CHAPITRE V
 
En route pour le lac Vert

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LE VOYAGE fut plein de charme. Les enfants s’arrêtaient dans les endroits les plus agréables, admiraient le paysage, se baignaient dans les lacs qu’ils rencontraient sur leur route. Dagobert semblait s’amuser autant que les enfants. Il sympathisait beaucoup avec Annibal, le petit cheval noir. Quelquefois, celui-ci hennissait pour réclamer Dago qui s’empressait d’accourir. Le cheval aimait surtout voir le chien trotter à côté de lui, dans les côtes. On eût dit que cela lui donnait du courage.

Annibal faisait également bon ménage avec Nestor, l’autre cheval. Quand on les dételait, le soir ils allaient toujours boire ensemble. Parfois, ils s’amusaient à se pousser du museau. « Cela fait déjà quatre jours que nous sommes partis, dit Annie un matin. Jamais nous n’avons été plus heureux ! Et puis, nous ne courrons pas de grands risques. François s’imagine être le responsable de l’équipe, mais en réalité c’est moi qui veille à tout ! Vous ne faites jamais vos lits, et je me demande comment vous mangeriez sans moi ! Vous vous nourririez uniquement de sandwiches, pour ne pas vous donner la peine de faire la cuisine !

— Ne te fâche pas ! dit Claude, qui se sentait coupable de laisser la majeure partie du travail à Annie.

— Je ne me fâche pas, dit Annie. D’ailleurs, ça m’amuse de prendre soin des roulottes.

— Tu es une gentille petite maîtresse de maison, dit François. Il est certain que, sans toi, tout irait de travers ! »

Annie rougit de plaisir. Elle versa dans les bols le chocolat crémeux qu’elle venait de préparer pour le petit déjeuner.

« Nous ne sommes plus très loin du lac Vert dit François. Voyons quelle distance il nous reste encore à parcourir. »

Quand toutes les têtes furent penchées sur la carte, François montra du doigt l’endroit où ils se trouvaient, puis le lac Vert, à une vingtaine de kilomètres de là.

« Nous y arriverons probablement demain, si la route n’est pas trop dure, dit-il. J’espère que nous y rencontrerons le cirque !

— Moi aussi, je l’espère bien ! dit Mick. Pancho sera heureux de nous faire connaître tout le monde et de nous montrer ce qu’il y a d’intéressant à voir dans son cirque, j’en suis sûr ! Peut-être aussi qu’il nous indiquera un bon emplacement pour camper.

— Nous saurons bien le trouver nous-mêmes, assura François. De toute façon, je ne tiens pas à être trop près des gens du cirque. Nous nous installerons un peu plus haut dans la montagne. L’air sera plus vif et la vue plus belle. »

Les trois autres approuvèrent. Pendant ce temps, Annibal cherchait Dagobert. Il le découvrit, couché sous la roulotte de Claude.

Dagobert, manifestement, ne voulait pas bouger. Alors Annibal se coucha aussi près de son ami qu’il le put. Le cheval paraissait ennuyé de ne pouvoir se glisser sous la roulotte.

Les enfants observaient son manège d’un œil amusé.

« Dagobert, viens donc avec nous ! appela Claude. Sors de là ! »

Dagobert s’extirpa de dessous la roulotte, et s’approcha des enfants, l’air quelque peu maussade. « Pas moyen de dormir tranquille ! » semblait-il dire.

Le petit cheval noir se leva aussi et suivit Dagobert. Celui-ci se coucha près des enfants. Annibal l’imita. Il s’installa bien près du chien, et lui donna quelques coups de tête amicaux. Dagobert n’appréciait qu’à demi ces marques d’amitié. Pourtant, comme il avait bon caractère, il répondit poliment en donnant à Annibal un grand coup de langue sur le nez. Après quoi il se roula en boule, bien décidé à achever son somme, en dépit de tout le monde.

Le jour suivant, les enfants regardèrent se dérouler le paysage fort joli, avec une impatience grandissante. Ils avaient hâte d’arriver au lac Vert. Mais la route montait d’une façon presque continue, ce qui fatiguait les chevaux. Dans la soirée, ils parvinrent à un village qui n’était plus qu’à quelques kilomètres du lac Vert.

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« Il est préférable de passer la nuit ici, et d’aller demain matin choisir un endroit convenable pour camper au-dessus du lac, décida François. Nous sommés tous fatigués, surtout Nestor et Annibal !

— Oui, mon capitaine ! dit Mick. Sortons du village et tâchons de trouver une ferme qui veuille bien nous accueillir.

— Justement, il y en a une, dans ce village, qui est indiquée sur le guide : la ferme du Petit Moulin, dit François. Demande donc où elle se trouve à cette femme qui vient chercher de l’eau à la fontaine. »

Dix minutes plus tard, les deux garçons se présentaient à la ferme du Petit Moulin. Une rivière traversait les prés. Au bord de l’eau se trouvait un vieux moulin délabré, mais pittoresque.

Le fermier accorda aux garçons la permission d’installer leurs roulottes dans un pré, en bordure de la rivière. Une jeune fille, rose et souriante — la fille du fermier — , leur vendit des œufs, du lait, de la crème et du lard. Elle leur offrit aussi des framboises de son jardin, à la condition qu’ils aillent les cueillir eux-mêmes.

« Merci beaucoup, mademoiselle, dit François. Savez-vous s’il y a un cirque qui campe par ici ? Quelque part près du lac Vert ?

— Oui, répondit la jeune fille. Il a traversé notre village la semaine dernière. Il vient camper ici tous les ans. Quand la caravane passe, avec les cages des animaux, c’est un événement, dans notre coin, vous pensez ! Tout le monde est dehors ! Une année, ils sont venus avec des lions. Je les entendais rugir la nuit. Ça me donnait la chair de poule !

— Il y a de quoi », murmura Mick rêveur.

Les garçons regagnèrent les roulottes, en évoquant les rugissements des lions dans la nuit…

Le lendemain matin, les roulottes prirent le chemin du lac Vert. C’était la dernière étape. Ils resteraient là-bas jusqu’à leur retour.

Les deux chevaux gravissaient lentement la route montante, aux virages nombreux. Soudain, Claude aperçut le lac… Ses eaux étaient d’un vert émeraude, surprenant, magnifique. Jamais elle n’avait vu un lac qui eût une si belle couleur !

« Oh ! s’écria-t-elle. Voici le lac Vert ! Comme c’est beau ! »

François et Mick, dans la roulotte de tête, restaient muets d’admiration.

« Dépêche-toi, François, cria Claude. J’ai hâte de le voir de près ! »

Ils prirent un chemin de terre, sur la droite, pour descendre au lac. Ils furent cahotés, mais ne songèrent nullement à s’en plaindre. Quand les roulottes furent rangées convenablement au bord du lac, les enfants sautèrent de leur siège et allèrent admirer les eaux scintillantes sous le grand soleil de juillet.

« Si nous prenions un bain ? proposa Annie.

— Il n’y a pas de pancarte interdisant la baignade, remarqua François. Alors, allons-y ! »

Tous quatre se précipitèrent dans leurs roulottes, enlevèrent leurs vêtements et mirent leurs maillots de bain. Ce fut vite fait ! Claude arriva la première au lac, suivie de près par les deux garçons et Annie…

L’eau était tiède au bord, et froide un peu plus loin, comme il arrive souvent lorsqu’un lac de montagne est assez profond. Ils en furent surpris, mais réagirent en nageant vigoureusement. Ils s’éclaboussèrent l’un l’autre en poussant des cris sauvages.

Quand ils se furent bien ébattus, ils s’étendirent sur le sable fin qui bordait le lac. Le soleil les sécha vite. Dès qu’ils eurent trop chaud, ils retournèrent dans l’eau, dont la fraîcheur leur fît pousser de joyeuses exclamations.

« Quelle chance ! Nous pourrons venir nous baigner tous les jours-ici ! » dit Mick.

Dagobert était de la partie, bien entendu, et s’amusait tout autant que les enfants. Il heurtait quelquefois ceux qui nageaient sur le dos. Maladresse ou taquinerie ? Claude se le demandait.

« Annibal veut venir aussi ! s’écria tout à coup François. Regardez-le ! Il va entrer dans l’eau avec sa roulotte si nous ne l’arrêtons pas… »

Tous nagèrent précipitamment vers le rivage ; ils arrivèrent juste à temps pour empêcher Annibal de prendre son bain avec la roulotte.

« C’est sa façon à lui de nous faire comprendre qu’il vaut mieux le dételer, dit Claude. Après tout, les chevaux aussi ont bien le droit d’aller se baigner ! »

Les deux chevaux, libérés, s’empressèrent de boire et de s’ébrouer dans le lac.

Pendant ce temps, les enfants s’installaient pour pique-niquer. Tout en dévorant à belles dents, ils firent des projets.

« Où peut bien être le cirque ? demanda Claude. Je ne vois rien autour du lac… »

Les enfants regardèrent de tous leurs yeux. Le lac était étroit et allongé. Il avait bien un kilomètre et demi de long. Tout là-bas, à la pointe extrême, le regard d’aigle de Claude finit par distinguer une volute de fumée qui s’élevait dans le ciel…

« Le camp doit être dans ce creux, de l’autre côté de la colline qui est en face de nous, dit-elle. Nous irons là-bas, et puis nous chercherons un endroit pour nous installer, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit François. Nous aurons le temps de bavarder avec Pancho et ensuite de trouver un bon emplacement pour camper avant la nuit. Je me demande ce que dira Pancho quand il nous verra.

— Je suis persuadée qu’il sera content ! » dit Annie.

Quand le repas fut terminé ils attelèrent les chevaux et se mirent en route pour le camp du cirque. Quelle aventure les attendait là-bas ?

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