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Le général Han Solo se tenait devant la baie d’observation du croiseur Calamarien Mon Remonda. De petits bruits rappelant des clochettes agitées par le vent l’avertirent que le vaisseau s’apprêtait à sortir de l’hyperespace dans le secteur de Coruscant, la capitale de la Nouvelle République. Il y avait longtemps que Solo n’avait pas vu Leia. Cinq mois, pour être précis ; cinq mois passés à traquer le Poing d’Acier, le destroyer Super Star du seigneur de la guerre Zsinj.

A l’époque, la Nouvelle République semblait en sécurité. L’impression était trompeuse, mais avec la fin du destroyer – un handicap pour le seigneur de la guerre – les choses avaient de bonnes chances d’aller mieux.

Tout au long de la mission, Han avait bouilli d’impatience. Pressé de quitter le navire Calamarien, trop humide pour lui, il l’était plus encore de retrouver le goût des baisers de la princesse et le doux contact de ses caresses sur son front.

Il avait vu tant de noirceur, ces derniers temps…

Une fois les moteurs d’hyperdrive coupés, le champ d’étoiles blanches de l’hyperespace disparut de la vue de Han. Aussitôt, Chewbacca grogna pour donner l’alarme : sur le fond bleuté de l’espace, autour d’une planète où seules brillaient les lumières nocturnes de Coruscant, évoluaient des dizaines de navires en forme de soucoupe que Han identifia au premier coup d’œil. Des Dragons hapiens. Dans leurs rangs volait un essaim de destroyers impériaux.

— Manœuvre d’évasion ! cria Han. Boucliers au maximum !

De sa vie, il n’avait vu qu’un seul Dragon hapien et ça lui suffisait amplement.

Les canons à ions du Dragon le plus proche s’orientèrent vers le navire Calamarien. Han vit les tourelles des blasters latéraux faire de même.

Le Mon Remonda piqua vers la planète, visant les lumières de Coruscant. L’estomac de Han manqua se retourner. Le pilote du croiseur, un Calamarien expérimenté, savait qu’ils ne pourraient pas s’enfuir avant d’avoir calculé un nouveau cap. En plongeant dans la formation ennemie, il mettait les Hapiens au défi de tirer sans se toucher les uns les autres.

Comme toute la technologie des vaisseaux calamariens, la baie d’observation était d’une exceptionnelle qualité. Lorsqu’ils frôlèrent la proue d’un Dragon, passant à un souffle de son module de commande, Han vit avec netteté les visages stupéfaits de trois officiers hapiens reconnaissables aux barrettes d’argent fixées à leur col. D’après ce qu’on disait, c’étaient des plaques d’identification…

Solo n’avait jamais croisé de Hapien. Vivant dans une zone prospère de la galaxie, les bougres en défendaient jalousement les frontières. Han savait qu’ils étaient humains – une espèce qui se répandait décidément dans tout l’Univers – mais il fut étonné de constater que ses trois adversaires, des femmes, étaient d’une beauté saisissante de fragilité et de délicatesse.

— Fin de la manœuvre d’évasion ! ordonna le capitaine Onoma, un Calamarien à la peau couleur saumon penché sur l’écran de contrôle des senseurs du Mon Remonda.

— Quoi ? s’étrangla Han, surpris qu’un officier moins gradé que lui ose contredire ses ordres.

— Les Hapiens ne tirent pas. D’après les messages que je reçois, ils sont tout à fait amicaux, répondit Onoma en posant sur Solo un de ses yeux jaunes globuleux.

Le croiseur cessa sa course folle ; il ralentit.

— Amicaux ? répéta Han. Ce sont des Hapiens ! Cet adjectif n’est pas fait pour eux !

— Pourtant, ils sont venus négocier je ne sais quel traité avec la Nouvelle République. Les destroyers n’appartiennent plus à l’Empire. Ce sont des prises de guerre. Regardez, général, les défenses de la planète sont intactes…

Le capitaine désigna un destroyer qui évoluait un peu à l’écart. Solo l’identifia sans peine. C’était le Rêve des Rebelles, le vaisseau-amiral de la princesse Leia. Quand ils l’avaient enlevé de haute lutte aux Impériaux, il semblait si grand, si menaçant. Comparé à la flotte hapienne, on aurait cru un minable transport. Le long de ses flancs papillonnaient une dizaine de cuirassés de la République. Sur leurs coques, Han reconnut les marquages de l’ancienne Alliance Rebelle.

L’unique fois où il avait vu un navire de guerre hapien, Solo appartenait à une flottille pirate qui se livrait au trafic d’armes sous les ordres du capitaine Rula. Les Hapiens n’étant pas alliés à l’Empire, les contrebandiers avaient établi leur avant-poste dans la zone neutre qui bordait leur frontière. Cette précaution était censée tenir à distance les forces impériales.

L’idée se révéla bonne, mais dangereuse. Un jour, sortant de l’hyperespace, les pirates s’étaient retrouvés face à un Dragon. Zone neutre ou non, intentions pacifiques ou pas, seuls trois des petits navires – sur vingt – avaient survécu à l’attaque.

La voix de l’officier des communications arracha Han à ses souvenirs.

— Général, nous avons un appel de l’ambassadrice Leia Organa.

— Je le prends dans ma cabine… répondit Han.

Il tourna les talons et partit.

 

Sur le petit écran, Leia souriait de toutes ses dents. Solo vit dans ses yeux une lueur qui lui plut beaucoup.

— Oh, Han, souffla-t-elle, la voix très douce, que je suis heureuse de te revoir…

Vêtue de l’uniforme blanc d’un diplomate alderaanien, elle n’arborait pas son chignon habituel. Depuis quelques mois, ses cheveux avaient beaucoup poussé, atteignant une longueur jamais vue par Han. Emu, il remarqua qu’elle portait les peignes qu’il lui avait offerts. Ils étaient faits d’argent et d’opale collectés sur Alderaan avant que le Grand Moff Tarkin ne désintègre la planète avec la première Etoile Noire.

— Tu m’as manqué aussi, avoua Solo d’une voix rauque.

— Je t’attends à Coruscant, dans le Grand Hall des réceptions. Les ambassadeurs hapiens ne vont pas tarder…

— Que veulent-ils ?

— L’important n’est pas ce qu’ils veulent, mais ce qu’ils ont à nous proposer. Il y a trois mois, je suis allée sur Hapes pour m’entretenir avec la reine-mère. Je lui ai demandé de nous aider à combattre Zsinj. Elle est restée très distante, mais elle m’a promis d’y réfléchir. Je suppose que ses envoyés viennent nous annoncer que c’est d’accord.

Récemment, Han avait réalisé que la guerre contre les vestiges de l’Empire pouvait durer encore des années, voire des décennies. Zsinj et d’autres seigneurs de la guerre de moindre importance étaient solidement implantés dans un bon tiers de la galaxie. Ces derniers temps, ils s’étaient mis en mouvement, pillant des systèmes solaires entiers sur la route qui les menait aux mondes libres. La Nouvelle République ne pouvait contrôler un front si étendu. Un peu comme jadis le vieil Empire par l’ancienne Alliance, elle risquait à tout moment d’être débordée.

Han entendait que Leia ne se fasse pas trop d’illusion au sujet des Hapiens.

— N’espère pas trop de ces gens, lui conseilla-t-il. Ils n’ont pas pour habitude de donner quoi que ce soit, sauf des coups…

— Tu ne les connais pas, Han. Viens me rejoindre, tu verras bien. (Elle parlait en diplomate, toute intimité oubliée.) Bienvenue quand même, général Solo.

La transmission cessa abruptement.

— Merci beaucoup, ambassadeur Organa, maugréa Han.

 

Han et Chewie avançaient à grandes enjambées dans les rues de Coruscant. Ils se trouvaient dans un vieux quartier de cette ville aux dimensions planétaires, un des rares qui ne fût pas construit sur des ruines. Autour d’eux, des gratte-ciel de verre et d’acier s’élevaient comme les parois d’un canyon. Leurs ombres étaient si imposantes que les navettes qui circulaient entre eux devaient conserver nuit et jour leurs feux de position, créant ainsi une gigantesque toile d’araignée de lumière.

Quand Han et Chewie arrivèrent devant le Grand Hall, la fanfare jouait déjà une marche étrangement mielleuse à grands coups de cymbales et de tromblons.

Le Grand Hall était une énorme construction à ciel ouvert longue de plus de mille mètres. Gradins et loges se répartissaient sur quatorze étages. Approchant de l’entrée, Han constata que tous les portails étaient pris d’assaut par une foule de curieux avides de voir les Hapiens.

Solo passa rapidement devant les cinq premières entrées. Soudain, il aperçut le sommet du crâne puis la tête d’un droïd-protocole doré qui sautait comme un cabri pour tenter de voir par-dessus la foule. Même si beaucoup de gens affirmaient que tous les droïds d’une série se ressemblaient, Han reconnut immédiatement C-3P0.

C’était la seule unité protocole de l’univers qui pouvait se montrer aussi excitée qu’une puce.

— C-3P0, espèce de tas de fer-blanc ! s’exclama Han.

Chewbacca se fendit d’un grognement ravi.

— Général Solo ! triompha le droïd, visiblement soulagé. La princesse Leia m’a chargé de vous trouver et de vous escorter jusqu’à la loge de l’ambassadeur alderaanien. Heureusement que j’ai eu la clairvoHance de vous attendre ici. Suivez-moi, je vous prie.

Le droïd les conduisit jusqu’à une entrée gardée par plusieurs soldats en armes.

Tandis qu’ils remontaient un long couloir sinueux, laissant derrière eux une succession de portes, Chewbacca renifla l’air et laissa échapper un grognement. Puis C-3P0 s’arrêta devant l’entrée d’une loge. A l’intérieur, Solo reconnut la plupart des privilégiés qui regardaient la procession à travers la vitre blindée.

Il y avait là Carlist Rieekan, un général alderaanien, ancien commandant de la base Hoth ; Threkin Horm, le président du Conseil d’Alderaan, tellement obèse qu’il préférait confier sa graisse à une chaise antigrav plutôt qu’à ses jambes. Mon Mothma, l’actuelle dirigeante de la Nouvelle République, se tenait à côté d’un Gotal à la barbe grise qui regardait en bas d’un air impassible, la tête légèrement inclinée, ses cornes sensitives braquées en direction de la princesse Leia.

Les diplomates conversaient à voix basse ou écoutaient les commentaires officiels grâce à leurs comlinks. Tous regardaient Leia. Assise sur une estrade, la jeune femme contemplait d’un œil royal la navette diplomatique hapienne qui venait de se poser sur l’aire de l’immense hall réservé à cet effet.

Près de cinq cent mille spectateurs se massaient dans les étages, chacun tendant le cou pour apercevoir les visiteurs. Des milliers de gardes formaient une haie d’honneur le long du tapis couleur or menant de la navette au trône de Leia.

Han embrassa les loges d’un regard circulaire. Presque tous les systèmes solaires du vieil Empire en avaient eu une, signalée par un étendard. Aujourd’hui, près de six cent mille de ces drapeaux décoraient l’imposante bâtisse, chacun représentant un membre de la Nouvelle République.

Dans le hall, le silence se fit. La navette hapienne venait de déployer sa rampe de débarquement.

Han s’approcha de Mon Mothma.

— Que se passe-t-il ? Pourquoi n’êtes-vous pas sur l’estrade avec la princesse ?

— Les envoyés hapiens n’ont pas jugé ma présence nécessaire. Ils ne veulent voir que Leia. L’Ancienne République elle-même avait fort peu de contacts avec les monarques hapiens. Les choses sont ainsi depuis plus de trois mille ans. Il m’a semblé judicieux de rester à l’écart jusqu’à ce qu’on m’invite…

— C’est très délicat, mais vous êtes la présidente élue de la Nouvelle République, et…

— La reine-mère s’inquiète de nos pratiques démocratiques. Franchement, si ça doit les mettre à l’aise, je préfère que ses émissaires s’adressent à la princesse. Avez-vous compté les Dragons de la flotte hapienne ? Ils sont soixante-trois, Han, un pour chaque planète habitée de la Confédération hapienne. Jamais prise de contact n’a été si massive. Une page d’histoire est en train de s’écrire, j’en suis sûre…

Han ne l’aurait pas avoué sous la torture, mais il était vexé de ne pas être assis aux côtés de Leia. Que Mon Mothma subisse le même sort ajoutait à son courroux.

Il ravala momentanément sa frustration : les Hapiens se montraient.

La première à sortir de la navette fut une femme aux longs cheveux et aux yeux d’onyx qui brillaient sous les lumières artificielles. Vêtue d’une robe courte couleur or, elle laissait admirer à tous ses longues jambes. Les haut-parleurs installés dans les loges pour restituer l’ambiance transmirent les murmures que soulevait dans la foule le passage de la jeune beauté.

Quand elle fut assez près de Leia, la Hapienne mit un genou au sol et, les yeux rivés sur la princesse, fit une déclaration dans sa langue :

— Ellene Sellibeth e Ta’a Chume. ’Shakal Leia, ereneseth a’apelle seranel Hapes. Rennithelle saroon’.

Se retournant, l’envoyée tapa six fois dans ses mains. Des dizaines de femmes en robe étincelante descendirent de la navette. Certaines jouaient de la flûte, d’autres du tambour. D’autres encore psalmodiaient d’une voix cristalline :

— Hapes ! Hapes ! Hapes !

Grâce à son comlink, Mon Mothma avait eu la traduction immédiate des propos de la Hapienne. Han, lui, n’y avait rien compris.

— C-3P0, tu parles le hapien ? demanda-t-il.

— Général, je pratique plus de six millions de langues et de dialectes, soupira le droïd, mais je dois avoir un problème de circuits. L’émissaire ne peut pas avoir dit ce que j’ai cru entendre. (Il fit volte-face et se dirigea vers la sortie.) La peste soit de la rouille ! Je m’éclipse le temps d’une réparation…

— Minute ! cria Han. Oublie tes circuits et répète-moi ce qu’elle a dit.

— Général, j’ai dû mal comprendre…

— Je t’écoute ! ordonna Han, impérieux.

Chewie le soutint d’un grognement.

— Eh bien, si vous le prenez sur ce ton… gémit C-3P0. Sauf panne de ma part, l’émissaire a transmis à la princesse les paroles suivantes de la reine-mère : « Inestimable Leia, je t’offre des cadeaux au nom des soixante-trois mondes de Hapes. Qu’ils t’apportent beaucoup de plaisir. »

— Des cadeaux ? répéta Han. Voilà qui paraît idyllique.

— Ça n’est qu’un leurre, général, expliqua C-3P0, quelque peu condescendant. Les Hapiens ne demandent jamais une faveur avant d’avoir offert un présent d’une valeur équivalente. Ce qui me trouble plus, c’est l’utilisation du mot shakal. Inestimable est un terme qu’ils réservent à leurs égaux. La reine-mère n’aurait jamais dû l’appliquer à Leia.

— Pourquoi pas ? objecta Han. Elles sont de sang noble toutes les deux…

— C’est exact, concéda C-3P0, mais les Hapiens vénèrent littéralement leur reine. Un des noms qu’ils lui donnent est Ereneda, à savoir : « Celle qui n’a pas d’égal. » Il n’est donc pas logique qu’elle traite Leia comme telle…

Han regarda de nouveau en bas et frissonna. Alors que le roulement des tambours s’intensifiait, trois femmes vêtues de soieries étincelantes sortirent de la navette. Elles portaient un grand coffre de nacre.

C-3P0 secoua la tête et marmonna :

— Il faut vraiment que je fasse réparer ces circuits…

Au même moment, les trois Hapiennes vidèrent sur le sol le contenu de leur coffre.

— Des gemmes multicolores de Gallinore ! s’écria la foule.

Ces pierres d’une fabuleuse valeur avaient la particularité de posséder une sorte de feu intérieur qui les faisait briller de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. A la vérité, ça n’était pas des gemmes, mais une forme de vie basée sur la silice bel et bien dotée d’une lumière interne. Souvent portées en médaillon, ces créatures atteignaient leur maturité au terme de milliers d’années de vie quasi minérale.

Avec une seule, on pouvait s’offrir un croiseur Calamarien.

Des centaines étincelaient aux pieds de Leia, qui les observait d’un air impassible.

Un deuxième trio de femmes, beaucoup plus grandes que les précédentes, descendit de la navette. Celles-là étaient vêtues de cuir couleur cannelle. Tandis qu’elles dansaient au son des flûtes et des tambours, entre elles flottait une plate-forme antigrav chargée d’un petit arbre aux branches lestées de fruits marron. Deux lumières jumelles brillaient au-dessus du végétal comme le soleil double d’une planète désertique.

— Selabah, terrefel n lasarla… annonça l’émissaire.

— Venu de Selab, un arbre de la sagesse, traduisit C-3P0.

Des cris de joie montèrent de la foule. Han en resta bouche bée. Jusqu’à ce jour, il tenait les arbres de la sagesse pour une légende. On disait que leurs fruits pouvaient améliorer considérablement l’entendement des personnes très âgées.

Le pouls de Solo s’accéléra ; sa tension monta d’un cran. Un homme avançait sur le tapis doré. C’était un guerrier cyborg vêtu d’une armure hapienne noire à rayures d’argent. Presque aussi grand que Chewbacca, il s’immobilisa devant l’estrade, tira un objet métallique de son bras et le posa sur le sol.

— Charubah endara, mella n sesseltar.

— De Charubah, un monde où la science est reine, accepte ce Poing de Soumission, traduisit de nouveau C-3P0.

Han dut s’appuyer à la vitre pour conserver son équilibre. Les Poings de Soumission étaient l’arme secrète des Hapiens ; en combat rapproché, ils les rendaient invincibles grâce au champ électromagnétique neutralisant le processus de pensée de l’adversaire, ceux qui étaient touchés devenaient des zombies susceptibles d’obéir à n’importe quel ordre, y compris ceux des officiers ennemis. Han sentit qu’il transpirait.

Chaque planète de la Confédération offre son bien le plus précieux, songea-t-il. Que veulent-ils en retour ? Qu’espèrent-ils gagner ?

La cérémonie dura plus d’une heure. Le son des tambours et des flûtes, conjugué aux voix des femmes gaussant toujours leurs : « Hapes, Hapes, Hapes ! », nit par résonner dans la tête de Solo comme s’il s’était agi de son sang battant à ses tempes. Douze des mondes les plus pauvres de la Confédération offrirent à Leia des destroyers pris à l’Empire ; d’autres lui firent présent d’objets plus exotiques. Une vieille femme d’Aranbath fit une brève déclaration sur l’importance d’ouvrir les bras à la vie tout en acceptant la mort, puis remit à la princesse un « puzzle mental » que son peuple tenait pour un trésor. La planète Ut envoya une femme qui chantait si bien que Solo se crut soudain transporté par une douce brise sur son monde natal.

A un moment, il entendit Mon Mothma murmurer :

— Je savais que Leia avait demandé l’aide financière de la Confédération, mais à ce point…

Quand les tambours, les flûtes et les chanteuses se turent, une bonne partie des trésors des mondes de Hapes s’étalait sur le sol du Grand Hall. Alors Han réalisa qu’il avait serré les poings à s’en enfoncer les ongles dans les paumes.

Après tant de bruit, le silence semblait presque inquiétant. Plus de deux cents émissaires de Hapes se tenaient sur l’esplanade. Une fois encore, Solo s’émerveilla de leur grâce, de leur beauté et de leur force. C’étaient les premiers Hapiens qu’il voyait ; nul doute qu’il ne les oublierait pas de sitôt.

Personne n’osa briser le silence. Solo, lui, attendait que les Hapiens présentent l’addition. Avec ce déploiement de richesses, ils ne pouvaient désirer qu’une chose : un pacte avec la République. C’était ça, à coup sûr ! La Confédération voulait de l’aide contre les seigneurs de la guerre, ces ultimes soldats perdus de l’Empire.

Han releva les yeux. La tête inclinée juste ce qu’il faut, Leia contemplait les cadeaux avec un sourire satisfait.

— Vous m’avez parlé de présents venus de vos soixante-trois mondes. Je n’en vois que soixante-deux sortes. Hapes elle-même ne m’a rien offert.

Han fut choqué par la remarque. Alors qu’il avait perdu le compte depuis beau temps, ébloui par la générosité des Hapiens, voilà que la princesse cédait à la mesquinerie. A la place des émissaires, il aurait remballé les offrandes et levé le camp.

Mais l’ambassadrice sourit chaleureusement et soutint sans frémir le regard de Leia. Elle parla, Han bénéficiant de la traduction simultanée de C-3P0.

— Noble dame, c’est parce que nous avons réservé le morceau de choix pour la fin.

Elle fit un signe de la main. Les émissaires s’écartèrent, libérant le passage. Sans fanfare ni chant, arriva le moment de l’ultime hommage.

Deux femmes pudiquement vêtues de noir, des mèches argentées dans leurs cheveux de jais, sortirent du vaisseau. Un homme marchait entre elles. Un bandeau d’argent tenait en place le voile noir qui lui couvrait le visage. De longs cheveux blonds cascadaient sur ses épaules. Poitrine nue, une cape sur le dos, il portait sur ses avant-bras musclés un coffret d’ébène incrusté d’argent.

Quand il eut posé le coffret aux pieds de Leia, il s’accroupit, les mains posées sur les genoux. Les femmes lui retirèrent alors son voile, révélant aux yeux de tous le plus bel homme que Han ait jamais vu.

Ses yeux, bleus comme peut l’être la mer sur la ligne d’horizon, promettaient un caractère bien trempé où se mêlaient harmonieusement courage, humour et sagesse. Ses épaules carrées et sa mâchoire volontaire exhalaient la puissance. Solo devina qu’il s’agissait d’un dignitaire de la maison royale hapienne.

— Hapesah, rurahsen Ta’a Chume, elesa Isolder Chume’da, déclara l’ambassadrice.

— La reine-mère t’offre son plus grand trésor, chuchota C-3PO. Son fils, Isolder, le Chume’da dont l’épouse régnera un jour sur la Confédération.

Chewbacca grogna ; dans la foule éclatèrent des conversations nerveuses. Le tumulte rappela à Han celui d’une tempête.

Mon Mothma coupa son comlink et regarda Leia, l’air interloquée. Un des généraux lâcha une bordée de jurons, puis sourit.

Solo s’éloigna de la vitre.

— Qu’est-ce que ça signifie ? demanda-t-il.

— La Ta’a Chume veut que Leia épouse son fils, répondit Mon Mothma.

— Mais elle n’en fera rien, n’est-ce pas ?

Aussitôt ces mots prononcés, Solo sentit ses certitudes s’effondrer. Régner sur soixante-trois mondes comptant parmi les plus riches de la galaxie… Etre la souveraine de milliards de gens, aux côtés d’un homme pareil…

Mon Mothma le foudroya du regard.

— Avec le soutien de Hapes, Leia mettra un terme à la guerre et sauvera des milliards de vies. Je sais quels sentiments vous aviez pour elle, général. Pourtant, au nom des citoyens de la Nouvelle République, j’espère qu’elle acceptera l’offre de la reine-mère.