25

Tandis que la vie de Luke s’échappait de lui, un doux bruissement emplit ses oreilles. En haut des marches, les rancors jetaient toujours des rochers. Un éclair lumineux jaillit quand l’un s’écrasa sur un bipode, le faisant exploser.

Au dernier étage de la forteresse, les murs s’ouvraient comme de gigantesques ventres percés de coups de couteau. Le long des parois, des Sœurs de la Nuit grimpaient telles des araignées géantes. Elles utilisaient la Force pour ne pas basculer dans le vide.

Les tempes douloureuses, Skywalker se coucha sur le côté. Un rocher s’écrasa à quelques centimètres de son bras droit. Du fond de son passé, le Jedi entendait des voix.

Il reconnut celle de Teneniel.

« Mère nature vous aime, et vous ne pouvez pas mourir. Es-tu immortel ? »

Un corps tomba près de lui. C’était une femme du clan d’Augwynne. Avec le tintement des petits crânes et des gemmes, son casque roula devant elle. Voyant le sang pourpre qui coulait de sa bouche, le Jedi se dit que le soleil devait mieux percer les nuages…

Skywalker n’avait pas l’impression qu’il était en train de mourir. Il eût plutôt dit que sa conscience se répandait dans l’Univers, prête à le remplir.

Il entendait une multitude de bruits. Pas ceux de la guerre, non, mais d’autres, beaucoup plus importants.

Le frottement des griffes d’un lézard sur la pierre…

Les vers qui creusaient la terre sous sa tête…

Un buisson dérangé par le vent frôlant un rocher…

La vie était partout, et la Force brillait à quelque endroit qu’il regarde, animant les arbres, les rochers, les guerriers qui s’affrontaient sur le flanc de la montagne…

Le lézard leva la tête. Une aura de Force l’enveloppait.

— Bonjour, petit ami, le salua Luke.

Le lézard avait la peau verte ; ses petits yeux noirs luisaient fièrement. Il ouvrit la gueule. Une brume blanche en sortit, venant effleurer la joue de Luke comme une caresse.

Le Jedi comprit qu’il voyait la Force ; il ne se contentait plus de la sentir.

— C’est un cadeau pour toi, murmura le lézard.

La douce lumière vint au secours de la Force déclinante du Jedi.

Le buisson qui frôlait le rocher sembla se tordre ; des brindilles lumineuses passèrent au-dessus de la tête du Jedi.

— Prends, prends, c’est de la vie… murmura le buisson.

Un caillou se mit à luire. Très loin de là, dans la plaine, un Voyageur Bleu du Désert cessa de mâchonner une plante et releva la tête.

« Ami », pensa-t-il en évoquant l’image de Luke.

Le jeune homme se remémora les paroles de Teneniel : « Mère nature vous aime… »

Ignorant s’il contrôlait inconsciemment la Force, ou si la vie alentour se mobilisait pour le soigner, Skywalker accepta les présents qu’on lui offrait.

Contrôler la Force, l’utiliser, n’était pas une chose aussi violente qu’il l’imaginait. La Force était partout, plus abondante que la pluie ; elle s’offrait à qui voulait a prendre. Rêvant depuis longtemps d’être un maître Jedi, il comprit qu’il existait des niveaux de contrôle immensément supérieurs au plus fou de ses rêves.

Une douce puissance coulait en lui sans qu’il sache s’il la commandait, ou si elle le commandait.

Dans son cerveau, les artères se régénérèrent.

Alors s’effaça la vision immédiate de la Force…

 

Luke resta longtemps étendu, confiant en la Force qui lui redonnait vie.

Puis Leia cria son nom et il ouvrit les yeux. Le ciel était d’un noir si profond qu’on eût cru qu’une nuit parfaite était enfin descendue sur le monde.

Les bruits de la bataille ne se faisaient plus entendre. Des lampes-torches brillaient çà et là.

— Leia ! appela le Jedi.

Un faisceau lumineux s’immobilisa.

— Luke ? Luke, c’est bien toi ?

— Han ! souffla Skywalker d’une voix affaiblie.

Sentant son sabrolaser à sa hanche, il le saisit et l’activa, espérant que son ami reconnaîtrait l’éclat de la vibrolame.

Quelqu’un se pencha sur lui.

— Luke ! Luke ! Tu es vivant ! Attends, je vais t’aider à te relever…

Le Jedi s’assit sur le sol. Au contact des mains de son ami corellien, il sentit qu’il était terrifié.

— Ecoute-moi bien, vieux frère, je dois te laisser. Leia t’attend pas loin d’ici. Veille sur elle à ma place, d’accord ? Promets, Luke…

Solo tenta de s’écarter du Jedi.

— Han ! cria celui-ci en lui saisissant le poignet.

— Désolé, ami, mais tu n’es pas en état de m’aider, cette fois !

Il se dégagea ; Luke retomba dans son hébétude.

 

Après ce qui lui sembla une éternité, des mains se posèrent sur lui, le secouant, le soulevant.

Ouvrant les yeux, Luke aperçut les visages burinés de plusieurs paysans vêtus de simples pagnes de cuir.

— Portez-le dans le Faucon Millenium, ordonna la voix de Han.

Un concert de questions s’éleva.

— Oui, dans mon vaisseau, le Faucon. Dépêchez-vous, je dois partir !

Les yeux mi-clos, le Jedi se laissa transporter…