Les quelques précisions qui suivent sur les
origines et l’organisation du parti national-socialiste et de la SS
pourront faciliter la compréhension de certains termes qui
reviennent dans ce livre et permettre au lecteur non informé de
mieux se situer. On trouvera également la signification de
certaines abréviations à connaître.
Le 7 mars 1918, Anton Drexler, un serrurier
munichois, créa un « Comité ouvrier indépendant », qui
était une filiale d’un mouvement d’inspiration nationaliste plus
vaste fondé à Brème et voulant lutter pour une « juste paix
allemande ». En janvier 1919 ce Comité fusionna avec le
« Cercle politique ouvrier » présidé par un journaliste,
Karl Harrer, pour former le « Parti ouvrier allemand »
(Deutsche Arbeiterpartei, D.A.P.), dont
Harrer fut le premier président.
Après avoir, le 12 septembre 1919, assisté à
une réunion de ce parti, et fait une intervention remarquée, Hitler
fut invité à adhérer et devint peu après le 55e membre du parti et le 7e membre du comité directeur. Hitler s’imposa
rapidement à la tête de ce parti qui devint, le 1er avril 1920, le « parti ouvrier
allemand national-socialiste » (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei,
N.S.D.A.P.). Hitler, chargé de la propagande, se montre très actif,
organise des réunions, fait connaître son parti en Allemagne du sud
et recrute des adhérents. Dès l’été 1920, il met sur pied des
troupes de choc (Ordnertruppen)
commandées par Émil Maurice, qui lui servent de service d’ordre. Il
adopte aussi à cette époque le drapeau à croix gammée. En décembre
1920, le parti acquiert son journal, 1’« Observateur
raciste » (Der Völkische
Beobachter) qui deviendra un quotidien en 1923.
En juillet 1921, Hitler devient président du
parti, remplaçant ainsi Drexler qui avait lui-même succédé à
Harrer. En août 1921, le service d’ordre du parti est
réorganisé : d’abord camouflé en « section gymnastique et
sportive » du parti, il prend en octobre le nom de Section
d’Assaut (Sturmabteilung, S.A.).
Durant ces années de combat (Kampfzeit), où Hitler et ses vieux compagnons de
lutte (die alten Kämpfer) doivent se
battre comme des forcenés pour s’imposer, le parti recrute bon
nombre de ceux qui seront les futurs dignitaires : Hess,
Göring, Frick, Rosenberg etc. Röhm, lui, était membre du parti
avant Hitler. En janvier 1922, le parti compte 6 000
membres ; à l’automne 1923, les SA sont 15 000. C’est en
1923 qu’est créée la garde personnelle de Hitler (Stosstrupp Hitler) qui compte une quarantaine
d’hommes : c’est l’embryon de la future SS.
A l’automne 1923, Hitler croit le moment venu de
prendre le pouvoir. Mais le putsch des 8 et 9 novembre 1923
échoue, le parti est interdit, Hitler emprisonné à Landsberg (où il
dicte Mein Kampf à R. Hess), son
état-major dispersé.
Libéré à la fin décembre 1924, Hitler reconstitue
son parti le 27 février 1925, le réorganise, met en place
l’organisation en Gaue. Les SA sont reconstitués et atteignent, en
1927, 20 000 hommes. La garde personnelle est reformée et
prend le nom de « troupe de protection » (Schutzstaffel, SS). Himmler en deviendra en 1929 le
chef suprême (Reichsführer-SS). A
partir de 1927, les annuels congrès du parti ont lieu à Nuremberg.
Les divers services du parti sont institués, l’organisation
politique, la propagande, ainsi que les services s’occupant de la
justice, de l’agriculture, de la politique étrangère etc. A cette
époque naissent aussi les organisations annexes telles que les
Jeunesses hitlériennes, les ligues d’étudiants, d’enseignants, de
juristes, de fonctionnaires, de médecins nationaux-socialistes. Les
effectifs du parti croissent lentement mais régulièrement :
27 000 membres en 1925, 72 000 en 1927, 178 000 en
1929.
En mai 1928, le parti a 12 députés au Reichstag,
dont Göring. Aux élections du 14 septembre 1930, le parti
recueille 6 millions et demi de suffrages et conquiert 107
sièges. A la fin de 1931, il compte plus de 800 000 membres.
Aux élections du 31 juillet 1932, le parti nazi enlève 230
sièges sur 608, ce qui représente 37,2 % des voix. Enfin le
30 janvier 1933, Hitler devient chancelier.
Peu de temps après, le parti national-socialiste
devient parti unique. Le 14 juillet 1933, une loi interdit la
création de nouveaux partis, et le 1er décembre est publiée la « loi pour la
garantie de l’unité du parti et de l’État » (Gesetz zur Sicherung der Einheit von Partei und
Staat) qui consacre cet état de choses et fixe
l’organisation du parti.
Le principe fondamental est le principe du chef
(Führerprinzip). Au sommet de la
hiérarchie, il y a le Führer, chef suprême du parti et de l’État.
Les chefs politiques sont considérés comme nommés par lui et sont
responsables devant lui. L’appareil du parti est dirigé par le
lieutenant du Führer (Rudolf Hess, puis plus tard Martin Bormann).
Celui-ci est assisté par un directorat (Reichsleitung), dont les membres, les Reichsleiter, dirigent les principaux services du
parti et nomment les chefs (Robert Ley dirige l’organisation
politique et le Front du Travail, Baldur von Schirach les Jeunesses
hitlériennes etc.) Mais il ne faut pas voir dans la Reichsleitung une espèce de comité central, une
assemblée qui prend des décisions après délibération ; les
Reichsleiter en réfèrent au Führer. Comme le
précise A. Speer, les Reichsleiter
furent parfois réunis par Bormann, mais seulement pour entendre des
exposés et non pour délibérer.
Le parti est implanté sur tout le territoire
allemand grâce à un découpage en circonscriptions de plus en plus
petites à la tête desquelles se trouve un chef du parti.
La grande circonscription est la
« région » (Gau), divisée
elle-même en « cercles » (Kreise) ; chaque « cercle » comprend
plusieurs « groupes locaux » (Ortsgruppen), chaque groupe local étant divisé en
« cellules » (Zellen)
groupant plusieurs « blocs » (Blocks). A la tête de ces divisions sont placés
respectivement un Gauleiter, un
Kreisleiter, un Ortsgruppenleiter, un Zellenleiter un Blockleiter.
Les Gauleiter, nommés
par le Führer, ont des pouvoirs très étendu de même que les
Kreisleiter, responsables de la
nomination des fonctionnaires et de la formation des membres du
parti. Le Ortsgruppenleiter est responsable de plusieurs cellules
groupant environ 1 500 familles. Le Zellenleiter est responsable de 4 à 8 blocs, dont
chacun comprend une cinquantaine de familles. Le Blockleiter s’occupe directement de ces foyers sur
lesquels il étend la main-mise du parti ; il est également
chargé de dénoncer tous ceux qui critiquent le régime.
L’administration du parti double donc celle de
l’État et la centralisation est extrême.
Les organisations dépendant du parti sont la SA,
la SS, le N.S.K.K. (Nationalsozialistisches
Kraftfahrerkorps, corps motorisé du parti), les Jeunesses
hitlériennes (Hitlerjugend,
H. J.), la ligue des femmes allemandes NS (NS-Frauenschaft), la ligue des étudiants allemands
NS (NS-Deutscher Studentenbund).
Les jeunes Allemands pouvaient faire partie du
Jungvolk ou des Jungmädel (garçons et
filles jusqu’à l’âge de quinze ans), puis entrer dans les Jeunesses
hitlériennes ou la ligue des jeunes filles allemandes (Bund Deutscher Mädel). Ensuite ils faisaient un
stage dans le Service du Travail (Arbeitsdienst), avant d’entrer dans la SA ou la SS
ou d’adhérer à la ligue des femmes allemandes.
Il existait aussi des écoles préparant les futurs
cadres du parti et de la SS : écoles Adolf-Hitler, instituts
politiques nationaux d’éducation (National-politische Erziehungsanstalten,
« Napola »), et châteaux de
l’Ordre (Ordensburgen).
De nombreuses associations rattachées au parti
groupaient les Allemands de toutes professions. Il y avait la ligue
des médecins allemands NS, la ligue des Juristes, la ligue des
enseignants, la ligue des fonctionnaires, la ligue des Techniciens
nationaux-socialistes.
Les ouvriers et employés sont regroupés dans le
Front du Travail (Deutsche
Arbeitsfront), vaste organisation qui réunit 14 groupements
de travailleurs manuels et 9 groupements d’employés et remplace les
syndicats.
Une branche du Front du travail organise les
loisirs des ouvriers, c’est « la Force par la joie »
(Kraft durch Freude, K.D.F.), qui
comprend elle-même plusieurs services, dont celui appelé
« Beauté du travail » que dirigea Albert Speer.
Il existe un « Service NS de
bienfaisance » (NS-Volkswohlfahrt,
NSV) qui organise le Secours d’hiver (Winterhilfswerk, WHW) et le Secours pour la mère et
l’enfant (Hilfswerk fur Mutter und
Kind).
La SS
Dès 1923, Hitler avait eu sa garde du corps
personnelle, la « troupe de choc Hitler » (Stosstrupp Hitler) comptant une quarantaine
d’hommes, avec à leur tête un dénommé Berchtold.
Le 9 novembre 1925, cette garde fut
reconstituée et appelée « troupe de protection »
(Schutzstaffel, SS). Son chef fut
Berchtold, puis Erhard Heiden.
Le 6 janvier 1929, Heinrich Himmler est
nommé Reichsführer de la SS. Celle-ci compte alors 280 hommes et
elle est encore subordonnée à la direction de la SA.
En 1930, les effectifs de la SS se montent à
2 000 hommes, en 1931 à 10 000, en 1933 à 50 000, en
1934 à 90 000, en 1936 à 210 000. Après 1934, la SS
supplante la SA et devient une gigantesque organisation
indépendante possédant de nombreux services.
Les troupes SS se subdivisaient en :
– allgemeine SS
(SS générale) ;
– SS-Totenkopfverbände (unités SS à tête de mort),
plus spécialement chargés des camps de concentration ;
– SS-Verfügungstruppe (SS d’active) qui fourniront
pendant la guerre les troupes armées de la SS, la Waffen-SS. L’une des principales tâches de la SS
fut de contrôler tout l’appareil policier du Reich.
Dès 1931, la SS avait sa propre police, le
« Service de Sécurité » (Sicherheitsdienst, SD), placé sous la direction de
Heydrich. Peu à peu, Himmler prit en main les services de police
dans tout le Reich, y compris la Police secrète d’État
(Geheime Staatspolizei, Gestapo) créée
en Prusse par Göring, le 26 avril 1933. Mais ce n’est que le
17 juin 1936 que l’ensemble de l’appareil policier du Reich
passa sous le contrôle de Himmler et de sa SS. Les services de
police étaient nombreux et dépendaient les uns du parti, les autres
de l’État. En septembre 1939,
Himmler regroupa tous ces services dans une vaste organisation
appelée « Office central de la Sûreté du Reich »
(Reichssicherheitshauptamt, R.S.H.A.),
dont il confia la direction à Heydrich, auquel succéda
Kaltenbrunner.
La R.S.H.A. avait 7 bureaux : le SD était le
3e bureau, dirigé par Ohlendorf ;
la Gestapo, dirigée par Heinrich Millier, était le 4e bureau ; la Police criminelle (Kripo) le 5e bureau,
etc. Un autre service important de la SS était 1’« Office
central d’administration économique » (Wirtschaftsverwaltungshauptamt, W.V.H.A.) dirigé
par Oswald Pohl. Il comprenait 4 bureaux chargés des troupes SS,
des constructions de la SS, des entreprises économiques de la SS et
de l’administration des camps de concentration.
Voici quels étaient les grades des officiers de
la SS, avec les grades correspondants dans l’armée allemande, quand
la comparaison est possible :
Untersturmführer | Leutnant (sous-lieutenant) |
Obersturmführer | Oberleutnant (lieutenant) |
Hauptsturmführer | Hauptmann (capitaine) |
Sturm bann führer | Major (commandant) |
Obersturmbannführer | Oberstleutnant (lieutenant-colonel) |
Standartenführer | Oberst (colonel) |
Oberführer, Brigadeführer | Generalmajor (général de brigade) |
Gruppenführer | Generalleutnant (général de division) |
Obergruppenführer | General (général de corps d’armée) |
Oberstführer | Generaloberst (général d’armée) |
Reichsführer-SS |
Le titre de général de la Waffen-SS n’est apparu
que pendant la guerre, quand les Waffen-SS formèrent une troupe
placée sur le même pied que l’armée.