Deux opposants.
Un fabuliste de large renom,
Au rire puissant mais à l’esprit muet
Dont la grammaire et la conjugaison
Étaient fort lâches, car il écrivait
En un argot qui faisait son succès,
Dont l’obstination avait établi
Qu’il avait du muscle, et pas de cerveau,
Un beau jour, vit un crapaud et lui dit :
« Fiston, regarde-moi, tu auras beau
Te gonfler de toute ta suffisance,
Tu n’es rien du tout, c’est moi qui écris
Les fameuses fables dorées sur tranche
Dont on fait si grand cas. – Quoi ? Tu bondis ?
Mais qu’est-ce donc à côté de moi-même ? »
« Votre compliment me va droit au cœur »,
Dit le crapaud à l’arrogant bohème,
« Il me démontre que, pour mon bonheur,
Je bondis maladroitement, c’est vrai,
Mais que je sais quelquefois m’arrêter. »
Les dieux que notre fabuliste épais
Avait un peu trop fréquemment raillés
Depuis l’Olympe éclatèrent de rire
En voyant que le Prince des Verrues
Avait mis sur le cul, pour ainsi dire
Le Chantre du Langage de la rue
Le Grand Jupiter alors le nomma,
Pour amuser toute la compagnie,
Bouffon du Ciel, et il ne proféra
Jamais plus une autre plaisanterie.