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Cet après-midi-là, Leia et Isolder avaient choisi de se promener dans une des forêts sous serres des jardins botaniques de Coruscant, où poussaient des plantes représentant les centaines de milliers de mondes de la Nouvelle République. La princesse montrait au Hapien la reconstitution d’une forêt aldéranienne.

Gracieux, bien proportionnés, les arbres s’élevaient à des centaines de mètres. Avec leur écorce entièrement couverte de lichens iridescents, ils ressemblaient à des arcs-en-ciel traversés de reflets cinabre, violets et canari. Des oiseaux blancs volaient de branche en branche ; au sol, de petites biches au pelage rouge rayé d’or broutaient les feuilles et les fougères. Sur Alderaan, les forêts de ce type n’avaient jamais occupé qu’une douzaine d’îles. Leia y était allée une fois ou deux quand elle était enfant. Quoi qu’il en soit, savoir que quelque chose de sa planète vivait encore lui faisait un vif plaisir.

Les deux jeunes gens marchaient main dans la main. Soudain, le prince parla :

— J’ai appelé ma mère. Elle se réjouit de ta décision. Elle viendra nous chercher et elle nous conduira sur Hapes dans son véhicule personnel.

— Véhicule ? s’étonna Leia. Tu veux parler de son vaisseau, je suppose ?

— Dans le cas qui nous occupe, le mot véhicule semble plus approprié. C’est un engin plusieurs fois millénaire, et sa conception est… hum… franchement excentrique. Mais je suis sûr que tu l’aimeras…

La forêt était tranquille. A l’exception d’Astara, qui marchait derrière eux, les gardes du corps d’Isolder s’étaient éparpillés dans la verdure.

Leia sourit, puis s’arrêta pour respirer le parfum d’une fleur violette en forme de trompette.

— C’est une arallute, expliqua-t-elle au Hapien, une fleur très rare. Selon la légende, quand une jeune mariée en trouvait une dans son jardin, ça voulait dire qu’elle aurait très bientôt un enfant. Comme tu t’en doutes, la mère et les sœurs de la jeune femme se faisaient un point d’honneur d’en planter une juste après le mariage, c’est-à-dire en pleine nuit. Se faire attraper était très mal vu… (Elle plongea avec délice dans ses souvenirs.) Quand une arallute sèche, ses pétales se referment et le pollen ne peut plus s’en échapper. Alors les mères les donnent aux bébés, qui s’en servent comme de hochets.

— C’est adorable, murmura Isolder. Quelle tristesse de penser qu’il ne reste plus rien de tout cela, sinon ce sanctuaire, sur Coruscant.

— Quand nous aurons trouvé une nouvelle planète, nous emporterons des spécimens ; Alderaan renaîtra de ses cendres…

Un bip se fit entendre. A contrecœur, Leia ouvrit son comlink.

— Princesse, ici Threkin Horm. J’ai une grande nouvelle : votre mission dans le système de Roche est annulée !

— Quoi ? s’étrangla à demi Leia. Jamais on ne m’a retiré une mission ! Que s’est-il passé ?

— Les relations entre les Verpine et les Barabels se sont détériorées plus vite que nous le pensions. Mon Mothma a pris des mesures d’urgence dans l’espoir d’éviter une guerre. Le général Solo conduira une flotte de superdestroyers dans le système pour protéger les Verpine jusqu’à résolution de la crise. Sur le plan diplomatique, Mon Mothma en personne se chargera des négociations avec l’aide de ses plus fidèles conseillers.

— Vous avez sans cesse le mot « crise » à la bouche. Il s’est produit du nouveau ?

— Ce matin, des agents des douanes ont accosté un vaisseau barabel à la frontière du système de Roche. Ils y ont trouvé ce que nous redoutons depuis le début…

Leia n’eut pas besoin d’un dessin. Les douaniers avaient dû découvrir des cadavres congelés de Verpine, sans doute découpés en morceaux…

Malgré une lutte permanente contre ce genre de préjugés, Leia n’était pas étonnée qu’une race de reptiles carnivores soit capable de telles atrocités.

Allons, se morigéna-t-elle, ne juge pas une espèce sur les agissements d’une minorité…

— Mon Mothma aura sans doute besoin de mon aide… hasarda Leia.

— Comme moi, elle pense que vous avez mieux à faire pour servir la Nouvelle République. Mon Mothma vous a relevée du service pour les huit prochains mois. Je suis sûr que vous saurez bien employer ces… vacances. (Le sous-entendu aurait pu suffire, mais Horm aimait en rajouter :) Vous pourrez partir pour Hapes dès que ça vous chantera.

L’image du président s’effaça du petit écran du comlink. Isolder serra plus fort la main de la princesse.

Leia réfléchit quelques instants et conclut qu’elle n’avait aucun moyen de s’opposer à cette décision. De fait, les Verpine seraient mieux protégés par une flotte que par une ambassadrice. Pour être honnête, cette mission l’inquiétait depuis le début. Non qu’elle doutât de ses compétences diplomatiques. Mais les Barabels, d’après ce qu’elle en savait, se fichaient comme d’une guigne des talents d’orateur de leurs interlocuteurs. Membres d’une race de prédateurs dominés par un monarque tout-puissant, ils respecteraient sûrement Mon Mothma, un autre « chef de meute » venu spécialement pour traiter avec eux.

A voir les choses froidement, Mon Mothma n’avait pas besoin de Leia. L’esprit trop scientifique, la princesse avait passé des heures à tenter de comprendre comment une reine verpine avait pu devenir folle. Ce faisant, elle attaquait le problème par le mauvais bout. Dès le début, les Barabels étaient l’élément important… et dangereux !

Néanmoins, Leia ne voyait pas la nécessité d’expédier une flotte dans le système de Roche. Les Verpine pouvaient parfaitement défendre leurs ruches. Ajoutée leur capacité de communiquer par ondes radio, la configuration de leur ceinture d’astéroïdes (non praticable par des pilotes humains) en faisait des ennemis redoutables pour n’importe qui. La princesse avait souvent entendu dire qu’ils manœuvraient leurs bombardiers Aile-B mieux que quiconque.

Isolder se serra contre Leia.

— Pourquoi ce front soucieux, ma douce ?

— Juste quelque chose qui m’étonne…

— Non, tu es inquiète, je le sens. Ne crois-tu pas que Mon Mothma est assez grande pour se débrouiller sans toi ?

— Hum… Je trouve qu’elle en fait trop, voilà tout…

— Tu n’as pas envie de partir, c’est ça ? (Elle voulut protester mais il ne lui en laissa pas le temps.) Je comprends très bien, Leia. (Il fit un geste circulaire.) Abandonner tout ça est un grand pas pour toi. Mais ça n’est pas une désertion, même si tu devais choisir de ne plus jamais revenir…

Leia eut un pauvre sourire.

— Prends le temps qu’il faudra, continua le prince. Vois tes amis, dis au revoir à ceux qui te sont chers. Si ça doit te réconforter, souviens-toi de ce que tu as déclaré devant le Conseil : ça n’est qu’un voyage d’étude, rien de plus. Il n’y a aucune obligation, et pas de piège.

Les paroles du Hapien enveloppaient Leia d’une douce chaleur.

— Isolder, merci d’être si compréhensif.

Elle posa la tête contre l’épaule du jeune homme, qui la serra dans ses bras. Un instant, Leia fut tentée de lui murmurer un « je t’aime », mais elle estima qu’il était trop tôt pour s’engager à ce point.

Isolder approcha la bouche de son oreille.

— Je t’aime… souffla-t-il.

 

Aux commandes du Faucon Millenium, Han Solo slalomait avec adresse à travers un champ de débris spatiaux orbitant autour de la plus petite lune de Coruscant. Les simulations informatiques étaient bien utiles, mais Han savait depuis longtemps que rien ne remplaçait de bons vieux essais en temps réel.

La traversée d’un amas de débris ressemblait beaucoup à celle d’un champ d’astéroïdes, à ceci près que les obstacles étaient en métal. L’exercice, très délicat, faisait un bien immense au Corellien. Il passa sous le ventre d’un chasseur Tie puis remonta vers la coque en lambeaux d’un vieux destroyer Victory Star pillé de la poupe à la proue par quelque pirate de l’espace.

Exactement ce qu’il me faut, songea-t-il.

Un certain nombre de systèmes du Faucon ne pouvaient décemment être testés dans un environnement amical. Là où il s’était rendu, le général ne risquait pas de rencontrer des alliés. Ralentissant pour adopter la vitesse du destroyer à la dérive, Han se plaça à l’aplomb de la salle des machines, où se trouvait jadis le générateur d’hyperdrive. Avec mille précautions, il posa le Faucon à l’intérieur du vaisseau géant.

Puis il activa son Transpondeur Impérial IFF modifié et le régla sur l’option quatorze. Quand les signaux radio de son vaisseau rebondirent contre le blindage métallique de la chambre de fission, les systèmes d’alarme du Faucon se déclenchèrent, signalant l’approche d’une flotte d’Incom 14 provenant des quatre points cardinaux.

Sur l’écran holographique, l’image des navires s’afficha. Han avait récupéré le code du transpondeur sur un vaisseau de transport militaire appartenant à la flotte de Zsinj. Le navire avait pour passagers une équipe de douze Aigles Noirs, les forces spéciales du seigneur de la guerre. Censés surveiller et évaluer le dispositif de défense des planètes, ces saboteurs s’arrangeaient pour débarquer illégalement et les détruire. De plus en plus souvent, la rumeur les présentait comme les fers de lance de la police secrète de Zsinj. Sur des milliers de mondes, les Aigles Noirs régnaient en maîtres, confirmant ainsi cette hypothèse.

Ravi de constater que son transpondeur modifié le camouflait à la perfection, Han mit en service son brouilleur de fréquences. Submergés par une épouvantable friture, les senseurs du Faucon ne captèrent plus l’écho des vaisseaux fantômes.

Han sourit intérieurement. Ses armes secrètes fonctionnaient à merveille. Tant mieux, car il en aurait sûrement besoin sous peu…

Son matériel testé, Solo alluma les moteurs subluminiques et se dégagea lentement du ventre torturé du destroyer. Tandis qu’il reprenait sa course parmi les débris, l’appel qu’il attendait arriva.

C’était Leia, comme prévu.

— Han, je viens d’apprendre que tu vas conduire une flotte dans le système de Roche. Départ ce soir, si j’ai bien compris.

— Exact. Ce sont mes ordres.

— Je suis navrée que tu partes si vite. J’espérais passer un moment avec toi, mais…

Une flotte ? Elle pense qu’on m’a confié une flotte ?

Un superdestroyer, voilà tout ce qu’on lui avait donné. En un éclair, Solo comprit à qui il devait ce coup tordu.

Threkin Horm ! Han l’avait sous-estimé. A présent, il l’envoyait à l’autre bout de la galaxie afin que la princesse l’oublie à tout jamais.

— Leia, c’est une très bonne idée ! Pour l’instant, je suis occupé à… hum… organiser l’expédition. Je ne pourrai pas venir sur Coruscant. Mais si tu te trouves sur le Rêve des Rebelles vers quinze heures, nous pourrions parler un peu, peut-être même aller boire un verre ?

— Ça me va tout à fait. A tout de suite.

Elle coupa la communication. Han regarda le chronomètre du tableau de bord. Chewie et C-3P0 avaient rendez-vous avec lui à dix-sept heures sur le Faucon. Le temps pressait.

 

Quand Solo arriva devant la porte de la cabine de la princesse, il arborait un sourire fatigué. Dès qu’elle eut ouvert, il l’embrassa sur la joue puis entra en regardant nerveusement autour de lui.

Leia le dévisagea, inquiète. Les cheveux en bataille, les yeux las, il ne semblait pas bien du tout.

— Tu veux boire ou manger quelque chose ?

Solo secoua la tête.

— Non, merci…

Il n’ajouta rien, restant planté là les bras ballants. Dans la chambre de Leia, les gemmes de Gallinore brillaient toujours. Au-dessus de l’arbre de Selab, les soleils jumeaux s’étaient éteints comme s’ils effectuaient un cycle nocturne.

— Tu n’es pas content qu’on t’envoie dans le système de Roche, hein ? attaqua Leia.

— Eh bien, pour tout te dire… je n’y vais pas !

— Pardon ?

— J’ai démissionné, Leia…

— Quand ?

— Il y a cinq minutes…

Il entra dans la chambre, s’assit sur le lit et contempla d’un œil morne les trésors offerts par Hapes. Une fois de plus, Leia s’étonna de les avoir toujours avec elle. Le bon sens le plus élémentaire eût dicté qu’elle les mette à l’abri.

— Où iras-tu, Han ? Et que feras-tu ?

— Je vais sur Dathomir !

La princesse écarquilla les yeux.

— Es-tu devenu fou ? C’est sur le territoire de Zsinj. Le danger…

— Avant de démissionner, j’ai ordonné à l’Indomptable d’effectuer une série d’attaques surprises sur les avant-postes frontaliers du seigneur de la guerre. Zsinj devra mobiliser tous ses vaisseaux, les éloignant ainsi de Dathomir. Avec un peu de chance, je me faufilerai sans mal jusqu’à la planète. Zsinj ne saura même pas que je rôde sur son territoire…

— Mais… tu as commis un abus de pouvoir !

Han cessa de regarder les gemmes pour lui sourire.

— Je sais…

Leia n’insista pas. Quand il était de ce genre d’humeur, personne ne pouvait lui faire entendre raison.

Il haussa les épaules.

— Il n’y aura pas de dégâts. J’ai ordonné au capitaine d’attaquer avec ses armes à longue portée. Nos soldats ne risqueront rien. J’ai dû regarder trop longtemps l’image holo de cette fichue planète. J’en ai rêvé la nuit dernière. Tu sais, la plage, le vent qui te fouette le visage, les vagues qui viennent mourir contre tes chevilles. C’était si bien… Quand j’ai reçu mes ordres, ce matin, ça a fait comme un déclic dans ma tête. Je pars.

— Et que feras-tu là-bas ?

— Si ça me plaît vraiment, je resterai. Il y a trop longtemps que je n’ai pas senti le sable crisser sous mes pieds…

— Tu es épuisé… Reprends ta démission, Han. Avec mes relations, ce sera un jeu d’enfant. Si ce sont des vacances qu’il te faut…

Solo chercha le regard de la princesse.

— Nous sommes épuisés tous les deux. Viens avec moi. Echappons-nous !

— Je ne peux pas…

— C’est ce que tu t’apprêtes à faire avec Isolder, non ? Donne-moi un peu de temps, Leia. Chewbacca et C-3P0 me retrouveront sur le Faucon dans une heure. Viens avec nous. Après tout, Dathomir sera peut-être un jour la planète de ton peuple. Tu dois la visiter. Peut-être en tomberas-tu amoureuse ? Peut-être m’aimeras-tu de nouveau ? Qui peut dire ?

Il semblait tellement misérable. Leia se sentit coupable de l’avoir négligé pendant si longtemps.

Elle se rappela son désespoir, le jour ou Dark Vador avait congelé Han dans la carbonite pour l’expédier à Jabba le Hutt. Elle se souvint de leur joie après la défaite de l’Empereur Palpatine. A l’époque, elle l’aimait…

Mais beaucoup de temps a passé… songea-t-elle.

— Han, tu seras toujours mon ami. Je sais que c’est dur, mais…

— … Sois heureux et salut ?

Leia s’aperçut qu’elle tremblait. Han se leva et se dirigea vers la coiffeuse. Il paraissait fasciné par le métal noir brillant du Poing de Soumission.

— Tu crois que ça marche ? demanda-t-il. Comprenant soudain où il voulait en venir, Leia cria :

— Je t’interdis d’y toucher !

Rapide comme l’éclair, Han s’empara de l’arme et la braqua sur la princesse.

— Il faut que tu viennes avec moi sur Dathomir…

— Tu n’oseras pas ! hurla Leia, levant une main comme si cela avait pu la protéger.

— Je pensais que tu aimais les voyous, souffla Han. Une gerbe d’étincelles bleues jaillit de l’arme. La nuit enveloppa Leia ; sa conscience s’évapora.

 

— Tu es sûr que le général Solo a enlevé la princesse ? demanda la reine-mère.

Même s’il ne s’agissait que d’une image holographique, Isolder n’osa pas lever les yeux sur le visage voilé de la souveraine.

— Oui, Ta’a Chume, répondit-il. Une chaîne d’information avait placé une caméra-espion dans la coursive de ses quartiers. L’enregistrement montre Leia avec le général. Elle marche comme un automate ; lui est armé d’un Poing de Soumission.

— Que comptes-tu faire pour la retrouver ?

Isolder sentit le regard de la reine peser sur lui. Elle mettait ses compétences à l’épreuve. Sur Hapes, les femmes de pouvoir aimaient évoquer l’ineptie des hommes, leur incapacité consubstantielle.

— La Nouvelle République a déjà lancé ses meilleurs limiers sur la piste de Han Solo. Astara suit le déroulement des opérations heure par heure et nous allons recruter des chasseurs de primes.

La voix de la reine se fit menaçante.

— Regarde-moi dans les yeux !

Isolder releva la tête. Sa mère portait un voile jaune tenu par un serre-tête en or. La lumière faisait tellement briller le métal qu’il entourait la femme d’une aura aveuglante.

Isolder regarda au-dessus de la lisière du voile ; les yeux noirs de la reine se rivèrent aux siens.

— Le général Solo est un homme désespéré, déclara-t-elle. Je sais que tu voudrais tirer Leia de ses griffes toi-même. Pense à tes devoirs envers ton peuple, Isolder ! Tu es le Chume’da. Ta femme et tes filles régneront un jour. Si tu cours des risques inutiles, tu trahiras les espérances de tes frères. Promets de laisser nos tueurs s’occuper de Solo.

Isolder soutint le regard de sa mère. Il tenta de lui cacher la vérité, mais c’était inutile, car elle le connaissait trop bien.

Personne ne pouvait la tromper…

— Je poursuivrai Solo, mère, et je ramènerai ma fiancée…

Il attendit l’explosion maternelle, certain que sa colère allait le submerger comme une coulée de lave.

Mais la Ta’a Chume n’était pas du genre à montrer ses sentiments.

— Tu me désobéis, constata-t-elle d’une voix égale, mais quoi que tu penses, ton goût pour l’héroïsme individuel n’est pas une vertu. Si je pouvais, je t’en guérirais… (Elle se tut un moment ; Isolder attendit qu’elle énonce sa punition.) Tu ressembles trop à ton père, voilà tout… Quant à Solo, il cherchera sûrement refuge auprès d’un seigneur de la guerre assez puissant pour résister à la Nouvelle République. Je vais rassembler mes meilleurs hommes et nous gagnerons Coruscant. Bien entendu, si je trouve Solo avant toi, je le tuerai.

Isolder baissa les yeux. Avec l’enlèvement de Leia, il avait espéré que sa mère renoncerait au voyage. Mais tout cela restait logique : Solo avait enlevé celle qui prendrait un jour sa place. L’honneur exigeait qu’elle fasse tout pour la retrouver.

— Mère, je sais combien tu es mécontente de moi. Pourtant, quand j’étais enfant, tu disais souvent : « La puissance de Hapes dépend de celle de ses chefs. » J’ai beaucoup réfléchi à ces mots, et ils sont devenus ma devise.

Il coupa la communication, s’assit et médita. Pour un peu, il aurait plaint Solo. Le pauvre ne pouvait imaginer l’importance des ressources que sa mère allait mobiliser contre lui.

 

Le caporal Reezen était dans l’armée depuis sept ans. Obscur tâcheron, jamais il n’avait obtenu les récompenses et l’estime qu’il pensait mériter. Hélas, il en allait souvent ainsi quand on travaillait dans l’intelligence. Il fallait beaucoup de patience et de temps pour tomber sur le cas qui changeait tout.

L’ayant déniché, Reezen avait l’intention d’envoyer directement son rapport au seigneur Zsinj. Ainsi, aucun de ses supérieurs ne pourrait s’approprier sa gloire.

Ça n’était que justice, car Reezen était le seul à s’être aperçu de la chose. Les trois attaques éclairs qui s’étaient produites en neuf jours ne pouvaient avoir qu’une explication : détourner la flotte de Zsinj de ses positions actuelles. A l’évidence, la Nouvelle République préparait une offensive et elle voulait ouvrir une brèche pour ses navires. Aucune autre explication ne tenait. Les raids coûtaient trop cher pour être la couverture d’une banale mission d’espionnage.

Reezen le sentait dans ses tripes : quelque chose d’énorme se préparait. En conséquence, il s’était substitué au commandement ennemi pour tenter de reconstituer son plan. Après avoir dressé la liste des cibles militaires, il en avait retenu six, classées par ordre de probabilité. Le territoire à défendre était vaste, ouvrant le champ à une foule d’incertitudes. Une dernière fois, Reezen recensa les cibles potentielles et écarta volontairement les plus évidentes.

Dathomir était à peine visible sur la carte. A la regarder, le caporal éprouva un étrange sentiment…

La planète était bien protégée. Avec sa localisation, très à l’intérieur du territoire de Zsinj, la Nouvelle République ne pouvait être informée des opérations qu’y conduisait le seigneur de la guerre.

Le chantier naval ? Etait-ce l’objectif ennemi ? Non, ça ne collait pas. La République voulait quelque chose sur la planète.

Reezen songea aux prisonniers. Un grand nombre avait de la valeur pour Mon Mothma, en admettant qu’elle connaisse l’existence de la colonie pénitentiaire. Mais personne ne pouvait être assez stupide pour songer à se poser dans ce coin-là.

Reezen avait rencontré les indigènes. La seule idée d’atterrir sur Dathomir lui faisait froid dans le dos. Pourtant, quelque chose lui soufflait que tel était l’objectif de la Nouvelle République.

Quand il était tout gosse, sur Coruscant, le caporal avait vu une parade militaire en compagnie de son père. Dark Vador, le Sombre Seigneur de la Sith, était passé devant eux.

Levant une main, il avait interrompu le défilé pour regarder Reezen et lui caresser la tête.

Aujourd’hui encore, le soldat se souvenait de sa propre image terrifiée se reflétant dans le casque du Seigneur. Comme si ç’avait été hier, il sentit dans sa bouche le goût de la peur.

Retirant sa main, Vador avait soufflé :

— Pour bien servir l’Empire, fie-toi à tes intuitions.

Puis il avait tourné les talons.

Obéissant après toutes ces années, Reezen rédigea un rapport suggérant qu’on renforce les défenses de Dathomir. La logique lui disait que l’ennemi n’attaquerait pas là. Mais s’il en croyait Dark Vador, ce n’était pas elle qu’il devait écouter.

Fébrile, il composa sur son clavier la séquence commandant l’émission du message codé.

Zsinj était un homme intelligent. Il ne négligerait pas l’information…