24

Solo posa le Faucon et coupa les moteurs. La nuit était tellement insondable qu’il se demanda s’il n’y avait pas un problème avec l’écran principal. Un moment, il fut tenté de lui flanquer un bon coup de poing pour voir ce qui se passerait.

— Leia, soupira-t-il, ton petit détour dans la tempête nous coûte cher. Un système sur deux est en rade…

— Tu aimerais mieux être mort ? demanda la princesse.

— Non, admit Solo. Où est Isolder ?

— Je n’en sais rien… Il s’occupait des capteurs… Je crois que les Sœurs de la Nuit l’ont eu.

— L’ont eu ? Tu veux dire qu’elles l’ont tué ?

— Je l’ignore… Il était étendu sur le sol quand nous avons activé les moteurs. Teneniel était près de lui. J’ai entendu sa voix…

Han regarda sa bien-aimée. La lumière du vaisseau soulignait son amertume. En allumant les moteurs, combien de personnes avaient-ils condamnées ?

— On devrait prendre un médikit et aller voir de quoi il retourne, proposa Solo. Le prince a peut-être besoin d’un coup de main. A combien sommes-nous de la forteresse, d’après toi ?

— J’ai surtout tourné en rond, répondit la princesse. Sûrement moins d’un kilomètre…

Han se tourna vers Chewie :

— Leia et moi repartons à la forteresse. Avec C-3P0, essaye de mettre en place les générateurs. R2, si tu peux te substituer aux senseurs, n’hésite pas. S’il y a du nouveau, prévenez-moi aussi vite que possible.

Chewie grogna affirmativement. Han prit un médikit, un fusil-blaster et un casque. Il donna une lampe-torche à Leia.

Ils descendirent dans la vallée.

La poussière et la suie volaient encore dans l’air. Aux alentours, de petits foyers continuaient à brûler. Dans le lointain, Han reconnut les feux arrière d’un groupe de bipodes occupés à battre en retraite.

Leia n’alluma pas sa lampe, la lueur des incendies suffisant à leur ouvrir la route. Ils mirent moins de dix minutes pour atteindre leur but.

Le combat était terminé. Des Impériaux hébétés erraient sur le champ de bataille, brandissant leur torche comme des cierges. En haut de l’escalier, des rancors agonisaient avec des cris déchirants.

Leia alluma sa lampe et la dirigea vers les animaux. Tosh était penchée sur la dépouille d’un de ses fils.

Leia et Han se frayèrent un chemin parmi les morts. Dans la salle où se trouvait le Faucon quelques heures plus tôt, ils découvrirent Teneniel couchée sur le corps d’une Sœur de la Nuit. Elle était vivante. Solo l’examina et ne vit rien de grave.

— Où est Isolder ? demanda Leia.

Teneniel ne bougea pas. Balayant les alentours avec sa lampe, la princesse aperçut une silhouette familière.

Elle se précipita, suivie de Han. Alors qu’ils approchaient, ils entendirent le prince… ronfler.

Leia le secoua.

— Où suis-je ? demanda-t-il en s’éveillant. Que s’est-il passé ? (La mémoire parut soudain lui revenir.) Leia, quelle joie de rouvrir les yeux sur toi !

Il passa un bras autour des épaules de la jeune femme et lui donna un rapide baiser.

— Bon, marmonna Han, assez d’effusions. On a du travail…

Jetant un coup d’œil par la brèche du mur, il constata que le ciel était toujours aussi noir.

Une voix le fit sursauter.

— C’est donc là que vous êtes ?

C’était Augwynne, une ribambelle d’enfants accrochés à ses jupes. Elle tenait une torche et avançait à pas lents, le visage défait.

Voyant Teneniel, elle souffla à un gamin :

— Va chercher l’archiatre…

— Que se passe-t-il ? demanda Han.

La matriarche haussa les épaules.

— J’espérais l’apprendre de votre bouche, général. Gethzerion est repartie vers la prison. J’ai vu les lumières de son speeder au-dessus de la forêt. Nous avons une dizaine de mortes et de nombreuses disparues. Luke Skywalker manque également à l’appel.

Leia poussa un petit cri, écarquillant les yeux comme si elle se fût attendue à voir le Jedi se matérialiser dans la pièce.

— Vous ne savez vraiment pas où il est ? insista Han.

— Au début de l’attaque, il a poursuivi des Sœurs de la Nuit. Il a fait un bond impressionnant…

— Luke est assez grand pour sortir seul, plaisanta Solo afin de rassurer la princesse. Laissons-lui encore quelques minutes, je suis sûr qu’il va revenir.

Leia n’en semblait pas convaincue…

Augwynne approcha de la brèche pour scruter le ciel.

— Peu de villageois ont été blessés, c’est déjà un bien. L’obscurité nous a sauvés. Sans elle, l’attaque aurait réussi… Je retourne dans la Salle de Guerre. J’attendrai que mes sœurs s’y regroupent…

Leia et Han guettèrent l’arrivée de l’archiatre. C’était une vieille femme qui passa les mains trois fois le long du corps de Teneniel, psalmodia une incantation, puis resta assise près de la jeune sorcière.

— Repose-toi, mon enfant. Tu as donné un peu de ta vie pour en sauver une autre. De qui s’agit-il ?

— Une Sœur de la Nuit, souffla Teneniel en désignant la silhouette étendue sur le sol.

L’archiatre s’en approcha, lui prit le pouls, et resta un long moment pensive. Enfin, elle se détourna et sortit sans avoir prodigué de soins à la blessée.

Leia cria dans son dos :

— Vous allez la laisser mourir ?

La vieille femme s’immobilisa. Sans se retourner, elle répondit :

— J’ai de modestes talents, et les femmes de mon clan en ont besoin. Si Gethzerion veut s’occuper de son acolyte, elle peut envoyer une autre guérisseuse. Mais il m’étonnerait qu’elle le fasse…

Leia serra les poings de rage ; Han lui posa une main réconfortante sur l’épaule.

— Je vais parler à Augwynne de cette affaire, déclara la princesse.

Isolder prit Teneniel dans ses bras.

— On l’emmène aussi, annonça Leia à Han en désignant la Sœur de la Nuit agonisante.

 

Dans la Salle de Guerre, Isolder et Solo déposèrent les deux blessées sur des coussins pendant que Leia se querellait avec Augwynne. Les sorcières survivantes étaient réunies autour du feu, le regard vide.

Les hommes s’occupaient des mortes, les lavant et les habillant pour le bûcher funéraire.

Vaincue par l’argumentation serrée de Leia, Augwynne consentit à soigner la Sœur de la Nuit. Lui imposant les mains, elle psalmodia jusqu’à ce que la créature malfaisante ouvre les yeux.

Han la dévisagea, se demandant si elle ne simulait pas sa faiblesse. En tout cas, elle paraissait aussi digne de confiance qu’une vipère. A sa grande honte, le Corellien dut admettre qu’il aurait préféré la savoir morte.

— Han, l’appela Leia, je m’inquiète pour Luke. Il devrait être de retour…

— Je me fais aussi du souci, avoua Solo.

— Je ne le sens pas, Han ! D’habitude, j’ai toujours conscience de sa présence. Il faut que j’aille le chercher !

— Impossible ! intervint Isolder. C’est trop dangereux. Gethzerion est partie, mais les autres rôdent encore dans les environs…

Augwynne posa sur la princesse des yeux voilés par la fatigue.

— Le prince a raison. On ne peut pas sortir. Le Jedi est sûrement mort. Même s’il n’est que blessé, comment le trouver ?

R2 entra dans la pièce en bipant à l’envi.

— Que veux-tu ? lui demanda Han. Tu as trouvé la cause de l’obscurité ?

Se renversant en arrière, R2 projeta une scène holographique dans l’air. L’image, fractionnée, restituait une conversation holographique entre Zsinj et Gethzerion.

— Seigneur de la guerre, commença la sorcière, que signifie cette aberration ?

Elle désigna le ciel d’un geste de la main.

Petit homme chauve aux grandes moustaches grises et au regard perçant, le guerrier sourit.

— Tout d’abord, je te salue, Gethzerion… Il est si agréable de te revoir après tant d’années… Cette obscurité est un cadeau de ma part. Oui, un cadeau. Le nom usuel, très poétique, est « manteau de nuit orbital ». J’ai trouvé que ça ferait un présent parfait pour une adepte du mal. C’est très amusant, comme principe. Tu veux savoir comment ça marche ? Il s’agit d’une chaîne de satellites conçue pour capter et absorber la lumière solaire. Ingénieux, non ?

Gethzerion ne parut pas apprécier. Zsinj continua néanmoins :

— Il y a deux jours, tu as prétendu détenir Han Solo. Le moment est venu de me le remettre. Si tu refuses, le manteau de nuit restera en place, et Dathomir continuera à refroidir. Demain matin, il y aura de la neige dans la vallée… Trois jours de plus, et toute vie végétale aura disparu. Dans deux semaines, il fera cent au-dessous de zéro sur toute la planète. Alors ce sera au tour de la vie animale de s’éteindre.

— Et tout ce qu’il te faut pour arrêter, c’est Han Solo ?

— Parole de soldat !

— Ta parole est… hum… garante de lendemains qui déchantent… As-tu réfléchi à notre offre ?

— Oh que oui ! Hélas, je n’ai pas trouvé place pour vous dans mon organisation…

— N’en existe-t-il pas une hors de ton organisation ?

— J’ai peur de ne pas comprendre…

— Tu es en guerre contre la Nouvelle République. C’est un ennemi trop bien implanté dans la galaxie pour que tu puisses le vaincre. J’ai vu cela dans l’avenir… Laisse-nous accéder aux mondes de la République, Zsinj. Nomme un système solaire et nous y sèmerons la panique, je puis te l’assurer.

Zsinj s’offrit une brève réflexion.

— Voilà une offre des plus inhabituelles… Combien de tes sœurs faudra-t-il transporter ?

— Soixante-quatre, moi comprise.

— Et dans combien de temps serez-vous prêtes ?

— Quatre heures…

— Voilà comment nous allons procéder : deux de mes transports se poseront sur tes terres dans quatre heures. L’un sera armé, l’autre non. Tu livreras en personne Han Solo au capitaine du vaisseau armé. Ensuite, tes sœurs et toi embarquerez dans l’autre, qui décollera pour la destination que j’aurai choisie. Ça te va ?

— Oui… Ça ne paraît pas si mal… Merci, seigneur Zsinj.

L’image disparut. Han attendit les réactions de ses compagnes.

— Bah, grogna une vieille femme, ce sont deux menteurs, voilà tout ! Gethzerion ne détient pas le général Solo, et Zsinj n’a pas la moindre intention de tenir sa promesse…

— As-tu senti cela, demanda Augwynne, ou est-ce une supposition ?

— Je n’ai rien senti, concéda la sorcière, mais Zsinj est un piètre menteur…

— Pour ça, il ne vaut pas un diplomate, c’est sûr, souffla Leia.

Augwynne la regarda.

— Que veux-tu dire par là, ma sœur ?

— Simplement qu’il a la réputation d’être un menteur pathologique. Malgré tout son entraînement, il reste peu crédible.

— Je comprends. Mais peut-être est-il plus malin que tu le penses ?

— A moins qu’il bluffe, intervint Isolder. Il fait grand cas de son manteau de nuit, mais ses satellites seraient assez faciles à détruire.

— Tout à fait exact, renchérit Leia. Il me semble qu’il a parlé d’une « chaîne de satellites »…

— Et toute chaîne peut être brisée, compléta Han. Il suffit de trouver les maillons faibles…

— Je pourrais aller faire un tour là-haut avec mon chasseur et descendre deux ou trois satellites, proposa Isolder.

Han se dit que le Hapien avait le goût des missions-suicides. Une quinzaine de destroyers défendaient le dispositif. Un seul chasseur n’avait aucune chance de leur échapper.

— Ce manteau de nuit ne paraît pas une arme bien redoutable, fit remarquer Leia. N’importe quelle planète dotée d’une flotte, ou même d’un émetteur radio assez puissant…

— … Serait à même d’en venir à bout, acquiesça Augwynne. Ce système est bon pour soumettre des planètes primitives comme Dathomir. Pour nous, le coup est imparable.

— Trois jours… lâcha Isolder en regardant le feu.

— Pardon ? Que se passera-t-il dans trois jours ?

— Si nous tenons jusque-là, la flotte de ma mère nous tirera d’affaire. Pour le moins, nous pourrons évacuer…

— Impossible d’attendre trois jours, objecta Han. Si le manteau de nuit reste en place, Dathomir sera un monde écologiquement mort quand ta chère maman arrivera. Jusqu’à exécution du contrat de cession, cette planète est à moi, et je n’ai pas l’intention de la laisser détruire.

— Te connaissant, Solo, je suis sûr que tu trouveras une idée. En attendant, mettre la population à l’abri ne serait pas une mauvaise chose.

— Mon peuple a peur, avoua Augwynne. Une évacuation lui redonnerait courage.

— Ce serait sûrement mieux que de se réfugier dans des grottes souterraines pour échapper au froid, approuva Leia.

Han réfléchit. Attendre trois jours semblait difficile. A vrai dire, la seule proposition valable était celle du Hapien. A ceci près que Solo n’avait aucune intention de ne pas être aux premières loges.

Tant pis pour les destroyers et tout ce qui s’ensuivait !

Il chercha le regard du prince et y lut une détermination aussi forte que la sienne.

— On tire le chasseur à la courte paille ? proposa le Corellien.

— Voilà une bonne idée…

— Arrêtez ! cria Leia. Il doit y avoir une autre solution. Isolder, la flotte hapienne est partie en même temps que toi. Elle peut arriver en avance, non ?

Le prince secoua la tête.

— Si elle suit le cap standard, c’est hors de question. Ces vaisseaux coûtent des milliards de crédits. Ma mère n’est pas femme à les risquer pour si peu… Comme on dit, elle connaît la musique !

Isolder avait parfaitement raison. Au long de l’Histoire, de nombreux généraux avaient opté pour une trajectoire risquée afin de s’assurer un avantage sur l’ennemi. La plupart du temps, ils s’étaient retrouvés à la tête d’un cimetière flottant…

Solo se tourna vers la porte. Un instant, il crut y voir se découper la silhouette de Luke.

Le Jedi n’était pas du genre à abandonner des amis dans l’embarras. Son absence devenait très inquiétante. Solo dut se retenir pour ne pas se précipiter dehors en hurlant le nom de son vieux compagnon.

Leia croisa les mains sur son ventre comme si elle eût voulu protéger une graine de vie. Han savait qu’elle était morte d’inquiétude…

Lui hésitait entre deux options : partir à la recherche de Luke (même si c’était pour découvrir son cadavre) ou aller à la chasse aux satellites dans le chasseur du Hapien.

Pour l’heure, il se contenta d’approcher de Leia et de la prendre dans ses bras.

Des larmes montèrent aux paupières de l’Alderaanienne.

— Je ne le sens plus, Han. Il est…

Elle n’osa pas prononcer l’affreux mot : mort !

— Allons, allons…

Réconforter Leia était au-dessus des forces du général, qui croyait depuis toujours à la communauté d’esprit des deux jumeaux. Si la princesse ne sentait rien, c’était qu’il n’y avait plus rien à sentir…

— Leia, tout va s’arranger, mentit-il piteusement. Tu verras…

Un vœu pieux, voilà tout ce qui lui restait…

Soudain, quelque chose se fraya un chemin jusqu’à sa conscience comme si une main invisible s’enfonçait dans son cerveau. Assimilable à un viol mental, l’expérience était des plus désagréables.

Une image se forma dans la tête du Corellien. Des hommes et des femmes en uniforme orange marchaient dans une salle violemment éclairée. Tous avaient les yeux levés…

Des commandos, fusil-blaster au poing, se tenaient en position de tir à l’étage supérieur. Solo reconnut le réfectoire de la prison.

Une voix résonna dans sa tête.

« Han Solo, c’est moi, Gethzerion… J’espère que tu trouves mon petit truc amusant. Comme tu vois, je suis dans la prison, et j’ai organisé une… réunion. Je suis convaincue que tu es un homme plein d’amour et de compassion. Je me trompe ?

« J’ai tout tenté pour t’attirer dans mes filets, Solo. Cette énième initiative sera-t-elle la bonne ? »

L’angle de vision de Han changea. A présent, il regardait les choses avec les yeux de la sorcière, qui leva une main noire couturée de cicatrices.

Obéissant à ce signal, les soldats ouvrirent le feu sur la foule. Hurlant de terreur, les prisonniers essayèrent de fuir, mais toutes les issues étaient verrouillées. Des dizaines de cadavres jonchaient déjà le sol.

Han se mit les mains devant les yeux, mais ce geste enfantin ne suffit pas à chasser l’atroce vision.

La main de Gethzerion se porta à sa ceinture et dégaina un blaster. Comme si c’était le sien, Han vit un bras se tendre vers une pauvre femme qui criait à s’en casser la voix.

Le coup partit, faisant mouche sans difficulté. Gethzerion tira une deuxième fois, éclatant la tête d’un homme qui était tombé à genoux pour demander grâce.

« Il y a cinquante prisonniers dans cette salle, Solo, et tous mourront par ta faute. Quand le dernier aura rendu l’âme, j’en ferai entrer cinq cents de plus, qui subiront le même sort.

« Tu peux les sauver, Solo. Dans me heure, une de mes acolytes sera au pied de la forteresse avec le landspeeder. Si tu n’es pas au rendez-vous, ces cinq cents imbéciles mourront, et tu auras le privilège d’assister à leur fin. Ensuite… Sais-tu qu’il y a des milliers de prisonniers ici ? Tu finiras par craquer, crois-moi. La compassion est un vilain défaut… »

 

Voyant Han reculer, les mains sur les yeux, Leia pensa d’abord qu’il pleurait. Mais quand il se figea, le souffle court, et découvrit ses pupilles, elle lui vit un regard halluciné comme jamais il n’en avait eu.

— Han, que se passe-t-il ? cria-t-elle.

Le Corellien ne répondit pas.

— C’est un message, expliqua Augwynne. Gethzerion lui parle…

Leia regarda la matriarche. Assise au coin du feu, les cheveux défaits, elle ressemblait à une vieille dame impuissante.

Han sembla s’enfoncer davantage dans son fantasme.

— Je dois y aller, marmonna-t-il. Il le faut.

Comme un automate, il tourna les talons et s’engagea dans l’escalier.

— Han, attends ! cria Leia.

Elle courut à sa poursuite. R2 émit une série de bips pour leur dire à tous deux de revenir, mais ni l’un ni l’autre n’en eut cure.

Han franchit couloirs et escaliers au pas de charge, puis il disparut dans l’obscurité.

Haletant, Isolder arriva au côté de la princesse. Il s’était muni d’une lampe-torche dont il pointa le faisceau dans le dos du Corellien.

— Où va-t-il ?

— Il rejoint le Faucon, répondit Leia.

Les deux jeunes gens emboîtèrent le pas au général…

 

Ils le retrouvèrent dans le vaisseau, où il s’affairait déjà à monter le dernier générateur. Chewie l’aidait en grognant tristement. Apercevant Leia et le prince, il leva les yeux.

— Ta Grâce, j’ai besoin d’aide. Il faut réparer le navire et partir au plus vite. Retourne à la forteresse et ramène-moi ces fichus capteurs. (Isolder resta un moment immobile comme s’il attendait d’autres instructions.) Dépêche-toi, bon sang !

Le Hapien s’exécuta.

— Qu’est-ce que tu fais ? Quelle mouche t’a piqué ? demanda Leia.

— Gethzerion a passé la vitesse supérieure. Elle massacre des innocents. (Il finit de bloquer un boulon, puis jeta la clef sur le sol.) Je suis navré de t’avoir amenée ici, Leia. Sans mes âneries, Zsinj n’aurait pas utilisé son manteau de nuit, et la sorcière ne massacrerait pas les prisonniers. Mais ces gens ne me connaissent pas ! Ils ont affaire au général Solo, un héros sur qui la Nouvelle République compte !

— Alors que fais-tu ? demanda de nouveau Leia. Tu fuis ? C’est tout ce que tu as trouvé ? Le clan d’Augwynne est désespéré. Han, je te croyais une sorte de génie militaire. Reste ici et bats-toi, bon sang ! On a besoin de toi.

Le Corellien se dirigea vers la console des communications.

— J’appelle Gethzerion…

— Ici Contrôle de la prison. Vous avez un message pour elle ?

— Oui. Je suis le général Han Solo, et j’ai quelque chose d’important à lui apprendre. Je me rends, entendez-vous ? Je viens… Dites-lui de ne plus tuer personne. Je serai au pied de la forteresse à l’heure convenue.

— Contrôle Un à Solo. Message bien reçu. Mais qu’en est-il de vos compagnons ? Le seigneur Zsinj les veut également.

— Ils sont tous morts, mentit Han. Zsinj devra se contenter de moi.

Il coupa la communication, tourna les talons et courut vers le quartier des passagers.

— Arrête ! cria Leia. Han, tu ne peux pas faire ça. Zsinj veut ta mort…

Le Corellien se retourna sans cesser de courir.

— Ça ne me ravit pas, crois-moi, mais il faut bien finir un jour…

Il entra dans sa cabine, approcha de sa couchette et retira le matelas, dévoilant un arsenal dont Leia ignorait l’existence. Elle reconnut une gamme de fusils-lasers, d’antiques armes à balles, et même un canon-laser portable. Toutes ces « merveilles » étaient illégales sur le territoire de la Nouvelle République. Ecartant un fusil, Solo appuya sur un bouton qui révéla une deuxième cache contenant un assortiment de grenades interdites depuis des lustres. Han choisit un minuscule détonateur thermique talesien, assez puissant pour faire sauter un immeuble de cinq étages.

Il allait merveilleusement dans sa main.

— Ça devrait marcher, marmonna-t-il en glissant le détonateur dans sa ceinture.

C’était une arme de terroristes se fichant autant de leurs propres vies que de celles des autres. S’il l’utilisait, Han sauterait aussi, il n’y avait pas d’autre possibilité. Il tira sur sa chemise pour qu’elle bouffe un peu et dissimule son atout caché.

— Ça ne se voit pas trop ? demanda-t-il calmement à la princesse.

On ne distinguait rien, mais Leia, les yeux pleins de larmes, n’avait pas le cœur de lui répondre.

— Ne prends pas ça au tragique, princesse ! C’est toi qui me répètes sans arrêt de me comporter en digne héros de la République ! Si je me débrouille bien, Gethzerion et ses âmes damnées seront rayées de l’univers. Isolder devra se charger de Zsinj. C’est un type bien, Leia. Tu as fait le bon choix.

La princesse entendit ces mots comme s’ils venaient d’un autre monde. Elle n’avait pas pensé à ses sentiments pour Isolder depuis trois jours. Pourquoi croyait-il qu’elle avait choisi ? Au fond de son cœur, elle se demandait toujours si elle aimait Han…

Ça, c’était l’aspect personnel. En réalité, elle avait choisi Isolder. Pour des raisons politiques. Son peuple avait besoin qu’elle devienne la reine de la Confédération. Il n’y avait rien à objecter. Tant que les vestiges de l’Empire seraient une menace, elle n’aurait pas d’autre solution.

Elle regarda la ceinture de Solo et se força au calme :

— Parfaitement invisible, Han. Avec une bombe sur toi, tu as une allure folle, mon cher !

Il la prit dans ses bras et l’embrassa avec fougue. Soudain, la princesse réalisa combien ses étreintes lui avaient manqué.

Elle avait besoin d’éprouver de la passion pour un homme.

Jetant un coup d’œil par-dessus l’épaule de Han, elle vit que Chewie s’occupait à ranger des outils. Quand leurs regards se croisèrent, elle lut dans celui du Wookiee toute la mélancolie du monde.

Fermant les yeux, Leia rendit son baiser à Solo pendant de longues minutes.

— Han… commença-t-elle quand ils s’écartèrent l’un de l’autre.

— Ne dis rien, l’implora-t-il. J’ai déjà assez de regrets comme ça…

Il s’approcha de Chewbacca, lui parla à l’oreille, puis l’étreignit. Assise au bord de la console holographique, Leia tentait d’étouffer ses sanglots.

Arrivé en trombe, C-3P0 s’était lancé dans un discours censé dissuader Solo de se sacrifier. Après avoir écouté Bâton d’Or une dernière fois, le Corellien se détourna et repassa devant Leia.

— C’est l’heure, princesse…

Il s’engagea sur la rampe de débarquement.

Leia ne put s’empêcher de le suivre. Au pied du vaisseau, elle constata que la plupart des feux avaient fini par s’éteindre. Sous le ciel noir, un vent glacé soufflait, présageant du destin atroce de la planète.

— Han ! Han ! appela la jeune femme.

Il se retourna et la regarda.

— Il y a quelque chose que j’ai toujours aimé en toi, cria Leia, répondant à la question qu’il lui avait posée avant cette absurde aventure. La coupe de tes pantalons !

Le Corellien sourit.

— Je sais…

— Han ! appela-t-elle encore.

Elle aurait voulu lui dire « je t’aime », mais c’eût été le blesser, à pareil moment. Pourtant, comment le laisser partir sans qu’il sache ?

Solo se retourna encore.

— Je sais… Tu m’aimes. Je l’ai toujours su…

Lui disant adieu d’un signe de la main, il s’enfonça dans les ténèbres.

Leia se laissa glisser sur l’herbe et éclata en sanglots. Chewbacca et C-3P0 sortirent du Faucon. Le Wookiee posa une main sur l’épaule de sa vieille amie.

La princesse attendit que le droïd-protocole ait trouvé un mensonge réconfortant à dire. N’était-ce pas sa spécialité, dans les situations désespérées ?

Rien ne vint.

Luke, Luke, j’ai tellement besoin de toi…