CHAPITRE IX
 
Une rencontre désagréable

 

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C’ÉTAIT vraiment très amusant de s’installer dans cette gorge si commode. Les enfants dételèrent les chevaux et les conduisirent à la ferme. Le fermier accepta de les mettre dans un pré où il menait ses propres chevaux après la journée de labeur. François offrit alors de lui prêter Nestor et Annibal pour rentrer ses récoltes. Le fermier parut heureux de la proposition.

En revenant à la caverne, François dit à Mick :

« Le fermier est un brave homme qui doit bien traiter ses bêtes. Aussi, je ne suis pas inquiet pour nos chevaux. »

La gorge était bien exposée. Le sol rocheux se prolongeait en une sorte de terrasse qui parut très pratique aux enfants.

« Si nous prenions nos repas ici ? proposa Claude. Il y a de la place, et ce roc est assez uni pour que nos assiettes et nos verres y soient en équilibre. Nous ne renverserons rien !

— J’aperçois un peu de fumée là-bas, annonça Mick en désignant du doigt la pointe extrême du lac Vert. C’est là que campe le cirque ! Voyez ce canot sur le lac, comme il semble petit !

— Peut-être que Pancho est dedans, dit Annie. As-tu emporté tes jumelles, François ?

— Oui, je vais les chercher. »

Il entra dans la roulotte verte, fouilla dans les tiroirs et revint avec les jumelles.

« Les voilà ! » dit-il.

Quand il les eut ajustées à sa vue, il ajouta : « Je vois très nettement le canot. C’est bien notre ami Pancho qui est dedans. Mais qui est avec lui ? Mais c’est Bimbo ! »

Tout le monde voulut voir Pancho et Bimbo dans leur bateau. Les jumelles passèrent de main en main.

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« Nous pourrons dire à Pancho qu’il nous fasse signe de son bateau quand il voudra nous avertir que Lou et son oncle Carlos sont partis, dit Mick. Nous en profiterons pour visiter le camp ! »

Là journée fut chaude. Les enfants se trouvaient bien dans la montagne, où la brise les rafraîchissait de temps en temps. Ils pensaient que Pancho viendrait les voir le lendemain. Après le déjeuner, ils allèrent s’installer dans le bois de pins, où il faisait frais. Ils emportèrent quelques livres avec eux. Annie prépara une citronnade qui fut bien accueillie par tout le monde.

Au moment du goûter, François proposa : « Si nous allions au lac ce soir ? Nous n’avons guère bougé aujourd’hui. Pour ma part, j’aimerais bien marcher et nager un peu !

— Moi aussi ! » dit Claude.

Mick et Annie trouvaient agréable de paresser, à l’ombre du bois de pins, mais ils se montrèrent quand même disposés à suivre les deux autres.

« Il vaut mieux ne pas emmener Dagobert, poursuivit François. Si jamais il rencontrait Lou et Carlos, il se jetterait sur eux ! Imaginez que nous soyons dans l’eau à ce moment-là. Nous ne poumons pas l’en empêcher !

— C’est vrai, approuva Annie. Il gardera les roulottes en notre absence. »

Vers cinq heures, les enfants prirent leurs serviettes et leurs maillots de bain. Puis ils se mirent en route. Dagobert protesta à sa manière lorsqu’il comprit qu’il lui fallait rester sur place.

« Tu es de garde, Dago ! dit Claude. Tu veilleras sur nos roulottes !

— Ouah ! » répondit Dago.

De garde ! Claude ne savait-elle pas que les roulottes ne pouvaient partir toutes seules, et qu’il avait bien envie d’aller se promener, lui aussi ?

Pourtant, il obéit et regarda partir ses compagnons avec des yeux pleins de tristesse. Il pointa les oreilles pour entendre leurs voix le plus longtemps possible, puis il alla se coucher sous la roulotte de Claude.

Les enfants descendirent vers le lac par un chemin de traverse. Après dix minutes, le sentier devenant impraticable, ils furent obligés de reprendre la route. Et voilà que, dans un tournant, ils virent à quelques mètres d’eux, l’oncle de Pancho et son ami Lou !

« Restez groupés et continuez de marcher, dit François à voix basse. Faisons comme si Dago était quelque part derrière nous.

« Dagobert ! » appela Claude aussitôt.

Lou et Carlos semblaient, eux aussi, surpris de cette rencontre. Ils s’arrêtèrent et froncèrent les sourcils en voyant le petit groupe. Les enfants se hâtèrent de passer auprès d’eux et déjà s’éloignaient quand une voix retentit :

« Attendez une minute ! criait Carlos. Vous êtes encore par ici ? Je vous croyais partis plus loin ! »

Les enfants pressèrent le pas sans répondre, Carlos regarda autour de lui, et ne voyant pas Dagobert, courut après eux.

« Où sont vos roulottes ? Où campez-vous donc ? » demanda-t-il.

François se retourna.

« Je regrette, nous ne pouvons pas nous arrêter. Nous sommes pressés ! dit-il.

— Pourquoi ne voulez-vous pas répondre ? Nous ne vous ferons pas de mal. Nous voulons seulement savoir où vous campez. Vous seriez mieux en bas, en tout cas !

— Continuez à marcher, chuchota François. Pourquoi nous dit-il que ce serait mieux de camper en bas, alors qu’il nous a fait la comédie hier pour que nous partions en vitesse ? Il est fou !

— Dagobert ! » appela de nouveau Claude. Elle espérait qu’en l’entendant appeler son chien, Carlos cesserait de les poursuivre.

En effet, Carlos s’arrêta et s’en retourna, mécontent, vers Lou. Tous deux continuèrent leur route.

« Nous avons réussi à nous débarrasser d’eux, constata Mick. Tu as eu peur, Annie ? Allons, c’est fini, rassure-toi ! Je me demande ce qu’ils viennent chercher par ici. Ils n’ont pas l’air de gens qui se promènent pour leur plaisir !

— Mick, nous n’allons pas avoir encore une aventure ? soupira Annie d’un air accablé. J’espère que non. Je voudrais avoir de bonnes vacances sans histoire, pour une fois.

— Voyons, Annie, ce n’est pas parce que nous avons rencontré un clown et un acrobate de cirque que nous voilà partis pour une nouvelle aventure ! dit Mick. Pourtant, je le souhaiterais, moi ! Reconnais que tu aimes à te souvenir de nos aventures passées !

— Oui, Mick. Mais je n’aime pas les vivre. Ça peut mal tourner.

— C’est vrai que tu es une petite personne très calme, reconnut François en aidant sa sœur à franchir un passage difficile, dans le nouveau sentier qu’ils venaient d’emprunter. Mais enfin, je sais bien que tu n’aimerais pas que nous te laissions de côté lorsqu’il y a du danger.

— Je ne pourrais pas le supporter ! dit Annie. Nous voici presque arrivés au lac… »

Quelques minutes plus tard tout le monde plongeait dans les eaux vertes. Tout à coup, Pancho fit son apparition sur le bord du lac. Il criait :

« Attendez-moi ! J’arrive ! Lou et mon oncle sont partis je ne sais où. Quelle chance ! »

Flic et Flac accompagnaient Pancho, mais Bimbo, le chimpanzé, n’était pas là. Une fois dans l’eau, Pancho se mit à nager à peu près de la même façon que ses chiens. Arrivé près de Claude, il l’éclaboussa en poussant de joyeuses exclamations.

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« Arrête, Pancho ! Laisse-moi parler ! cria Claude. Nous avons rencontré ton oncle et son ami en descendant de la montagne.

— Tiens ! fit Pancho étonné. C’est drôle. Ils ne vont pourtant pas chercher du ravitaillement dans les fermes. Ce sont les femmes qui s’en chargent, tous les matins.

— Ils étaient plutôt surpris de nous voir ! dit François. Espérons qu’ils nous laisseront tranquilles, maintenant.

— Regardez ce que mon oncle m’a fait ! s’exclama Pancho, en montrant ses bras couverts de bleus. Il m’a battu à cause de vous. Il ne veut pas que je vous parle !

— Quelle brute ! s’exclama Mick, indigné. Pauvre Pancho ! Enfin, il me semble que tu ne l’écoutes pas beaucoup.

— Bien sûr que non ! reconnut Pancho en riant. Il est là-haut dans la montagne, pas vrai ? Alors, qu’est-ce que je risque ? Personne n’ira lui raconter ce que j’ai fait, car tous les gens du cirque le détestent, à part Lou…

— Nous t’avons aperçu dans ton canot avec Bimbo, dit François. Le jour où tu pourras nous faire visiter le camp, tu n’auras qu’à agiter un mouchoir ou n’importe quoi. Nous te verrons bien avec nos jumelles. Nous descendrons tout de suite.

— Entendu ! assura Pancho. Venez, on va faire un concours ! Je parie que je sors le premier de l’eau ! »

Malgré tous ses efforts, Pancho arriva le dernier sur le rivage, car il n’était pas très bon nageur. Même Annie allait plus vite que lui !

Ils se séchèrent tous vigoureusement.

« J’ai une faim de loup, maintenant ! dit François. Viens dîner avec nous, Pancho ! »

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