en demi-cercle portaient des uniformes de la Guide du Commerce ainsi que de lourdes armes de poing.
— Montrez la cellule 4-8-1-6 à nos deux invités, dit Travale au sergent qui se trouvait parmi eux.
— Elle est déjà occupée par le Bith – K’sar.
— Le malheur attire le malheur, se contenta de lui répondre Travale.
Après les avoir gratifiés d’une grimace, il reprit le chemin des turbo-ascenseurs. Émergeant de l’enceinte des écrans d’affichage, un Aqualish à quatre yeux conduisit Obi-Wan et Anakin jusqu’à un couloir étroit donnant sur les cellules de détention. Au bout d’une trentaine de mètres, il s’arrêta et composa un code sur le clavier tactile mural d’une porte tachée de sang, qui s’ouvrit en glissant.
Carrée et basse, elle ne comportait ni lit ni toilettes.
L’odeur était presque insupportable.
— Histoire de vous prévenir dit l’Aqualish en basic. La propreté du logement n’a d’égale que la qualité de la cuisine.
— Dans ce cas, espérons que nous serons libres avant le déjeuner, lui répondit Obi-Wan.
Thaï K’sar était recroquevillé dans un coin, ses longues mains menottées devant lui. Maigre même selon les critères Biths, il portait des habits en bon état et ne semblait pas avoir été blessé. Obi-Wan se rappela qu’il n’avait été arrêté que la veille.
K’sar leva les yeux, mais ne répondit pas au salut d’Obi-Wan.
— Mauvais, tout ça, dit Anakin d’une voix forte une fois la porte refermée. On a fait du bon boulot là-dehors.
Obi-Wan entra dans son jeu.
— Tu n’as rien arrangé en envoyant cette garde de sécurité au tapis.
— Elle l’avait bien cherché.
Anakin s’approcha d’un pas nonchalant de K’sar.
— Comment tu t’es retrouvé ici ?
Malgré sa surprise d’entendre un humain parler sa langue, K’sar demeura silencieux. À la seconde tentative d’Anakin, le Bith dit en basic :
— Ce ne sont pas vos affaires. Laissez-moi tranquille.
Anakin haussa les épaules, puis rejoignit Obi-Wan de l’autre côté de la cellule.
— Patience, lui dit simplement Obi-Wan.
Leurs dos appuyés contre le mur crasseux, les deux Jedi se laissèrent tomber au sol.
Moins d’une heure standard s’était écoulée quand ils entendirent des voix dans le couloir. La porte s’ouvrit dans un grincement, laissait apparaître Travale entouré de deux officiers de sécurité Aqualish qui sans un mot le saisirent par les bras et le projetèrent tête la première dans la cellule.
Obi-Wan le rattrapa avant qu’il ne percute le sol.
— Un autre imprévu, peut-être ?
Menotté, Travale semblait abasourdi.
— Ma couverture a sauté, dit-il doucement.
— Je ne comprends pas ce qui s’est passé.
Anakin lança un regard à Obi-Wan.
— Ce n’est pas une coïncidence.
— Quelqu’un en a après nous, trancha Obi-Wan.
— Et maintenant ?
— Avez-vous eu le temps d’organiser quoi que ce soit ? demanda Obi-Wan à Travale.
Celui-ci hocha la tête.
— Une panne de courant. Brève, mais bien suffisante pour vous laisser le temps de vous enfuir.
— Nous, le corrigea Anakin. Vous venez avec nous.
— Ça me va droit au cœur. (Il fronça soudain les sourcils.) J’espère ne pas m’être trompé en escomptant que vous seriez capables d’ouvrir cette porte… manuellement, je veux dire.
— Ça ne devrait pas poser de problèmes, le rassura Obi-Wan.
— Combien de temps nous reste-t-il avant la panne de courant ? demanda Anakin.
— Une heure. (Travale jeta un coup d’œil sur K’sar.) Qu’est-ce qu’on fait de lui ?
Anakin se releva et traversa la pièce.
— J’ai bien compris que le bavardage ne vous intéressait guère, mais nous pensons avoir trouvé le moyen de sortir d’ici. Ça vous dirait d’être des nôtres ?
Les yeux sans paupières du Bith s’agrandirent.
— Oui. Oui ! Merci.
— Tenez-vous prêt.
— Prenez le tunnel à gauche du poste de garde, expliquait Travale à Obi-Wan quand Anakin les rejoignit. Ensuite, prenez à gauche à chaque intersection jusqu’à ce vous ayez atteint un escalier ; il vous mènera jusqu’aux docks.
— Et vous ? demanda Anakin. Vous ne venez pas avec nous ?
— Quelqu’un doit désactiver le rayon tracteur, sinon votre vaisseau ne repartira pas. À deux niveaux d’ici, il y a une station de couplage électrique. J’en sais juste assez pour la neutraliser temporairement.
— Vous n’irez pas seul, dit Obi-Wan.
Anakin lui adressa un large sourire.
— Je crois que c’est votre tour…
Obi-Wan n’en disconvint pas.
— Ce qui signifie que K’sar part avec toi. Ne le perds pas de vue, Anakin.
D’un signe de la tête, Travale montra le couloir longeant les cellules.
— Il va aussi falloir s’occuper des gardes.
— Ne vous inquiétez pas pour ça, dit Anakin.
D’un coup sec, il écarta les mains pour se débarrasser de ses menottes. Obi-Wan en fit de même, puis s’occupa de celles de Travale.
Celui-ci arborait un large sourire.
— J’adore quand un plan se déroule sans accrocs.
Anakin et Obi-Wan se tenaient juste derrière la porte quand le dispositif d’éclairage crasseux de la cellule se mit à vaciller, avant de s’éteindre. Obi-Wan fit glisser ses mains latéralement dans l’air, et la porte se rétracta.
Travale secoua la tête d’émerveillement.
— Ça ne cessera jamais de m’étonner.
Anakin se tourna vers K’sar.
— Ne perdons pas de temps !
Tous quatre pénétrèrent dans une salle plongée dans l’obscurité.
— Le dispositif d’urgence ne devrait pas tarder à s’enclencher, leur dit Travale.
Ils pouvaient entendre devant eux les cinq gardes surexcités s’acharner sur leurs consoles. Anakin n’était qu’à mi-chemin de l’antichambre lorsque l’un d’eux apparut au bout de l’étroit couloir. Les immenses yeux des Aqualish leur permettaient de voir dans l’obscurité, contrairement aux Biths ou aux humains, même Jedi. Avant que le garde n’ait eu le temps d’appréhender la situation, son blaster volait déjà à travers le couloir en direction des mains d’Anakin. Usant de la Force, Obi-Wan renvoya l’Aqualish dans l’antichambre directement sur le mur de l’ascenseur.
Les autres gardes tentèrent aussitôt de s’extirper de leurs consoles éteintes pour contre-attaquer, mais Obi-Wan et Anakin étaient déjà sur eux, les gratifiant de coups de poing, de pied, les poussant grâce à la Force. Leurs corps volèrent à travers l’antichambre en se percutant l’un l’autre jusqu’aux écrans de visualisation. L’un d’eux parvint quand même à tirer, mais la décharge de blaster alla se perdre dans la pièce sans toucher qui que ce soit.
La rixe avait pris fin avant même d’avoir commencé, ou peu s’en fallait.
Baigné par la lumière rouge des lumières d’urgence, un K’sar ahuri balaya la scène du regard.
— Vous êtes des Jedi !
— Pas moi, lui répondit Travale.
— Mais… que faites-vous ici – sur Escarte ?
Avec le plus grand sérieux, Anakin posa l’index sur ses lèvres.
— Les affaires de la République. Puis il colla l’arme qu’il avait subtilisée au garde dans les mains de K’sar.
Ce dernier fixa le blaster du regard.
— Mais…
— Je n’en aurai pas besoin.
— C’est là que nous nous séparons, lui dit Travale. N’oubliez pas : prenez à gauche jusqu’à l’escalier.
— Où l’emmenez-vous ? demanda K’sar.
— Dock Trente-six.
Le Bith hocha la tête.
— Je sais comment y aller.
Travale gloussa.
— De mieux en mieux. Il se retourna vers Anakin. K’sar saura aussi comment aller au dock Quarante. Nous vous y attendrons. Le Contrôle d’Escarte ne va pas pouvoir remettre immédiatement en route le rayon tracteur, et vu la manière dont vous pilotez, vous ne devriez pas avoir de mal à échapper à leur patrouilleur. Bonne chance, en tout cas.
— Merci, même si je ne crois pas à la chance.
Alors que Travale et Obi-Wan partaient en courant, Anakin remarqua que l’un des turbo-ascenseurs descendait.
— Un détachement de sécurité qui vient voir ce que font les gardes, dit K’sar.
D’un hochement de tête Anakin désigna le sombre couloir qu’ils étaient supposés emprunter.
— Allons-y !
Les longues jambes de K’sar le propulsèrent en avant à la vitesse de l’éclair. Mais au lieu de prendre à gauche comme Travale le leur avait conseillé, il tourna à droite à la première intersection.
Anakin le rattrapa par les épaules et le retourna.
— Ce n’est pas le chemin qu’on nous a indiqué.
— Le capitaine est nouveau sur Escarte, lui répondit le Bith dans un souffle. J’y vis depuis quinze ans. Je connais ce rocher comme ma poche.
Anakin le considéra en silence.
— Faites-moi confiance, Jedi. Que gagnerais-je à vous mentir et à rester ici ?
Anakin se décida à le suivre. Plusieurs minutes de course les conduisirent jusqu’à un escalier branlant que K’sar n’hésita pas à monter.
— Je suis toujours curieux de savoir ce que vous avez fait pour vous retrouver derrière les barreaux, demanda derrière lui Anakin.
— J’aimerais moi aussi le savoir, répondit le Bith. D’après mon supérieur – un Gossam –, j’ai fait une erreur de comptabilité qui aurait coûté une petite fortune à la Guilde du Commerce.
— Vous avez toujours été exécutant ?
— J’ai commencé comme simple technicien – conception, installation, tout le toutim. Puis je suis monté en grade petit à petit.
— Vous m’en voyez ravi, mais vous avez choisi le mauvais camp dans cette guerre. Vous et toute votre espèce.
K’sar fit une pause pour reprendre son souffle.
— Clak’dor Sept n’a guère eu le choix, dit-il. Les Séparatistes offraient un libre accès aux routes hyperspatiales, de meilleures conditions pour nos échanges commerciaux, aucune ingérence… Pour ma part, je travaillais déjà pour la Guilde. Du jour au lendemain – juste après ce qui est arrivé sur Géonosis, en gros – la Guilde a abandonné le monde des affaires pour entrer en guerre contre la République. (Il leva les yeux.) À gauche en haut de l’escalier.
Anakin perçut une touche d’indécision dans sa voix.
— Vous semblez moins sûr de vous tout à coup.
— Je ne suis pas venu ici depuis longtemps, mais ça mène aux docks, j’en suis certain.
Les murs en pierre du couloir dans lequel ils couraient portaient les marques des gigantesques forages effectués sur Escarte. Les niveaux de lumière et d’oxygène étaient faibles, et les irrégularités du sol rendaient leur progression difficile. Anakin passa sa main droite autour de la taille du Bith pour l’aider à avancer.
— Attendez, attendez ! cria soudain K’sar.
— Un problème ?
Les yeux de K’sar s’emplirent d’effroi.
— Je me suis trompé ! Nous n’aurions pas dû passer par là !
Anakin l’empêcha de bouger.
— Trop tard pour faire demi-tour.
— Il le faut ! Vous ne comprenez pas…
Les derniers mots de K’sar se perdirent sous un fracas de servomoteurs et d’hydrauliques. D’un coude du sombre tunnel surgit un droïde araignée, ses longs canons blasters déjà déployés en quête de cibles.