SOUVIENS-TOI
Elle a laissé son enfance derrière elle comme une ancienne peau. Laissé les vieux lieux, les vieux noms, mausolée du Précieux Corps, colline de Pan, cap Lokhias, Phare, Port des Rois. Elle en a appris de nouveaux, voie Sacrée, Forum, Trastevere, roche Tarpéienne.
Avec d’autres fleurs, elle compose maintenant d’autres guirlandes pour d’autres dieux.
Les proverbes d’hier, grecs, égyptiens – « Les rayons du soleil illuminent la face de l’homme pieux » ou « Nul n’est parfait dans la main de Zeus » –, ont cédé la place à une sagesse plus terre à terre, des dictons prosaïques : « N’essaie pas de toucher le plafond avec tes pépins de raisin », « On ne prend pas le fromage à l’hameçon », « Une main lave l’autre », ou, plus universel, « Souviens-toi de te méfier ».
De tous les proverbes latins, c’est celui que Séléné connaît le mieux. Pas besoin de le lui rappeler, il la suit sans cesse, ronronne derrière elle comme un chat familier, « Souviens-toi de te méfier ».