10

Le Faucon Millenium plongeait vers Dathomir. Serrant les accoudoirs de son siège, Chewbacca poussait de sourds grognements d’angoisse. Le mouvement spiralé du vaisseau donnait la nausée à Leia. Ayant grandi dans les arbres de sa planète natale, le Wookiee était peut-être moins sensible au vertige.

— Quelle chaleur ! gémit la princesse.

La remarque frisait le truisme. Ils atteignaient l’atmosphère. Sans boucliers spéciaux, la frégate risquait de brûler comme un vulgaire morceau de papier.

— Han, je me giflerais de t’avoir laissé m’entraîner dans cette histoire. Tant pis si tu dois rester en prison jusqu’à la fin de tes jours, mais ramène-moi chez moi, et vite !

Solo tourna à peine la tête.

— Je suis vraiment navré, princesse, mais j’ai bien peur que Dathomir soit notre nouveau domicile. Du moins tant que je n’aurai pas tout réparé…

Il activa le compensateur d’accélération. L’impression de chute cessa. Bientôt, les moteurs subluminiques s’allumèrent.

— Nous allons sortir de ce cercueil volant… annonça-t-il à ses compagnons.

Le Faucon bondit. Un atroce bruit métallique leur indiqua que son toit raclait contre quelque chose. S’en fichant éperdument, le pilote continua la manœuvre.

— Ne vous mettez pas martel en tête pour le bruit, conseilla-t-il à ses amis. Ce sont juste nos capteurs qui se font arracher… Il va falloir sortir en douceur et rester près de la frégate pour qu’ils ne nous repèrent pas. Quand elle s’écrasera sur le sol, les éclairs de l’explosion nous feront un joli camouflage. Donc, il faudra se poser à proximité du site de l’impact…

Le Faucon s’extirpa sans trop de mal de l’épave.

Leia vit alors qu’ils étaient encore à des milliers de kilomètres du sol. Au-dessus d’eux, les étoiles et l’espace semblaient incroyablement distants. Dathomir, en revanche, grossissait à vue d’œil sur les écrans de contrôle.

C’était la nuit sur la planète.

Au moins, songea Leia, nous tomberons sur la terre ferme, pas dans l’océan.

Ils se trouvaient à l’aplomb de ce qui paraissait être une zone tempérée. Prenant naissance à la lisière d’une mer de dunes, des montagnes et des collines moutonnaient à perte de vue. L’endroit n’avait pas l’air accueillant, mais on devait pouvoir y survivre.

Les montagnes étaient couvertes d’arbres. Leia avait atterri sur des centaines de planètes ; Dathomir appartenait à la catégorie qui lui donnait le cafard. Elle était tellement sinistre, sans les lumières d’une ville pour l’égayer.

Cette désolation lui minait déjà l’âme.

— Han, stabilise-nous à cette hauteur et effectue un balayage complet de la surface. Recherche les formes de vie…

Docile, le général démissionnaire s’exécuta.

— Désolé, Leia, mais les senseurs sont morts…

— Nous en avons un besoin vital ! cria la princesse. Où comptes-tu trouver des pièces détachées pour réparer ta ruine volante ?

— Par là ! s’écria C-3P0. Je vois une ville !

— Où ça ? demanda Leia.

Le droïd tendit un doigt. Il y avait effectivement une lueur à une centaine de kilomètres de leur position.

— Change de cap, Han ! ordonna la princesse.

— Impossible ! Nous devons nous poser dans un rayon d’un demi-kilomètre autour du point d’impact de la frégate. Sinon, les senseurs des superdestroyers nous détecteront.

— Alors, atterris au moins à un demi-kilomètre dans la bonne direction !

Han marmonna un commentaire bien senti sur les princesses qui voulaient tout régenter. Le sol approchait à une vitesse vertigineuse. Bientôt, le Faucon fut engagé dans une descente précipitée entre les pics de montagnes fabuleusement hautes. A la lumière de la lune, Leia distingua une forêt composée d’arbres géants aux silhouettes distordues.

Ils étaient presque au niveau du sol quand Han redressa la barre. L’explosion de la frégate emplit le ciel d’éclairs blancs. A la dernière seconde, le Faucon rasa la cime des arbres, frôla les eaux d’un lac niché entre deux montagnes et s’enfonça dans la forêt.

L’atterrissage fut du même genre que le reste : calculé au cordeau et plutôt abrupt. Derrière eux, une boule de feu s’éleva, indiquant que la frégate avait fini de se disloquer.

Han jeta un bref coup d’œil sur l’écran.

— Nous sommes arrivés… déclara-t-il en coupant les moteurs.

— Han, soupira Leia, même si nous trouvons des pièces détachées, comment les transporterons-nous jusqu’ici ? Tu as vu tout ce qu’il faudra changer pour que cet… engin… vole de nouveau ?

— C’est pour ce genre de boulot qu’on a inventé les droïds et les Wookiees, princesse !

Chewbacca foudroya Solo du regard.

— Ne vous inquiétez pas, lui souffla C-3P0. Personne n’oserait blâmer un Wookiee d’avoir mangé un pilote trop cossard pour faire son travail.

— Tu crois que nous avons réussi ? demanda Leia. Tu es sûr qu’ils ne nous ont pas repérés ?

— Je ne suis sûr de rien, princesse. Mais si les hommes de Zsinj suivent les procédures impériales, ils viendront inspecter l’épave de la frégate dès qu’elle aura un peu refroidi. Nous devons sortir, effacer nos traces et cacher le Faucon.

— Veuillez m’excuser, général, intervint C-3P0, mais puis-je vous rappeler que les soldats de Zsinj ne sont pas des Impériaux au sens strict du terme. L’Empire est vaincu ; ce sont des pirates…

— Ouais… grommela Han. N’oublie pas que tous ces types ont été entraînés par l’Empire. Et ne perds pas une chose de vue : aucun bourlingueur de l’espace ne manquerait l’occasion de voir de plus près une si belle épave. Crois-moi, nous allons avoir de la compagnie. A moins que tu veuilles offrir un pique-nique à ces messieurs, on ferait bien de se mettre à l’ouvrage.

Ils allèrent dans la soute récupérer les filets de camouflage. Il y en avait deux, chacun assumant une fonction précisé. Le premier, un treillis de fil métallique, interdisait la détection des composants électroniques du navire. Le deuxième dissimulait le Faucon à la vue.

Les quatre naufragés sortirent du vaisseau. L’air était plus chaud que Leia l’aurait cru ; dans le ciel, les étoiles brillaient intensément. La nuit enveloppa la princesse comme l’eau d’une piscine. Peu à peu, cette sensation détendit les muscles de son dos et de sa nuque, noués par l’angoisse.

La forêt était tranquille. Dans le lointain, ils entendaient crépiter les flammes qui consumaient l’épave et la végétation environnante. Il n’y avait pas de chant d’oiseau, aucun cri de bête fuyant l’incendie.

A leurs narines montaient des odeurs de feuillage et de sève. A première vue, Dathomir n’était pas un endroit si désagréable.

Ils mirent en place le premier filet, puis s’occupèrent du second. Long de trente-cinq mètres, il était constitué d’une matière photosensible couverte d’une pellicule protectrice. Ayant retiré cette dernière, ils posèrent le filet sur le sol durant une minute afin qu’il prenne une série de clichés. Puis ils en couvrirent le Faucon.

Les performances de ce système « caméléon » étaient telles qu’elles permettaient au vaisseau de subir un survol en rase-mottes, on racontait même que certains soldats avaient marché sur le toit de navires cachés dans des fossés sans jamais s’apercevoir qu’ils piétinaient l’objet de leurs recherches.

Ensuite, les quatre compagnons dissimulèrent les traces de leur atterrissage avec des feuilles mortes et des buissons.

Epuisée, Leia flâna sur la berge du petit lac, les yeux perdus dans les étoiles. L’aube approchait et de la rosée dansait au-dessus de l’eau. Une brise commença à agiter la cime des arbres.

Han rejoignit sa bien-aimée et lui massa les épaules.

— Alors, comment trouves-tu ma planète ? demanda-t-il.

— Hum… Elle est plutôt mieux que son propriétaire, le taquina Leia.

— Bon sang, alors c’est qu’elle est extraordinaire !

— Ça n’est pas exactement ce que je voulais dire… fit Leia en s’écartant de lui. Je ne sais pas trop si je dois t’en vouloir de m’avoir mise dans le pétrin, ou te remercier de nous avoir sortis vivants de la frégate.

— Tu es troublée… Je fais souvent cet effet aux femmes !

— Cette tactique, c’est vrai que tu l’avais déjà utilisée ? Je veux dire, te réfugier dans un gros vaisseau et le laisser te conduire sur une planète trop bien défendue ?

— A la vérité, reconnut Solo, ça n’a pas toujours aussi bien marché qu’aujourd’hui, mais…

— Bien marché ?

— Par rapport à ce qui nous attendait, oui. On ferait mieux de se mettre à couvert. Ils arrivent.

Leia leva les yeux. Quatre étoiles semblaient s’être détachées du ciel. Elles se dirigeaient vers eux.

 

Toute la journée, le petit groupe se cacha dans le vaisseau. Sous camouflage, il leur était impossible de savoir combien de soldats fouillaient le secteur. Tandis qu’ils avalaient leurs rations froides, une armée d’ennemis aurait pu encercler le Faucon et se préparer à l’attaque. A toutes fins utiles, Han avait orienté les canons-blasters vers le sol…

Toute la matinée, ils entendirent les grondements des chasseurs qui survolaient la zone. Vers dix heures, une pluie de missiles s’abattit à moins de cinq cents mètres de leur position. Le Faucon tangua sous l’onde de choc.

Les quatre naufragés rentrèrent la tête dans les épaules, étonnés que les hommes de Zsinj se donnent tant de mal pour détruire une épave sans intérêt.

A moins qu’ils aient tenté d’atteindre une autre cible ?

Quand le bombardement fut terminé, tout redevint paisible. Cependant, une heure et demie plus tard, une nouvelle formation de chasseurs survola le secteur.

— C’est nous qu’ils cherchent, gémit C-3P0.

Han s’assit, les yeux au plafond, tous les sens en alerte. Certains de ces vaisseaux avaient des senseurs capables de capter un soupir à des kilomètres.

Leia ferma les yeux et se concentra. Elle ne sentait plus la présence des sombres créatures qui l’avaient effrayée un peu plus tôt. Avait-elle été victime d’une hallucination ?

Au début de l’après-midi, les chasseurs abandonnèrent les recherches. La princesse s’en étonna. Si les hommes de Zsinj avaient cru qu’ils s’étaient posés, ils n’auraient sûrement pas renoncé si vite. Surtout si leurs espions les avaient informés qu’un général et une ambassadrice voyageaient dans le Faucon.

Conclusion : les soldats du seigneur de la guerre ne savaient rien.

A moins que…

Une idée désagréable vint à l’esprit de la princesse. On ne leur donnait peut-être pas la chasse parce qu’il était impossible de survivre longtemps sur Dathomir. Pour qu’une planète si jolie ne soit pas colonisée, il devait y avoir une solide raison…

Le soir venu, Han se leva, s’étira, mit un casque et un gilet pare-balles et s’empara d’un fusil-blaster.

— Je vais faire un tour pour m’assurer que les hommes de Zsinj ont bien levé le camp.

Leia, Chewie et C-3P0 attendirent dans le vaisseau. Après une heure et demie, le Wookiee montra des signes de nervosité. Il chuinta quelques mots.

— Il suggère que lui et moi allions chercher Han, traduisit le droïd-protocole.

— Pas question ! répondit Leia. Un grand Wookiee et un droïd doré sont trop faciles à repérer. J’y vais.

Elle enfila une combinaison de combat, passa un gilet pare-balles et se choisit un casque. Blaster au poing, elle suivit la piste de Han jusqu’au lac.

Il n’y avait pas l’ombre d’un ennemi. Solo était à une centaine de mètres du vaisseau. L’air rêveur, il contemplait un superbe coucher de soleil.

Soudain, il ramassa une pierre plate et la lança. Elle fit cinq ricochets avant de sombrer.

Dans le lointain résonna l’appel d’une créature inconnue. Tout cela faisait très bucolique…

— Que fais-tu à découvert ? demanda Leia, furieuse de le voir rêvasser ainsi.

— Je regarde, c’est tout…

Baissant les yeux, il flanqua un coup de pied à un caillou niché dans un curieux sillon boueux.

— Reviens à couvert !

Han glissa les mains dans ses poches et ne bougea pas d’un pouce.

— Voici la fin de notre première journée sur Dathomir… C’était plutôt agité pour des vacances, non ? Leia, m’aimes-tu encore ? Veux-tu m’épouser ?

— Han, laisse tomber ce sujet, d’accord ? Et reviens à couvert !

— Je ne risque rien, ma douce. J’ai de bonnes raisons de croire que les troupes de Zsinj sont parties.

— Quelles raisons ?

Han désigna ce qu’elle avait pris pour un sillon.

— Personne de sensé ne rôderait la nuit avec ce genre de bestiole dans les environs…

Leia étouffa un cri. Le sillon était en réalité une empreinte de près d’un mètre de long. La créature devait être très grande. Elle possédait cinq orteils…

 

Assis en compagnie de Luke et de sa mère, le prince Isolder était d’une humeur massacrante. Arrivée ce matin, la reine avait réussi en quelques heures à savoir où Solo avait emmené Leia. Lui se cassait les dents sur la question depuis plus d’une semaine.

Le raisonnement de la souveraine était lumineux. Les diverses primes proposées pour la capture de Solo – par la République, qui le voulait vivant, et par les seigneurs de la guerre, qui le désiraient mort – étaient trop tentantes pour que les chasseurs d’hommes songent à partager. Chacun agissait pour son compte, ne lâchant pas la moindre information.

Sur l’ordre de la reine, ses espions s’étaient intéressés à tous les capitaines au long cours qui traînaient dans les environs. Omogg avait attiré leur attention en achetant un nouveau système d’armement pour sa nef personnelle.

Le reste était simple comme un bonjour…

A présent, Isolder attendait que sa génitrice triomphe et ponctue son récit de quelques remarques soulignant la supériorité intellectuelle des femmes.

Les Hapiennes avaient un dicton : « Ne laisse jamais un homme se croire ton égal, car c’est le mettre sur la voie du péché. »

La Ta’a Chume se gardait depuis toujours de dévoyer son fils. Pourtant, le dîner était remarquablement cordial. La souveraine conversait avec Luke sans manquer une occasion de rire. Bien qu’elle eût conservé son voile, elle parvenait à être séduisante.

Isolder se demanda si le Jedi accepterait de finir la soirée dans le lit maternel. Il était évident qu’elle le désirait ; comme toutes les reines-mères, l’âge avait peu de prise sur elle.

C’était encore une beauté…

Skywalker semblait ne pas remarquer son manège. Au contraire, il s’intéressait à ce qui l’entourait comme s’il eût voulu faire un peu d’espionnage industriel.

A dire vrai, Isolder comprenait cette réaction. L’Etoile de la Maison était un vaisseau hors du commun. La première reine-mère avait ordonné sa construction quatre mille ans plus tôt en s’inspirant des plans de son château. Les cloisons en plastacier étaient couvertes de fausses pierres noires et toutes les tourelles étaient maquillées en dômes de cristal. Pareillement, les moteurs et l’armement se dissimulaient sous des décors de basalte très bien imités.

L’Etoile de la Maison ne pouvait rivaliser avec un superdestroyer de l’Empire. Mais c’était un modèle unique, beaucoup plus impressionnant, et incomparablement plus beau. Les invités en restaient à tout coup bouche bée. En particulier quand ils dînaient en compagnie de la souveraine et que la lumière dansante des étoiles se reflétait sur les antiques dômes de cristal.

— Votre travail doit être fascinant, lança la reine à Luke tandis qu’ils entamaient le dessert. J’ai toujours été une provinciale casanière… Mais vous… Tous ces voyages dans la galaxie pour découvrir les archives des Jedi…

— Je ne fais pas ça depuis très longtemps, vous savez. Et sans rien découvrir d’intéressant. Hélas, j’ai bien peur que ça continue ainsi…

— Mais non ! Je suis sûre qu’il reste des archives sur des dizaines de mondes. Quand j’étais enfant, ma mère a accordé le droit d’asile à un petit groupe de Chevaliers. Ils étaient une cinquantaine, je crois. Pendant un an, ils se sont cachés dans des ruines, sur un de nos mondes. Ils avaient fondé une petite académie… (Sa voix se fit plus dure.) Puis le seigneur Vador et ses Chevaliers Sombres sont venus, et ils ont poursuivi ces malheureux. Après les avoir massacrés, ils les ont enterrés dans les ruines de Reboam. Peut-être y avait-il des archives…

— Reboam ? répéta Luke. Où est-ce donc ?

— C’est un petit monde au climat désertique, presque inhabité. Un peu comme votre Tatooine…

Isolder vit luire de l’avidité dans les yeux du Jedi. La Ta’a Chume ne passa pas à côté.

— Quand Leia sera sauvée, venez donc sur Hapes. Un de mes conseillers, un très vieil homme, vous conduira sur la planète et vous montrera les grottes. Tout ce que vous trouverez sera à vous.

— Merci de tout cœur, Ta’a Chume, fit Luke en se levant, visiblement trop excité pour continuer à manger. Je crois que je devrais aller me préparer… Avant, puis-je implorer une dernière faveur ?

La souveraine acquiesça.

— Puis-je voir votre visage ?

— Vous me flattez ! s’exclama la reine avec un rire de gorge.

Le voile défendait sa beauté ; nul Hapien n’aurait eu l’audace de demander une chose pareille. Ce Skywalker n’était qu’un barbare qui…

A la grande surprise du prince, sa mère retira son voile.

Un long moment, le Jedi plongea le regard dans les yeux vert foncé mis en valeur par une cascade de cheveux roux. Dans la Confédération, peu de femmes pouvaient en remontrer à la souveraine en matière de beauté.

Le prince se demanda si le Jedi, malgré ses airs de ne pas y toucher, n’avait pas pris note des avances de sa mère.

Puis la souveraine remit son voile.

Luke fit une profonde révérence. Mais son visage s’était fermé comme s’il avait sondé l’âme de la reine et trouvé désagréable ce qui s’y cachait.

— A présent, je sais pourquoi vos sujets vous vénèrent, murmura le Jedi.

Puis il tourna les talons et sortit.

Un frisson courut le long de l’échine d’Isolder. Quelque chose de capital venait de se produire ; hélas, il n’avait pas saisi quoi…

Quand il fut sûr que le Jedi ne pouvait plus l’entendre, il osa questionner sa mère.

— Pourquoi lui avoir raconté ces sornettes sur l’académie des Jedi ? Ta mère détestait les Chevaliers presque autant que l’Empereur, et elle les aurait volontiers exterminés…

— L’arme d’un Jedi est son esprit, mon fils. Quand il est troublé, il devient vulnérable.

— Tu as donc l’intention de le tuer ?

La souveraine posa les mains sur la table.

— C’est le dernier des Jedi. L’as-tu entendu parler de ses précieuses archives ? Qui voudrait voir l’ordre maudit renaître de ses cendres ? Les premiers Chevaliers nous ont bien assez embêtés ! Je refuse de voir nos descendants courber l’échine devant une oligarchie de plieurs de petites cuillers et de lecteurs d’auras. Je n’ai rien contre ce garçon, mais je dois m’assurer que celles qui sont faites pour régner continuent à régner. Comprends-tu ?

Du regard, elle le défia de contester ce jugement.

— Merci du dîner et de la leçon, mère. Je dois aussi me préparer…

Il se leva et embrassa la souveraine à travers son voile.

 

En toute logique, il aurait dû quitter immédiatement l’Etoile de la Maison et rejoindre son propre navire. Au lieu de cela, il courut jusqu’au spatiodock des invités, où il trouva Skywalker sur le point d’embarquer dans son aile X.

— Prince Isolder, j’étais prêt à partir, mais je ne trouve pas mon astrodroïd. L’avez-vous vu ?

— Non, répondit le Hapien en regardant nerveusement autour de lui.

A cet instant, un technicien entra, le droïd roulant derrière lui.

— Il émettait des étincelles, expliqua le technicien. Nous avons trouvé un faux contact dans son motivateur…

— R2, tout va bien ? demanda Luke.

Le petit droïd siffla une réponse affirmative.

— Chevalier Skywalker, commença le prince, je voudrais vous demander quelque chose… Dathomir est à quelque soixante-dix parsecs d’ici, je crois ?

— Soixante-quatre, exactement.

— Le Faucon Millenium a dû suivre un cap plutôt sinueux pour faire un pareil bond dans l’hyperespace. Quel genre d’homme est le général Solo ? Aura-t-il pris la route la plus directe ?

Calculer un voyage dans l’hyperespace n’était pas un jeu d’enfant. Les ordinateurs de navigation avaient tendance à choisir les routes sûres le long desquelles les trous noirs, les planètes et les systèmes solaires étaient clairement localisés. Bien entendu, cela impliquait souvent de longs détours.

Les gens sensés jugeaient cela préférable aux dangers d’un voyage dans l’inconnu.

— Seul, Han aurait pris la route la plus courte. Avec Leia à bord, il s’est sûrement retenu. Il n’est pas homme à la mettre en danger, du moins volontairement.

Le Jedi parlait d’un ton étrange, comme s’il n’avait pas dit tout ce qu’il savait.

— Pensez-vous que Leia soit menacée ? demanda Isolder.

— Oui.

— J’ai entendu parler des Chevaliers Jedi quand j’étais enfant. On m’a dit que vous aviez des pouvoirs magiques. Par exemple, vous seriez capable de piloter un vaisseau dans l’hyperespace sans l’aide d’un ordinateur et en prenant la route la plus courte. Mais je n’ai jamais cru à la magie.

— Elle n’est pour rien dans ce que je peux faire, expliqua Luke. Mon seul pouvoir est celui que je puise dans la Force qui nous entoure. Même dans l’hyperespace, je sens l’énergie intérieure des soleils, des mondes et des lunes…

— Etes-vous sûr que Leia est en danger ?

— Oui. J’éprouve un sentiment d’urgence à son sujet. C’est pourquoi je pars.

Isolder décida de jouer cartes sur table.

— Luke, je crois que vous êtes un homme juste. Amenez-moi jusqu’à Leia. Par la route la plus courte, nous arriverons peut-être avant Solo.

— J’en doute. Il a une énorme avance.

— Mais si nous le rattrapons les premiers…

— Les premiers ?

Le prince haussa les épaules et indiqua d’un geste la flotte de superdestroyers et de Dragons qui entourait le vaisseau-amiral.

— Si ma mère le trouve avant nous, elle le fera tuer.

— Je crains que vous ayez raison… Bien qu’elle se soit montrée amicale avec moi, je sens qu’elle ne me veut aucun bien non plus…

Isolder ne s’était pas trompé. Le Jedi avait détecté la duplicité de sa mère.

— Prenez garde à vous, Chevalier, et retrouvez-moi sur mon vaisseau, murmura Isolder.

Parler à voix basse était inutile. Dans moins d’une heure, il le savait, sa mère serait au courant de sa trahison.

— Je serai prudent, souffla Luke.

Il flatta gentiment la tête de R2, le regardant comme s’il pouvait voir son âme à travers le métal.