I
J’ai l’impression que la mort est un regard qui me guette en permanence. Chacun de mes gestes est voué à être analysé par une force supérieure, cette force qui est mon futur d’homme décomposé. Depuis mon plus jeune âge, c’est ainsi. Je vis en ne cessant de penser qu’un jour je ne vivrai plus. Cela permet beaucoup d’émanations positives, notamment de savourer chaque moment vécu : je suis capable de trouver un petit quelque chose de sympathique aux instants les plus minables. Par exemple, dans le métro, écrasé et en sueur, je peux tout à fait me dire : « Quelle chance tout de même d’être en vie. » Il en va ainsi de mes relations sentimentales. Je me regarde aimer, avec l’obligation de ne rien gâcher du cœur qui bat. Quand je m’éveille auprès d’une femme, je contemple son oreille, et j’essaye de photographier mentalement l’éclat de sa particularité. Je sais qu’un jour je serai allongé, immobile et face à la mort, et qu’il ne me restera plus que ces souvenirs de la sensualité passée.