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La salle du conseil d'administration se trouvait au soixante-sixième étage du « Clou » — nom donné au plus récent et plus spectaculaire gratte-ciel de Hong Kong. Construit en biais, Le Clou s'inclinait vers Orchard Hill, à l'écart du front de mer. Il avait l’air d'être en acier, illusion créée par la surface de verre miroir qui recouvrait toutes les fenêtres. Les trois derniers étages, du soixante-quatrième au soixante-sixième, étaient circulaires et plus larges que les autres. Vu de Kowloon, de l'autre côté de Victoria Harbour, le gratte-ciel ressemblait véritablement à un clou géant planté dans le cœur de la ville.

 

Trois hommes occupaient la salle de réunion capable d'en accueillir facilement cinquante. Une table de conférence en bois noir et luisant s'étirait sur toute la longueur, entourée de sièges en cuir noir placés à intervalles millimétrés. Deux des hommes, déjà assis, feuilletaient des dossiers et se préparaient à la conférence qui allait bientôt débuter. Le troisième profitait du panorama devant les baies vitrées qui formaient un grand arc de cercle.

 

Le Clou était le siège de Nightrise Corporation. Et l'homme qui se tenait debout en était le président.

 

Contrairement au groupe qu'il dirigeait, il n'avait pas de nom — ou, s'il en avait un, ne l'utilisait jamais. Pour tous, il était simplement le Président, ou monsieur le Président, lorsqu'on s'adressait à lui directement. Âgé d'une soixantaine d'années, il avait fait de son mieux pour déguiser son âge à l'aide de considérables interventions de chirurgie plastique. Résultat : un visage plus jeune qu'il n'aurait dû l'être, manquant étrangement de naturel et semblant appartenir à quelqu'un d'autre. Il avait d'épais cheveux blancs, qui auraient pu être une perruque mais qui étaient les siens, et des lunettes demi-lune à monture argent. Comme à son habitude, le Président portait un costume sur mesure réalisé par son tailleur personnel.

 

Il était sept heures du matin et le soleil n'était pas complètement levé. Le vaste faubourg de Kowloon somnolait encore, les bars et les boutiques d'électronique avaient brièvement baissé leurs rideaux avant d'entamer une nouvelle journée. Le ciel flamboyait et le Président trouvait cela parfaitement approprié : Kowloon signifie « neuf dragons », et ceux-ci semblaient avoir soufflé leurs flammes tous en même temps.

 

Derrière lui, l'un des deux hommes assis se manifesta.

 

— Ils sont en ligne, monsieur le Président.

 

Le Président regagna sa place à une extrémité de la longue table. Il posa les mains sur la surface vernie et se composa un visage. Treize écrans à plasma étaient fixés tout autour de la pièce. Ils s'animèrent l'un après l'autre, à mesure que les membres du conseil d'administration, dans différentes parties du monde, se connectaient. Une webcam posée sur la table était pointée sur le Président pour leur renvoyer son image. À Los Angeles, il était deux heures de l'après-midi. À Londres, minuit. Mais l'heure importait peu. C'était la réunion mensuelle du directoire de Nightrise Corporation, et aucun des membres n'aurait osé avoir une seule minute de retard.

 

— Bienvenue à tous, mesdames et messieurs.

 

Comme toujours, le Président prenait la parole le premier. Il avait une voix désagréable, rauque et maladive. Il parlait très doucement et il fallait amplifier sa voix. Il n'avait aucun accent notable. Homme d'affaires international, il avait acquis une intonation internationale.

 

— Inutile de vous rappeler que c'est un moment critique pour nous tous, poursuivit-il. Une phase de changement pour le monde. Tout le travail que nous avons effectué au cours de ces dernières années est sur le point de porter ses fruits. Les affaires n'ont jamais été plus prospères mais, aujourd'hui, il y a beaucoup plus en jeu que le profit. Nous avons le projet Psi. Nous avons les nouvelles qui nous viennent d'Amérique du Sud. Et, bien entendu, nous avons la prochaine élection américaine, c'est-à-dire la course pour le poste de l'homme le plus puissant du monde.

 

Il marqua une pause et ce fut comme si un voile de brume passait dans ses yeux.

 

— Inutile de vous dire, mesdames et messieurs, qu'il s'agit d'un moment crucial et que nous ne pouvons nous permettre la moindre erreur.

 

Il se tut. Personne ne bougea. Sur les écrans, les visages étaient si immobiles qu'on aurait cru des images figées. À trois mille cinq cents kilomètres dans le ciel, le satellite privé de Nightrise Corporation qui rendait possible cette multi-vidéoconférence poursuivait sa course en orbite autour de la Terre, captant et renvoyant les signaux dans les différents pays. Et c'était comme si quelque chose du trou noir sidéral était émis avec eux. Les images étaient mortes. La douzaine de bureaux avec leur douzaine de téléviseurs étaient sans vie.

 

— Commençons par New York et l'élection présidentielle. Nous écoutons votre rapport.

 

L'écran du délégué de New York se trouvait vers le milieu de la longue table. C'était un homme massif, aux épaules larges, qui avait passé vingt ans dans l'armée avant d'entrer dans les affaires, et cela se voyait. Il s'appelait Simms.

 

— C'est un sacré problème, monsieur le Président. Quoi qu'il arrive, le résultat sera très serré. Ça va se jouer à un ou deux États. Notre candidat se débrouille mieux que prévu, mais jusqu'ici nous n'avons pas fait beaucoup de mal à Trelawny.

 

— La campagne de propagande ?

 

— Nous avons placardé des affiches qui suggèrent que Trelawny est un faible en matière de criminalité et d'immigration. Nous l'avons traité de lâche et de menteur. Nous avons même répandu la rumeur par les journaux qu'il était gay. Mais rien ne semble l'atteindre. Pour une raison inexplicable, les gens l'aiment beaucoup. Et, jusqu'ici, les sondages indiquent que les deux candidats seront au coude à coude en novembre.

 

— Il faut que Baker l'emporte. On ne peut pas envisager autre chose. Trelawny ne doit pas devenir président.

 

— Dans ce cas, à moins de l'assassiner, je ne vois pas ce que nous pouvons faire.

 

— Je pense, monsieur Simms, que vous devez envisager toutes les possibilités.

 

— Oui, monsieur.

 

Le Président tourna alors son attention vers un écran proche de lui, à sa droite.

 

— J'écoute votre rapport, dit-il.

 

— Certainement, monsieur le Président.

 

La femme qui apparaissait sur l'écran plasma avait davantage l'air d'une institutrice que d'une femme d'affaires : lunettes trop grandes pour son visage, cheveux gris très courts, cou long et mince. Elle était vêtue de noir. Elle parlait d'un bureau situé à Los Angeles, pourtant le soleil qui brillait dans la région n'avait visiblement pas réussi à aller jusqu'à elle. Une ombre grise traversait son visage. Elle avait le teint blafard. On l'aurait cru éclairée par la lune.

 

Son nom était Susan Mortlake.

 

— J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, annonça-t-elle. Voici près d'un an et demi que nous avons lancé le projet Psi, mais nous venons enfin de faire une avancée capitale. Il semble, en effet, que nous ayons réussi à localiser deux des Gardiens.

 

Ces paroles causèrent une vive animation dans la salle. Les têtes désincarnées des écrans pivotèrent, comme si elles cherchaient à échanger des regards, bien que ce fût impossible. Les deux hommes présents dans la pièce prenaient frénétiquement des notes. L'un d'eux tourna une page.

 

— Il est encore trop tôt pour affirmer avec certitude qu'ils sont ce que nous croyons, poursuivit la femme. Le fait est que nous avons étudié des centaines d'enfants qui ont fait preuve, à des degrés divers, de pouvoirs psychiques. Télépathes, extralucides, etc. Bref, tous ceux qui avaient des dons sortant de l'ordinaire. Pour la moitié d'entre eux, bien sûr, c'était une perte de temps. Quelques-uns ont déménagé avant que nous puissions retrouver leur trace. Quant aux autres… eh bien nous avons réussi à mettre la main sur dix-sept sujets très prometteurs, et mené des expériences avec eux dans nos locaux de Silent Creek. Toutefois, il apparaît que nos efforts n'ont servi à rien car nous venons de capturer l'un des Gardiens. J'en ai la conviction. Jusqu'à présent, nous n'avons pu que l'examiner rapidement, mais il est clair que ses pouvoirs dépassent de très loin tout ce que nous avons pu observer chez les autres sujets.

 

— Pourquoi n'en avez-vous qu'un seul ? demanda le Président.

 

— C'est la mauvaise nouvelle, monsieur le Président, dit Susan Mortlake. Les deux garçons, Scott et Jamie Tyler, donnaient un spectacle dans un théâtre de Reno. C'est leur tuteur, par ailleurs producteur du spectacle, qui a attiré notre attention sur eux. Il était ravi de nous les céder en échange d'une coquette somme d'argent. Bien entendu, dès le début, nous comptions l'éliminer. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait. J'ai monté une opération assez simple pour enlever les deux garçons. Malheureusement, il y a eu un accroc. Il se peut que leur pouvoir soit plus grand encore que nous l'avions imaginé. En tout cas, ils ont su que nous arrivions et l'un d'eux, Jamie, a réussi à s'échapper.

 

— Où est-il, en ce moment ?

 

— Nous n'en avons aucune idée. D'après mes agents, une femme l'a aidé et emmené en voiture, mais ils n'ont pas pu relever le numéro d'immatriculation. Tout s'est passé très vite et il faisait nuit. Néanmoins, nous contrôlons la situation.

 

— Comment ?

 

— Nous avons éliminé le producteur du spectacle, un certain Don White. Ainsi que sa compagne, Marcie Kelsey. Nous les avons tués tous les deux avec le même revolver, et nous avons utilisé nos contacts à la police du Nevada pour lancer une fausse piste. À l'heure qu'il est, Jamie Tyler est recherché pour un double meurtre et il ne tardera pas à être arrêté. Quand ce sera fait, il sera à nous.

 

Susan Mortlake paraissait sûre d'elle, mais le Président resta de marbre.

 

— Vos agents ont laissé filer un des deux garçons, remarqua-t-il. Ils ont également laissé filer la voiture. Avez-vous pris des sanctions contre eux, madame Mortlake ?

 

— Non, monsieur le Président.

 

Elle leva la tête d'un air de défi.

 

— J'ai pensé que vous exigeriez peut-être ma démission.

 

Le Président réfléchit, puis secoua la tête.

 

— Si vous avez un des deux garçons, cela devrait suffire. Pour gagner, il nous faut juste briser le cercle. Toutefois, vous devrez procéder à des licenciements, madame Mortlake. Nous ne pouvons tolérer des agents défaillants.

 

— Bien sûr, monsieur le Président. C'est aussi mon avis.

 

— Et je veux que vous vous occupiez personnellement de Scott Tyler. Mieux vaudrait qu'on ne le laisse pas mourir. Vous me comprenez, n'est-ce pas ?

 

— Je comprends. D'ailleurs, nous pourrons peut-être l'utiliser. J'espère le convaincre de rallier notre camp.

 

— Bien.

 

Ce simple mot était un immense compliment. Le Président ne félicitait jamais ses collaborateurs. Chez Nightrise Corporation, l'excellence était de règle.

 

Le Président reprit la parole, mais cette fois il s'adressa à tous.

 

— Comme je vous le disais, nous sommes à un moment crucial de notre entreprise. C'est aussi une période très positive et, avant que nous nous séparions, j'aimerais vous présenter un associé dont le nom vous est familier. Nous avons travaillé ensemble à de nombreuses occasions et il a gentiment accepté de vous dire quelques mots aujourd'hui.

 

Un quatorzième écran était dressé à l'autre extrémité de la longue table, face au Président. Éteint jusqu'à cet instant, il s'anima soudain. D'abord, l'image sembla mauvaise, mal cadrée. La tête qui apparut était trop grande pour l'écran, et trop lourde pour le cou qui la supportait. Les yeux étaient extrêmement hauts, perchés au-dessus d'un nez interminable qui rejoignait une petite bouche enfantine. On aurait dit que l'image était étirée. Or il n'y avait rien d'anormal dans la transmission. L'homme était Diego Salamanda, P.-D.G. de Salamanda News International. Il émettait depuis son centre de recherches dans la ville d'Ica, au Pérou. Et il avait vraiment cette tête-là.

 

— Bonsoir, commença-t-il.

 

Au Pérou, il était dix-neuf heures.

 

— C'est un grand plaisir de m'adresser à vous. Je tiens à remercier votre Président de m'avoir convié. J'ai d'excellentes nouvelles à vous annoncer.

 

» Je suis parvenu à déchiffrer le Journal du moine fou de Cordoba, qui a récemment été découvert en Espagne et que j'ai récupéré. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que c'est l'unique texte écrit sur l'histoire des Anciens et de leur combat contre les cinq enfants connus sous le nom des Gardiens. Les Anciens dirigeaient le monde il y a environ dix mille ans. Ils étaient tout-puissants mais ont été vaincus par une ruse, nous explique le Journal du moine. Malheureusement, nous n'avons pas d'autres détails. Une grande bataille a eu lieu, les Anciens l'ont perdue et ont été bannis. Deux portes furent construites pour les tenir hors du monde. Depuis, nous sommes nombreux à avoir lutté pour leur retour.

 

» Une étude minutieuse du Journal m'a fourni les réponses que je cherchais et je peux vous dire, sans l'ombre d'un doute, que nous atteindrons bientôt notre but et qu'un nouveau millénaire commencera. Oui, mes amis, les Anciens sont sur le point de revenir et de prendre le contrôle d'un monde qui, en vérité, leur a toujours appartenu.

 

Il s'interrompit pour reprendre son souffle, les narines dilatées. Parler lui était pénible. Presque tout lui était douloureux, à cause de son crâne délibérément mutilé à la naissance.

 

— Nous sommes à la mi-juin, reprit-il. Or, le 24 de ce mois est un jour sacré dans mon pays. Nous l'appelons Inti Raymi, le solstice d'été. Ce jour-là, la deuxième grande porte, construite dans le désert de Nazca, s'ouvrira. En examinant avec soin le Journal, j'ai découvert les moyens de la déverrouiller et rien, désormais, ne peut m'en empêcher.

 

Il leva une main. À côté de sa tête disproportionnée, elle apparaissait ridiculement petite.

 

— Mais nous avons des ennemis, continua-t-il. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les cinq enfants qui nous ont tenus en échec au cours de ces siècles sont revenus. Il semble que vous en ayez trouvé deux aux États-Unis. Un autre est en chemin pour venir ici, au Pérou. Un de mes agents l'a croisé dans une église, à Londres.

 

» Voilà ce que je peux vous dire. Ces enfants doivent être cinq. Si jamais ils se retrouvent et se réunissent, ils seront une menace. Séparés, ils sont impuissants. Mais rien ne peut nous arrêter. Le 24 juin, les Anciens reprendront possession de leur bien et nous en recueillerions les bénéfices.

 

Dans la salle de conférences, tous les membres applaudirent. Ils étaient à des milliers de kilomètres les uns des autres, à Londres, Los Angeles, Tokyo, Pékin. C'était comme si on avait augmenté le volume sonore. Le bruit des applaudissements envahit la pièce.

 

Le quatorzième écran s'éteignit. Salamanda avait coupé la communication.

 

— À présent, vous connaissez les enjeux, dit le Président. Quelques jours seulement nous séparent de la fin du vieux monde. Mais ne commettons pas l'erreur de croire notre travail terminé. Il ne fait que commencer. Une guerre s'annonce et notre tâche consiste à préparer la voie. Nous avons besoin, à la tête des États-Unis, d'un Président favorable à notre cause. Monsieur Simms, je m'en remets à vous. Madame Mortlake, occupez-vous du garçon. Persuadez-le de devenir l'un des nôtres. Ensuite, retrouvez son frère et ralliez-le aussi.

 

Le Président adressa un petit signe à l'un de ses assistants. Celui-ci actionna un bouton et les treize écrans de télévision s'éteignirent.

 

Dans son bureau de Los Angeles, Susan Mortlake vit clignoter la lumière rouge de sa webcam et comprit que la connexion était terminée. Elle savait qu'elle avait beaucoup de chance d'être en vie. Le Président avait brièvement envisagé de lui demander sa démission. Elle l'avait lu dans ses yeux.

 

Néanmoins, il lui avait demandé de prendre des sanctions. Elle se pencha en avant et, d'un long doigt à l'ongle effilé, elle pressa un bouton sur l'interphone.

 

— Vous pouvez les faire entrer, dit-elle.

 

Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit devant Colton Banes et Kyle Hovey. Les deux hommes vinrent s'asseoir devant son bureau sans attendre d'y être invités. Il régnait dans la pièce un froid glacial : le climatiseur était réglé à son niveau maximum, pourtant Susan Mortlake remarqua des gouttes de sueur sur le front de Hovey. Banes semblait plus détendu. Il ne tressaillit même pas lorsqu'elle se tourna vers lui. Les deux hommes savaient pourquoi ils étaient ici. Ils devaient rendre des comptes, c'était inévitable.

 

— Alors ? lança sèchement Susan Mortlake.

 

Elle avait plus que jamais l'air d'une directrice d'école prête à infliger une punition.

 

— C'est sa faute ! déclara aussitôt Hovey, pressé de donner sa version des événements.

 

Il jeta un coup d'œil vers son acolyte.

 

— Banes a fait une grave erreur. Il aurait dû savoir pour le chien.

 

Hovey leva le bras en grimaçant de douleur. Sous sa veste, on apercevait les bandages emmaillotant les morsures que lui avait infligées le berger allemand. On lui avait fait des piqûres contre le tétanos et la rage.

 

— Et il aurait dû poster davantage d'hommes devant la sortie des artistes.

 

— Qu'avez-vous à répondre, Banes ? demanda Susan Mortlake en tournant la tête. Ses longues boucles d'oreilles tintèrent.

 

Banes haussa les épaules.

 

— C'est vrai, admit-il. Je n'étais pas au courant pour le chien. Les gosses ont eu de la veine. Ce sont des choses qui arrivent.

 

Susan Mortlake réfléchit. Elle savait déjà quelle attitude adopter. Elle ne s'était pas élevée à ce niveau dans la hiérarchie de Nightrise Corporation sans savoir prendre des décisions rapides.

 

— Je considère votre mission comme un demi-succès, dit-elle. Et donc un demi-échec. L'un des jumeaux a filé, mais l'autre est entre nos mains. Si les deux nous avaient échappé, je n'aurais pas eu d'autre choix que de vous renvoyer tous les deux. Mais, au vu de la situation, l'un de vous peut être épargné.

 

Elle esquissa un sourire doucereux.

 

— Monsieur Banes, je suis désolée…

 

Dans l'autre chaise, Hovey se relaxa.

 

— … je vais devoir vous demander de tuer M. Hovey, poursuit Susan Mortlake. Je sais que vous êtes amis. Vous travaillez ensemble depuis longtemps. Mais notre organisation ne peut tolérer l'échec et, personnellement, le fait que M. Hovey soit un geignard et un délateur m'indispose beaucoup. J'ai horreur des gens qui se plaignent.

 

— Voulez-vous que je le fasse maintenant, madame Mortlake ? s'enquit Banes.

 

— Oui, s'il vous plaît.

 

Colton Banes se leva et se plaça derrière son acolyte. Kyle Hovey ne fit pas un geste. Son corps tout entier s'était affaissé. Il ne chercha même pas à saisir le revolver qu'il portait dans un étui sous sa veste. Au moins, ça irait vite. Très vite, même.

 

Les mains de Banes se posèrent brièvement sur ses épaules.

 

— Je suis désolé, Kyle, dit-il. Mais tu as toujours été un loser.

 

Ses longs doigts se glissèrent sous la queue de cheval de Hovey et se refermèrent sur sa gorge. Il commença à serrer, sous le regard attentif et intéressé de Susan Mortlake. Cela ne prit qu'une minute. Ensuite, Colton Banes alla se rasseoir. Rien ne semblait s'être passé. Kyle Hovey était toujours sur sa chaise.

 

— Autre chose, madame Mortlake ? demanda Colton Banes.

 

— Non, merci, monsieur Banes. Vous m'attendrez ici, à Los Angeles.

 

Kyle Hovey glissa lentement sur un côté, puis bascula sur le sol.

 

— Je vous conseille d'aller faire incinérer votre ami, ajouta-t-elle. Et envoyez des fleurs à sa famille, s'il en a une. Quant à moi, je pars pour Silent Creek. Je suis impatiente de faire la connaissance de ce garçon, Scott Tyler. Nous devons commencer le traitement sans perdre de temps.