CHAPITRE XXI
Mick a une idée formidable !
« TIENS-TOI tranquille, et écoute-moi, lui dit Mick. C’est peut-être Bimbo tout seul qui attaque Carlos en ce moment. Dans ce cas, le malheureux singe va se faire tuer par Lou. Et nous resterons enfermés ici ! Il est possible que Bimbo, au lieu de retourner au camp, ait erré dans les parages, et qu’il se soit introduit ici derrière Carlos. Je vais profiter de la bagarre pour me glisser dans la grotte phosphorescente.
— Qu’est-ce que ça nous donnera ? demanda François.
— Tu ne vois pas, non ? De là, je gagnerai la sortie sans être vu et j’irai chercher du secours… Tâchez de trouver un endroit où vous puissiez vous cacher en attendant. Si les bandits s’aperçoivent que l’un de nous manque à l’appel, ça ira mal ! Je vais faire vite… »
Sans attendre de réponse, Mick s’éloigna en direction de l’immense grotte phosphorescente.
Là, il entendit une rumeur confuse, car Bimbo avait réussi à attraper les deux voleurs ! Leurs lumières s’étaient éteintes, et Lou n’osait pas tirer, de peur de blesser Carlos. Mick devinait cela, d’après les cris étouffés qu’il entendait. Il se hâta, sans bruit, en s’appuyant contre la paroi, et arriva à l’endroit où il croyait retrouver le trou qui conduisait dans la première petite grotte. Il tâtonna un moment, gêné par la crainte de tomber. Enfin, il trouva l’issue et descendit en s’appuyant sur les crampons. Là, il estima qu’il pouvait se servir de sa torche électrique pour éclairer le passage, et trouver la sortie.
Bientôt, il fut à l’air libre. Il allait prendre son élan et courir chercher du secours lorsqu’il se ravisa.
Avant qu’il ne revînt avec du renfort, les deux voleurs seraient partis ! Ils avaient décidé de fuir, avec les objets volés. Il n’y avait aucun doute là-dessus.
S’il remettait les planches sur l’ouverture, et posait de grosses pierres dessus ? Il n’était pas assez fort pour pousser seul la roulotte, mais des pierres rendraient le même service…
Mick se mit fébrilement au travail. Quand les planches furent alignées, Mick, tout essoufflé, éclaira les parages. Non loin de là, il vit ce qu’il cherchait : des fragments de roc, détachés de la montagne. Il ne put les soulever mais réussit à les faire rouler. Boum ! Boum ! L’un après l’autre, ils vinrent s’immobiliser sur les planches, les bloquant complètement.
« J’ai enfermé François, les filles et Pancho avec les voleurs, pensa Mick. C’est risqué ! Enfin, j’ai confiance : François trouvera bien, un endroit sûr pour se cacher avec les autres… Maintenant, courons ! »
Dans le souterrain, les deux hommes avaient réussi à échapper au chimpanzé, après avoir été mordus et maltraités… Bimbo, affaibli par sa blessure, s’était finalement laissé repousser.
Grâce à son flair, il se dirigea sans hésiter vers l’endroit où se trouvaient les enfants.
Lou l’aurait certainement tué s’il avait pu ramasser assez vite son fusil qu’il avait lâché dans la bagarre. Il tâta le sol tout autour de lui. Ce fut sa lampe de poche qu’il retrouva la première. Il éclaira son compagnon.
« Nous aurions dû nous méfier de ce singe quand nous nous sommes aperçus qu’il avait disparu, dit Carlos. J’ai de la veine qu’il soit tombé sur mon sac, autrement je n’aurais pas pu m’en débarrasser !
— Allons chercher ce qui reste, et sauvons-nous ! dit Lou, qui avait été fort secoué. Encore un sac à remplir… Retournons là-bas, faisons bien peur aux gosses, tirons sur Bimbo si c’est possible, et filons ! Quand nous serons sortis, nous enverrons quelques boîtes de conserves dans le souterrain avant de le refermer.
— Je ne tiens pas du tout à me retrouver en face de ce chimpanzé, dit Carlos. Tant pis pour ce qui reste ! Viens, Lou. Partons ! »
Lou n’avait pas non plus grande envie d’affronter de nouveau Bimbo. Sans insister davantage, il suivit Carlos.
Lou et Carlos, faits
prisonniers dans leur souterrain !
Ce fut un choc terrible pour les deux voleurs, lorsqu’ils s’aperçurent que l’entrée avait été rebouchée ! Lou éclaira les planches, n’en croyant pas ses yeux. Qui leur avait joué ce tour ? Eux, Lou et Carlos, faits prisonniers dans leur souterrain !
Carlos, se voyant pris au piège, devint fou de rage. Il cogna des poings contre les planches, mais ne réussit qu’à se blesser. Rien ne bougea Finalement, il redescendit et se laissa tomber auprès de Lou.
« Impossible d’écarter les planches ! Quelqu’un a dû remettre la roulotte dessus ! Nous sommes faits comme des rats !
— Qui nous a enfermés ici ? cria Lou, pâle de colère. Est-ce que ces gosses n’auraient pas filé pendant que nous nous battions avec le singe ? Allons voir, s’ils sont encore là ! »
Les deux bandits revinrent vers l’endroit où ils avaient laissé les enfants. Bien entendu, ils n’y trouvèrent personne. François avait entraîné tout le monde à la recherche d’une bonne cache. Il lui était venu à l’idée que Mick fermerait peut-être l’entrée, ce qui ne manquerait pas de rendre furieux les voleurs !
Au moment où Carlos et Lou finissaient leur bataille avec le chimpanzé, les enfants se trouvaient dans la caverne où coulait la source.
Après avoir inspecté les lieux, François dit, découragé :
« Je ne vois pas d’endroit où nous puissions nous cacher. Si nous allons dans la galerie où coule la source, nous serons trempés, gelés, et il nous sera impossible d’échapper aux bandits, dans le cas où ils nous poursuivraient !
— J’entends du bruit ! chuchota Claude. Éteins ta lampe, François ! »
Les enfants attendirent, dans le noir. Dagobert restait silencieux. Claude s’en étonna. Puis elle se rendit compte qu’il remuait la queue.
« C’est un ami… » murmura-t-elle.
François éclaira de nouveau et tous virent avec soulagement le chimpanzé venir à eux. Pancho poussa une joyeuse exclamation :
« Bimbo ! As-tu été au camp ? Est-ce que tu nous ramènes du secours ?
— Non, il n’a pas été au camp, répondit François en désignant la lettre, toujours accrochée au cou du singe. Quel dommage !
— Il est intelligent, mais pas assez pour comprendre une chose aussi difficile, dit Claude, déçue. Nous t’en demandions trop, mon pauvre Bimbo ! Enfin, j’espère que Mick aura pu s’échapper… Il faut absolument nous cacher jusqu’à ce qu’il revienne avec de l’aide !
— Si nous remontions le courant de la source ? proposa Annie. Tout à l’heure nous l’avons descendu. »
François n’aimait guère la perspective de barboter encore dans l’eau. Mais que faire ? Il éclaira la galerie d’où venait la source.
« Je crois qu’on pourrait marcher sur le rebord qu’il y a d’un côté, déclara-t-il. Il faudrait avancer courbé en deux et faire attention de ne pas glisser, car le courant est fort !
— Je passe le premier », décida Pancho, prêt à tout pour tenter d’échapper à son oncle.
Il grimpa dans la galerie et se plaça sur l’étroit rebord. Puis vinrent le rejoindre Annie, Claude, Dagobert…
Juste au moment où François disparaissait à son tour dans la galerie, les deux hommes faisaient irruption dans la caverne, et la lampe de Lou éclaira par malchance le pauvre garçon…
Lou poussa un cri guttural :
« En voilà un là-bas ! Viens ! »
Les hommes coururent jusqu’à la source. Lou éclaira l’intérieur de la galerie et vit les enfants, alignés l’un derrière l’autre. Il attrapa François, le dernier d’entre eux.
Annie ne put retenir un gémissement quand elle vit son frère brutalement ramené dans la caverne. Pancho sentit son cœur battre à grands coups dans sa poitrine. Dagobert se mit à gronder férocement, et Bimbo de même.
« J’ai un fusil, dit Lou, et je vous préviens que je tire sur ce chien et sur ce singe si jamais ils montrent le bout de leur nez hors de ce trou ! Si vous tenez à eux, débrouillez-vous pour qu’ils restent tranquilles ! »
Il remit François entre les mains de Carlos qui maintint solidement le jeune garçon, les bras derrière le dos. Lou éclaira de nouveau la galerie, pour compter les enfants.
« Tiens, Pancho est avec eux ! dit-il. Sors de là, Pancho !
— Si je sors, dit Pancho tout tremblant, Bimbo sortira avec moi. Et il peut te sauter dessus… »
Lou réfléchit pendant quelques secondes. Il craignait le chimpanzé, aux réflexes imprévisibles.
« C’est bon, reste avec lui. La fille peut rester là aussi, à la condition de tenir le chien. Mais l’autre garçon doit sortir ! »
Il prenait Claude pour un garçon. Claude n’en fut pas étonnée. Elle en avait l’habitude. Elle répondit aussitôt :
« Je ne peux pas venir. Si je sors, le chien me suivra. Je ne veux pas qu’il soit tué !
— Veux-tu sortir ! » cria Lou, menaçant. Carlos intervint :
« Il manque une fille, Lou, dit-il. Pancho nous a dit qu’il y avait deux garçons et deux filles. Où est l’autre fille ?
— Elle doit être un peu plus loin dans la galerie, répondit Lou. Toi, sors de là ! »
Ces derniers mots s’adressaient à Claude. Annie supplia :
« N’y vas pas, Claude ! Ils te feront du mal. Dis-leur que tu es…
— Tais-toi ! » coupa Claude. Elle ajouta dans un souffle : « Si je dis que je suis une fille, ils comprendront que Mick s’est sauvé, et ils seront encore plus furieux. Tiens Dagobert à ma place ! »
Annie prit le collier de Dagobert d’une main qu’elle s’efforça d’affermir. Claude sauta dans la caverne. Mais François ne voulait pas laisser les bandits maltraiter sa cousine. Il se débattit comme un beau diable.
Au moment où l’acrobate se saisissait de Claude, François envoya un formidable coup de pied dans la torche électrique de Lou… Elle alla heurter la voûte de la caverne et retomba à terre avec fracas. Tout le monde se trouva alors dans l’obscurité.
« Claude, retourne dans la galerie avec Annie ! cria François. Dagobert, viens ! Bimbo, ici !
— Je ne veux pas qu’on tue Dagobert ! » protesta Claude, tandis que le chien sautait dans la caverne.
Elle n’avait pas fini de parler qu’un coup de feu claquait. C’était Lou qui tirait au jugé sur le chien…
« Oh ! Dagobert ! gémit Claude, tu n’es pas blessé ? »