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Mary Ann Gray observa son reflet dans la psyché qui trônait au milieu de sa chambre. Maquillage ? O.K. Léger, appliqué à la perfection. Coiffure ? Check aussi. Noire, parfaitement démêlée. Et, oserait-elle le dire ? Soyeuse. Si, si. Aux vêtements, maintenant. Chemisier en dentelle parfaitement repassé, jean slim impec. Aux pieds, des chaussures de randonnée. Elle avait remplacé les lacets d’origine par des cordons rose épais, histoire d’ajouter une touche féminine.
Eh bien voilà. Elle était officiellement parée.
Elle inspira profondément ; ses mains tremblaient un peu. Elle saisit ses livres de classe et les rangea dans son sac à dos qu’elle jeta négligemment sur son épaule, puis descendit l’escalier qui menait dans la cuisine. La cuisine où son père l’attendait, ainsi qu’un copieux petit déjeuner qu’il lui faudrait avaler.
Son estomac se contracta à cette idée. Il lui faudrait faire semblant de manger ; dans le cas contraire, elle savait qu’elle ne pourrait rien garder dans le ventre. Trop d’anxiété, trop de nervosité.
Du salon montait le bruit des casseroles, celui de l’eau qui coulait dans l’évier, ainsi que celui d’un homme qui poussait un soupir… de résignation ?
Elle ne put se résoudre à entrer immédiatement dans la pièce principale ; à la place, elle s’arrêta un instant, s’appuya contre le mur du couloir et se perdit dans ses pensées. Quelques semaines auparavant, son père et elle avaient pénétré en territoire inconnu. Des contrées pleines de dangers, de laideurs et de mensonges. On se dira tout, toujours ; on sera toujours honnêtes l’un envers l’autre. Voilà ce qu’il lui avait seriné pendant des années. Des années, vraiment. Et pendant tout ce temps, il lui avait menti sur sa mère biologique. Car la personne qui l’avait élevée n’était pas celle qui l’avait mise au monde ; en réalité, c’était sa tante.
Sa vraie mère, elle avait fini par l’apprendre, avait possédé le don de voyager dans le temps et de retourner à d’anciennes versions d’elle-même. Mais son père n’avait jamais voulu le croire. Il avait préféré la prendre pour une folle. Et elle n’avait pas pu se défendre, car elle était morte et son esprit était parti vers un autre endroit. C’est ainsi que Mary Ann avait perdu sa mère — une perte qu’elle sentait toujours aussi vive et douloureuse.
Mary Ann, pourtant, avait eu la joie immense de passer une journée auprès d’elle. En effet, Eve, sa mère, avait été l’un des esprits emprisonnés dans son ami Aden. Ainsi Mary Ann avait-elle pu rencontrer par-delà la mort celle qui l’avait mise au monde. Et puis soudain, Eve était partie.
Au souvenir de cette séparation, les larmes emplirent les yeux de Mary Ann, et elle ferma les paupières pour les chasser. Non, elle ne pouvait pas se permettre de pleurer, pas maintenant. Son mascara risquait de couler, et de quoi aurait-elle l’air quand Riley viendrait la chercher ? D’une enfant battue ?
Riley.
Mon amoureux. Voilà. Penser à lui, plutôt. Se projeter dans le futur au lieu de se morfondre dans les regrets du passé. Un sourire ténu naquit sur ses lèvres. Son cœur se mit à battre la chamade. Ils ne s’étaient pas vus depuis le Bal des Vampires, où ils s’étaient rendus ensemble ; depuis la fois où Vlad, le souverain de Riley, avait été assassiné, et où Aden avait été couronné roi des vampires. Et cela bien qu’il n’ait jamais convoité ni le titre ni les responsabilités qu’il impliquait.
D’accord, tout cela s’était déroulé à peine quarante-huit heures plus tôt ; mais, quand il s’agissait de Riley, deux jours de séparation lui semblaient une éternité. Au lycée, ils se voyaient tous les jours — sans compter les nuits, qu’il passait chez elle en cachette pour la protéger.
Honnêtement, elle n’avait jamais aimé quelqu’un comme elle aimait Riley. Peut-être parce qu’il n’y avait personne comme lui ? Il était passionné, intelligent, doux (tout au moins avec elle) et protecteur. Et diablement sexy, avec sa musculature forgée pendant des années de courses nocturnes comme loup-garou et comme garde de combats au service des vampires. Changeforme, garde du corps : de ces deux aspects découlaient les mille facettes de sa personnalité.
En tant que garde, il savait se montrer impénétrable et distant (sauf avec elle !). Les risques inhérents à sa tâche exigeaient qu’il le soit. Mais sous sa forme de loup-garou, son corps chaud et doux appelait tout simplement les câlins. Oh oui, vite, des câlins avec Riley ! se dit Mary Ann, et cette pensée fit revenir son sourire.
— Tu comptes rester là toute la journée ? lança son père depuis le salon.
Le sourire de Mary Ann s’évanouit. Comment avait-il su qu’elle était là ?
Allez, Rambo, c’est juste un matin comme les autres, finissons-en maintenant.
Elle leva la tête d’un air décidé et franchit la distance qui la séparait encore de la cuisine. Elle laissa tomber son sac à ses pieds et s’assit à table. Devant elle, son père avait disposé une assiette de pancakes d’où s’élevait le parfum de la confiture de myrtilles et du sirop d’érable — ses préférés ! Mais, même si elle avait moins mal au ventre quand elle pensait à Riley, elle ne pensait pas pouvoir avaler quoi que ce soit ou, plus exactement, en redoutait les conséquences. Comme, par exemple, être malade sous les yeux du garçon qu’elle adorait.
Son père se laissa tomber sur la chaise en face d’elle. Une mèche de cheveux blonds lui collait au front comme s’il n’avait cessé de la repousser et ses yeux bleus, d’ordinaire vifs et perçants, étaient ce matin sans éclat. Il arborait une expression tendue et fatiguée. On aurait dit qu’il n’avait pas dormi depuis des semaines. C’était peut-être le cas.
Malgré tout ce qui s’était passé, elle détestait le voir dans cet état. Elle l’aimait, indéniablement. Mais cet amour rendait sa trahison encore plus difficile à encaisser — parce que, oui, elle avait l’impression qu’en agissant comme il avait agi, il avait réduit son cœur en charpie.
Elle se décida à lui parler.
— Papa…
— Mary Ann…
Ils s’interrompirent tous deux et se fixèrent un long moment avant de se mettre à sourire. Pour la première fois depuis des semaines, ils se sentaient bien ensemble. C’était vraiment agréable.
— A toi de commencer, fit-elle.
Son père était psychiatre, retors en diable. En quelques mots, il était capable de la pousser à exprimer tous ses sentiments sans qu’elle s’en rende compte, sans qu’elle ait l’impression d’avoir seulement commencé à parler. Mais aujourd’hui, elle prendrait le risque d’en dire trop, puisqu’elle ne savait pas par où commencer.
Il prit le temps de se servir des pancakes, puis se lança :
— Je tenais à te dire que je suis désolé pour tout. Pour tous mes mensonges. Pour tout ce que j’ai fait. J’ai voulu te protéger.
C’était un bon début. Pour l’imiter, elle remplit son assiette de pancakes et entreprit de jouer avec la nourriture pour donner l’impression qu’elle mangeait.
— Me protéger de quoi ?
— De la honte de penser que ta mère était… d’un équilibre psychologique fragile. De penser que d’une certaine façon, tu l’avais… tu l’avais…
— Que je l’avais tuée ? dit Mary Ann d’une voix rauque, la gorge nouée par l’émotion.
— Oui, murmura-t-il. Mais ce n’est pas le cas, tu sais. Ce n’était pas ta faute.
Sa mère biologique, Anne — qu’Aden avait connue sous le nom d’Eve — était morte en lui donnant naissance. C’étaient des choses qui arrivaient, non ? Son père n’avait aucune raison de rejeter la responsabilité sur elle. Pourtant, il ignorait des choses que Mary Ann avait apprises. Comme sa faculté de bloquer les pouvoirs paranormaux.
Elle-même ne l’avait découverte que très récemment, et elle n’en mesurait pas encore toutes les implications ; tout ce qu’elle savait, c’est que sa seule présence empêchait certaines personnes — et certaines créatures — d’utiliser leurs dons.
Elle n’aurait sans doute jamais découvert cette particularité sans Aden qui était, à n’en pas douter, le plus grand aimant à phénomènes paranormaux que la terre ait jamais porté (en tout cas, il fallait l’espérer ; car s’il y en avait eu de plus puissants que lui… mieux valait ne pas y penser !). A présent, cette connaissance lui faisait voir sous un autre jour l’histoire de sa naissance.
Au cours de sa grossesse, sa mère s’était progressivement affaiblie, de mois en mois, comme si la petite Mary Ann absorbait toute la vie en elle. Et au moment où l’enfant était née, Anne/Eve s’était en quelque sorte évaporée.
Et où avait migré son esprit ? Dans Aden, tout simplement. Aden, qui était né le même jour, dans le même hôpital ; Aden, qui avait ce jour-là aspiré trois autres esprits dans sa tête.
Sauf qu’Anne/Eve n’avait gardé aucun souvenir de l’épisode. Elle avait tout oublié de Mary Ann, perdant toute forme de souvenir en entrant dans Aden. Il leur avait fallu du temps pour assembler les pièces du puzzle et comprendre que l’esprit féminin qui habitait Aden n’était autre que la mère de sa nouvelle amie Mary Ann — cette mère qui avait fini par obtenir ce qu’elle avait toujours souhaité et que la mort l’avait empêchée de connaître : passer une journée avec sa fille. Une fois son vœu exaucé, elle avait disparu. Pour toujours.
Mon estomac… Si mal… encore…
Son père ignorait tout cela, et Mary Ann ne prendrait certainement pas le risque de lui en parler. Il ne la croirait pas. Il la penserait « déséquilibrée », comme sa mère…
— Mary Ann ? reprit-il. S’il te plaît, dis-moi ce que tu ressens. Dis-moi ce que tu as pensé quand j’ai…
La sonnette de la porte d’entrée retentit. Sauvée ! Son père n’aurait pas le temps de finir sa phrase, ni elle d’inventer une réponse. Elle sauta sur ses pieds, le cœur battant. Riley ! Elle se précipita vers la porte d’entrée, lançant un joyeux :
— Laisse, je m’en occupe !
Son père tenta de la rappeler, mais elle était déjà dans le couloir. Elle ouvrit la lourde porte de bois de cerisier, et le simple fait d’apercevoir Riley à travers la moustiquaire apaisa instantanément la tempête.
Il lui adressa un sourire, son fameux sourire, moitié mauvais garçon, moitié très mauvais garçon.
— Salut.
— Salut.
Sexy. Cheveux noirs, yeux vert pâle, il était grand, avec un corps de footballeur américain — le genre que personne ne peut plaquer et qui passe des heures à soulever de la fonte. Des épaules larges, le torse sculptural — même si pour l’heure, sous le T-shirt noir, elle ne pouvait que deviner les magnifiques muscles de son abdomen. Ses jambes puissantes étaient couvertes d’un jean ample, et il portait des chaussures de marche maculées de boue.
Oups. Une seconde. Venait-elle, oui ou non, de le passer en revue de la tête aux pieds ? Réponse : oui. Les joues en feu, elle releva la tête pour soutenir son regard. Il était clair qu’il se retenait de rire.
— Tu aimes ce que tu vois ?
Elle rougit de plus belle, mais trouva le cran de répondre.
— Ça peut aller, oui. Mais je n’avais pas fini mon inspection.
Il n’avait pas la beauté des mannequins de magazine, mais il possédait un charme viril de baroudeur ; son nez était un peu tordu aux endroits où il avait été cassé au cours de bagarres, et sa mâchoire carrée mettait en valeur sa bouche pleine de charme.
Oh, ces lèvres… quand allons-nous nous embrasser de nouveau ?
Elle était prête, plus que prête. Jamais auparavant elle n’avait pris autant de plaisir à jouer avec sa langue.
Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais se ravisa. On entendait des pas dans le couloir. Elle se retourna : son père lui apportait le sac de classe qu’elle avait oublié sur la chaise. Elle le rejoignit d’un pas léger et tendit la main pour le lui reprendre. Sans même y penser — étant donné l’état de leurs relations, elle ne se serait sans doute pas permis un tel geste —, elle se mit sur la pointe des pieds et lui planta un baiser sur la joue.
— A plus tard, papa. Merci pour le petit déjeuner.
Les traits de son père se détendirent à peine.
— A plus tard, mon trésor. Passe une bonne journée.
— Toi aussi, répondit-elle.
Le Dr Gray jeta un coup d’œil à la silhouette du jeune homme dans l’entrée.
— Bonjour, Riley, lança-t-il froidement.
Ils s’étaient déjà croisés, et l’entrevue avait été plutôt tendue. Ce qu’ignorait le père de Mary Ann, c’est que Riley était plus âgé que lui — plus âgé d’une bonne centaine d’années. Riley, comme tous les changeformes, vieillissait lentement. Très lentement.
— Bonjour, docteur Gray, répondit Riley avec le respect dont il témoignait toujours.
— Mary Ann, reprit son père, il faudrait peut-être que tu mettes une veste.
On était le 1er novembre, et les jours se faisaient de plus en plus froids. Néanmoins, Mary Ann déclina son offre :
— Ça ira comme ça, je te promets.
Elle n’ajouta pas que Riley saurait lui tenir chaud.
Voilà, ils en avaient fini avec les politesses. Poussant la porte de l’épaule, elle saisit la main chaude et ferme de Riley et sortit de la maison. Elle en frissonna de plaisir : elle adorait le toucher. Sous sa forme d’humain et sous sa forme animale.
Ils s’éloignèrent en marchant dans l’air frais du matin. D’autorité, Riley s’empara de son sac de classe et le mit sur son épaule.
— Merci.
— De rien.
Même si le soleil se cachait encore derrière les nuages et que le ciel conservait une teinte grise, la matinée s’annonçait superbe. Les merles — en toute saison, ils étaient nombreux à Crossroads — faisaient leur vacarme habituel ; l’air était vif, presque piquant. Main dans la main, ils longèrent les maisons voisines.
La plupart d’entre elles, construites de bois sur deux étages, évoquaient les gares d’antan, avec leurs porches et leurs piliers. Ils dépassèrent la dernière ; face à eux, à quelques centaines de mètres, se dressait un mur de briques. Derrière celui-ci s’étendait une forêt plantée d’arbres majestueux, dont le feuillage avait pris des teintes rouges et or.
Le père de Mary Ann croyait certainement que Riley et sa fille empruntaient la route principale, large et très fréquentée, au lieu de couper par le bois. Eh bien, il se trompait. Une fille a parfois besoin de se retrouver en tête à tête avec son amoureux sans oreilles indiscrètes et sans témoins alentour. Le trajet vers le lycée de Crossroads était l’une de ces occasions.
— Tu m’as manqué. J’ai l’impression que nous ne nous sommes pas vus depuis une éternité, dit-elle.
— Je sais. Je suis désolé. Je ressens la même chose. Crois-moi, j’avais envie d’être avec toi. Mais de nombreux vampires ont débarqué à la maison pour préparer l’enterrement de Vlad.
— Je suis désolée moi aussi, souffla-t-elle en lui serrant la main. Je veux dire, désolée qu’il soit mort. Je sais que tu le respectais beaucoup.
— Je te remercie. Tu sais, avant de célébrer ses funérailles, nous devrons attendre quatorze jours. Enfin, treize, maintenant. Ensuite, Aden sera officiellement couronné roi.
— Pourquoi attendre si longtemps ? s’enquit Mary Ann.
Elle préférait vraiment ne pas imaginer à quoi ressemblerait le corps dans deux semaines.
Riley haussa les épaules, fataliste.
— Il était notre roi. Ses sujets veulent être certains qu’il est bien mort.
— Attends un peu, s’exclama Mary Ann. Tu veux dire qu’il est peut-être en vie ?
— Non, affirma Riley sur un ton sans réplique.
— Mais tu viens de dire que…
— Que les sujets veulent en être sûrs, je sais, expliqua-t-il. Mais essaie de les comprendre : ils sont perdus, désespérés. C’est la première fois que quelque chose d’aussi grave leur arrive.
Elle pouvait se figurer leurs sentiments. Elle-même, après la mort de sa mère adoptive, avait eu d’immenses difficultés à se rendre à la raison et à accepter.
— Eh bien, au moins, Aden ne sera pas fâché d’obtenir un peu de répit. A mon avis, devenir roi ne fait pas partie de ses priorités…
— Tu sais, protesta Riley, il est déjà notre roi, c’est évident. Même Vlad ne pourrait pas se remettre de telles brûlures.
Une fois encore, elle se récria :
— Mais tu viens de me dire que…
— Je sais, je sais. Ça ne change rien : vivant ou mort, Vlad n’est plus à la tête de notre peuple ; et si personne ne gouverne, ce sera le chaos. Il y aura des désertions et des tentatives de coups d’Etat.
D’un autre côté, avec un humain comme souverain, il y aurait certainement de toute façon des déserteurs et des contestataires…
Riley poursuivit :
— Et tout le monde… brûle d’envie de rencontrer Aden. De connaître ses projets pour l’avenir du clan.
Brûle d’envie, vraiment ? Désolée, Aden, pensa-t-elle, mais on dirait bien qu’il va falloir que tu te sacrifies pour les autres… Elle imaginait sa réaction s’il avait entendu ces mots.
— Bon, maintenant qu’on a parlé des questions de vie et de mort, reprit Riley en lui adressant un regard soucieux, parle-moi de toi. Tu vas bien ? Après tout ce que tu as vu… je me suis inquiété pour toi.
— Je vais bien, rassure-toi.
Et c’était vrai. D’accord, pendant le bal, elle avait vu des humains réduits à l’état de nourriture vivante par les suceurs de sang ; et d’accord, elle avait vu Aden se battre, puis tuer un de ces vampires en le brûlant comme celui-ci avait brûlé Vlad, puis en le poignardant dans l’œil, sa partie la plus vulnérable.
Effectivement, ces images sanglantes risquaient de la hanter toute sa vie ; mais cela voulait dire qu’elle était vivante, grâce à Aden et Riley. Au fond, rien d’autre ne comptait.
— Et toi, est-ce que tu vas bien ? demanda-t-elle à son tour.
Riley était un guerrier, et lui poser la question était peut-être insultant en soi, mais elle avait besoin de l’entendre de ses lèvres.
— Maintenant, oui, répondit-il en la regardant bien droit dans les yeux.
Ils échangèrent un sourire ; celui de Riley la fit littéralement fondre.
Bon, très bien. Elle s’exhorta intérieurement : Reparle-lui des autres « questions de vie et de mort », histoire de penser à autre chose ! Autre chose que d’enlacer Riley et de l’embrasser…
— Je suppose qu’on peut se féliciter d’une chose, c’est que les vampires vont se tenir tranquilles pendant au moins deux semaines. Ça va nous laisser le temps de nous occuper de notre rendez-vous avec les sorcières. Enfin, du rendez-vous d’Aden.
Comme elle détestait penser aux sorcières ! Elles étaient si puissantes, si cruelles… Et si Aden n’honorait pas son rendez-vous avec elles, Mary Ann en mourrait.
Elle en mourrait réellement. Quelques jours plus tôt, les sorcières avaient lancé un sort sur eux — un sortilège mortel : si par malheur Aden ne se rendait pas à la rencontre où elles le convoquaient, ses amis Mary Ann, Riley et Victoria mourraient.
C’était aussi simple que ça. Aussi simple, et aussi compliqué.
Car personne ne savait où devait se dérouler la rencontre, ni où se cachaient les sorcières. Le rendez-vous, selon toute apparence, était tout bonnement impossible.
Et c’était peut-être bien ce que voulaient les sorcières.
Encore cette douleur à l’estomac…
Pourtant, la perspective n’effrayait pas Mary Ann outre mesure. Malgré la menace qui pesait sur elle, elle se sentait bien. Forte, présente, comme s’il lui restait des dizaines d’années à vivre — et non quelques jours.
Son cœur s’arrêterait-il comme ça, sans prévenir ? Ou bien tout cela n’était-il qu’une plaisanterie stupide, destinée à l’effrayer ?
Elle avait passé la nuit sur internet à faire des recherches sur les sorcières, les sorts et les moyens d’annuler ceux-ci. Elle avait réuni des informations très disparates selon les sources. Sa source la plus fiable, toutefois, restait Riley. Et celui-ci affirmait qu’une fois prononcés, les sortilèges acquéraient une vie propre et ne pouvaient plus être modifiés.
— Ce rendez-vous…, murmura son compagnon. Crois-moi, je ne l’ai pas oublié !
Le ton de sa voix restait neutre, comme s’il avait cherché à ne pas l’effrayer.
Trop tard pour ça. Au fond, même si elle avait l’impression contraire, peut-être que la perspective la terrifiait inconsciemment. Car Riley, lui, croyait aux pouvoirs des sorcières ; ce qui signifiait qu’il pensait, au plus profond, que lui-même et ses amis allaient mourir d’un jour à l’autre.
— Tu as une idée de l’endroit où se tiendra la rencontre ? s’enquit-elle, même si elle connaissait d’avance la réponse.
— Pas encore, mais j’y travaille, répondit-il laconiquement.
C’était rageant ! Non pas sa façon de répondre, bien entendu, mais la situation ; cette impossibilité de trouver une solution était terriblement frustrante.
Riley dut sentir la colère de Mary Ann — il en était capable, car il pouvait lire les auras, et donc les émotions — car il reprit :
— Tout se passera bien, je te le promets. On va s’en tirer. Tant que je serai là, il ne t’arrivera rien de mal.
Et elle le croyait. Elle lui faisait confiance, bien plus confiance qu’à quiconque. De toute sa vie, elle n’avait jamais ressenti un tel lien avec quelqu’un. Il ne lui mentait jamais. Il lui disait ce qu’il savait et, aussi durs qu’ils soient, il lui détaillait les faits, objectivement, sans rien cacher ni transformer.
Ils finirent par arriver au pied du mur, à bonne distance du portail. Ils firent halte. Sans un mot, Riley bondit ; le mur culminait à plus de deux mètres, mais le changeforme se retrouva à son sommet sans effort apparent. Puis, avec un sourire, il se pencha et tendit la main à Mary-Ann pour l’aider à monter.
Il fallut néanmoins que la jeune fille fasse appel à toutes ses ressources pour mettre à profit cette aide qui n’avait rien de providentielle ; encore cela fut-il au prix d’une chorégraphie qui évoquait sans doute les sauts d’un lapin pris d’hystérie. Enfin, leurs doigts se touchèrent, et elle sentit sa main puissante l’empoigner et la hisser sur le haut du mur en un seul mouvement.
— Merci. Merci pour tout, dit-elle, haletante, en tentant de retrouver son équilibre. Sans vouloir changer de sujet, tu penses que Tucker s’en sortira ?
Tucker, c’était son ex-petit ami. Ils l’avaient tiré de justesse du Bal des Vampires, où il était censé servir de buffet de choix pour les convives.
Riley se laissa tomber sur le sol, de l’autre côté. Son mouvement, de nouveau, fut souple et gracieux ; elle entendit à peine ses pieds toucher le sol.
— Il survivra, lança-t-il.
Mary Ann crut l’entendre ajouter « malheureusement » d’une voix étouffée où perçait la jalousie. Puis il continua :
— Tucker est en partie démon, tu t’en souviens ? Les démons guérissent plus vite que les humains.
Tout en parlant, Riley tendit les bras vers elle, se préparant à l’accueillir dans ses bras quand elle sauterait. Mary Ann n’hésita pas un instant ; avec tout ce qu’elle avait fait ces dernières semaines, elle n’avait plus peur de rien. Elle se laissa tomber. Il l’attrapa souplement et, avec une grande délicatesse, la déposa au sol en la faisant glisser le long de son corps sculptural. Dans ce mouvement, ils ne se quittèrent pas du regard. Elle appuya ses mains sur la poitrine musclée du loup-garou, dont le cœur battait la chamade. Le sien aussi.
— Comme si je pouvais oublier…
Car si Tucker était sorti avec elle, c’était uniquement à cause du sang de démon qui coulait dans ses veines. Il le lui avait avoué après leur rupture : elle avait la faculté de l’apaiser. Il avait tout fait, d’ailleurs, pour empêcher leur séparation, non parce qu’il l’aimait réellement, mais parce qu’il avait besoin de l’apaisement qu’elle lui procurait comme s’il s’était agi d’un calmant. Au fond, qu’avait-elle été pour lui, sinon une forme de drogue ?
Elle se demandait parfois si Riley n’était pas avec elle pour la même raison. Car elle le calmait lui aussi. Après tout, c’était un loup-garou, une créature surnaturelle ; la seule présence de Mary Ann savait canaliser l’animal brutal et féroce tapi en lui.
Et alors ? Même si c’était le cas, elle voulait être avec lui. Elle était amoureuse ; elle adorait la sauvagerie qui émanait de Riley. Elle aurait voulu, toutefois, qu’il l’aime pour elle-même, et non pour les effets qu’elle avait sur lui. Mais elle pouvait se consoler en pensant qu’à présent, elle avait le pouvoir d’apaiser au lieu d’épuiser — comme elle avait épuisé Anne de toute sa substance vitale.
Riley la dévisageait avec attention :
— Tu as l’air triste… Qu’est-ce qui t’arrive ?
Penser à sa mère la rendait toujours mélancolique, mais ce n’était pas la seule source de l’émotion qu’il détectait chez elle.
— Je…
Que dire ? Elle ne voulait pas lui mentir, mais elle refusait tout autant d’admettre sa crainte que sa personnalité soit moins intéressante que les dons qu’elle possédait. Avec pareil aveu, de quoi aurait-elle l’air, sinon d’une fille hésitante et manquant d’assurance ?
Et ce n’est pas le cas, peut-être ?
Soudain, et sans un mot d’avertissement, Riley la fit pivoter sur elle-même ; le monde se mit à tournoyer. Malgré sa vivacité, le geste était d’une grande délicatesse, et elle se retrouva le dos contre un tronc d’arbre. Les larges mains de Riley l’avaient si bien protégée du choc que seul le fait qu’elle ne puisse plus bouger lui indiquait qu’elle était appuyée à quelque chose. De toute façon, elle n’avait pas la moindre intention de bouger.
Car Riley la tenait si fort, si bien entre ses bras, ses mains contre ses tempes, qu’elle n’aurait pas laissé sa place pour un empire.
— On nous attaque ? demanda-t-elle dans un souffle.
Riley avait-il senti une menace quelconque ? Se pouvait-il que quelqu’un…
— Tu es si belle… Tu le sais, au moins ? murmura-t-il d’une voix rauque.
Ce n’était pas le danger, donc. Elle se sentit fondre.
— M… merci.
Belle ? Peut-être pouvait-on la trouver mignonne, dans ses meilleurs jours. Elle avait un visage… un visage enfantin, plus ou moins : traits ronds, fossette, la peau mate comme sa mère — la seule de ses caractéristiques qu’elle appréciait vraiment — et des yeux noisette.
— Toi aussi. Je veux dire, toi aussi tu es beau.
— C’est faux, répliqua-t-il avec une feinte amertume — mais ses yeux émeraude lançaient un éclat joyeux. Je suis… masculin.
Elle laissa échapper un petit rire.
— Masculin. C’est le mot. Et moi qui ose te trouver « beau »… Tu me pardonnes, au moins ?
A vrai dire, le mot « superbe » aurait sans doute mieux qualifié ses traits burinés.
— Je te pardonne toujours, répondit-il.
Il enfouit le visage dans son cou et prit une profonde inspiration.
— Je t’ai déjà dit à quel point tu sentais bon ? On dirait des biscuits à la vanille…
— C’est ma crème de jour.
Cette voix haletante, c’était vraiment la sienne ?
— Eh bien, je crois que tu vas te faire dévorer à cause de ta crème de jour.
C’était l’objectif de départ…
— Ah oui ?
— Tu vas voir…
Il leva la tête, très légèrement, et leurs nez se touchèrent. Leur respiration était rapide ; chaque fois qu’elle inspirait, elle inhalait son odeur. Elle avait peut-être un parfum de biscuits, mais lui sentait comme la forêt autour d’eux — une senteur sauvage, brutale, élémentaire.
Elle passa une main derrière la nuque de Riley et laissa l’autre reposer librement sur son cœur. Il battait très fort, à un rythme effréné. La chaleur de Riley l’enveloppait comme un manteau de fourrure. Elle avait tant attendu ce moment ; et comme elle l’avait anticipé, elle se sentait parfaitement bien.
— Riley ?
— Oui ?
Sa voix n’était plus qu’un grondement.
— Qu’est-ce qui t’attire, en moi ?
— Qu’est-ce qui se passe, ma belle ? Tu veux que je te couvre de compliments ? Volontiers, si ça te fait plaisir. D’abord, je te trouve courageuse. Et douce. Et fidèle à tes amis. Je veux être avec toi parce que chaque fois que je te regarde, j’ai le cœur qui se met à cogner comme un fou — d’ailleurs, tu dois le sentir — et parce que la seule chose à laquelle je pense, c’est rester avec toi.
— Ah. C’est gentil.
D’accord, c’était un peu bêta, comme réponse, mais elle ne trouva rien de mieux. Parce que les mots de Riley chamboulaient son univers. Et qu’elle voulait chambouler le sien à son tour.
— Embrasse-moi.
Leurs visages se rapprochèrent, lentement, très lentement.
— Avec plaisir.
Et leurs lèvres, enfin, se rencontrèrent.
Elle accueillit sa langue, s’en délecta. La sensation était électrique, galvanisante, fantastique. Elle le goûtait à présent, comme elle l’avait senti, et le trouvait tout simplement délicieux. C’est si bon ! Son goût, comme son odeur, avait un caractère sauvage et élémentaire — nécessaire.
Il glissa une main sous le fin liseré du T-shirt de Mary Ann, et la laissa reposer sur ses hanches, là où la peau était fine et extraordinairement sensible. Ses doigts étaient si chauds qu’elle eut l’impression qu’ils allaient la marquer, comme au fer rouge. Il l’attira contre lui, l’éloignant du tronc pour presser son corps contre le sien. Elle se laissa faire, ravie. Comme c’est bon, pensa-t-elle de nouveau.
C’était leur deuxième baiser et, aussi incroyable que cela puisse paraître, il était encore plus extraordinaire que le premier. Le premier l’avait consumée entièrement ; celui-ci allumait dans son corps un brasier qui l’atteignait jusqu’à l’âme.
Ils restèrent longtemps ainsi, l’un contre l’autre, perdus, abandonnés, s’enivrant de leurs arômes respectifs pendant que leurs mains s’exploraient — en toute pudeur pourtant.
— J’adore t’embrasser, souffla-t-il.
— Moi aussi, j’adore t’embrasser.
Il se mit à rire, et son souffle chaud glissa contre sa joue ; la sensation était si douce qu’un frisson lui parcourut l’échine.
— Je vais être incapable de me concentrer en cours. Je ne vais penser qu’à ça. Qu’à toi.
Elle saisit Riley par la nuque et attira de nouveau son visage contre le sien. Elle en voulait davantage. Leurs langues se retrouvèrent ; elle n’avait jamais rien connu d’aussi excitant. Incroyable comme elle le sentait tout contre elle, si fort, si sûr de lui. Les autres filles auraient beau couvrir Riley de regards d’envie, c’était elle, elle seule qu’il regardait avec désir.
Oui, mais est-ce qu’il te veut vraiment, ou est-ce qu’il veut juste que tu calmes le loup en lui ?
Encore cette peur stupide.
Mary Ann se raidit et Riley recula, le souffle court, le front perlé de sueur.
— Quelque chose ne va pas ?
— Non, rien, répondit-elle.
— Je ne te crois pas, mais tant pis. Tu me diras la vérité un peu plus tard. Une fois que j’aurai cessé d’être en feu, et que je serai capable de penser correctement. D’accord ?
Ainsi, il était incapable de penser en ce moment ? Elle faillit sourire de satisfaction.
— D’accord. Peut-être.
— De toute façon, c’était mieux qu’on arrête.
C’étaient les mots qu’il avait prononcés la fois précédente.
Si elle n’avait eu elle-même quelque difficulté à retrouver son souffle, elle aurait soupiré de dépit. C’était frustrant, certes, mais il avait raison.
— Je sais, reconnut-elle. Sinon, nous allons nous mettre en retard pour le lycée. Ou ne pas y aller du tout.
Ce qu’elle n’ajouta pas, c’est qu’elle ne souhaitait pas que sa première fois ait lieu en plein air…
A contrecœur, ils se séparèrent et reprirent leur chemin vers le lycée de Crossroads. Tout en marchant, Mary Ann ne cessait de porter les doigts à sa bouche pour retrouver la trace des lèvres de Riley sur les siennes. C’était plus fort qu’elle. Sans doute que ses lèvres étaient enflées. En tout cas, elles devaient être rouges. Humides, elles l’étaient à coup sûr. Au lycée, tout le monde n’allait-il pas repérer au premier coup d’œil ce qu’elle et Riley avaient fait ?
Il leur fallut une vingtaine de minutes — sans doute pas assez pour que ces traces s’effacent — pour rejoindre la sortie de la forêt et les pelouses du lycée. De là, ils pouvaient voir le bâtiment principal, un imposant demi-cercle de trois étages dont le toit pointait vers le ciel. Les briques roses étaient ornées de nombreuses banderoles noir et or où l’on pouvait lire Allez les Jaguars.
La pelouse était impeccable ; le vert de l’herbe virait tout doucement au jaune pâle. Des voitures traversaient le parking et des élèves se pressaient en direction des portes d’entrée, montant les escaliers de béton sans un regard pour le drapeau national accroché à son mât.
Seule devant les portes les plus proches, Victoria, très agitée, marchait de long en large. Elle portait un T-shirt noir et une minijupe assortie ; ses cheveux noirs flottaient librement dans son dos. Un unique rayon de soleil tombait sur elle, l’illuminant et faisant ressortir le bleu étincelant de ses yeux.
Mary Ann se souvint que, plus les vampires étaient jeunes, plus ils étaient capables de rester sous la lumière du jour. En vieillissant, leur épiderme ne supportait plus les rayons du soleil. Cette fragilité était d’autant plus insolite qu’aucune lame ne pouvait percer leur peau, épaisse et solide comme le marbre.
Mais Victoria tolérait très bien le soleil, car elle était encore jeune — en tout cas, du point de vue d’un vampire, car ceux-ci vieillissaient aussi lentement que les loups-garous : elle n’avait que quatre-vingt-un ans.
Pour la première fois, néanmoins, cette pensée inquiéta Mary Ann. Victoria et Riley vieilliraient en même temps, sur un rythme lent, cependant qu’elle-même se flétrirait et se racornirait impitoyablement. Quelle horrible pensée !
— Est-ce que vous avez vu Aden ? demanda Victoria dès qu’ils l’eurent rejointe.
Son visage, habituellement pâle, avait pris une couleur crayeuse sous l’effet de l’inquiétude.
— Non, répondirent-ils à l’unisson.
La dernière fois qu’ils avaient vu Aden, se remémora Mary Ann, c’était le soir où ils l’avaient raccompagné au ranch, dans un tel état qu’ils avaient dû l’allonger sur son lit. Il était pâle, fiévreux, haletant comme si chaque respiration lui coûtait un effort surhumain.
Elle s’était dit qu’il lui fallait du repos, que c’était la seule façon pour lui de guérir. Mais que se passerait-il si… ?
— Il n’était pas au ranch ce matin, poursuivit Victoria avec précipitation. Et pourtant, il était censé m’y attendre ; nous devions venir ensemble à pied.
— Peut-être qu’il est déjà à l’intérieur du lycée, suggéra Riley.
Mais cela ne calma pas la vampire ; au contraire, elle se tordit les mains de plus belle.
— Non, il n’y est pas, je suis allée voir. Et ça va bientôt sonner. Vous savez comme moi qu’il ne peut pas se permettre d’être en retard : ça n’arrangerait pas ses affaires, il risquerait d’être renvoyé. Et il n’en a aucune envie.
— Il est peut-être toujours malade ?
Mary Ann n’y croyait pas elle-même. Dans ce cas, il se serait trouvé dans son lit au ranch. Et Victoria avait raison, Aden ne serait arrivé en retard pour rien au monde — pas seulement parce qu’il craignait l’expulsion, mais aussi parce qu’il ne ratait jamais une occasion de passer du temps avec sa princesse vampire ; il l’idolâtrait vraiment.
— Je pars à sa recherche, décida Riley.
Mary Ann faillit lui proposer de l’accompagner, mais il l’en dissuada d’un regard :
— Toi, reste avec Victoria. Je serai plus rapide sans toi.
Elle faillit insister, mais se ravisa. C’était peut-être difficile à entendre, mais il disait vrai.
— Très bien. Mais sois prudent.
— Riley, fit Victoria, hésitante, est-ce que je… ?
— Toi aussi, tu restes ici.
Avec les créatures en liberté dans la ville, il valait mieux que Mary Ann ne reste pas seule ; Riley refusait de la laisser sans au moins un garde. Pour Mary Ann, ce caractère loyal et protecteur était aussi attirant que ses abdominaux d’acier.
Victoria acquiesça, mais on sentait bien qu’elle était vexée :
— Tu fais partie de ma garde, tu sais ? C’est toi qui es censé m’obéir, pas l’inverse.
— Je sais, Victoria. Navré de te dire ça, rétorqua Riley, mais c’est mon roi qui a disparu ; et dorénavant, c’est lui ma priorité.
Il lança un dernier regard à Mary Ann avant de faire volte-face et de s’élancer en direction de la forêt. Bientôt, il disparut entre les arbres.