CHAPITRE VIII
Dans la montagne
LE COMPORTEMENT de Lou et de Carlos intriguait fortement les enfants.
Claude raconta comment, éveillée par Dagobert, elle avait pu entendre les hommes converser à voix basse.
« Je ne pense pas qu’ils aient eu l’intention de nous voler, dit-elle. Ils venaient là pour se raconter je ne sais quoi, qui ne devait pas être entendu des gens du cirque. Ils ne savaient pas que notre roulotte se trouvait ici, et ils se sont cognés dedans…
— Ce sont des brutes ! déclara François, il faut fermer la roulotte à clef. Sois raisonnable, Claude. Je sais que tu as Dago, mais quand même, c’est préférable.
— Alors, donne-moi la clef. Je m’enfermerai de l’intérieur », répliqua la fillette.
Avant de s’endormir, François avoua à Mick :
« J’ai hâte de partir d’ici et d’aller dans la montagne. Nous serons plus tranquilles là-haut.
— Oui. Nous filerons après le déjeuner. Heureusement que Dagobert était là ! Ces hommes avaient l’air décidés à te faire un mauvais parti, mon pauvre François !
— Je n’aurais guère eu de chance de leur échapper, reconnut François. Ils sont tous les deux maigres, mais certainement forts ! »
Le lendemain matin, les quatre enfants s’éveillèrent de bonne heure. Personne n’eut envie de faire la grasse matinée. Au contraire, tout le monde voulait s’en aller avant que Lou et Carlos ne revinssent.
« Pendant que vous préparez le petit déjeuner, dit François à Claude et à Annie, nous allons chercher les chevaux pour les atteler. Ainsi, nous ne traînerons pas longtemps ici. »
Dès qu’ils eurent bu leur chocolat et mangé quelques tartines, ils montèrent sur leurs sièges et s’apprêtèrent à s’éloigner.
Alors, surgirent Lou et Carlos. Ils s’avancèrent vers les enfants.
« Ah ! vous partez ? dit Carlos, avec un sourire grimaçant. Parfait ! Ça fait plaisir de voir des enfants si obéissants ! Où allez-vous ?
— Dans la montagne, répondit froidement François.
— Pourquoi ne contournez-vous pas la montagne, au lieu de monter au sommet ? Vous allez fatiguer vos chevaux en grimpant si haut ! »
François fut sur le point de répondre qu’il n’avait pas l’intention d’aller jusqu’en haut de la montagne pour redescendre de l’autre côté, mais il se tut. Il valait mieux ne pas renseigner ces gens-là… Qui sait s’ils ne cherchaient pas à savoir où ils allaient pour les poursuivre et leur causer des ennuis ?
« Nous prendrons le chemin qui nous convient le mieux, dit-il à Lou d’une voix sèche. Laissez-nous passer, s’il vous plaît ! »
Comme Nestor avançait droit sur eux, les deux hommes durent s’écarter précipitamment. Ils regardèrent partir les enfants d’un air furieux.
La route montait en pente douce. Après une demi-heure, le Club des Cinq arriva devant un pont de pierre qui franchissait un torrent. Le paysage était fort joli. Ils s’arrêtèrent un moment près du pont ils découvrirent une source, fraîche et claire comme du cristal. Ils en burent tous et déclarèrent que jamais ils n’avaient goûté une eau plus délicieuse. Mick suivit la source un moment ; il constata qu’elle se jetait dans le torrent. Il pensa que le torrent allait lui-même grossir les eaux du lac.
Quand les enfants reprirent la route, ils entendirent un coq chanter.
« Nous allons trouver une ferme un peu plus haut », pensa Mick.
En effet, après deux tournants ils aperçurent une ferme qui comprenait plusieurs bâtiments fort anciens, étagés sur le flanc de la montagne. Des poules caquetaient dans la cour de la maison d’habitation. Un troupeau de vaches paissait dans les prés d’alentour.
Le fermier avait entendu approcher les roulottes. Il sortit de l’étable et vint avec ses chiens. Quand il vit que les deux voitures étaient conduites par des enfants, il eut l’air surpris.
François plaisait toujours aux grandes personnes, grâce à ses manières douces et polies. Il entra en conversation avec le fermier, et tous deux eurent tôt fait de se mettre d’accord : les enfants pourraient se ravitailler régulièrement à la ferme.
« Venez voir ma femme, dit le fermier. Elle aime la jeunesse ! Où allez-vous camper ?
— Nous voudrions bien trouver un endroit commode, avec une belle vue, expliqua François. D’ici on ne peut rien voir. Peut-être qu’un peu plus loin…
— Oui, à un kilomètre d’ici, après un petit bois de pins, vous trouverez un coin bien abrité, avec une belle vue sur le lac. Vous pourrez y installer vos roulottes.
— Merci beaucoup, monsieur », dirent les enfants en chœur. Ils pensaient que le fermier était vraiment gentil. Quelle différence avec Lou et Carlos !
« Nous allons d’abord faire connaissance avec votre femme, dit François. Ensuite nous irons nous installer là-bas. »
La fermière était une femme déjà âgée, mais alerte et gaie. Elle les reçut fort bien, et leur donna un gros morceau de gâteau. Elle leur fit un prix moins élevé que dans le commerce pour le beurre, les œufs, la crème.
« Ce sera une joie pour moi de voir de temps en temps vos gentilles frimousses », leur dit-elle.
Les enfants retournèrent à leurs roulottes, les bras chargés de victuailles.
Moins d’un kilomètre plus loin, ils virent un joli bois de pins. Au-delà, ils trouvèrent une sorte de gorge, large et profonde, qui s’ouvrait au flanc de la montagne.
Le lac s’étalait, sinueux, à leurs pieds.
« Je me demande d’où vient cette merveilleuse couleur verte, dit Annie.
— Moi, aussi, répondit François. J’ai déjà vu des lacs vert foncé, mais ce vert émeraude est bien plus beau ! Voilà un paysage qui me plaît : le lac, la montagne en face… »
Les garçons garèrent les roulottes dans la gorge en faisant reculer les chevaux, ce qui n’alla pas sans peine. Le sol était couvert d’un véritable tapis de bruyère. Dans les crevasses du roc, de petites fleurs montraient leurs clochettes. C’était un coin charmant pour camper.
Claude perçut un murmure d’eau et chercha d’où cela venait. Bientôt elle appela les autres.
« Il y a une source ici ! leur annonça-t-elle triomphalement. Nous aurons de l’eau à boire, de l’eau pour nous laver et faire la cuisine ! Quelle chance !
— Oui, c’est vraiment l’endroit idéal, dit François. Et c’est tranquille ! Personne ne nous dérangera ici. » Mais il parlait trop vite !