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Leia déconnecta le comlink de son oreille et regarda l’ambassadrice hapienne sans dissimuler sa stupéfaction. Ces gens étaient décidément impossibles : culturellement a des années-lumière du reste de la galaxie, prompts à prendre la mouche…

Le murmure de la foule se muait en grondement. Leia leva les yeux vers la loge d’Alderaan comme si cela avait pu l’aider à trouver une réponse. Dos à la vitre, Han conversait fébrilement avec Mon Mothma.

Dominant le tumulte, la princesse Organa parla enfin :

— Dites à la Ta’a Chume que les cadeaux m’ont ravi l’âme. Quant à son offre… Il me faut y réfléchir…

Elle se tut, peu sûre du délai qu’elle pouvait demander. Les Hapiens n’étaient pas au genre à méditer. La Ta’a Chume avait la réputation de prendre des décisions essentielles en quelques heures. Une journée serait-elle trop ?

— Puis-je parler ? demanda Isolder dans un basic à l’accent épouvantable.

Leia le regarda, soufflée qu’il pratique sa langue – si mal que ce fût. Elle chercha le regard du prince. La couleur de ses yeux lui rappela ce qu’elle connaissait du ciel de Hapes, majestueux au-dessus des montagnes tropicales.

Isolder eut un sourire d’excuse. On lisait de la force et de la volonté sur son beau visage.

— Je sais que nos coutumes diffèrent, chère princesse. Chez moi, c’est ainsi que s’arrangent les mariages royaux. Mais je ne veux en aucun cas hâter votre décision. Prenez le temps de connaître mon monde… de me connaître…

A la manière dont il parlait, Leia comprit que la proposition était inhabituelle.

— Trente jours ? proposa-t-elle. Je pourrais me décider plus vite, mais je dois partir pour le système de Roche. Une mission diplomatique.

Le prince inclina la tête.

— C’est tout à fait normal… Une reine doit être constamment à la disposition de ses sujets… Mais avant votre départ, puis-je solliciter l’honneur de vous rencontrer dans des circonstances moins… officielles.

Leia réfléchit à toute vitesse. Elle avait une foule de documents à étudier avant son départ : des contrats commerciaux, des libellés de plaintes et des textes d’exobiologie.

Les Verpine, une race insectoïde, avaient « omis » de respecter plusieurs contrats de fabrication de vaisseaux de guerre à livrer aux Barabels. Hélas, il était dangereux pour la santé de mécontenter ces derniers, des carnivores peu commodes. Depuis, les Verpine se défendaient en prétendant que les navires avaient été annexés par une de leurs reines devenue folle à qui ils ne se sentaient pas le courage de les reprendre. Quelques rumeurs inquiétantes compliquaient l’affaire. Par exemple, on murmurait que les Barabels avaient pris des contacts avec les Kubazis, grands amateurs d’insectes grillés devant l’Eternel. Selon certaines sources, les « livraisons » devaient commencer sous peu.

Jusque-là, Leia n’avait jamais laissé sa vie privée gêner son travail. Mais s’agissait-il vraiment d’une affaire personnelle ?

Elle leva les yeux vers la loge. Han et Chewbacca étaient partis. Mon Mothma regardait toujours en bas, son comlink activé. Elle ne dit rien, mais Threkin Horm, le président du Conseil d’Alderaan, fit signe à la princesse de répondre par l’affirmative.

— S’il vous est possible de vous libérer, prince, je serai ravie de vous voir avant de partir…

— Pour vous, trouver du temps est toujours un plaisir, répondit Isolder avec un sourire.

— Alors, me feriez-vous l’honneur de dîner avec moi ce soir dans mes quartiers, sur le Rêve des Rebelles ?

Isolder baissa les yeux. Utilisant le pouce et l’index de ses deux mains, il remit le voile sur son visage. Lors de sa visite sur Hapes, Leia s’était émerveillée de la beauté des autochtones. VoHant le prince se voiler, elle éprouva comme un pincement au cœur et se sentit aussitôt coupable d’avoir eu envie de le regarder plus longtemps…

 

Un peu plus tard, elle quitta le Grand Hall sous des milliers de regards. Troublée, mal à l’aise, elle ne désirait qu’une chose : trouver Han ! Elle retourna à l’ambassade, où elle vivait, dans l’espoir qu’il l’y attendrait. On lui apprit qu’on ne l’avait pas vu. Perplexe, la princesse régla son comlink sur la fréquence militaire. Elle découvrit ainsi que le général Solo avait emprunté une navette pour rejoindre le Rêve des Rebelles.

C’était un mauvais signe. Le Faucon Millenium se trouvait dans un hangar du navire-amiral, où il attendait depuis des mois le retour de son propriétaire. Quand il était soucieux, ou déprimé, Han aimait bricoler sur son vaisseau. Le travail manuel et le plaisir de résoudre des problèmes simples lui nettoyaient l’esprit.

Son départ signifiait que la demande en mariage d’Isolder l’avait profondément perturbé.

La princesse était épuisée, mais elle pouvait comprendre que Solo ait mal pris la chose. Elle ordonna qu’on prépare sa navette personnelle…

Elle trouva le Faucon sur le quai dix-neuf. Dans la cabine de pilotage, Han et Chewie s’affairaient devant des panneaux de commandes ouverts. Les entrelacs de câbles composaient un spectacle surréaliste aux yeux de Leia.

Chewie tourna la tête et la salua. Han ne broncha pas, éteignant simplement la lampe à plasma qu’il tenait dans la main droite.

— Hum… fit Leia, je pensais que tu m’attendrais chez moi, à l’ambassade…

— Mouais… J’avais des choses à contrôler dans les entrailles de mon vieux Faucon… Désolé…

Leia ne dit rien pendant un long moment. Chewbacca se leva et vint serrer la petite femme dans ses bras, lui enfonçant le nez dans la douce fourrure de son ventre. Puis il partit pour la soute, laissant seuls la princesse et le pirate.

Han se tourna enfin vers Leia. Même s’il n’avait pas travaillé assez longtemps pour ça, la jeune femme vit que de la sueur ruisselait sur son front.

— Alors, comment ça s’est terminé ? Qu’as-tu répondu aux Hapiens ?

— J’ai demandé quelques jours pour réfléchir…

Pour l’instant, mieux valait éviter de mentionner le dîner de ce soir…

— Mouais… grogna Han.

Leia lui prit les mains ; elles étaient couvertes de cambouis, mais elle ne s’en soucia pas.

— Han, je ne pouvais pas les envoyer au diable, ça aurait créé un incident diplomatique. Je n’ai aucune envie d’épouser leur prince, mais je ne peux pas réduire à néant nos chances d’établir avec eux des rapports fructueux. Les Hapiens sont très puissants. Je suis allée voir la reine-mère pour…

— Je sais, coupa Han. Tu veux qu’ils t’aident à écraser les seigneurs de la guerre. Pour ça, tu es prête à faire n’importe quoi.

— Puis-je savoir ce que signifie cette dernière remarque ? s’enquit Leia.

— Tu vomissais l’Empire. Zsinj et les seigneurs de la guerre sont tout ce qu’il en reste. Pour les combattre, tu as risqué ta vie des dizaines de fois. Et pour la Nouvelle République, tu te sacrifierais sans réfléchir. Je me trompe ?

— Non, mais…

— Je pense que l’heure de te sacrifier a sonné, Leia. Tu vas donner ta vie aux Hapiens. Ta vie, non ta mort… C’est quand même plus agréable…

— Han… Jamais… Jamais je ne ferai une chose pareille…

Solo la regarda, véritable incarnation de la douleur et du reproche.

— Bien sûr que non ! railla-t-il. (Il posa la lampe sur le sol.) Comment ai-je pu penser une chose pareille ?

Leia lui caressa le front. Après cinq mois de séparation, elle se sentait un peu désorientée. En temps normal, il aurait pris à la rigolade la proposition des Hapiens. Pourquoi ce sérieux ? Il devait y avoir plus. Quelque chose qui le blessait profondément.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? Cette manière de réagir ne te ressemble pas…

— J’ignore ce qui cloche, souffla Han. C’est ma dernière mission, peut-être… Je suis si fatigué. Tu as vu ce que le Poing d’Acier a fait sur Selaggis. La colonie n’était plus qu’un charnier… J’ai suivi le vaisseau pendant des mois. Partout, c’était le même tableau : des stations spatiales rasées, des ports en ruines… Un seul destroyer Super Star avec un meurtrier aux commandes… Un seul…

« Après la mort de l’Empereur, j’ai cru que nous avions gagné. C’était faux. Le combat continue, car nous affrontons un ennemi omniprésent. Chaque fois que je respire, un obscur Grand Moff accouche d’un plan de réunification de l’Empire, et un général encore plus obscur tend l’oreille, prêt à toutes les monstruosités. La nuit dernière, j’ai rêvé que je combattais une bête immonde dans le brouillard. Je ne voyais pas son corps, juste sa tête, aux yeux rouges flamboHants. J’avais une hache pour seule arme… A un moment, j’ai réussi à décapiter le monstre. Sais-tu ce qui s’est passé ? L’instant d’après, j’ai entendu des rugissements dans la brume. La bête avait une nouvelle tête. Leia, je ne sais d’où elle vient, je ne vois pas son corps, mais la créature est toujours là, invisible et meurtrière. Nous avons tant perdu dans cette guerre. Et ça continue…

— Perdu ? s’indigna la princesse. C’est ce que vous pensez, sur le front ? C’est vrai, les seigneurs de la guerre, comme l’Empire, sèment la terreur et la haine, mais sur le plan diplomatique, je ne vois que des victoires. Chaque jour, une nouvelle planète rejoint la République. Et le soleil ne se couche jamais sans que nous ayons fait un pas en avant. Nous perdons des batailles, je l’admets, mais nous gagnerons la guerre !

— Tu en es si sûre ? Qu’arrivera-t-il si l’ennemi parvient à perfectionner les boucliers d’invisibilité de ses destroyers ? On entend sans cesse des rumeurs à ce sujet. Que ferons-nous si Zsinj ou un Grand Moff réussit à fabriquer un autre vaisseau comme le Poing d’Acier ? Ou même une flotte ?

— Si ça arrive, nous nous battrons ! Les destroyers de cette classe consomment énormément d’énergie. Zsinj n’a pas les moyens d’en armer plus d’un ou deux à la fois. Nous finirons par le mettre à genoux, tu verras…

— La guerre n’est pas terminée, murmura Han. Peut-être ne s’éteindra-t-elle pas avant notre mort…

La princesse n’avait jamais vu Solo dans un tel état de découragement.

— Si nous ne connaissons pas la paix, nos enfants en profiteront !

Han se pencha, posant la tête contre la poitrine de Leia. Elle n’avait pas besoin d’être télépathe pour deviner ce qu’il pensait. Elle avait dit nos enfants. La menace d’Isolder s’éloignait…

— Je dois avouer, souffla Solo, que l’offre des Hapiens est rudement tentante. J’avais entendu parler des trésors des « mondes cachés », mais je ne m’attendais pas à ça ! Tu as vu des trucs intéressants, quand tu étais sur Hapes ?

— Fascinants, oui… Au cours des siècles, les reines-mères ont construit des choses formidables. Leurs villes sont superbes, majestueuses… Mais il n’y a pas que ça. Les gens aussi… Ils sont si sereins… On se sent en paix, comprends-tu ?

Han plongea le regard dans les yeux rêveurs de la jeune femme.

— Tu es amoureuse, lâcha-t-il.

— Non, se défendit-elle.

Il lui passa un bras autour des épaules.

— Bien sûr que si ! Peut-être pas d’Isolder, mais à coup sur de son monde ! Quand l’Empereur a détruit Alderaan, tout ce que tu aimais a disparu à jamais. Ne te voile pas la face : tu rêves d’un nouveau chez-toi.

Leia s’abstint de répondre, consciente qu’il avait parfaitement raison. Jamais elle n’avait cessé de pleurer Alderaan et ses amis. De fait, il y avait une certaine similitude entre sa planète natale et Hapes. La simplicité et la grâce de leurs architectures y étaient sans doute pour beaucoup. Les Alderaaniens étaient si respectueux de la vie qu’ils avaient refusé de construire leurs villes dans les plaines ou paissaient d’innombrables animaux. Leurs cités avaient donc poussé sur des falaises, dans les crevasses de glaciers, ou même sur l’océan, soutenues par des pilotis géants…

Leia se couvrit les yeux d’une main. Des larmes perlaient à ses paupières…

Ces temps anciens avaient été si heureux…

— Allons, allons, marmonna Han. (Il lui prit une main et la baisa.) Ça n’est pas une raison pour pleurer…

— Tout est si difficile… Ma mission auprès des Verpine, la guerre avec les seigneurs… J’ai travaillé si dur, prenant toujours un problème après l’autre. Toutes ces années, j’ai espéré que mon peuple retrouverait un monde, une vraie patrie. Mais rien n’a jamais marché…

— N’oublie pas la Nouvelle Alderaan. Les services d’exploration vous ont trouvé une superbe planète.

— Oui. Au bout de cinq mois, les espions de Zsinj l’ont découverte et nous avons dû l’évacuer provisoirement…

— Ça s’arrangera. Sinon, nous vous dénicherons un autre monde.

— Même si c’est vrai, ça ne remplacera jamais Alderaan, affirma Leia. Le Conseil discute de cette question à chaque réunion. Nous avons pensé au terraformage, à la construction d’une station spatiale et même à l’achat d’une planète, mais comment faire ? La plupart des survivants d’Alderaan sont des marchands sans le sou ou des diplomates qui étaient en poste dans la galaxie au moment de l’attaque de l’Empire. Nous n’avons pas assez d’argent pour acheter ou terraformer. Il faudrait des générations pour rembourser un prêt. Quant à s’exiler sur un monde perdu aux confins de la galaxie, nos hommes d’affaires ne veulent pas en entendre parler. Ils ont raison, car loin des routes commerciales, ils seraient privés de toute source de revenus. Nous sommes dans une impasse ; plusieurs membres du Conseil menacent d’abandonner…

— Tu oublies les cadeaux des Hapiens… Il y a de quoi s’offrir une planète, non ?

— Tu ne connais pas les coutumes de la Confédération. Si j’accepte leurs présents, je dois épouser Isolder. Si je refuse le prince, il me faudra tout rendre…

— Alors, rends-leur tout ! Je doute que tu veuilles t’impliquer avec ces gens. Ce sont de mauvaises fréquentations…

— Tu ne sais pas de quoi tu parles, objecta Leia, étonnée qu’il raye d’un trait de plume une culture englobant des dizaines de systèmes solaires.

— Et toi ? s’insurgea Han. Une semaine de lavage de cerveau par leurs experts en propagande suffit-elle pour te proclamer docteur ès civilisation hapienne ?

— Il s’agit de milliards de gens, Han. Tu n’avais jamais vu l’ombre d’un Hapien avant ce jour. Comment peux-tu être aussi intolérant ?

— Les Hapiens se terrent derrière leurs frontières depuis trois mille ans. Je sais ce qui se passe quand on les fréquente de trop près. Crois-moi, ils mijotent quelque chose…

— Tu les soupçonnes d’ourdir de sombres plans ? Han, ils n’ont rien à cacher, juste un mode de vie pacifique à défendre. Ils redoutent les influences extérieures. Connaissant l’Univers, tu peux leur donner tort ?

— Si la reine-mère est si fantastique, qu’a-t-elle à craindre de nous ? Non, Leia, ne rêvons pas : elle prépare quelque chose. Elle a peur…

— Je n’en crois pas un mot. Comment peux-tu colporter des fadaises pareilles ? Si tout allait si mal dans la Confédération, on verrait des réfugiés, des dissidents. Personne n’a jamais fui…

— Et si c’était simplement parce qu’ils ne peuvent pas sortir ? Les patrouilles des frontières ne sont peut-être pas là que pour empêcher les invasions…

— Absurde, souffla Leia. Tu deviens paranoïaque, Han.

— Paranoïaque ? Mais que dire de toi, princesse ? Quelques babioles suffisent à t’aveugler ? Reviendrais-tu à l’âge des hochets ?

— Quelle agressivité ! Isolder t’inquiète tant que ça ?

— M’inquiéter, ce balourd ? Moi ? (Il se frappa la poitrine du bout de l’index.) Tu plaisantes ?

Il mentait et Leia n’était pas dupe une seconde.

— Alors tu ne vois pas d’inconvénient à ce que je dîne avec lui ce soir ? En privé, s’entend…

— Un dîner ? Pourquoi me formaliserais-je que ce bellâtre dîne avec la femme que j’aime et qui prétend m’aimer ?

— Han, tu es vraiment trop gentil, ironisa la princesse. J’étais venue pour t’inviter ; à présent, j’ai bien envie de te laisser remâcher ta jalousie à quatre sous pendant que le prince me fera la cour…

Elle tourna les talons et sortit de la cabine.

— Très bien ! cria Solo dans son dos, on se voit au dîner !

Puis il flanqua un formidable coup de poing dans une cloison.

 

Après le départ de Leia, dès qu’il fut calmé, Han se jeta à corps perdu dans le travail pour oublier ses ennuis. Grâce à quelques trucs d’acquisition récente, il porta la puissance des boucliers déflecteurs arrière à quelque quatorze pour cent de plus que leur nominal « d’usine », puis il passa sous le navire pour s’occuper des canons rotatifs pendant que Chewie, à l’intérieur, modifiait les viseurs des blasters ventraux.

Le général et son compagnon s’activaient depuis deux heures quand une petite délégation conduite par le gros Threkin Horm entra dans le hangar. Le président du Conseil flottait dans sa chaise antigrav. Il était accompagné du prince Isolder, de son escorte royale, et d’une dizaine d’officiels motivés par la curiosité.

— Comme vous le voyez, ceci est un de nos quais de réparation, commenta Horm de sa voix nasale, un pouce calé entre son troisième et son quatrième menton. Et voici le général Han Solo, un héros de la République. Il est en train de travailler sur son… hum… vaisseau personnel, le Faucon Millenium.

Le prince examina le navire, visiblement surpris par la rouille qui constellait la coque et l’assemblage hétéroclite de composants qu’était devenu le Faucon au fil des années. Jamais Han n’avait été aussi embarrassé par la vétusté de son vieux compagnon d’aventure. A dire vrai, dans les docks ultra-modernes d’un destroyer, le pauvre vaisseau ressemblait vraiment à un tas de ferraille.

Pour ne rien arranger, Isolder était plus grand que Han, sa poitrine et ses bras musclés aHant un petit côté… intimidant. Mais ça n’était rien en regard de ses manières impériales, de la calme détermination de son visage et de la profondeur sauvage de son regard. Il avait changé de tenue, optant pour une cape noire sur une tunique blanche diaphane qui ne masquait pas la puissance de ses abdominaux et mettait en valeur son teint cuivré.

Ainsi vêtu, le prince ressemblait à l’incarnation de quelque dieu barbare.

— Han est un vieil ami de Sa Grâce la princesse Leia, ajouta Horm. Si je ne me trompe pas, il lui a sauvé la vie un bon nombre de fois.

Isolder posa les yeux sur Solo et sourit.

— Donc, vous n’êtes pas seulement l’ami de Leia, mais surtout son sauveur ? (Solo crut lire une réelle gratitude dans les yeux du Hapien.) Mon peuple a une grande dette envers vous, général…

Le prince avait un accent étrangement traînant. Comme s’il avait peur de faire trop court, il diphtonguait les voyelles au-delà du raisonnable.

— Cher prince, répondit Solo, je suis beaucoup plus que son sauveur. Pour ne rien vous cacher, j’en pince pour elle, et elle pour moi.

— Général Solo ! s’indigna Horm.

Isolder apaisa son courroux d’une main levée.

— Tout est pour le mieux, assura-t-il. C’est une femme remarquable. Je peux comprendre que vous vous sentiez attiré par elle, général. J’espère que ma brusque apparition ne vous aura pas trop… bouleversé.

— Ennuyé serait un meilleur terme, ironisa Han. Je n’en suis pas à souhaiter vous voir mort ou gravement blessé. Emasculé, peut-être. Mais mort, non !

— Prince Isolder, acceptez mes excuses au nom de la Nouvelle République, s’étrangla Horm. (Il fusilla Solo du regard.) J’attendais plus de civilité d’un général. Je pensais qu’un officier de ce niveau savait se tenir en public…

Han comprit qu’il se serait retrouvé troufion dans l’heure suivante si ça n’avait tenu qu’au président du Conseil, heureusement sans pouvoir en matière militaire.

Isolder dévisagea Solo un moment, puis tourna la tête ; ses longs cheveux blonds ondulèrent sur ses épaules.

— Président Horm, déclara-t-il, sachez que je ne suis pas offensé. Le général Solo est un guerrier. Il entend se battre pour la femme qu’il aime. Quoi de plus normal ? (Il regarda de nouveau Han.) Me feriez-vous l’honneur d’une visite guidée de votre vaisseau ?

— Avec joie, Votre Grâce, répondit Han.

Il tendit une main au prince pour l’aider à grimper sur la rampe d’embarquement. Threkin Horm tenta de suivre le Hapien, mais deux de ses gardes du corps, de splendides jeunes femmes, s’interposèrent. La plus jolie, une rousse sculpturale, posa négligemment sa main droite sur la crosse de son blaster.

Un signal d’alarme s’alluma dans la tête de Han. Cette femme avait une insolente confiance en elle et son arme était un prolongement de son corps. Ces deux éléments composaient un cocktail explosif. Horm dut le sentir aussi, car il n’insista pas pour passer.

Han pénétra dans le navire, presque sûr que le Hapien allait le poignarder dans le dos pour laver l’affront.

Mais le prince se contenta de le suivre, écoutant attentivement ses commentaires sur l’hyperdrive et les moteurs subluminiques. Enchanté d’être tombé sur un bon public, Solo passa en revue les systèmes offensifs et défensifs ajoutés au Faucon au cours des années.

Quand il eut fini, Isolder le regarda droit dans les yeux, et dit :

— Voulez-vous me faire croire que cette… chose vole ?

Han se demanda si c’était de l’ironie ou de la naïveté. A tout hasard, il répondit :

— Et comment, qu’il vole, mon Faucon. Et rudement vite, même !

— Parvenir à conserver cet engin en un seul morceau est un exploit qui en dit long sur vos compétences, général. C’est un vaisseau de contrebandiers, non ? Des moteurs puissants, des compartiments secrets et un armement bien caché…

Han haussa les épaules.

— La contrebande ne m’est pas étrangère, continua le prince. J’ai quitté la maison familiale très jeune, et j’ai travaillé quelque temps dans le… hum… commerce. Avez-vous déjà vu un croiseur hapien de classe Nova ?

— Non, répondit Han, sa curiosité éveillée.

Finalement, le prince méritait peut-être un peu de respect…

— Ils mesurent plus de quatre cents mètres de long, et ils ont une autonomie de près d’un an. Ils sont assez rapides et puissants pour pulvériser votre coquille de noix avant que vous ayez dit « ouf ».

— Est-ce une menace ?

— Bien sûr que non, répondit Isolder. (Il baissa la voix comme un conspirateur.) Général, je vous en offre un si vous me promettez d’aller vous amuser avec à l’autre bout de la galaxie.

— Pas question, répondit Han sur le même ton.

Isolder sourit, franchement admiratif.

— Bien, je constate que vous êtes un homme de principes. Voyons donc l’aspect moral du problème. Général, que pensez-vous pouvoir offrir à Leia ?

Pris par surprise, Han tarda à répondre.

— Elle m’aime et je l’aime, c’est suffisant, finit-il par dire.

— Si vous l’aimez vraiment, laissez-la-moi. Hapes peut offrir la sécurité à son peuple. Son amour pour vous est un handicap. Elle mérite mieux qu’une vie médiocre de femme de militaire…

Il fit mine de partir, mais Han le retint par l’épaule.

— Un instant ! Que signifie cette histoire ? Jouons donc cartes sur table, prince !

— Plaît-il ?

— Assez de ronds de jambe ! Il y a une foule de princesses dans l’univers. Que faites-vous chez nous ? Pourquoi votre mère a-t-elle choisi Leia ? Elle n’a pas de fortune, ni rien qui puisse intéresser la Confédération. Si vous voulez pactiser avec la Nouvelle République, il y a des moyens plus simples d’y arriver.

Isolder soutint le regard de Solo et se permit un petit sourire.

— J’ai cru comprendre que Leia vous a invité à dîner avec nous ce soir. Je m’expliquerai à cette occasion…