17

Le matin suivant, faisant cuire des œufs de lézard sur le feu, Isolder ne se privait pas d’admirer les peintures qui tapissaient la grotte. Dehors, l’aube pointait. Une multitude de sons annonçaient le réveil de la forêt.

Teneniel ouvrit les yeux et s’appuya sur un coude.

— Merci d’être resté avec moi, fit-elle d’une voix pâteuse.

— De rien, répondit le prince.

— Tu aurais pu fuir…

Isolder détourna les yeux, gêné par la gratitude qui brillait dans ceux de la jeune femme.

Teneniel semblait pensive. Soudain, les voyants de R2 clignotèrent, indiquant qu’il passait en mode « actif ». Il regarda de droite à gauche en bipant.

— Votre compagnon métallique veut savoir où est Luke, traduisit Teneniel.

Isolder frémit. A chaque instant, Skywalker ou la jeune femme accomplissait un nouvel exploit. Pour le capturer, Teneniel avait traversé la rivière, un doux chant aux lèvres, avant de lui tendre une corde. Croyant qu’il s’agissait d’une coutume, le Hapien l’avait saisie.

Tel un serpent, la corde s’était enroulée autour de lui ; puis la jeune femme l’avait bâillonné avant qu’il songe à crier.

Plus tard, il avait vu le coin de forêt dévasté par la tempête de Force. Et maintenant, voilà qu’elle craquait les codes cybernétiques. Fréquenter des gens si puissants avait de quoi vous fiche les chocottes…

— Luke est allé remplir les gourdes. Il sera de retour bientôt. Combien de temps faudra-t-il pour atteindre votre clan ?

Il retourna les œufs.

Teneniel se leva, s’enveloppa dans sa robe, et s’approcha du feu. Isolder pensait qu’elle allait s’asseoir près des flammes pour se réchauffer. Tout au contraire, elle se pencha vers lui, lui prit le menton et l’embrassa tendrement.

Trop surpris pour se dégager, le Hapien se laissa faire. Dans son monde, aucune femme ne l’avait jamais traité ainsi. Matriarcat ou pas, on respectait le fils de la reine.

Quand elle eut fini, Teneniel s’écarta de lui, se passant la langue sur les lèvres comme après un bon repas.

— Tu es très beau, le complimenta-t-elle. Dommage que tu sois un homme du tout-venant, et pas Luke.

Isolder dut réfléchir un moment. Jamais personne ne l’avait qualifié d’homme du tout-venant. Mais connaissant les pouvoirs de la jeune femme, il était normal qu’elle pense à lui en ces termes.

— Luke est un homme de qualité, et même un grand homme. Je comprends que vous le préfériez à moi.

— J’ai rêvé de lui toute la nuit. Jamais tu ne prendras sa place dans mon cœur.

C’était une façon si forte de s’exprimer que le Hapien réalisa qu’il ne saisissait pas tout ce qui se passait entre les deux jeunes gens.

Par bonheur, Luke arriva sur ces entrefaites.

— Nos gourdes sont remplies, et la voie semble libre. On y va ?

Isolder retira la poêle du feu et distribua les œufs. La jeune femme les renifla avec dégoût.

— Ils sont très bons, l’encouragea Luke. Essaye.

— J’ignore ce qu’on mange sur vos mondes, grogna la jeune femme, mais la cuisine est un art qui vous dépasse !

Elle ne toucha pas aux œufs.

 

Ils levèrent le camp et marchèrent un kilomètre dans la forêt pour atteindre une piste faisant une fourche sud/nord. Teneniel choisit le sud. Elle les guida pendant quatre kilomètres, puis bifurqua vers l’est, empruntant un chemin qui longeait une rivière. Vers dix heures, ils arrivèrent dans une vallée. Teneniel les conduisit au pied d’une montagne, puis s’engagea sur un chemin de pierre sinueux encore glissant à cause des pluies de la veille. Prenant le poignet d’Isolder, elle ne le lâcha plus jusqu’au sommet, comme si le Hapien avait été un enfant.

Parvenus sur un plateau, ils se trouvèrent face à plusieurs guerrières en armes. Isolder s’immobilisa et R2 trilla son inquiétude. Teneniel serra plus fort la main du Hapien, le tirant sans douceur à sa suite. Luke suivit le mouvement.

Tandis qu’ils slalomaient entre les pattes des rancors, les femmes baissèrent les yeux sur Isolder, des sourires fleurissant sur leurs lèvres. Le prince ne fut pas long à comprendre : on l’examinait comme un étalon.

Teneniel les conduisit jusqu’à l’escalier de pierre d’une forteresse. Ils l’empruntèrent, suivis par une foule de curieuses.

Aux portes de l’édifice, une vieille femme les accueillit, un sceptre de bois doré à la main.

— Bienvenue, Teneniel, fille de ma fille ! Il y a des mois que tu n’es plus venue. As-tu trouvé ce que tu cherchais ?

— Oui, grand-mère, répondit la jeune femme sans lâcher le poignet du Hapien. La chasse fut longue, et j’avais presque perdu espoir. Puis j’ai capturé cet homme… (Elle lui fit lever le bras.) Il se nomme Isolder de Hapes, et je le veux pour époux !

Le prince en resta bouche bée. Se libérant, il recula d’une marche, mais les femmes qui les suivaient approchèrent, les yeux écarquillés d’admiration.

— Toutes nos sœurs ont vu cet homme, déclara la vieille femme. L’une désire-t-elle contester le droit de propriété de Teneniel ?

A la tension de la jeune femme, Isolder comprit que le moment était délicat. Dans la foule, plusieurs guerrières le couvaient du regard.

— Je le conteste ! s’écria-t-il quand il fut clair que personne ne parlerait.

— Homme, demanda la vieille femme, prétends-tu appartenir à une autre amazone de ce clan ?

— Il est venu de son plein gré, se défendit Teneniel. Il aurait pu s’enfuir, mais il ne l’a pas fait.

Sa voix était si triste que le Hapien ne sut trop comment répondre.

— Je voulais seulement l’aider… balbutia-t-il à l’attention de l’Ancienne. Elle était blessée. Je pensais devoir m’en occuper…

Vêtue d’une robe d’écailles rouges, Leia apparut à point nommé.

— Isolder ? Luke ?

Le cœur du prince fit un bond dans sa poitrine.

Leia se jeta dans ses bras.

— Tu vas bien ? demanda le Hapien.

— Oui ! Je n’arrive pas à croire que vous m’ayez retrouvée ! Luke ! (Elle embrassa le Jedi.) Luke !

Isolder plissa le front. Il ne se doutait pas que les deux jeunes gens étaient si proches.

La vieille femme intervint :

— Leia, cet homme est-il ton esclave ?

— Non, Augwynne, répondit la princesse en s’écartant des deux nouveaux venus. C’est un ami. Là d’où je viens, nous n’avons pas d’esclave.

Augwynne réfléchit un moment.

— Donc il appartient à Teneniel.

— Il m’a un jour sauvé la… commença la princesse.

Augwynne la foudroya du regard.

— Vas-tu plaider pour lui comme pour Han Solo ?

— Il y a eu une embuscade, déclara la princesse. Isolder m’a sauvée.

Augwynne dévisagea l’Alderaanienne.

— Tu sembles peu sûre de toi…

— Les choses se sont passées très vite… J’ignore si les tueurs me visaient, ou s’ils voulaient tuer le prince.

— Merci de ta sincérité, apprécia Augwynne. (Elle se tourna vers Luke.) Teneniel, qui est cet homme ? Il n’est pas mal non plus… Vas-tu également le prendre pour esclave ?

A l’unisson, Leia et la jeune femme s’écrièrent :

— Il m’a sauvé la vie !

— Et c’est un puissant sorcier, ajouta Teneniel. Un Jedi. Il a tué Orcheron.

A ces mots, plusieurs femmes reculèrent et des murmures s’élevèrent. A première vue, beaucoup de guerrières tenaient la présence de Luke pour un mauvais présage.

Augwynne regarda le Jedi, puis ses sœurs. Feignant la déception, elle soupira :

— Eh bien, nous avons trois nouveaux mâles dans le village, et un seul est libre. Et encore, nous ne savons pas tout. Leia, combien d’hommes au juste t’ont sauvé la vie ? J’ai toujours rêvé de voyager de planète en planète, mais c’est peut-être trop dangereux. Dis-moi, princesse, essayer de te tuer est un sport galactique ?

Isolder perçut de l’inquiétude sous la causticité de la matriarche.

— Les dernières années ont été plutôt mouvementées, reconnut Leia.

— Un soir, tu nous raconteras tes aventures autour d’un feu, trancha Augwynne. Pour l’heure, je dois rendre un jugement. Isolder appartiendra à Teneniel, qui pourra en faire son mari, ou son esclave.

— Quoi ? s’étrangla Leia.

— Il lui appartient… Elle l’a capturé, et… elle est très seule.

— Vous ne pouvez le traiter comme un esclave !

Augwynne haussa les épaules, désignant d’un geste le cercle de ses compagnes.

— Bien sûr que si. Chacune d’entre nous possède au moins un homme.

— N’ayez crainte, intervint Teneniel, je le traiterai bien…

— Luke ! cria Leia. Empêche-les de faire une chose pareille !

Le Jedi réfléchit un moment.

— C’est toi l’émissaire de la Nouvelle République. Tu connais mieux que moi les lois intergalactiques…

Leia se tut, dévisageant Luke, puis Isolder.

Le Hapien réfléchissait à toute vitesse. Selon la charte en vigueur, les affaires internes d’une planète regardaient le gouvernement local, dans ce cas représenté par Augwynne. En termes juridiques, la République pouvait simplement déposer une protestation auprès de… la dite Augwynne.

— Je proteste ! s’écria Leia, parvenue aux mêmes conclusions.

— Est-ce à dire que tu veux affronter Teneniel ?

Isolder secoua frénétiquement la tête.

— De quel genre de combat s’agit-il ? s’enquit Leia. Un duel à mort, ou…

— Sœur Leia, tu ferais peut-être mieux de racheter son bien à Teneniel…

Luke secoua à son tour la tête.

— Abandonne, Leia. Tout va s’arranger.

Leia passa outre l’avertissement.

— Teneniel, j’entends acquérir ce mâle. Quel prix en demandes-tu ?

La foule murmura. Terrifié, le Hapien comprit qu’une vente aux enchères aurait eu un franc succès.

— Il n’est pas à vendre pour le moment…

Leia regarda le prince.

— Désolée…

Teneniel prit la main du Hapien, qui se laissa faire, sans trouver la chose désagréable. C’était le plus déconcertant de l’affaire. Toute son éducation lui criait de combattre ces coutumes barbares. Pourtant, au fond de son cœur, il ne redoutait pas Teneniel. En un certain sens, sa manière directe de voir les choses lui plaisait.

Luke prit Leia dans ses bras pour la consoler ; R2 approcha assez pour qu’elle puisse flatter la zone sensitive de ses senseurs.

— Où sont Han et Chewie ? demanda le Jedi. Je pensais que vous étiez ensemble…

— Ils seront bientôt là, répondit Leia. Ils contrôlent l’état du Faucon. Et ton vaisseau ?

Au ton de sa sœur, Luke comprit que la question était délicate.

— Ce qu’il en reste ravirait un ferrailleur…

Isolder remarqua qu’il n’avait pas soufflé mot de son chasseur, toujours intact. Il se dit qu’il lui faudrait être prudent dès qu’on aborderait ce sujet.

Tandis qu’ils parlaient, le brouillard continuait de monter, flottant à présent sur leurs têtes comme un plafond céleste.

Isolder sentit une main errer sur ses fesses. Il se retourna pour découvrir que les sorcières le serraient de plus en plus près. Pensant un instant qu’elles essayaient de mieux voir Leia, il comprit vite que c’était lui qui les intéressait.

Une jeune beauté lui flatta les hanches et murmura :

— Je m’appelle Ooya. Tu veux que je te montre où je dors ?

— Ne serions-nous pas mieux à l’intérieur pour parler ? proposa Leia.

Elle prit le bras de la sorcière de la main gauche et celui d’Isolder de la droite.

— Allons retrouver Han !

Le Hapien s’étonna de la soudaine ressemblance de Leia et de Teneniel. En deux jours, la princesse avait adopté une bonne partie du langage corporel des sorcières. Encore une semaine, songea-t-il, et on ne la reconnaîtrait plus des natives. Cette intégration témoignait de son talent de diplomate.

Ils entrèrent dans la forteresse sous le regard lubrique des sorcières.

Isolder rougit comme un poivron.

Augwynne s’approcha de Luke.

— Va saluer tes amis, Jedi, puis viens me voir au plus vite. Ta venue ici n’est pas un accident…

Leia les guida jusqu’à une immense salle que le Faucon remplissait presque entièrement. Mais par où l’avait-on fait entrer ?

Etudiant les murs, Skywalker repéra plusieurs fissures courant sur de longues distances. Après avoir soulevé le vaisseau sur près de deux cents mètres, les sorcières avaient pratiqué une brèche dans la cloison, refermée aussitôt après le passage du navire.

Isolder était parvenu aux mêmes conclusions. Considérant l’aspect antique de l’endroit et de ses habitants, le Hapien préféra ne pas savoir comment leurs hôtesses avaient réalisé ce miracle.

Le phare du Faucon illuminait la pièce. A l’abri de la roche, les composants électroniques du navire ne risquaient pas d’être détectés.

Ils entrèrent. Sur la passerelle, Han et Chewie effectuaient un diagnostic complet des systèmes. C-3P0 remplaçait les relais grillés pendant l’atterrissage.

— Han ! s’écria Luke, ravi.

Le Corellien ne broncha pas. Isolder comprit qu’il se sentait trop coupable pour regarder son ami en face.

— Alors vous nous avez trouvés, les gars ? Je me doutais qu’il suffirait d’attendre. On est plutôt mal barré, ici. Vous apportez des pièces de rechange ?

— Qu’est-ce qui se passe, Han ? (Le Wookiee vint taper amicalement sur l’épaule du Jedi.) Tu ne crois pas t’en tirer ainsi, j’espère ? Kidnapper Leia, nous faire traverser la galaxie, et t’en sortir avec une pirouette.

Le Corellien se retourna :

— Luke, c’est une histoire simple. J’ai gagné une planète au sabacc, et l’envie m’a pris de voir à quoi elle ressemblait. Comme la femme de ma vie menaçait de lever le camp avec un autre homme, je l’ai… hum… convaincue de venir avec moi. Je te passe le calvaire de ces derniers jours. A présent, tu débarques pour m’arrêter, voire m’exécuter sans jugement. Si tu me disais comment s’est passée ta semaine ?

— Ça ne te remonterait pas le moral, vieux frère. Qu’est-ce qui cloche dans ton vaisseau ?

— Trois fois rien, ironisa Solo. Les boucliers sont morts, les senseurs déraillent, l’ordinateur de navigation est en rideau et deux mille litres de réfrigérant se sont répandus dans la nature. Bref, le pied !

— R2 est avec moi, il se chargera de la navigation.

Luke regarda le Hapien, cherchant son soutien.

Isolder réalisa que l’heure n’était pas aux règlements de comptes. Pour l’instant, ils devaient se serrer les coudes.

Ouais… Le prince aurait plus volontiers envoyé le sien dans l’estomac de Solo.

— J’ai mon chasseur avec moi… souffla-t-il.

Il avait baissé la voix, préférant garder l’information pour un petit cercle d’initiés.

— Notre bellâtre dispose d’un vaisseau ? s’étonna Han. Combien a-t-il de places ?

Isolder pesa ses mots. S’il mentait un peu, Han essayerait-il de lui voler le navire et Leia ?

— Deux… répondit-il.

Luke le regarda, interloqué ; Solo soupira de soulagement.

— Mon bon prince, tu vas prendre Leia et la conduire loin d’ici à vitesse grand V. Sur cette planète, un tas de gens tueraient père et mère pour un vaisseau. Mieux vaut que tu ne les rencontres pas…

Le Hapien ne s’offusqua pas de ce brutal passage au tutoiement.

— Han, il testait ta loyauté, intervint Luke. Son chasseur est un monoplace. Quant aux Sœurs de la Nuit, nous les connaissons, ne te fais pas d’illusion…

Solo s’empourpra.

— Du calme, général, murmura le Hapien. Vous avez brillamment passé l’épreuve.

— Mon garçon, siffla Han, nous avons de gros problèmes. A ta place, je ne marcherais pas sur les pieds d’un ancien contrebandier.

Cette fois, le prince détesta le ton du Corellien.

— Solo, estime-toi heureux que je ne te marche pas sur la tête. Je le ferais volontiers, crois-moi. Attends seulement qu’on soit tranquilles…

Luke regarda le Hapien avec intérêt.

— Pourquoi attendre ? fanfaronna Han.

Isolder regarda Chewie. Les Wookiees étaient connus pour leurs méthodes expéditives, et celui-ci aurait donné sa vie pour Han. S’il restait neutre, le coup était jouable. Sinon…

— Ça suffit ! s’interposa Leia. Nous avons assez d’ennuis sans nous chercher querelle. Isolder, j’ai suivi Han de mon plein gré… (Elle fit une grimace.) Il m’a demandé de l’accompagner, et j’ai trouvé ses arguments… hum… incontournables.

Isolder n’en croyait pas un mot, mais comment traiter Leia de menteuse ?

— Général Solo, grogna-t-il, je te dois peut-être des excuses…

— Je les accepte ! fit Han, sans vergogne. Revenons à nos moutons. Pourquoi vous être ramenés sans moyen de nous tirer de là ?

— Une flotte nous suit, répondit le Hapien. Elle arrivera dans environ une semaine.

— Quand tu dis flotte, mon prince, ça signifie quoi ?

— Environ quatre-vingts destroyers.

Han en resta à court d’ironie.

— Une semaine est un trop long délai, rappela Leia. Selon Augwynne, les Sœurs de la Nuit attaqueront dans trois jours.

Isolder passa un bras protecteur autour des épaules de la princesse.

— Mon chasseur est à la disposition de Leia. Elle pourra revenir sur Coruscant.

— Pas question que je me défile ! s’indigna l’Alderaanienne. Je ne partirai pas sans vous. Han, avec les pièces idoines, combien de temps te faudra-t-il pour réparer ?

— Deux heures.

— Alors voici mon plan : prendre ce qu’il nous faut sur le chasseur du prince, et filer aussi vite que possible.

Isolder regarda le Faucon sans dissimuler son scepticisme. Le vaisseau était quatre fois plus grand que le sien.

— Puis-je connaître les spécifications du générateur de champ déflecteur ? demanda-t-il.

— J’ai quatre Nordoxicon 38. Tous sont en panne. Ton équipement, prince ?

— Trois Talbot 12.

Chewie gémit.

— Ça commence plutôt mal, admit Han. Plage des capteurs de tes senseurs ?

— Zéro virgule six mètres…

— Plutôt petit pour nous… En bricolant, ça pourrait aller… On y perdrait pas mal de largeur de détection, mais…

— C’est faisable, renchérit le Hapien. Reste le problème des boucliers déflecteurs.

— Pourquoi ne pas s’en passer ? demanda C-3P0.

— Trop dangereux, répondit Han. Il n’y a pas que les missiles, Bâton d’Or. Les micrométéorites sont au moins aussi redoutables. (Il haussa les épaules.) Ce que nous cherchons est peut-être dans la prison. Il faut que j’aille voir.

— Si tu trouves des générateurs à voler, il te faudra de l’aide, intervint Isolder. Trois ou quatre hommes, plus une sentinelle. Ensuite se posera le problème du transport. A première vue, le Faucon a besoin de deux bonnes tonnes de matériel.

— On se posera la question si on déniche ce qu’on cherche, éluda Han. Dans la prison, il y aura sûrement des plates-formes antigravs.

— Je suis ton homme, déclara Luke.

— Je viendrai aussi, assura Leia.

Isolder réfléchit. Chewie était trop voyant pour participer à la mission. Idem pour C-3P0. La main-d’œuvre se faisant rare, il allait devoir s’y coller, et laisser Leia risquer sa vie.

Il regarda Teneniel, qui comprit vite où il voulait en venir.

— Je vous guiderai jusqu’à la prison, promit-elle. Mais je n’ai jamais été à l’intérieur. J’ignore ce que vous cherchez, et plus encore où ça peut se trouver.

— Aucune sœur du clan n’est jamais entrée dans la prison ? demanda Leia.

— Augwynne saura mieux répondre que moi. Je vais la chercher…

Elle revint quelques minutes plus tard avec la matriarche.

— Nulle guerrière du clan ne connaît la prison, confirma la vieille femme, sauf les renégates devenues des Sœurs de la Nuit.

— Et Barukka ? suggéra Teneniel. J’ai entendu dire qu’elle s’est repentie…

— Leia, expliqua Augwynne, Barukka est une femme de notre clan qui a quitté les Sœurs de la Nuit sans lésiner sur le prix à payer. Elle vit seule et donnerait cher pour reprendre sa place parmi nous. Qui sait, elle pourrait vous aider…

— Vous hésitez à nous la recommander, souligna Leia. Pourquoi ?

— Son exil a pour but de la purifier. Elle a commis des atrocités qui lui ont laissé de profondes cicatrices. C’est une… oubliée. Comme toutes ses semblables, elle est peu fiable…

— Mais elle connaît la prison ?

— Oui.

— Où est-elle ?

— Elle vit dans une grotte appelée la Rivière de Gemmes. Une guerrière vous guidera…

— Je m’en chargerai, grand-mère, proposa Teneniel. Tu devrais conduire nos amis dans la Salle de Guerre et leur faire servir un repas. Montre-leur les cartes, qu’ils balisent notre chemin. Des enfants prépareront les montures. (Elle prit la main d’Isolder.) Viens avec moi, je dois te parler…

Il la suivit le long de couloirs sinueux puis entra avec elle dans une pièce meublée d’un lit et d’un coffre. Un miroir pendait à un mur, surplombant un banquet rempli d’eau.

— C’était ma chambre quand je vivais avec le clan…

La jeune femme ouvrit le coffre et en tira deux tuniques en peau de reptile. L’une rouge, l’autre verte.

— Laquelle plaira le plus à Luke ? demanda-t-elle au Hapien.

— La verte va mieux à tes yeux, répondit-il, sans oser ajouter que ce genre d’accoutrement faisait trop barbare pour plaire vraiment au Jedi.

Sans plus de cérémonie, la jeune femme se déshabilla devant son compagnon, qui eut du mal à avaler sa salive quand elle entra dans l’eau.

La pudeur était une valeur des plus relatives, le prince le savait. Mais quand même…

— Tu sais, lança la jeune sorcière en commençant à se frictionner, je ne comprends pas vos coutumes. Hier matin, quand je t’ai capturé, j’ai pensé que tu me désirais, et ça me flattait. On sentait si fort que tu cherchais une femme. Mais c’est Leia que tu veux, n’est-ce pas ?

— Oui, admit le prince.

Selon les standards hapiens, Teneniel était plutôt quelconque, mais le prince estima que sa musculature valait le détour. Dans la Confédération, les femmes athlétiques n’étaient pas légion.

Teneniel sortit de l’eau, se sécha, enfila sa tunique et entreprit de peigner ses cheveux bouclés.

— D’où tiens-tu tes muscles ? osa demander le prince.

— J’adore l’escalade. Quand le temps s’y prête, on peut se baigner nu dans la neige une fois arrivé au sommet d’une montagne. Lorsqu’on est en sueur, c’est une expérience formidable.

Bien qu’il n’éprouvât aucune attirance pour la sorcière, le Hapien réalisa qu’il lui faudrait être bien épuisé pour ne pas rêver d’elle toute la nuit.

Quand elle eut fini de se coiffer, elle noua un bandeau de tissu blanc sur son front et sourit.

— Isolder, si ça ne tenait qu’à moi, je te rendrais ta liberté. Hélas, les autres femmes du clan ne te laisseraient pas en paix. Alors, jusqu’à ton départ, faisons semblant…

Le Hapien apprécia l’attention.

— Tu es très généreuse…

Elle l’embrassa sur le front, lui prit la main, et le ramena dans la Salle de Guerre.

Leia et les autres examinaient une grande carte d’argile posée sur le sol. Une sœur traçait une route s’éloignant des pistes traditionnelles, trop surveillées par les espions de Gethzerion. Long de cent quarante kilomètres, le chemin n’était pas sans danger. Pour le parcourir en moins de trois jours, il faudrait choisir des rancors parmi les plus solides.

Isolder regarda la princesse, se demandant si tout ça était bien réel. La jeune femme semblait si à l’aise avec Solo qu’on pouvait douter qu’il l’ait enlevée.

Si elle avait choisi le Corellien, Isolder se battrait jusqu’à son dernier souffle pour la faire changer d’avis.

Il vint se placer près d’elle et lui prit la main.

Elle lui sourit. Oubliant la sorcière qui traçait le chemin, le Hapien s’absorba dans la contemplation du visage délicat de l’Alderaanienne…

 

Quand ils se furent restaurés, Augwynne conduisit Luke et Isolder dans une petite pièce où une très vieille femme aux cheveux blancs était assise dans un fauteuil, une couverture sur les genoux. A moitié endormie, la vieille dodelinait sans cesse de la tête. Un coffre de pierre était posé à côté du siège.

— Mère Rell, dit doucement Augwynne en lui secouant l’épaule. Deux visiteurs veulent te rencontrer.

Rell regarda Luke. Malgré sa peau parcheminée, ses yeux brillaient d’intelligence et de vivacité.

— Mais… c’est Luke Skywalker, marmonna la vieille. Celui qui a créé une Académie Jedi, il y a des années. (Luke frémit ; personne n’avait dit son nom à l’ancêtre.) Comment vont ta femme et tes enfants, ami ?

— Ils se portent à merveille…

Isolder sentit les poils de sa nuque se hérisser. Il émanait de la vieille femme une puissance incroyable…

— Parfait… La santé est le bien le plus précieux. Et maître Yoda, comment va-t-il ? C’est qu’il me plaisait bien, ce forban…

— Je ne l’ai pas vu récemment, répondit Luke.

Rell perdit de nouveau contact avec la réalité, oubliant jusqu’à la présence du Jedi.

— Luke aimerait te présenter un ami, mère Rell, dit Augwynne.

Elle prit la main de l’ancêtre et la posa sur celle du Hapien.

— Le prince Isolder… souffla Rell. Je croyais que Gethzerion l’avait tué. Mon garçon, si tu es vivant… (Elle se tut, puis blêmit et regarda Augwynne.) Encore mes rêves, n’est-ce pas ? En quel siècle sommes-nous ?

— Oui, mère, tu rêvais…

La vieille femme refusa de lâcher la main du prince ; son regard se voila.

— Mère Rell a plus de trois cents ans, expliqua Augwynne, mais son esprit est trop fort pour la laisser mourir. Quand j’étais enfant, elle me disait souvent qu’un maître Jedi viendrait un jour avec son protégé, et que je devrais conduire les deux visiteurs jusqu’à elle. Elle affirmait avoir un message pour vous. Mais elle n’est pas lucide, je suis navrée…

Augwynne essaya de libérer Isolder des doigts d’acier de l’ancêtre.

— Ta visite m’a tellement plu… balbutia Rell. Reviens me voir, veux-tu ? Tu es une si gentille fille, ou garçon, ou que sais-je…

Elle lâcha enfin la main du prince.

— Elle voit le futur, n’est-ce pas ? demanda Luke.

Augwynne acquiesça, Isolder se sentant soudain très mal. Si Rell disait vrai, Gethzerion le tuerait dans les jours à venir…

— Parfois, expliqua la sorcière, elle s’y perd aussi facilement que dans le passé.

— Que vous disait-elle d’autre à mon sujet ? s’enquit le Jedi.

— Si on l’en croit, elle se laissera mourir peu après votre visite, qui marquera la fin de notre monde.

— Que veut-elle dire par là ?

Augwynne éluda la question et fit volte-face pour quitter la pièce. Avant de la suivre, Luke posa une main sur l’épaule de son compagnon.

— N’ayez pas d’inquiétude, prince. Ce qu’a prédit Rell n’est qu’un futur possible. Rien n’est jamais écrit.