CHAPITRE XVII
 
Les saltimbanques reviennent !

 

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PERSONNE ne dérangea les enfants cette nuit-là. Dagobert n’aboya pas une seule fois. Pancho dormit sur plusieurs tapis, empilés dans la roulotte des garçons, avec Bimbo à côté de lui. Le chimpanzé semblait enchanté de rester en compagnie du Club des Cinq. Dagobert, qui était pourtant un brave chien, en conçut de la jalousie. Cela lui déplaisait qu’un autre animal s’installât chez ses amis. Aussi fit-il comme si Bimbo n’existait pas.

Le lendemain matin, après le petit déjeuner, les enfants discutèrent longuement avant de désigner ceux d’entre eux qui iraient à la ville acheter des lampes de poche.

« Toi, Pancho, il faut que tu restes ici avec Bimbo, dit François. On ne vous laisserait pas monter dans l’autobus !

— Vous n’allez pas nous laisser tout seuls ? protesta Pancho, inquiet. Si jamais Lou et mon oncle venaient ici… Même avec Bimbo, j’aurais peur !

— Je vais rester avec toi, décida Mick. Nous n’avons pas besoin de nous déplacer tous pour faire ce petit achat ! N’oublie pas de mettre notre lettre à la poste, François. »

Ils avaient écrit une longue lettre à leurs parents, racontant tous les événements de ces derniers jours.

« Pas de danger que j’oublie, dit François. Êtes-vous prêtes, les filles ? Nous partons ! Tiens-toi sur tes gardes, Mick, ces brutes peuvent revenir ! »

Claude, Dagobert, Annie et François descendirent le sentier. Le chien courait en tête. Bimbo monta sur le toit d’une roulotte pour les voir s’éloigner.

Mick et Pancho s’assirent au soleil.

« C’est gentil ici, dit Pancho. On y est mieux qu’en bas. Je me demande ce qu’on pense de moi et de Bimbo, au camp… M. Georgio, le directeur du cirque, doit être furieux d’avoir perdu son chimpanzé. Il va envoyer des gens nous chercher… »

Pancho avait raison. Deux hommes furent envoyés dans la montagne, avec mission de ramener les fugitifs : Lou et Carlos. Ils arrivèrent, rampant dans la bruyère, en prenant garde à Dagobert et à Bimbo !

Bimbo les flaira de loin, et avertit Pancho par une mimique des plus expressives. Le jeune garçon pâlit. Il avait vraiment peur des deux tristes personnages, et l’avoua à Mick.

« Va te cacher dans une des roulottes, dit Mick, à voix basse. Je les attends de pied ferme. Bimbo viendra à mon secours si c’est nécessaire. »

Pancho ne se fit pas prier. Il disparut dans la roulotte verte et ferma la porte. Mick ne bougea pas, Bimbo s’accroupit sur le toit de la roulotte, et observa…

Lou et Carlos s’approchèrent. Ils virent Mick, mais ne remarquèrent pas Bimbo ; ils cherchèrent des yeux les autres enfants.

« Que désirez-vous ? demanda .Mick.

— Pancho et Bimbo ! répondit Lou en fronçant les sourcils. Où sont-ils ?

— Ils vont rester avec nous dit Mick.

— Certainement pas ! dit Carlos d’un ton tranchant. Je suis responsable de Pancho, depuis la mort de ses parents. Je suis son oncle !

— Belle sorte d’oncle, en vérité ! remarqua Mick. À propos, comment va ce chien que vous avez empoisonné ? »

Carlos devint tout rouge. Il semblait prêt à envoyer le jeune garçon rouler jusqu’au bas de la montagne !

« Fais attention à ce que tu dis ! » cria-t-il.

Pancho, caché dans la roulotte, trembla en entendant la voix colérique de son oncle. Bimbo se tint immobile, mais il prit une expression inquiétante.

« Vous feriez aussi bien de partir tout de suite, dit Mick sans s’émouvoir. Je vous dis que Pancho et Bimbo restent avec nous pour le moment !

— Où est Pancho ? » demanda Carlos, les poings crispés de rage.

Mick ne répondit pas. Carlos se dirigea alors vers les roulottes.

« Je saurai bien le trouver ! ricana-t-il. Attends un peu ! »

Dès qu’il comprit que Pancho était de nouveau menacé, Bimbo sauta du toit sur Carlos, et le terrassa.

Le chimpanzé faisait entendre un grondement terrifiant. Carlos perdit son sang-froid.

« Appelle-le ! cria-t-il à Mick. Lou ! Au secours !

— Bimbo ne m’obéira pas, dit-Mick placidement. Vous feriez mieux de partir avant qu’il ne vous mette en pièces ! »

Bimbo lâcha Carlos et se plaça devant la porte de la roulotte verte, pour en défendre l’entrée. Carlos, durement secoué, n’insista pas. Il se dirigea en chancelant vers Mick qui s’attendit à recevoir un coup. Mais Carlos n’osa pas le toucher. Il ramassa une pierre…

Vif comme l’éclair, Bimbo se jeta de nouveau sur lui et l’envoya rouler dans la pente… Lou s’enfuit terrifié. Carlos, qui était fort souple, se releva vite et s’éloigna en proférant des injures. Bimbo les pourchassa tous deux, ravi de leur faire peur. Lui aussi ramassa des pierres et les lança adroitement sur les fuyards… Mick entendit des cris de douleur.

Bimbo revint, l’air satisfait de lui-même.

Il se dirigea vers la roulotte verte, tandis que Mick criait à Pancho :

« Tout va bien ! Ils sont partis ! Bimbo et moi, nous avons gagné la bataille ! »

Pancho les rejoignit aussitôt. Bimbo l’entoura de son bras velu et lui parla à l’oreille. Pancho semblait quelque peu confus.

« Mick, dit-il, qu’est-ce que tu penses de moi ? J’ai eu peur, et je vous ai laissé vous débrouiller tous les deux…

— Eh bien, moi j’ai bien ri, je t’assure ! Et je crois que Bimbo s’est bien amusé aussi !

— Méfie-toi ! Lou et mon oncle sont tellement méchants ! dit Pancho d’un ton plein de tristesse. Ils sont capables de brûler vos roulottes, d’empoisonner votre chien… enfin, de vous faire du mal… Moi, je les connais !

— Nous avons déjà eu affaire à des hommes qui ne valaient pas mieux. Pendant nos dernières vacances, nous avons eu une aventure… Mais une aventure si extraordinaire que si je te la racontais, tu ne voudrais pas me croire !

— Oh ! Raconte-la-moi ! demanda Pancho en s’asseyant près de Mick. Nous avons le temps, les autres ne vont pas revenir avant un bon moment ! »

Mick parla des étonnantes aventures du Club des Cinq. Pancho l’écoutait avec un intérêt passionné. Deux heures s’écoulèrent ainsi.

Tout à coup, les garçons entendirent Dagobert aboyer en bas du chemin.

Claude arriva la première, avec son chien.

« Il ne vous est rien arrivé en notre absence ? demanda-t-elle, tout essoufflée. Quand nous sommes descendus de l’autobus, nous avons vu Lou et Carlos qui attendaient pour monter dedans ! Ils portaient des bagages, comme s’ils avaient l’intention d’aller séjourner quelque part ! »

Le visage de Pancho s’éclaira.

« C’est vrai, ça ? dit-il. Oh ! Ce serait trop beau ! »

François et Annie arrivaient à leur tour. Pancho expliqua :

« Ils sont venus tous les deux ici. Bimbo les a chassés. Ils ont été obligés de se sauver en courant. Alors, ils ont dû aller au camp préparer leurs affaires et partir ! Quelle chance !

— Nous avons acheté de belles torches électriques, dit François. Elles sont puissantes, regarde, Mick ! Il y en a une pour toi, et une pour Pancho !

— Merci », dit Pancho. Puis il devint rouge. « Elle doit coûter cher… trop cher pour moi, c’est sûr, ajouta-t-il, gêné.

— Nous t’en faisons cadeau, dit Annie. Tu es notre ami, Pancho !

—Quoi ? Un cadeau ? C’est la première fois qu’on me fait un cadeau… Merci, merci ! » balbutia Pancho, qui n’en revenait pas.

Bimbo tendit la main vers Annie en proférant des sons inarticulés qui signifiaient, sans aucun doute, qu’il voulait, lui aussi, une torche électrique.

« Je regrette, dit Annie en riant, mais je n’en ai pas pour toi, mon vieux. Nous n’avons pas pensé à t’en acheter une…

— Heureusement ! dit Pancho. Il se serait amusé toute la journée à l’allumer et à l’éteindre jusqu’à ce que la pile soit usée !

— Je vais lui donner ma vieille torche électrique, dit Claude. Elle est cassée, mais ça ne fait rien. Bimbo s’amusera avec tout de même ! »

En effet, Bimbo se montra ravi du cadeau de Claude. Il actionna le bouton qui devait donner de la lumière, et chercha partout celle-ci ! Les enfants riaient aux larmes. Bimbo était toujours heureux de faire rire. Il se mit à danser de joie.

« Maintenant que Lou et Carlos sont loin, j’aimerais bien aller explorer le souterrain, dit François, quand les rires furent calmés. Qu’en pensez-vous ? Nous serons tout à fait tranquilles…

— Oh ! Oui. Allons-y ! s’exclama Claude. J’ai hâte de faire des découvertes !

— Hum ! fit Mick. Pour ma part, je crois qu’il vaudrait mieux manger un peu avant de partir en exploration. Ça peut demander longtemps ! Savez-vous qu’il est une heure et demie ? »

Tout le monde se rangea à l’avis de Mick.

Les enfants se contentèrent d’un frugal repas, car ils étaient pressés de partir en expédition.

« Je crois que nous ferions bien d’emporter notre goûter avec nous, suggéra François lorsqu’ils eurent terminé. Nous reviendrons peut-être fort tard !

— Ce sera drôle de goûter dans le souterrain ! dit Annie. Je vais mettre dans un panier du beurre, de la confiture et un pain. Faut-il emporter une bouteille d’eau ?

— Non, ce n’est pas la peine. Emportons seulement de quoi nous donner des forces en cas de besoin », décida François.

Ce fut lui qui prit le panier. Annie y glissa une grosse tablette de chocolat au dernier moment.

Pour dégager l’ouverture du souterrain, les cinq enfants poussèrent la roulotte. La veille au soir, ils l’avaient remise à sa place, pour le cas où Lou et Carlos reviendraient sur les lieux.

Les garçons retirèrent les planches. Aussitôt que Bimbo vit le grand trou noir qu’il y avait dessous, il se recula, comme effrayé.

« Il se souvient qu’il fait sombre là-dedans, et il n’aime pas ça, dit Claude. Allons, viens, Bimbo ! Tout ira bien, cette fois. Nous avons de quoi éclairer le souterrain ! »

Mais rien ne put convaincre Bimbo d’entrer dans le trou. Il se mit à pleurer comme un bébé quand Pancho voulut l’y obliger.

« Ce n’est pas la peine d’insister, Bimbo ne veut pas, dit François. Tu vas être obligé de rester avec lui, Pancho !

— Quoi ? Ah, non ! Je ne veux pas manquer une occasion pareille ! s’écria Pancho indigné. Je vais plutôt attacher Bimbo à une roue, pour qu’il ne se sauve pas ! »

 Quand ce fut fait, Pancho dit à son chimpanzé : « Sois sage, Bimbo. Tiens-toi tranquille jusqu’à mon retour. Voilà un seau d’eau, comme ça tu pourras boire quand tu auras soif. Nous reviendrons bientôt ! »

Bimbo les regarda disparaître sous terre, un à un. Il se sentait tout triste, mais pour rien au monde il ne les aurait suivis !

Dagobert sauta à son tour. Bimbo resta seul. Le Club des Cinq et son ami Pancho étaient maintenant en route vers une nouvelle aventure. Qu’allait-il arriver ?

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