CHAPITRE XX
Un événement imprévu
LE CLUB des Cinq et son ami Pancho retournèrent donc sur leurs pas. Tout le monde était fort triste. Ils avançaient très péniblement, car cette fois il leur fallait remonter le courant. François frissonnait. En essayant de nager il avait complètement détrempé ses vêtements. Que le temps leur parut long !
Enfin, ils parvinrent à la caverne où ils avaient découvert la source.
« Courons pour nous réchauffer ! dit François. Je suis gelé. Mick, donne-moi l’un de tes pull-overs. Je suis obligé de me débarrasser des miens qui sont mouillés »
Les enfants se mirent à courir dans la caverne. Quand ils furent réchauffés, ils se laissèrent tomber, épuisés, sur le sable qui garnissait un coin de la caverne. Là, ils reprirent leur souffle.
Ils entendirent un léger bruit. Dagobert, qui écoutait depuis un moment, se mit à gronder sourdement.
« Dagobert nous avertit que quelqu’un approche ! » dit Pancho, qui devint blême.
Il était le plus peureux de tous les enfants, probablement à cause des frayeurs qu’il avait eues les jours précédents.
Tout le monde tendit l’oreille. Claude maintint Dagobert contre elle. On entendait quelqu’un haleter, et le bruit venait de la galerie où coulait la source !
« Qui arrive par là ? murmura Claude, ébahie. Qui a pu avoir l’idée de rentrer dans le souterrain en remontant la source ? Sûrement pas Lou ou Carlos, ils seraient passés par l’autre côté, c’est tellement plus facile !
— Attention ! il arrive ! dit François. Je vais éteindre ma lumière »
Les enfants, immobiles dans les ténèbres, écoutaient, angoissés. Le pauvre Pancho tremblait. Dagobert cessa de gronder, ce qui paraissait surprenant.
L’inconnu se rapprochait. On l’entendait respirer de plus en plus bruyamment. Annie se retint de crier…
François ralluma sa torche électrique. C’était Bimbo ! Un Bimbo au poil mouillé, si laid qu’il aurait paru comique, en d’autres circonstances. Tous les enfants l’entourèrent aussitôt, en poussant des cris de joie. Dagobert sauta autour du chimpanzé, et lui fit fête. Bimbo prit Pancho et Annie dans ses bras.
« Bimbo ! Tu t’es échappé ! Sans doute as-tu rongé ta corde jusqu’à ce qu’elle cède ! s’écria François. Il faut que tu sois très malin pour avoir trouvé ton chemin jusqu’à nous par la source ! »
Puis il vit la blessure que le pauvre Bimbo avait à la tête.
« Bimbo est blessé ! Ces brutes ont dû lui lancer une pierre ! ajouta-t-il, indigné.
— Il faut laver la plaie, dit Annie. J’ai un mouchoir propre… ! »
Mais Bimbo ne voulut laisser personne toucher sa blessure, même pas son petit ami Pancho. Il repoussa les enfants sans méchanceté, mais fermement.
« Ça ne fait rien, dit finalement Pancho. Les plaies des animaux guérissent souvent très vite, même sans soins.
— J’ai une idée ! lança soudain Mick. Je ne sais pas si elle est bonne, mais je vais quand même vous la dire !
— Qu’est-ce que c’est ? demandèrent les autres, intrigués.
— Si nous attachions une lettre au cou de Bimbo, et que nous l’envoyions la porter au camp ? proposa Mick. Puisqu’il a pu rentrer, il pourra sortir, je pense. Il n’ira pas trouver Lou ou Carlos, car il a peur d’eux. Les autres sont de braves gens. Larry est peut-être le meilleur. Il a vraiment l’air d’un brave garçon !
— Est-ce que Bimbo comprendra ce que nous voulons ? demanda François, sceptique.
— Peut-être bien, répondit Pancho. Je l’envoie quelquefois porter à Larry la raquette de l’éléphant, ou bien mettre ma veste dans la roulotte… Il ne se débrouille pas mal !
— Nous pouvons essayer, dit Mick. J’ai sur moi un crayon à bille et un carnet. Je vais écrire une lettre que j’envelopperai dans une autre feuille, et nous attacherons le tout au cou de Bimbo avec un lacet de soulier. » Mick écrivit donc :
Pour qui lira cette lettre : Venez vite sur la route qui monte au sommet de la montagne. À mi-chemin, près du bois de pins, il y a une caverne où sont garées deux roulottes. Sous la roulotte rouge se trouve l’entrée d’un passage souterrain. Nous sommes prisonniers dans ce souterrain. S’il vous plaît, venez vite nous délivrer !
FRANÇOIS, MICK, CLAUDE, ANNIE ET PANCHO.
Il lut sa lettre à haute voix. Puis il l’attacha au cou de Bimbo. Celui-ci fut surpris, mais, par chance, n’essaya pas de s’en débarrasser.
« Maintenant, donne-lui tes ordres ! » dit Mick à Pancho.
Pancho parla lentement et distinctement au chimpanzé, qui écoutait d’une oreille attentive.
« Où est Larry ? Va voir Larry, Bimbo. Va chercher Larry. Va ! »
Bimbo le regarda d’un air implorant. « Je veux rester avec toi ! » semblait-il dire.
Pancho répéta ses instructions.
« Tu as bien compris, Bimbo ? Alors va ! »
Bimbo s’éloigna. Les enfants l’accompagnèrent jusqu’à la galerie où coulait la source. Ils le regardèrent partir et l’éclairèrent aussi longtemps qu’ils le purent.
« Il est très intelligent, dit Annie. Et si gentil ! Il n’aime pas les souterrains et encore moins l’eau froide. Pour être venu te rejoindre, il faut qu’il te soit très attaché, Pancho. Il ne voulait pas s’en aller ! J’espère qu’il ira trouver Larry et que celui-ci viendra nous délivrer !
— Pourvu que la lettre ne soit pas trempée ! dit François. Peut-être se détachera-t-elle du cou de Bimbo… Ah ! Si seulement je n’avais pas si froid ! Courons encore un peu, et mangeons un morceau de chocolat ! »
Ils coururent et se poursuivirent un moment dans la caverne, puis ils s’assirent pour croquer leur chocolat. Dagobert se mit contre François, qui trouva que c’était là une excellente idée.
« Dago est comme une grosse bouillotte, dit-il. Approche-toi encore, mon bon chien. Tu me réchauffes bien ! »
Ce n’était pas gai, d’être assis dans cette caverne, éclairée par une seule torche électrique.
On eût dit que, déjà la lampe de François faiblissait. Les enfants jouèrent aux devinettes pour tromper leur attente, mais bientôt ils bâillèrent.
«Quelle heure est-il ? demanda Annie. Il doit faire noir dehors maintenant. J’ai sommeil !
— Il est neuf heures, répondit François. Si Bimbo a pu amener la lettre au camp, nous devrions bientôt être délivrés.
— Alors, il vaut mieux nous rapprocher de l’entrée du souterrain », dit Mick en se levant.
Les enfants regagnèrent la grande caverne phosphorescente. Près du trou qui conduisait à la première petite grotte située en dessous, il y avait un coin avec du sable. Ils décidèrent de demeurer là, plutôt que dans le passage ou dans la petite grotte inconfortable. Ils se serrèrent tous les uns contre les autres, pour avoir moins froid. La faim commençait à se faire sentir.
Au bout d’un quart d’heure, Annie et Pancho somnolèrent. Claude luttait contre le sommeil. Mais les deux frères restèrent bien éveillés, et se mirent à parler à voix basse. Dagobert, qui veillait, lui aussi, semblait vouloir prendre part à la conversation.
Deux heures s’écoulèrent ainsi. Tout à coup, Dagobert pointa les oreilles et gronda. François et Mick secouèrent les dormeurs.
« Je crois qu’on vient nous délivrer, dit-il. Mais il vaut mieux attendre ici, pour le cas ou il s’agirait de Lou et de Carlos ! Alors, réveillez-vous et tenez-vous prêts à tout ! »
Pancho et les deux filles eurent tôt fait de reprendre leurs esprits. Étaient-ce les redoutables voleurs qui revenaient ou bien Larry qui répondait à leur appel ?
Ils furent vite fixés ! Une tête surgit du trou et aussitôt une lumière violente leur fit fermer les yeux. Dagobert gronda furieusement et voulut s’élancer, mais Claude le retint, pensant qu’il pouvait s’agir de Larry.
Malheureusement, c’était Lou, l’acrobate ! Les enfants reconnurent sa voix rude avant que François ne l’éclairât.
« J’espère que vous vous êtes bien amusés ! disait Lou. Tenez bien votre chien, ou je tire dessus ! Regardez le beau fusil que j’ai apporté ! »
Claude, horrifiée, le vit pointer son fusil sur Dago. Elle serra son chien contre elle.
« Gare à vous, si vous tirez sur Dagobert ! » s’écria-t-elle sans réfléchir.
Lou répondit par un rire sardonique. Dagobert, qui ne savait pas le mal que peut faire un fusil, ne comprenait pas pourquoi Claude l’empêchait de sauter sur leur ennemi. Pourtant celui-ci se trouvait dans une bonne position, avec sa tête qui dépassait du trou ! Dagobert était persuadé qu’il aurait tout de suite raison de cette tête-là si on le laissait libre…
Lou sauta dans la caverne et ordonna :
« Allez tous vers la galerie du fond. Marchez devant moi. Nous avons du travail à faire ici, et ce n’est pas vous qui nous en empêcherez ! »
Les enfants se dirigèrent vers l’ouverture dans la paroi et grimpèrent dedans. Claude d’abord, avec Dagobert, qu’elle n’avait pas lâché.
Quand les enfants furent tous entrés dans le passage, Lou les rejoignit, puis Carlos, qui portait des sacs vides.
Ils passèrent devant la cachette des voleurs.
« Halte ! » cria Lou un peu plus loin.
Il s’assit, éclairant les enfants d’une main, de l’autre braquant son fusil sur Dagobert.
« Vas-y, Carlos ! dit-il. Tu sais ce qu’il faut faire ! »
Carlos jeta dans un sac les écrins et les objets précieux, pêle-mêle. Quand le sac fut plein, il le chargea sur son dos et s’éloigna. Dix minutes plus tard, il revint et remplit un second sac. De toute évidence, les deux hommes avaient l’intention de tout emporter, cette fois.
« Vous aviez fait une découverte intéressante, pas vrai, les gosses ? dit Lou, moqueur. Oh ! Vous avez été malins ! Seulement, il arrive souvent des ennuis aux enfants trop curieux. Vous êtes prisonniers, maintenant. Oui, vous allez rester ici pendant deux ou trois jours !
—Que voulez-vous dire ? s’écria François. Vous n’allez pas nous laisser mourir de faim ici ?
— Non, mes agneaux, nous vous aimons trop pour vous faire une chose pareille ! dit Lou, qui paraissait s’amuser beaucoup de l’effroi des pauvres enfants. Nous vous enverrons de quoi manger avant de refermer l’entrée du souterrain. Et peut-être que dans deux ou trois jours quelqu’un viendra vous délivrer ! »
François souhaita désespérément que Bimbo revînt avec de l’aide avant que Carlos et Lou n’eussent quitté les lieux. Il observa Carlos qui travaillait fiévreusement, entassant des objets dans son grand sac, le portant au-dehors et revenant remplir un autre sac…
Alors que Carlos s’éloignait, lourdement chargé, pour, la troisième fois, un grand cri retentit soudain dans le passage :
« Lou ! Au secours ! On m’attaque ? »
Lou eut un instant d’hésitation, puis il se dirigea vers l’entrée du souterrain.
« C’est Bimbo, j’en suis sûr ! » s’écria François, qui se mit à sauter de joie.