39.
Mario Bates regarda les petits intellos tourner le coin. Il ne fit pas un geste pour les suivre. Pas un seul. Il s’appuya de plus belle à la barrière, secouant la tête au rythme du rap de Lil Wayne, à fond dans ses écouteurs. L’instant d’après, une main énorme lui tapa sur l’épaule. Son frère Duncan le regardait d’un air interrogateur. Poussant un soupir, Mario mit son iPod sur pause et ôta les écouteurs de ses oreilles.
— Ouais, quoi, là ?
Mario dut lever les yeux pour voir ceux de son frère. Duncan ne dit rien. Pas étonnant. Mario comprit quand même.
— J’sais pas, moi.
Agacé :
— J’y suis jamais allé non plus.
Duncan fronça les sourcils – ce qui, chez ce colosse, équivalait presque à un hurlement.
— C’est quoi ce truc, d’abord ?
Mario se tourna vers la grande bâtisse de pierre dans son dos.
— Une espèce d’église pour Blancs ?
Duncan croisa les bras, exprimant clairement son impatience. Mario lâcha, écœuré :
— T’as entendu le vieux. L’idée, c’est pas moi qui l’ai eue. Mario toucha la cicatrice en forme de Z sur sa joue, geste machinal trahissant une intense réflexion. Il se décida enfin :
— Allez, on va voir deux secondes ce qu’y a à l’intérieur. Mario releva son pantalon et ôta du pollen de son T-shirt blanc.
— Je vais pas passer l’après-midi à ces conneries.
Sans mot dire, Duncan suivit son frère qui montait les marches.
— Ces gamins me les cassent, je te le dis, grogna Mario. J’ai un business à gérer, moi. Je perds mon temps avec ces touristes à la con.
Duncan ne fit aucun commentaire, statue vivante en marche.
Mario ouvrit la porte d’entrée. S’arrêta et jeta un œil dans le hall.
— J’espère que le vieux sait de quoi il cause.
Mario avait horreur de ce genre de grand bâtiment. Imposant. Officiel. Il lui rappelait les écoles où il avait été, avant d’arrêter ses études. Ses espoirs déçus, l’humiliation d’avoir besoin d’aide mais d’être trop fier pour en demander.
— Ouais, j’espère vraiment, marmonna Mario avant d’entrer, l’ombre géante de son frère sur ses talons.