CHAPITRE XI
 
Au camp du cirque

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LE LENDEMAIN matin, après le petit déjeuner, Mick alla jusqu’à la ferme pour y faire quelques achats. Pendant ce temps, François observa le lac avec ses jumelles. Il attendait l’apparition de Pancho dans son bateau.

Quand Mick revint, chargé de deux paniers bien pleins, François lui dit :

« Viens voir ! Pancho est là, dans son bateau ! Il agite quelque chose qui semble vraiment trop grand pour être un mouchoir. On dirait plutôt un drap de lit !

— Pancho ne dort pas dans des draps, fit remarquer Annie. Quand il a vu les nôtres, sur les couchettes, il ne savait pas ce que c’était ! Peut-être est-ce une nappe ?

— Une nappe ! S’il n’a pas de draps, tu crois qu’il a des nappes ? dit Mick en riant.

— En tout cas, conclut François, cela veut dire que nous pouvons descendre au camp. Êtes-vous prêts ?

— Pas tout à fait, répondit Annie qui déballait les provisions contenues dans les paniers. Il faut que je range tout ça… Ah ! Regardez comme la fermière nous a gâtés !

— Oui, il y a du jambon et du pâté de lapin préparés à la ferme, des laitues et des radis du jardin, une galette… énuméra Mick.

— C’est, magnifique ! s’exclama Annie. Voulez-vous que nous emmenions de quoi pique-niquer ?

— Oui ! » crièrent trois voix.

Un quart d’heure plus tard, tout était prêt.

« Est-ce que nous emmenons Dagobert ? demanda Claude. Je le voudrais bien, mais Lou et Carlos paraissent s’intéresser un peu trop à nos roulottes. Si jamais nous les trouvions pillées, en revenant…

— Ce serait très ennuyeux, compléta Mick, Ces roulottes ne nous appartiennent pas ; donc nous devons en prendre soin plus encore que si elles étaient à nous. Je pense que nous devons laisser Dagobert ici, n’est-ce pas, François ?

— Sûrement, dit François sans hésitation. Nous allons fermer les voitures à clef, et Dagobert les gardera. Pauvre Dago ! Il ne sera pas content ! »

Quand il comprit ce qu’on attendait de lui, Dagobert prit un air malheureux, à fendre le cœur. On le laissait là, encore une fois ? Il lui fallait passer des heures à côté de ces petites maisons sur roues ?

Les enfants le caressèrent avant de partir. Cette fois, Dagobert manifesta sa mauvaise humeur en leur tournant résolument le dos. Tandis que le petit groupe s’éloignait, il ne le suivit pas du regard, comme il le faisait d’ordinaire.

« Il boude », constata Claude, navrée de faire de la peine à son chien.

Les enfants dévalèrent le sentier. Ils furent bien vite arrivés au bord du lac. Ils y trouvèrent Pancho, Bimbo et les deux fox-terriers.

Pancho courut au-devant d’eux.

« Vous m’avez bien vu, de là-haut ?

— Oui, répondit Annie, mais qu’est-ce que tu agitais donc ?

— Une chemise de mon oncle. J’ai pensé qu’il valait mieux prendre quelque chose de grand, qui se voie de loin.

— Alors, ton oncle est toujours dans de bonnes dispositions ? demanda François.

— Oui, répondit Pancho. Il m’a dit de vous montrer tous les animaux de notre cirque et tout ce qu’il vous plaira ! Profitons-en ! La bonne humeur de mon oncle Carlos ne dure jamais longtemps !

— Où pouvons-nous mettre les maillots et les paniers de pique-nique pendant que nous visitons le camp ? demanda Annie. Il faudrait un endroit frais, si possible.

—Mettez-les dans ma roulotte », dit Pancho.

Il les conduisit à une roulotte violemment bariolée, que les quatre enfants reconnurent pour l’avoir vue passer devant leur maison une semaine plus tôt.

Ils jetèrent un coup d’œil à l’intérieur. C’était sale, en désordre… Annie surtout en fut scandalisée. Elle trouvait que cela sentait mauvais et elle répugnait à poser ses paniers dans cet endroit. Pourtant, elle le fit, pour ne pas froisser Pancho.

« Bien sûr, ma roulotte n’est pas si belle que les vôtres, dit Pancho, comme pour s’excuser. Maintenant, venez voir les animaux ! Si on commençait par l’éléphant ? »

Les autres ne demandaient pas mieux.

L’éléphant était attaché à un arbre. Il enroula sa trompe autour de la taille de Pancho.

« Alors, Titan, est-ce que tu veux prendre un bain dans le lac ? » lui demanda Pancho.

L’éléphant répondit par un barrissement qui fit sursauter les visiteurs.

« Je t’y emmènerai plus tard, promit Pancho. Allez, hop ! »

À ces mots, l’éléphant resserra l’étreinte de sa trompe, enleva Pancho dans les airs et le plaça gentiment sur sa grosse tête…

« Ah ! Il ne t’a pas fait mal ? demanda Annie, inquiète.

— Mais non, voyons, dit Pancho. Titan ne fait jamais de mal à personne. N’est-ce pas, mon gros ? »

Un homme de petite taille s’avança en souriant.

« Bonjour ! dit-il. Que pensez-vous de Titan ? Aimeriez-vous le voir jouer au tennis ?

— Oui ! » s’écrièrent les enfants.

Le petit homme tendit une raquette à l’éléphant qui la prit avec sa trompe. Pancho se laissa glisser souplement de la tête de l’animal jusqu’à terre.

« Laisse-moi jouer avec lui, Marco ! » demanda-t-il.

Le petit homme lui tendit la seconde raquette et une balle. Pancho prit du recul et lança la balle à l’éléphant, qui la lui renvoya avec adresse.

« Oh ! je voudrais essayer aussi ! » s’écria Mick, transporté.

Chacun des enfants voulut jouer au tennis avec Titan. Ils s’amusèrent comme des fous. Leurs rires attirèrent une douzaine de marmots, qui sortirent de leurs roulottes et s’approchèrent du groupe. Ils avaient de grands yeux noirs et d’épaisses toisons bouclées, qui semblaient n’avoir jamais connu le peigne. Dès que François leur adressa la parole, ils s’enfuirent comme une volée de moineaux !

Bimbo s’agitait dans sa cage et faisait entendre des sons plaintifs. Pancho alla le délivrer.

Le premier réflexe du chimpanzé fut de tirer les cheveux de Claude. Puis il se cacha la face dans les mains, feignant une confusion qui fit rire même sa victime.

« Reste tranquille ou je te remets dans ta cage ! » lui dit Pancho sévèrement.

Ils allèrent voir les chiens savants. Pancho les libéra tous. Il y avait parmi eux une majorité de fox-terriers. Le reste n’était pas de race bien définie. Très vifs, soignés, le poil brillant, ils entourèrent Pancho et lui firent fête. On voyait qu’ils avaient confiance en lui et l’aimaient.

« Ils savent jouer au football ! dit fièrement Pancho. Vous allez voir ça ! Flic, va chercher le ballon ! »

Flic s’élança, ventre à terre, vers la roulotte de Pancho. La porte en était fermée. Le petit chien ne s’embarrassa pas pour si peu. Il se mit sur ses pattes de derrière et fit fonctionner la poignée d’un coup de museau ! La porte s’ouvrit et Flic entra. Il ne tarda pas à reparaître, poussant devant lui un ballon, qui rebondit sur les marches de la voiture et roula sur l’herbe.

Tous les chiens se précipitèrent dessus en jappant à qui mieux-mieux. Ils poussaient le ballon par petits coups successifs d’un côté et de l’autre. Pancho, les jambes écartées, leur servait de but.

Flic et Flac devaient marquer les buts alors que les autres chiens cherchaient à les en empêcher. C’était là un jeu fort amusant à observer. Mais Bimbo mourait d’envie de faire une farce aux chiens. Il savait qu’il lui était défendu d’intervenir dans leur partie. Alors, il attendait une occasion… Elle vint lorsque Flac, s’enroulant littéralement autour du ballon, réussit à le projeter avec force entre les jambes de Pancho. Le ballon roula près du chimpanzé. Celui-ci s’en empara aussitôt et s’enfuit avec.

« Bimbo ! Veux-tu revenir ! » cria Pancho.

Tous les chiens se mirent à courir après le singe, en jappant éperdument. Ils étaient furieux d’être ainsi interrompus dans leur partie ! Bimbo sauta sur le toit d’une roulotte et se mit à jouer avec le ballon, tout en regardant les chiens d’un air moqueur.

Pancho dut monter sur le toit de la roulotte pour reprendre le ballon à Bimbo. Celui-ci, lorsqu’il vit Pancho surgir auprès de lui, posa le ballon en équilibre sur la cheminée et se dépêcha de sauter de l’autre côté…

Les quatre visiteurs riaient à perdre haleine. Quand ils furent calmés, Pancho leur proposa de leur montrer les chevaux.

Non loin de là, dans un pré, un grand jeune homme que Pancho salua du nom de Rossy faisait travailler une dizaine de chevaux arabes, au poil brillant. Rossy les montait sans selle, tour à tour. Les chevaux lui obéissaient remarquablement.

« Est-ce que tu veux bien me laisser monter Reine d’Afrique ? » demanda Pancho qui en mourait d’envie.

Le jeune homme parut hésiter.

« C’est bon, vas-y ! » dit-il finalement.

Alors Pancho sauta sur une belle jument noire. Tandis qu’elle trottait autour du pré, il se mit debout sur son dos.

« Il va tomber ! » cria Annie. Mais Pancho se tenait parfaitement en équilibre. Tout à coup, il se mit sur les mains, les jambes en l’air, et resta un bon moment dans cette position périlleuse, tandis que Reine d’Afrique continuait sa course.

« Bien ! dit Rossy. Maintenant, essaie Furie ! »

Furie était plus petite que Reine d’Afrique, mais elle paraissait fort nerveuse, et ses yeux brillants trahissaient une nature difficile. Pancho courut à elle et sauta sur son dos. Elle se cabra, hennit, tenta de le jeter à terre. Mais Pancho tenait bon. Après quelques tentatives pour se débarrasser de son cavalier, Furie se mit à trotter dans le pré. Puis elle prit le galop, et soudain s’arrêta net, tête baissée, espérant envoyer Pancho rouler dans l’herbe !

Mais Pancho s’attendait à cette ruse. Il se rejeta en arrière au bon moment.

« Parfait ! cria Rossy, enthousiasmé. Elle te mangera bientôt dans la main » Pancho !

— C’est formidable ! dit Annie. Oh ! Pancho, comme je voudrais pouvoir en faire autant ! »

Pancho sauta à terre, radieux. Il était content de montrer ses talents à des enfants si distingués, si instruits. Du regard, il chercha Bimbo.

« Où est donc mon singe ? dit-il » un peu inquiet. Il faut le retrouver ! On ne peut pas le laisser seul deux minutes sans qu’il fasse des bêtises… »