Les codéfendants.
Un baudet par un lion pourchassé
Avait fait si grande diligence
Qu’il l’avait promptement distancé
Et l’autre avait lâché la cadence,
Décidant de s’en aller dormir.
Mais de son côté l’âne Martin
Devant lui continuait à fuir,
Sans penser qu’il le faisait en vain.
Un bouvillon bouchant le sentier
Lui dit : « Mais qu’est-ce qu’il vous arrive ? »
« Écartez-vous ! Laissez-nous passer ! »
Répondit l’âne sur le qui-vive.
« Pourquoi ce “nous” ? » fit le bovidé,
« J’ai beau chercher, il n’y a que toi. »
« Je suis en avant, dit le baudet,
Tous les miens suivent derrière moi.
Ce lion m’a griffé sauvagement.
Regarde l’état de mon oreille !
Ne reste pas, ce fauve écumant
S’acharnera sur toi tout pareil. »
Pour laisser tout ce monde passer,
Vite l’autre se met en arrière,
L’âne s’enfuit comme un feu follet,
Mais personne n’arrive derrière.
Alors, s’exclama le bœuf : « Merveille !
Je suis celui qui aura sauvé
Tous les ânes qui vivent au soleil
Sous la peau d’un unique baudet ! »