Un zèle malencontreux.
Un tigre mangeur d’hommes ravageait le royaume de Damnasia, et le roi, qui se préoccupait de la vie et des membres de ses sujets, promit la main de sa fille Zodroulra à l’homme qui tuerait l’animal. Au bout de quelques jours, Camaraladdin se présenta devant le roi afin de réclamer la récompense.
« Mais où est le tigre ? » demanda le roi.
« Que les ânes viennent brailler sur la tombe de mon oncle, répondit Camaraladdin, si je m’approche à moins d’une lieue de cet animal ! »
« Canaille ! » s’écria le roi, dégainant son consoleur de chagrins ; « comment oses-tu réclamer ma fille alors que tu n’as rien fait pour la mériter ? »
« Tu es plus sage, ô roi, que Soliman le Grand, et ton serviteur est une poussière dans la tombe de ton chien, mais tu te trompes. Je n’ai pas, il est vrai, tué le tigre, mais regarde ! je t’ai apporté la tête d’un homme qui avait accumulé cinq millions de pièces d’or, et qui allait continuer. »
Le roi fit voler son consolateur, qui fit danser la tête de Camaraladdin, et dit :
« Apprends, misérable, qu’un zèle malencontreux peut se montrer inopportun. Si tu avais laissé faire le millionnaire, il aurait fini par dévorer le tigre. »