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Vêtu de son plus bel uniforme, ses médailles sur la poitrine, Han arriva dans les quartiers de la princesse pour constater qu’on ne l’avait pas attendu pour commencer.

Il fit la moue, mais ne dit rien.

En tenue de soirée, Isolder était assis à la gauche de Leia, ses amazones derrière lui. Les deux femmes, de plus en plus superbes, portaient des robes de soie rouge suggestives. A la hanche chacune arborait un blaster et une vibroépée énigmatiquement décorée. A la droite de la princesse, Threkin Horm faisait office de chaperon. Tandis que les domestiques s’empressaient de préparer une place pour Han, Leia le présenta au Hapien.

— Ils se sont déjà rencontrés, l’interrompit Horm d’une voix glaciale.

La princesse regarda le président, qui ne faisait rien pour cacher son courroux.

— Exact, lança Solo. Le prince et moi avons bavardé pendant que je travaillais sur le Faucon. Nous nous sommes trouvé des points communs…

Il s’assit prestement, espérant que Leia ne remarquerait pas son embarras.

— Vraiment ? dit-elle. Je serais curieuse de les connaître…

— Général Solo, grommela Horm, pourquoi ne racontez-vous pas tout à notre hôte ?

Un long silence suivit cette déclaration. Isolder finit par le briser :

— Tout d’abord, commença-t-il, j’ai été fasciné d’apprendre que le général et moi avons tous deux été contrebandiers. L’univers est décidément petit…

— Contrebandier, un prince ? demanda Horm, soudain soupçonneux.

Han soupira de soulagement. On s’éloignait des sujets délicats.

— Oui, confirma Isolder. Quand j’étais petit garçon, des pirates attaquèrent le navire royal et tuèrent mon frère aîné. C’est ainsi que je devins l’héritier, le Chume’da. Idéaliste comme tous les jeunes gens, j’ai bientôt quitté le palais pour endosser une nouvelle identité. Pendant deux ans, j’ai hanté les routes commerciales, travaillant sur tous les vaisseaux illégaux dans l’espoir de retrouver les assassins de mon frère.

— Quelle étrange histoire ! s’étonna Leia. Avez-vous mis la main sur le coupable ?

— Oui. Il se nommait Harravan. Je l’ai arrêté et fait jeter en prison.

— Voyager avec les contrebandiers était extrêmement dangereux, intervint Horm. S’ils avaient découvert votre identité…

— Ce n’était pas mon principal souci. J’avais plus à craindre de la flotte de ma mère. Les escarmouches étaient très fréquentes…

— La reine ignorait où vous étiez ? s’étonna Leia.

— Oui. Les rumeurs prétendaient que je me terrais à l’autre bout de l’Univers, mort de peur. Ne sachant rien, ma mère laissait dire en espérant que je referais surface un jour.

— Et le pirate, cet Harravan, qu’est-il devenu ? demanda Han.

— Il fut assassiné en prison avant son jugement. Je n’ai jamais su le nom de ses complices.

Il y eut un nouveau silence. Leia chercha le regard de Han. Elle avait conscience que la digression du prince visait à protéger le général de sa colère.

Han s’éclaircit la gorge.

— Les pirates sont un gros problème sur votre territoire ? demanda-t-il.

— Pas vraiment, répondit Isolder. A l’intérieur de la Confédération, la sécurité est presque totale. Le long de nos frontières, en revanche, les difficultés sont incessantes. Il y a de nombreux engagements, souvent sanglants.

— J’ai survécu à l’un d’eux, souffla Han. Après ce que j’ai connu, il serait étonnant que les pirates s’aventurent chez vous…

Isolder était une énigme pour Solo. Il avait frayé avec les pirates, risqué sa vie face à la redoutable flotte de sa mère, et couru le risque permanent que ses compagnons découvrent sa véritable identité. Isolder était beau et riche, ce qui en faisait une menace pour Solo, mais il avait aussi de sacrées tripes. Ce n’était pas le genre de gandin qui court se cacher dans les jupes de ses gardes du corps.

— Général Solo, la Confédération est prospère, et cela attire toujours les aventuriers. Mais je suis sûr que vous connaissez notre histoire. Certains jeunes gens idéalisent l’ancien mode de vie…

— Votre histoire ? demanda Han.

— N’avez-vous rien appris à l’Académie ?

— Si : à piloter un chasseur. La politique, je la laisse aux diplomates.

Leia intervint :

— La Confédération a été fondée par des pirates, un groupe nommé les Baroudeurs de Lorell. Pendant des centaines d’années, ils ont écumé les routes commerciales de l’Ancienne République. Les transports n’en menaient pas large, à l’époque. Les vaisseaux militaires non plus. Et quand ces forbans trouvaient une belle passagère, ils n’hésitaient pas à l’enlever. En résumé, général Solo, c’était des gens de votre genre…

Han voulut protester, mais Leia sourit, indiquant qu’elle le taquinait.

— Ainsi, pontifia Horm de sa voix haut perchée, les femmes de Hapes élevaient leurs enfants du mieux possible, mais les pirates les recrutaient de force, les transformant en vauriens. Alors ils partaient pour de longs raids, et des mois s’écoulaient avant qu’ils viennent se reposer chez eux…

Han s’aperçut que le président du Conseil regardait les gardes du corps du prince avec l’intérêt qu’il réservait normalement à la nourriture.

Soudain, il comprit pourquoi la plupart des Hapiens étaient superbes. Il y avait eu une rigoureuse sélection génétique. Ça expliquait les jeunes femmes enlevées pour leur beauté…

— Puis les Jedi vainquirent les Baroudeurs et la flotte ne revint jamais au bercail. Les mondes de Hapes furent oubliés pour un temps. Les femmes, quant à elles, prirent en main leurs destinées. Elles jurèrent qu’aucun homme ne les dirigerait plus jusqu’à la fin des temps. Depuis des milliers d’années, les reines-mères ont fait respecter cette profession de foi.

— Et elles ont dirigé sagement la Confédération, ajouta Leia.

— Hélas, reprit le prince, quelques-uns de nos jeunes hommes se sentent brimés dans cette société. Ils se languissent des temps anciens. Quand ils passent à la rébellion, c’est souvent pour devenir pirates. Voilà pourquoi nous avons un problème sur nos frontières…

Han s’intéressa un peu à son assiette. Il avala quelques bouchées d’une viande spongieuse au goût épicé. Subitement, il s’aperçut qu’il n’avait aucune idée de ce que c’était.

— Nous sommes hors sujet depuis un moment, déclara Horm. La princesse Leia voulait savoir de quoi vous avez parlé aujourd’hui.

Le gros homme défia Solo du regard.

— C’est exact, admit le Hapien. Han m’a posé une question qui mérite réponse. Il se demandait pourquoi ma mère avait choisi Leia alors qu’il y a des dizaines de princesses plus riches dans la galaxie…

Il marqua une pause, soucieux de ménager ses effets.

— En réalité, la reine-mère n’a choisi personne. (Il chercha le regard de Han.) C’est moi qui l’ai élue.

Horm se mit à toussoter. Sans doute avait-il avalé quelque chose de travers.

— Le jour de l’arrivée de la princesse sur Hapes, ma mère donna une soirée dans les jardins du palais. Il y avait tant de dignitaires autour des deux femmes que Leia ne m’adressa pas la parole. Peut-être ne me vit-elle même pas. Moi, j’étais tombé amoureux ! C’est la première fois qu’une chose pareille m’arrive, je vous assure. Jamais je n’ai été aussi impulsif. Et aucune femme ne m’a ainsi fasciné… L’idée d’arranger un mariage n’est pas de la reine, mais de moi. J’ai seulement obtenu son consentement…

Il prit la main de Leia pour la baiser. La princesse rougit et le regarda fixement.

Han étudia les yeux profonds de son rival, ses cheveux blonds, son beau visage. Comment Leia pouvait-elle résister ?

Alors quelque chose en lui craqua. Il se leva d’un bond, renversant sa chaise. Quand tous les regards se tournèrent vers lui, il resta planté là, comme un gosse surpris en train de voler des confitures. Incapable de dire un mot, il se rassit péniblement, l’esprit si embrumé qu’il n’entendit plus rien de la conversation jusqu’à la fin du dîner.

Quand les convives se retirèrent, une heure plus tard, Han embrassa Leia pour lui souhaiter bonne nuit, se demandant après coup ce qu’elle avait ressenti, comme s’il s’agissait d’une espèce de devoir qu’elle aurait eu à noter…

Threkin Horm serra chaleureusement la main de la princesse et sortit le premier. Isolder semblait avoir du mal à partir. Il remercia Leia pour le dîner et pour le temps qu’elle avait bien voulu lui consacrer. Puis il lança quelques plaisanteries auxquelles la princesse rit de bon cœur. Au moment où Han commençait à perdre patience, le prince souhaita bonne nuit à son hôtesse en la serrant d’un peu trop près. L’embrassade, très officielle au début, avait glissé vers une intimité désagréable pour le général corellien.

Après d’autres remerciements, le prince jeta un regard de côté à Han, qui comprit que son rival ne lèverait pas le camp avant lui. Quelques minutes plus tard, les deux hommes se retrouvèrent dans une coursive, Isolder toujours flanqué de ses gardes du corps.

— Je me battrai pour elle, cracha Han tandis que le Hapien s’éloignait.

C’était une déclaration stupide. Bouleversé, Solo n’avait rien trouvé d’autre à dire…

Isolder se retourna, très raide.

— Je le sais, général Solo. Mais je ferai tout pour gagner, soyez prévenu. Il y a bien trop de choses en jeu…

 

Longtemps après le départ du prince et de Han, Leia se tournait et se retournait dans son lit, incapable de trouver le sommeil. Elle avait failli s’endormir une seule fois. Réveillée par le bruit des moteurs du vaisseau – des essais de performance étaient en cours –, elle n’avait plus réussi à fermer l’œil.

Sur sa coiffeuse, les gemmes de Gallinore brillaient de leur étrange lueur. Dans un coin, l’arbre de Selab diffusait des senteurs exotiques qui envahissaient la pièce. Threkin avait insisté pour que Leia garde une partie des présents dans sa chambre. Mais ça n’était pas ce qui la tenait éveillée. Elle songeait à Isolder : sa courtoisie avec Han, combien il était prévenant, son humour, son rire communicatif.

Et sa déclaration d’amour…

Comprenant qu’elle ne parviendrait pas à dormir, Leia se leva et s’assit devant son ordinateur. Pour penser à autre chose, elle appela sur l’écran le fichier des Verpine.

Familiers des voyages spatiaux depuis des temps immémoriaux, les insectoïdes avaient colonisé la ceinture d’astéroïdes de Roche bien avant la naissance de l’Ancienne République.

Leur système de gouvernement était quasiment unique. Grâce à un curieux organe niché dans leur poitrine, ces êtres pouvaient à tout moment communiquer par ondes radio. Chaque individu avait la possibilité de s’entretenir avec la race entière en quelques secondes. Au fil des ans s’était ainsi développée une forme de conscience collective.

Chaque Verpine se tenait pourtant pour un être indépendant de la ruche. Un membre de la communauté qui prenait une décision jugée mauvaise par le groupe n’était ni puni ni excommunié. Les actes de la reine qui avait saboté le contrat avec les Barabels n’étaient pas tenus pour des crimes, mais pour les symptômes d’une folie digne de pitié.

En fouillant dans les fichiers, Leia découvrit une longue liste de déviants dans l’histoire verpinienne. Meurtriers et voleurs abondaient, comme dans toutes les civilisations, mais la princesse mit le doigt sur une particularité très intéressante.

La plupart des criminels avaient un point commun : un jeu d’antennes qui ne fonctionnait pas.

Les Verpine étaient-ils davantage une gestalt qu’ils le pensaient ? Sans antenne, un individu se retrouvait à jamais seul, coupé de ses semblables…

Quelle que fût la raison du comportement des insectoïdes, les Barabels étaient assez fous pour massacrer l’espèce entière et la transformer en hors-d’œuvre galactiques. Pour éviter ça, Leia devait se rendre dans le système de Roche et contacter les Verpine. Quant à tout comprendre, elle en serait probablement incapable, même si elle rencontrait la reine folle responsable des ennuis de son peuple.

Leia se frotta les yeux. Trop énervée pour dormir, elle s’habilla et sortit.

 

Un opérateur assurait la garde dans la salle d’holo-communication.

— Je voudrais contacter Luke Skywalker, lui demanda Leia. Il doit se trouver sur Toola. Essayez l’ambassade de la Nouvelle République.

Le technicien établit la connexion et s’entretint avec un de ses homologues.

— Skywalker explore la planète. Si c’est une urgence, vous l’aurez d’ici environ une heure…

— Ça me va. Je n’ai pas sommeil… J’attendrai…

Elle prit un siège et patienta. Quand un hologramme de son frère apparut, Leia constata qu’il se trouvait dans un grand bâtiment. Par une fenêtre, on apercevait le soleil rouge de Toola.

— Qu’y a-t-il de grave ? demanda-t-il.

Il était essoufflé. Leia remarqua qu’il portait un parka encore mouillé.

Soudain embarrassée, la jeune femme raconta à Luke tout ce qui s’était passé depuis son départ pour Toola.

— Isolder te fait peur ? demanda Luke quand elle eut terminé. Je sens ton angoisse.

— Tu ne te trompes pas…

— En même temps, tu éprouves pour lui une tendresse qui pourrait devenir de l’amour. Mais tu ne veux pas blesser Han. Ni le prince, d’ailleurs…

— Oui, reconnut Leia. Luke, je suis désolée de t’avoir dérangé pour une histoire aussi triviale.

— Il n’y a rien de trivial là-dedans, sœurette. (Le regard bleu pâle de Luke sembla traverser Leia et se perdre dans le lointain.) Tu as entendu parler d’une planète nommée Dathomir ?

— Non ? Pourquoi ?

— Ne t’inquiète pas, c’était juste pour savoir… Je reviendrai aussi vite que possible. Je sens qu’il le faut. Je peux être ici dans quatre jours.

— Je serai déjà dans le système de Roche.

— Alors c’est là que je te retrouverai…

— C’est formidable. Je serai contente de t’avoir près de moi.

— En attendant, prends les choses calmement. Définis tes sentiments. Tu n’as pas besoin de choisir vite. Oublie la fortune d’Isolder. Ça n’est pas la Confédération que tu épouseras, mais un homme. Traite-le comme un soupirant parmi d’autres, rien de plus…

Leia acquiesça. Soudain, elle songea au prix astronomique que coûterait cette communication.

— Merci de tes conseils, conclut-elle. A bientôt.

— Je t’embrasse, répondit Luke.

Son image disparut.

Leia retourna dans sa chambre. Il lui fallut très longtemps pour s’endormir…

Le lendemain, la sonnette de sa porte la réveilla très tôt. C’était Han Solo, un bouquet de fleurs exotiques dans les mains.

— Je viens m’excuser pour hier, annonça-t-il en lui tendant son présent.

Sur leurs tiges noires, les fleurs jaunes s’ouvraient et se fermaient doucement. Leia les accepta avec un sourire. Han l’embrassa.

— Qu’as-tu pensé du dîner ? demanda-t-il ensuite.

— J’en suis contente. Isolder est un parfait gentleman.

— Pas trop parfait, j’espère !

Leia ne rit pas de cette mauvaise plaisanterie. Han s’empressa de rectifier le tir.

— Après t’avoir laissée, hier soir, je suis allé dans ma chambre pour remâcher ma stupide jalousie.

— Elle avait bon goût ?

— Tu sais ce que c’est… On s’en lasse vite. J’ai dû foncer dans une cuisine pour trouver quelque chose de plus consistant… (Leia éclata de rire ; Han lui caressa a joue.) Voilà le soleil après la pluie ! Je t’aime, tu sais.

— Je sais…

— Parfait. Si nous en revenions à ce dîner ?

— Tu n’abandonnes jamais, hein ?

Han se contenta de hausser les épaules.

— Le prince est un convive charmant, déclara Leia. Je vais l’inviter à nous accompagner dans le système de Roche.

— Pardon ?

— Tu as bien entendu…

— Et pourquoi cette décision ?

— Parce qu’il restera ici quelques semaines seulement, et que je ne le reverrai plus après. Voilà la raison.

Han secoua la tête, atterré.

— J’espère que tu n’as pas cru un mot de son histoire. Comment il est tombé amoureux de toi, et tout le reste !

— Ça te dérange ?

— Bien sûr ! explosa Han. Ça ne devrait pas ? (Il serra les poings.) Laisse-moi te dire une chose : dès que j’ai vu ce type, j’ai su qu’il n’était pas net. Il a un problème. Un fichu problème ! Je ne sais pas, moi, il est… hum… tordu.

— Tordu ? Tu oses qualifier ainsi le prince de Hapes ! Allons, Han, tu es simplement jaloux.

— Je suis jaloux, c’est vrai ! Mais ça ne change rien. Quelque chose ne colle pas. Crois-moi, princesse, j’ai fait des trucs pendables plus souvent qu’à mon tour. Je suis tordu, et presque tous mes amis aussi. Quand on s’y connaît comme moi, on repère les confrères à distance…

Leia était indignée. Pourquoi aurait-il dû y avoir complot sous prétexte qu’un homme s’intéressait à elle ? Et de quel droit traitait-il de tordu un noble héritier ? Tout cela était à l’opposé de la conception du monde de la princesse.

— Je crois que tu devrais reprendre tes stupides fleurs et aller les offrir à Isolder avec tes excuses, gronda-t-elle, tremblant de colère. Un jour ou l’autre, ton petit cerveau et ta grande gueule finiront par t’attirer des ennuis.

— Leia, tu passes trop de temps avec ce gros porc de Horm ! Ne vois-tu pas qu’il rêve de ce mariage ? A ce propos, sais-tu que ton foutu prince m’a offert un nouveau vaisseau si je consentais à aller me faire voir ailleurs ? Je te le dis, c’est un tordu !

Leia brandit un index accusateur vers Han.

— Et si tu acceptais son offre tant que tu peux tirer quelque chose de cette histoire ? cracha-t-elle.

Han recula, terrorisé par la tournure de la conversation.

— Leia, je m’excuse… Je ne sais pas ce qui se passe. Ce n’est pas que je veuille créer des problèmes… Je sais qu’Isolder a l’air d’un type bien, mais… La nuit dernière, dans la cuisine, j’ai entendu des gens parler. Tout le monde pense que tu épouseras le Hapien. Alors j’essaye de m’accrocher à toi… Mais plus je lutte, plus tu me glisses entre les doigts…

Leia pesa ses mots avant de répondre. Solo essayait de s’excuser, mais sur l’instant, chacune de ses paroles était une agression pour elle.

— Han, je ne sais pas pourquoi les gens croient que j’épouserai le prince. Je suis sûre de n’avoir rien fait pour donner cette impression. Alors fiche-toi des cancans. Ecoute bien : je t’aime pour ce que tu es, tu t’en souviens ? Un rebelle, une fripouille et un fanfaron ! Mes sentiments ne changeront jamais. Mais pour l’instant, j’ai besoin d’être seule avec moi-même. Tu comprends ?

Dans le silence qui suivit, un bip retentit. Leia alla jusqu’à sa petite unité holo privée et accepta la communication.

— Oui ?

Une image réduite de Threkin Horm se matérialisa dans la pièce. L’ambassadeur était vautré sur un canapé. Des replis de graisse cachaient presque ses yeux bleu pâle.

— Princesse, j’ai convoqué pour demain une assemblée extraordinaire du Conseil. J’ai déjà pris la liberté d’inviter les personnalités habituelles…

— Pourquoi cette assemblée ? Nous avons un problème ?

— Grands dieux, non ! Tout le monde est au courant de la proposition des Hapiens. Votre union avec l’héritier de la dynastie la plus riche de l’Univers ne manquera pas d’avoir des conséquences pour les survivants. Il semble judicieux que le Conseil discute des détails du mariage à venir.

— Merci de l’attention, siffla Leia, hors d’elle. Soyez assuré que je viendrai.

Elle coupa la communication d’un geste rageur.

Han lui lança un regard chargé d’opprobre et sortit en trombe.

 

Quand il fut assez loin de la porte de la princesse, le Corellien s’adossa à une cloison et tenta de réfléchir sainement. Ses excuses avaient tourné à la catastrophe.

Quant à Isolder, Leia avait sans doute raison. C’était un type bien et seule la jalousie lui dictait sa méfiance.

Solo avait vu le regard rêveur de Leia dès qu’elle songeait à Hapes. De plus, Isolder avait levé un sacré lièvre. S’il finissait par gagner, que pourrait-il offrir à Leia ? A coup sûr rien qui n’égale les bienfaits dont le Hapien la comblerait. En supposant qu’il la convainque de l’épouser, les Alderaaniens auraient perdu leur dernier espoir d’avoir un monde à eux.

A n’en pas douter, Horm attirerait l’attention de la jeune femme sur ce point…

Et la princesse était depuis toujours dévouée corps et âme à son peuple.

Han ricana.

Mais pour l’instant, j’ai besoin d’être seule avec moi-même.

C’était mot pour mot ce que lui avait dit Leia. Solo connaissait la réplique. En général, la conclusion inévitable suivait quelques jours plus tard : « Salut et bonne chance. »

Han ne voyait qu’une manière de lutter à armes égales avec Isolder. A cette idée, son cœur se mit à battre la chamade et sa bouche se dessécha.

Il tira un communicateur de sa ceinture et composa le numéro d’une de ses vieilles relations.

L’image d’un grand Hutt apparut sur l’écran de l’appareil.

— Dalla, vieille canaille ! s’exclama Solo avec un enthousiasme feint. J’ai besoin de ton aide… Je voudrais prendre une hypothèque sur le Faucon et… hum… avoir pour ce soir une place dans une partie de cartes. Une grosse partie !

 

La garde du corps personnelle du prince, Astara – le capitaine Astara ! – vint le réveiller comme tous les matins.

Belle comme un astre, elle avait de merveilleux cheveux roux et des yeux d’un bleu aussi profond que le ciel de Terephon, sa planète natale.

— Le dîner était-il assez épicé ? demanda-t-elle d’une voix douce.

S’asseHant dans son lit, le prince remarqua que la jeune femme inspectait la pièce avec plus d’attention qu’à l’accoutumée.

— Il l’était, répondit-il. La princesse est charmante, et elle a de la conversation. Qu’est-ce qui ne va pas ?

— Nous avons intercepté un message codé, il y a une heure. Il était destiné à tous les vaisseaux de la flotte. Nous pensons qu’il fait allusion à un assassinat.

— Le signal venait de Hapes ?

— Non. De Coruscant.

— Qui doit être tué ?

— Le message ne mentionne pas la cible. Ni le lieu et l’endroit. Voilà son libellé : « La tentatrice semble trop intéressée. Il faut agir. » C’est énigmatique, je sais, mais le sens général semble clair.

— As-tu averti la sécurité de la Nouvelle République que Leia est en danger ?

— Prince, je ne suis pas sûre qu’elle soit la cible…

Isolder ne parla pas tout de suite. S’il mourait, la couronne reviendrait à la fille de sa tante Secciah. Des années plus tôt, quelqu’un avait tué sa promise, dame Elliar, retrouvée noyée dans un bassin. Isolder n’avait aucune preuve, mais il était sûr que sa parente avait organise le meurtre, tout comme celui de son frère, des années plus tôt, perpétré par des pirates payés à prix d’or.

Alors qu’ils auraient pu tirer une rançon fabuleuse du Chume’da, les forbans l’avaient exécuté sans prendre le temps de réfléchir…

— Tu penses qu’ils vont s’en prendre à moi ?

— C’est ce que je crois, Votre Grâce. Secciah pourra jeter le blâme sur des étrangers : une faction dissidente de la République, un seigneur de la guerre, ou même le général Solo.

Isolder ferma les yeux et médita. Sa tante et sa mère étaient des femmes cruelles, hypocrites et malfaisantes. En se mariant hors de la noblesse hapienne, il espérait trouver pour son peuple une reine épargnée par ces défauts.

Que quelqu’un ait réussi à introduire des tueurs dans sa propre flotte lui brisait le cœur.

— Tu vas avertir la sécurité. S’il y a un mercenaire de ma tante sur ce vaisseau, la police locale nous aidera à le démasquer. De plus, nous affecterons la moitié de ma garde personnelle à la princesse.

— Qui vous protégera, seigneur ? demanda Astara.

Isolder vit combien cette femme souffrait qu’il en aime une autre. Elle était amoureuse de lui, c’était l’évidence. Le prince le savait depuis toujours. Sans cela, elle n’aurait pas été aussi efficace dans son travail.

Astara n’eût pas vécu la mort de Leia comme une catastrophe, loin de là. Mais elle obéirait aux ordres, parce qu’elle était avant tout un soldat.

Un bon soldat.

Il sortit le blaster qu’il cachait sous les couvertures. Astara sursauta, vexée de ne pas avoir remarqué qu’une arme était pointée sur sa poitrine.

— Ne t’en fais pas, la rassura Isolder, je surveillerai mes arrières, comme toujours…