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Également connus sous le redoutable nom de droïdes destroyers, les droïdekas étaient des machines à tuer à déploiement rapide produites par une espèce extraterrestre qui encourageait la destruction en toute occasion. Une combinaison de pure vitesse et de microrépulseurs séquencés permettait à ces droïdes à l’armure de bronzium de rouler comme des balles puis de se déployer en un clin d’œil en position de tir tripode, protégés par des boucliers individuels et armés d’une paire de blasters à haut rendement et double canon.
Comme leurs écrans étaient suffisamment puissants pour résister aux sabres laser, aux blasters et même aux tirs d’artillerie légère, la seule stratégie éprouvée face aux droïdekas se résumait à fuir.
En théorie, car la fuite était rarement possible.
Mais Anakin avait une autre idée.
— Demandez un tir d’appui à l’artillerie, ordonna-t-il à Cody, assez fort pour être entendu malgré les STAP et les décharges de DC-15.
— Immédiatement.
Cody était plus que désireux d’accéder à sa requête. Après tout, l’ordre émanait directement du « Héros sans peur », ainsi qu’on appelait parfois Anakin. « Le Héros de l’infini. » Il y avait néanmoins une chaîne de commandement à respecter, aussi Cody regarda-t-il en direction d’Obi-Wan pour obtenir confirmation.
Obi-Wan hocha la tête.
— Allez-y.
Le commando appela son spécialiste des communications, qui pataugea dans l’eau peu profonde pour le rejoindre et se coucher à ses côtés. Une fois les coordonnées requises établies, Cody ouvrit la fréquence de la Base de Support Aérien et parla à toute vitesse.
— Escouade 7 à BSA. Essuyons tir ininterrompu de STAP dans le secteur Jenth-Bacta-Ion, et allons subir l’assaut de droïdes destroyers déployés depuis la redoute. Demande soutien d’artillerie immédiat aux coordonnées accompagnant transmission. Recommande explosion à impulsion électromagnétique, suivie par un tir de barrage des SPHA-T.
— Les armes à impulsion ne font guère de distinction, fit remarquer Obi-Wan.
Cody haussa les épaules.
— C’est le seul moyen, Général.
— Dites-leur que nous avons un soldat blessé pour l’Uchimor, ajouta Anakin. L’abréviation d’Unité Chirurgicale Mobile de la République.
Cody relaya le message.
— Prévenez le pilote chargé de l’évacuation qu’il devra si-poser en pleine zone de combat. Nous lui indiquerons une zone d’atterrissage sécurisée avec des fumigènes ; nous y laisserons deux commandos pour lui porter assistance.
Le chef d’escouade adjoint exécuta une série de gestes de sa main droite. Une fois ceux-ci répétés de gré à gré, les commandos retirèrent leur casque et commencèrent à désactiver les systèmes électroniques contenus dans leurs armures.
Comme un seul clone, ils s’accroupirent dans l’eau fétide.
Un cri leur parvint du sud.
Puis une lumière blanche aussi flamboyante que l’éclat d’une nova, suivie deux secondes plus tard par un rugissement qui réduisit les tympans d’Obi-Wan en bouillie. Une onde de choc se répandit depuis les remparts sur le terrain à découvert qui les longeaient comme dans le verger déjà en proie aux flammes. Au-dessus de la tranchée, la moitié des droïdekas prématurément déployés commencèrent à dévaler la pente dans un fouillis d’armes et de membres. Derrière la tranchée, les STAP tombaient comme des pierres, plongeant du ciel dans les arbres en feu.
Les moissonneurs encore en vie se mirent à effectuer des cercles vertigineux, renversant leur précieuse cargaison.
À présent, une plainte infernale s’élevait du sud, tandis que l’artillerie pédestre de la République pointait ses lasers sur les droïdekas qui avaient survécu à l’arme à impulsion. Privé de boucliers et incapables de faire feu, ceux-ci fondaient comme de la cire dans le rayonnement d’énergie qui se déversait sur les pentes.
Toujours sans casque, Cody se tenait debout, faisant des signaux des deux mains.
Obi-Wan interpréta ses gestes : Comptez jusqu’à 60, puis partez à l’assaut de l’entrée du nid.
Il se força au calme en prévision de l’assaut.
Outre toute la confiance qu’ils mettaient dans les droïdes, leur amour immodéré de la haute technologie, leur lâcheté, leur cupidité et leur duplicité innées, les Neimoidiens avaient une faiblesse pour leur jeunesse – leurs sept années de formation en tant que larves, contraintes de se battre pour une nourriture limitée dans des ruches communautaires, découvrant très tôt les bénéfices à retirer de la fourberie et de l’égoïsme. Une fois adultes, ils considéraient les champignons dont ils s’étaient nourris lors de leurs premières années comme aussi précieux qu’au moment de leur éclosion ; comment s’étonner, dès lors, ces mêmes champignons ayant trouvé un accueil identique partout dans la galaxie, que ce fût à partir d’eux que les Neimoidiens évoluèrent jusqu’à une riche civilisation spatiale avec assez de vaisseaux pour attirer l’attention de la fameuse Fédération et, en fin de compte, assez de droïdes pour se mesurer à n’importe quelle armée.
Il aurait été naturel de supposer que ces champignons appréciés pour leurs vertus médicinales autant que pour leur valeur nutritionnelle – fussent d’une manière ou d’une autre concoctés à partir du feuillage manax ramassé par les moissonneurs. En fait, les feuilles et les branches ne fournissaient guère plus qu’un environnement de croissance. Les enzymes produites par les scarabées, associées aux conditions d’humidité à l’intérieur des froids terriers et des grottes qui leur servaient de nids, facilitaient la croissance rapide d’un produit qui ne demandait qu’un minimum de raffinage pour devenir agréable au goût.
Obi-Wan n’avait pas eu l’occasion, au cours des sièges de Deko et de Koru Neimoidia, de visiter une champignonnière, mais à peine en eut-il franchi le seuil que les briefings qu’il avait reçus plus de dix années standard auparavant lui revinrent en mémoire comme dans un flash.
Là se trouvaient les feuilles prémâchées, soigneusement rangées en couches successives ; des tas de branches et d’autres déchets ; les scarabées ouvriers ; des droïdes surveillants ; des convoyeurs et d’autres machines similaires utilisées pour le tri et le transport… Pas le moindre Neimoidien en vue, mais cela correspondait à leur doctrine frappant d’anathème l’idée même d’effort, quel qu’il fût. Dans les profonds recoins du tumulus, ignorées de la lumière solaire, les moisissures naissantes – des champignons d’un blanc maladif – recevaient des traitements d’agents de croissance naturels ou artificiels. Plus haut, dans ce qui constituait le sous-sol de la citadelle, le produit arrivé à maturation était sans doute consommé par des larves, ou conditionné pour être expédié.
Cody ordonna à l’escouade de sécuriser la zone. Ceux qui se trouvaient à l’arrière continuaient à essuyer des feux sporadiques des STAP, mais les pilotes droïdes ne pouvaient s’approcher de l’entrée à cause des cadavres de scarabées empilés à l’extérieur.
Le spécialiste médical de l’escouade 7 se précipita en direction d’Obi-Wan et d’Anakin.
— Général Skywalker, Général Kenobi, je vous conseille de garder vos respirateurs à portée de main. En principe, nous n’aurons pas à pénétrer plus avant dans le nid, mais il y a toujours un risque de tomber sur des spores aérobies dans d’autres zones.
Obi-Wan fronça les sourcils.
— Toxiques, Sergent ?
— Non, Général. Mais les spores sont connues pour avoir des effets négatifs sur le corps humain.
— À savoir ? demanda Anakin.
— D’ordinaire, on décrit cet effet comme étant « déconcertant », Général.
Obi-Wan lança un regard à Anakin.
— Eh bien, je suggère que nous suivions ses conseils.
Les doigts de sa main gauche manipulaient le petit respirateur à double réservoir dans une poche de sa ceinture utilitaire quand une décharge de blaster pénétra dans la grotte. Touchés en pleine poitrine, deux soldats s’écroulèrent coup sur coup.
Les tirs provenaient de l’entrée d’un étroit tunnel latéral qu’on pouvait fermer au moyen d’une porte haut placée. Anakin courait déjà en direction du tunnel, son sabre laser empoigné des deux mains retournant à l’envoyeur la plupart des décharges.
Obi-Wan exécuta un bond de côté, levant sa lame pour dévier les deux décharges qu’Anakin n’avait pu stopper. Il retourna la première à sa source ; quant à la seconde, il la détourna délibérément vers le bas. Frappant le sol tassé de la grotte, elle ricocha sur un mur, puis sur le plafond, sur l’autre mur, et à nouveau sur le sol, d’où elle fonça droit sur le panneau de contrôle de la porte du tunnel.
Le mécanisme rendit l’âme dans une pluie d’étincelles, et un morceau d’acier trempé tomba de sa cache murale pour sceller le tunnel dans un bruit sourd.
Une fois son sabre laser éteint, Anakin lui lança un regard élogieux par-dessus son épaule.
— Bien joué, Maître.
— C’est l’avantage de la Forme III, lui répondit Obi-Wan avec une nonchalance affectée. Tu devrais l’essayer, de temps en temps.
— Vous m’avez toujours surpassé en matière d’esquive, dit Anakin. Ma préférence va aux tactiques plus directes.
Obi-Wan roula des yeux.
— En tout cas tu maîtrises parfaitement l’euphémisme.
— Général Kenobi, intervint de l’autre côté de la grotte le spécialiste des communications. D’après les derniers rapports de reconnaissance, le vice-roi Gunray et sa cour se dirigent actuellement vers l’aire de lancement. Ils bénéficient de la protection de super-droïdes de combat, qui se rapprochent de notre position.
Anakin se tourna vers Obi-Wan.
— L’un de nous deux doit faire diversion.
— L’un de nous deux, répéta Obi-Wan. N’avons-nous pas déjà été confrontés à ce genre de situation ?
— Quelle formidable association, Maître. Vous éloignez les gardes du corps, et moi je capture Gunray. Ça nous a toujours réussi, non ?
Obi-Wan se pinça les lèvres.
— D’un certain point de vue, oui.
Anakin grogna.
— Parfait. Eh bien, c’est moi qui jouerai l’appât, cette fois.
— Ça n’est pas logique, répondit aussitôt Obi-Wan en secouant la tête. Il faut exploiter les points forts de chacun.
Anakin ne put retenir un sourire.
— Je savais bien que vous finiriez par vous rendre à la raison, Maître.
Il désigna quatre commandos.
— Vous venez avec moi.
— Mon Général ! répondirent-ils à l’unisson.
Obi-Wan, Cody et le reste de l’escouade 7 se mirent en route en direction des puits de turbo-ascenseurs. Ils n’avaient pas fait cinq mètres qu’Obi-Wan s’immobilisa et se retourna.
— Anakin, je sais que nous avons un compte à régler avec Gunray, mais n’en fais pas une affaire personnelle. Nous le voulons vivant !