12

Quand le Chant de Guerre, le Dragon d’Isolder, s’apprêta à sortir de l’hyperespace, le prince avait le cœur gonflé d’espoir. En une semaine, Luke avait réussi à les conduire en vue de Dathomir, gagnant près de dix jours sur le cap calculé par l’ordinateur de navigation. Avec un peu de chance, ils allaient arriver avant Han Solo…

La réalité doucha l’enthousiasme du jeune homme. Aussitôt revenu dans l’espace normal, le navire se trouva face à un spatioport gardé par deux superdestroyers de l’Empire. Une multitude d’autres navires y mouillaient…

Les alarmes se déclenchèrent. Sur la nef hapienne, tous les hommes d’équipage gagnèrent leurs postes.

Luke Skywalker était sur la passerelle, les yeux levés vers l’écran. D’un index, il désigna une frégate en feu inexorablement aspirée par la gravité de la planète.

— Leia est dans ce vaisseau ! cria-t-il.

Isolder tourna la tête.

— Vous êtes sûr ?

Avons-nous fait tout ça pour assister à sa fin ? se demanda le Hapien.

— Elle est vivante ! affirma Luke. Je sens sa terreur, mais aussi un grand espoir. Ils vont essayer de se poser. Il faut que j’y aille !

Cela dit, il sortit, déterminé à rejoindre les docks.

Sur l’écran, Isolder vit une formation de chasseurs Tie jaillir des entrailles des deux superdestroyers.

— Qu’on lance tous nos chasseurs dans la bataille ! ordonna le prince. Et feu à volonté ! Sus aux superdestroyers !

Les canons à ions du Chant de Guerre commencèrent à tirer ; les torpilles sortirent des tubes de lancement avec un bruit aigu.

Les navires impériaux étaient beaucoup plus grands que les Dragons hapiens. Par chance, leur armement s’avéra moins moderne, car disposé à des emplacements fixes. Après un tir de blasters ou de canons à ions, il fallait quelques millisecondes pour recharger le générateur géant de la console centralisée. La vitesse de tir en était nettement ralentie.

Sur le Dragon, les armes étaient réparties le long du périmètre de la soucoupe. Les canons déchargés étaient automatiquement remplacés par des pièces en état de tirer. Cette rotation conférait un net avantage au bâtiment hapien.

Les superdestroyers battirent en retraite. Malgré la puissance de feu du Dragon, ils auraient inéluctablement le dessus dès que les chasseurs les soutiendraient.

Conçus pour percer tous les boucliers, ces petits navires auraient vite fait de détruire les armes du vaisseau hapien.

La chasse d’Isolder pouvait retarder l’échéance ; en tout état de cause, elle ne tiendrait pas indéfiniment.

— Capitaine Astara, souffla le prince en regardant sa fidèle ordonnance, occupez-vous de l’attaque. J’accompagne le Jedi sur la planète.

— Seigneur, s’indigna la rousse, mon devoir est de vous protéger.

— C’est exactement ce que je vous demande. J’ai besoin qu’on me couvre ! La flotte de ma mère ne sera pas ici avant dix jours. Quand elle arrivera, passez à l’offensive ! Si je le peux encore, je vous contacterai pour convenir d’un rendez-vous.

— Si vous ne vous manifestez pas, siffla Astara, nous tuerons les hommes de Zsinj et nous fouillerons la planète jusqu’à la fin des temps, s’il le faut.

Isolder sourit, lui posa une main sur l’épaule, puis quitta la passerelle.

Le maximum de puissance étant consacré à l’armement, le prince dut marcher dans des coursives beaucoup plus sombres qu’à l’accoutumée.

Quand il arriva, Skywalker était déjà à bord d’une aile X. Isolder remarqua que ça n’était pas la sienne.

Pendant qu’une grue hissait dans le cockpit l’étrange droïd en forme de tonneau, une dizaine de techniciens vérifiaient l’armement du chasseur.

— Des problèmes avec votre appareil ? demanda le prince.

— Les armes ne répondent pas… Puis-je vous emprunter un chasseur ?

— Evidemment, répliqua le Hapien.

Il prit une veste de pilote et un casque sur un râtelier et passa à sa ceinture son blaster personnel. Le voyant faire, les techniciens se précipitèrent vers son chasseur, le Tonnerre, afin de le préparer au décollage.

Isolder regarda le petit vaisseau avec une franche fierté. Il l’avait conçu et construit de ses mains.

En un accès de lucidité, le prince réalisa combien il ressemblait à Solo. Le Corellien avait le Faucon, lui le Tonnerre. Tous deux étaient d’anciens contrebandiers et ils aimaient la même personne, une femme de tête.

Pendant tout le voyage, le prince s’était demandé ce qu’il faisait là. Sa mère savait où Solo se rendait. Tôt ou tard, la flotte hapienne aurait retrouvé Leia. Isolder n’avait aucune raison de risquer sa vie dans l’aventure.

Une part de lui-même désirait faire rendre gorge à cet impudent de Solo. Mais ça n’était pas tout. Le Hapien voulait reprendre Leia à son rival, même s’il devait le faire les armes à la main.

Skywalker était sur le point de décoller.

— Luke ! appela Isolder. Je viens avec vous. Il faut quelqu’un pour surveiller vos arrières.

Le Jedi signifia son accord d’un pouce levé.

Isolder sauta dans le cockpit du Tonnerre. Il arma ses blasters et ses missiles pendant que les techniciens ouvraient le sas.

Turbogénérateurs au maximum, les deux chasseurs jaillirent dans l’espace.

Isolder régla son transpondeur pour être identifié comme un chasseur hapien.

Puis il s’intéressa à la bataille.

Depuis l’espace, il s’avéra beaucoup plus facile de suivre son déroulement. Les superdestroyers s’étaient éloignés l’un de l’autre, croyant contraindre Astara à choisir une seule cible.

Rusée, la Hapienne avait dirigé son Dragon vers le spatioport, où elle bombardait copieusement un superdestroyer en attente de réparation. Les dégâts ainsi infligés à la flotte ennemie valaient dix fois ce qu’elle aurait pu réaliser en affrontant les deux autres bâtiments.

D’ailleurs, aucun de ces derniers ne se pressait d’intervenir…

Deux destroyers de classe Victory mouillant au spatioport devaient être en partie opérationnels, car une nuée de chasseurs Tie et d’antiques Z-95 jaillirent de leurs flancs.

L’espace était illuminé par les réacteurs des chasseurs, l’éclat des torpilles et les débris incandescents des navires détruits.

Isolder activa la fonction « recherche automatique » de sa radio ; bientôt, il put capter les communications des appareils adverses.

Skywalker s’éloignait déjà du Dragon hapien. Le prince le suivit à la distance de sécurité minimum.

— Rouge Un appelle Rouge Deux, dit Luke. Attention : un grand volume de débris se détachent du spatioport. (Un fragment d’échafaudage partit en vrille, vite aspiré par le puits gravitationnel.) Je compte couper mes moteurs et suivre le même chemin… Avant, j’aimerais neutraliser un ou deux appareils ennemis.

Isolder réfléchit rapidement. Luke et lui ne pourraient pas se poser sans être détectés. Ils allaient devoir s’éjecter et laisser leurs vaisseaux s’écraser sur la planète.

— Je suis avec vous, Rouge Un, répondit-il.

Skywalker passa en vitesse d’attaque et fonça vers un groupe de chasseurs Z-95 à l’éclat rappelant celui de gemmes. Le Hapien se plaça sur sa droite et augmenta la puissance de son bouclier déflecteur avant. Sur la fréquence impériale, les communications codées des hommes de Zsinj battaient leur plein. Le prince activa son brouilleur ; le silence revint.

Vérifiant son écran tactique avant, il remarqua quelque chose d’étrange.

— Luke, vos boucliers ne sont pas activés.

Les brouilleurs des Z-95 entrèrent en action. Dominant la friture, Isolder cria :

— Luke, vos boucliers !

La réponse lui parvint, difficilement audible.

— Prince, mes boucliers sont activés !

— Non ! Puisque je vous dis que non !

Skywalker leva un pouce pour apaiser les craintes de son compagnon. Puis il passa à autre chose, car une formation de Z-95 fondait sur eux, leurs tirs de blasters illuminant le ciel.

Isolder choisit une cible et fit feu, utilisant simultanément ses canons à ions et des missiles thermosensitifs. La salve tirée, il dévissa sur la gauche.

Touché à l’aile droite, Skywalker partit en vrille. Au tout début de sa chute, un tir de blaster fit mouche dans la zone du capteur des senseurs. Le chasseur du Jedi commença à vibrer. Le Hapien estima que ce serait un miracle s’il ne se désintégrait pas en vol.

Isolder moucha un appareil adverse, qui explosa dans une gerbe de flammes. Pour le venger, quatre ou cinq autres prirent le Tonnerre pour cible. Les boucliers ne résistèrent pas.

Le prince ne pouvait plus s’exposer.

Dans son vaisseau, Skywalker semblait un pantin désarticulé. Le Hapien braqua ses senseurs sur le cockpit en flammes.

Pas de signaux vitaux. Le Jedi était mort.

Isolder jura entre ses dents. Il ne pouvait plus rien faire, sinon sauver sa peau. Après avoir largué un détonateur thermique, il compta jusqu’à deux, coupa son transpondeur et ses moteurs, et piqua à la suite de l’appareil de Skywalker. L’explosion du détonateur avait une bonne chance de tromper l’ennemi. Dans le feu de l’action, les hommes de Zsinj ne s’intéresseraient sûrement pas à une épave…

Une aire de stockage était aménagée sous la console de communications du vaisseau. Isolder en tira une couverture à inertie thermique, la déplia et s’en enveloppa. Les senseurs ennemis, repérant son corps, enregistreraient une température incompatible avec la vie.

Le cœur serré, le prince regardait le cadavre du Jedi qui ballottait en tous sens dans le cockpit du chasseur. Après tant de combats victorieux, un héros venait de succomber.

Isolder l’avait prévenu que ses boucliers déflecteurs n’étaient pas levés. Luke ne l’avait pas cru. Ce genre de problème ne pouvait s’expliquer par une panne. Le chasseur avait été saboté. Isolder ne doutait pas un instant que sa mère avait assassiné le jeune Chevalier.

Il serra les dents, tira la couverture sur sa tête et se prépara au choc.

 

Se frayant un chemin à travers les broussailles, Leia regarda le sommet du plateau. A la lumière des deux lunes de Dathomir, elle aperçut plusieurs blocs rectangulaires de pierre noire. Au milieu de chaque monolithe, on avait creusé un trou en forme d’œil. En guise de pupille, chacun était muni d’un rocher rond. De hauteur et d’orientation différentes, les blocs « regardaient » dans toutes les directions possibles.

La princesse s’immobilisa, perplexe. Sur le plateau, derrière un bosquet, une créature géante courait en grognant. La jeune femme distingua une silhouette massive qui prit son envol, atterrit dans des fourrés et disparut dans un arbre.

— C’était quoi ? demanda Han.

Lui aussi s’était arrêté pour reprendre son souffle.

Chewie et C-3P0 se tenaient derrière lui.

— Une créature vivante, répondit Leia. Presque de la taille du Faucon Millenium. Je parie qu’elle a de grands pieds et cinq orteils…

— En tout cas, elle ne possède pas de blaster, fit Han, toujours enclin à voir le bon côté des choses. (Il désigna les monolithes.) D’après toi, que signifient ces yeux braqués dans toutes les directions ?

— Je n’en sais rien, avoua Leia. Chewie, C-3P0, vous avez une idée ?

Le Wookiee se contenta de gémir, mais le droïd répondit :

— Je pense qu’il s’agit de symboles destinés à une créature dotée d’une intelligence inférieure.

— Qu’est-ce qui te fait croire ça ? s’enquit Leia.

— J’ai en mémoire des structures similaires découvertes sur deux autres planètes. Une sentinelle postée près d’un bloc sait ainsi dans quelle direction elle doit regarder. Dans le cas présent, les yeux sont braqués sur les vallées et les cols. Grâce à cette méthode, des êtres intelligents peuvent enrôler comme guetteurs des créatures inférieures.

— Génial ! s’exclama Han. D’après toi, le monstre qui vient de partir est allé prévenir ses chefs de notre arrivée ?

— Exactement, général.

Han regarda la vallée dont ils venaient. Les arbres étaient serrés à l’extrême, comme le reste de la végétation.

— Au moins, on n’a pas entendu de bipodes derrière nous. Le terrain ne leur est pas propice.

— Nous marchons depuis des heures, souffla Leia. Il va falloir nous reposer.

Chewie posa une question dans son langage fait de ululements.

— Il demande pourquoi aucune motospeeder ne nous poursuit, traduisit C-3P0.

— Ça, je n’en sais fichtre rien, répondit Han. Si Zsinj veut nous avoir, il pourrait en envoyer. Mais nous n’avons vu qu’un bipode… C’est absurde…

— Nos ennemis se sentent peut-être mieux derrière un blindage, proposa Leia. De plus, les bipodes sont bien armés…

— Les deux explications peuvent être bonnes, approuva Han. En route, je veux voir ces statues de plus près.

Il reprit la pénible ascension.

— Han, attends ! cria la princesse.

Elle le suivit, slalomant entre des buissons épineux très dangereux.

Quand elle atteignit le sommet, Han occupait la position tenue auparavant par la sentinelle.

Ils se trouvaient au pied d’une montagne. Le petit plateau rocheux était le point d’intersection de trois vallées. Une étoile gravée dans le roc indiquait l’endroit où devait se placer le guetteur. Comme l’avait dit C-3P0, chaque œil signalait une zone stratégique à surveiller.

Mais il y avait comme un problème : recourant à une triangulation, Leia calcula que la sentinelle ne pouvait pas mesurer moins d’une dizaine de mètres de haut.

Blaster au point, Han scruta les environs avec ses macrojumelles à infrarouges.

— Le guetteur est parti… marmonna-t-il. Je ne comprends pas l’intérêt de tout ça… Une armée pourrait avancer dans les forêts sans être vue d’ici.

— Les maîtres de la sentinelle s’intéressent peut-être exclusivement à cette vallée, proposa Leia.

Dans le lointain monta un cri qui lui glaça les sangs.

— La créature revient, murmura Han. Je dirais qu’elle est à deux ou trois kilomètres d’ici…

Leia rebroussa chemin et s’engagea dans la descente. Chewie et C-3P0 s’étaient déjà mis en mouvement.

— Un peu de discipline ! grogna Solo. Battons en retraite de manière organisée.

— Bonne idée ! approuva C-3P0. Vous organisez et nous fuyons !

Il se mit à courir aussi vite que ses jambes métalliques le lui permettaient.

Chewie jeta un regard en coin à Han et à Leia, puis il suivit son compagnon artificiel.

Démarrant comme une flèche, Solo dépassa vite la princesse.

— Quel héros tu fais ! lui lança-t-elle au passage.

Han rattrapa le Wookiee et le droïd et tenta de les faire ralentir. Autant vouloir stopper une Etoile Noire. Peu désireuse de traîner à l’arriéré, Leia se découvrit des dons insoupçonnés pour la course. A un moment, elle fut sûre d’avoir entendu un rugissement dans son dos. Et pourtant, elle ne vit rien…

Combien de temps dure la nuit ? se demanda-t-elle.

Elle ne savait rien de la rotation de la planète ou du cycle de ses saisons. A voir le ciel, l’aube pouvait approcher.

Le petit groupe courait vers deux grands piliers de pierre semblables à des canines pointant du sol.

Chewbacca était en tête. Soudain, il ralentit. Dans leur fuite éperdue, les naufragés s’étaient précipités dans la gueule du loup.

Derrière les canines de pierre se cachaient quatre bipodes impériaux.

Le faisceau d’un projecteur aveugla les fuyards.

— Halte ! cria une voix déformée par un ampli.

Une salve de blaster souleva la terre devant les pieds de Chewie.

— Lâchez vos armes ! Mains sur la tête !

Leia laissa tomber son fusil-blaster. Chewie et Han l’imitèrent. Mieux valait finir dans un camp de prisonniers que fréquenter les créatures qui peuplaient ces montagnes.

Deux bipodes contournèrent les canines de pierre, leurs projecteurs fouillant les broussailles.

A l’issue de l’inspection, ils se retournèrent vers leurs prisonniers.

— Toi, le droïd, ramasse les armes et va les jeter de l’autre côté de la piste.

C-3P0 s’exécuta.

— Je suis affreusement désolé, souffla-t-il à ses compagnons.

Solo profita de cette brève diversion pour étudier les bipodes. Sur ce terrain, ils étaient parfaits pour manœuvrer.

— Maintenant, mettez-vous en formation serrée et en route ! ordonna la voix amplifiée d’un pilote.

— Où nous emmenez-vous ? demanda Han. Et de quel droit ? Cette planète m’appartient. Je peux le prouver.

— Vous êtes sur le territoire du seigneur de la guerre Zsinj, général Solo, répondit le pilote. Tous les mondes de ce secteur lui appartiennent. Si vous contestez cette affirmation, Zsinj se fera un plaisir d’en discuter avec vous avant votre exécution.

— Général Solo ? répéta Han. Vous me prenez pour ce fameux héros ? Voyons, les gars, que ficherait ici un général de la Nouvelle République ?

— Nous nous ferons un plaisir de vous arracher la réponse à cette question… en même temps que vos ongles ! Quel bel interrogatoire ça sera ! A présent, marchez !

Un frisson courut le long de la colonne vertébrale de Leia. Les quatre prisonniers se mirent en route, suivis par les bipodes dont les phares leur ouvraient le chemin, illuminant d’étrange manière les feuilles mortes qu’ils foulaient.

Après quelques minutes, Leia s’aperçut que les hommes de Zsinj prenaient d’extrêmes précautions. Deux bipodes les serraient de près tandis que les deux autres surveillaient les flancs de la colonne. A la faible lumière des tableaux de bord, la princesse distingua les visages des pilotes. Le front ruisselant de sueur, ils ressemblaient à des gosses effrayés.

— Ces types ont plus peur que moi, murmura Han à l’oreille de l’Alderaanienne.

— Ils doivent savoir quelque chose que tu ignores, le moucha celle-ci.

 

Après deux heures de marche, Leia s’étonna de ne pas voir pointer l’aube. L’air de la nuit était froid, et ses yeux fatiguaient. Au bord de la piste, les arbres ressemblaient à des sentinelles géantes.

L’attaque vint d’un seul coup, les prenant par surprise. Les deux bipodes qui surveillaient les flancs furent renversés par des créatures d’au moins dix mètres de haut.

Les deux autres véhicules pivotèrent pour braquer leurs blasters sur les assaillants. Des traits d’énergie fusèrent.

Leia distingua une des bêtes géantes qui fondaient sur eux. Ses crocs en forme de sabre fendaient l’air.

Derrière la princesse, une énorme créature écrabouilla un bipode avec une massue géante. Puis elle souleva le deuxième comme un fétu de paille – trois tonnes de métal ! – et l’envoya s’écraser contre un rocher. Le mitrailleur continuant à tirer, le monstre leva sa massue pour achever le bipode blessé.

Leia vit enfin la bête et son cœur manqua s’arrêter de battre. Haute de plus de dix mètres, elle portait une sorte de gilet protecteur fait de corde tressée. Des fragments d’armures impériales y étaient fixés. Malgré cet accoutrement ridicule, Leia reconnut les bras déformés, les serres incurvées, la démarche grotesque…

Elle avait déjà vu une de ces horreurs. La créature était bien plus petite, peut-être parce qu’il s’agissait d’un enfant, mais il n’y avait pas de doute possible.

La princesse se souvint : la prison, dans le palais de Jabba le Hutt…

Des rancors.

Han fit mine de partir au sprint mais se figea. Chewie s’enfonça dans les bois, sautant plus qu’il ne courait. Un rancor le prit en chasse, lui lançant sur le dos un lourd filet. Grognant de douleur, le Wookiee s’effondra et ne bougea plus, terrassé par le poids.

Leia se figea, le cœur battant la chamade. La peur la paralysait.

Mais ce n’était pas la vue des rancors fous furieux qui l’effrayait…

En moins de dix secondes, les blasters des bipodes furent réduits au silence. En miettes, les véhicules impériaux gisaient aux pieds des monstres.

Leia osa regarder les trois rancors. Tous mesuraient au bas mot neuf ou dix mètres. Sur leur encolure étaient perchés des cavaliers.

L’un d’eux se pencha. C’était une femme dont les cheveux noirs luisirent à la lumière des bipodes en flammes. Elle portait une tunique à col montant faite d’écailles rouges brillantes. Par-dessus, elle avait passé une robe de cuir. Un casque à ailes complétait sa mise. Chaque aile était ornée de pendentifs qui brinquebalaient au rythme de ses mouvements.

Elle tenait une antique lance de Force dont la vibropointe avait visiblement besoin d’un réglage. Leia remarqua la hampe sculptée incrustée de pierres blanches.

Comme si le costume et la monture n’étaient pas assez impressionnants, il émanait de l’amazone une puissance qui vous nouait l’estomac. Son corps semblait une simple coquille abritant un être constitué de pouvoir et de lumière.

Leia comprit qu’elle avait devant elle une maîtresse de la Force.

Brandissant son arme, la femme indiqua à Leia de ne pas bouger. Elle dit quelques mots dans une langue inconnue de la princesse.

— Qui êtes-vous ? demanda cette dernière.

La femme se pencha un peu plus et entonna un doux chant, toujours dans la même langue. Ensuite, elle parla lentement comme si elle écoutait sa propre voix pour comprendre le sens de ses paroles :

— Est-ce ainsi que tu formes tes mots, étrangère ?

Leia acquiesça, consciente que la femme utilisait la Force pour communiquer avec elle.

L’amazone aboya des ordres brefs à ses compagnes. L’une se laissa glisser à terre et entreprit de récupérer les armes des soldats morts.

L’autre s’approcha de Chewie et le libéra du filet. Elle souleva le Wookiee blessé d’une seule main.

Chewbacca grogna et tenta de mordre le rancor.

— Tout va bien, lui lança Han. Ce sont des amies… Du moins je l’espère.

La femme à la lance s’adressa à Leia :

— Nous allons te conduire à nos sœurs, qui te jugeront. (Elle désigna Han et C-3P0.) Ordonne à tes esclaves de marcher, étrangère !