CHAPITRE XXIII
Cette nuit-là, en attendant le sommeil au fond de mon lit, je refusai de me remémorer les conversations du dîner, en dépit de la sensation qu’on y avait dit quelque chose d’important. Je ne tenais pas à me frotter de sitôt au souvenir de ce traumatisme, l’anéantissement de Carida. Dire que je m’étais cru endurci au point d’imaginer pouvoir réduire à une suite de statistiques une tragédie de cette ampleur !
Mon entraînement avait tout changé. Il ne m’avait pas rendu plus faible ou plus vulnérable, mais plus conscient. Ma sensibilité s’était accrue. La souffrance de la population de Carida était amplifiée par le chagrin des expatriés qui ne reverraient jamais leur planète. Des gens comme Yan Solo, dont les souvenirs de Carida seraient pour toujours ternis. Si tout ça crevait les yeux, pour peu qu’on y réfléchisse, la Force me l’avait imposé d’un coup. Sans crier gare.
Une découverte qui élargissait ma sphère de responsabilité.
La miséricorde voulut que je dorme enfin d’un sommeil de brute. Me réveillant tard, je fis l’impasse sur mon jogging et aidai plutôt Yan à préparer son Faucon. Il me prêta deux ou trois outils pour réparer le Chasseur de Têtes de Mara. Puis sa famille assista à son départ.
Je passai l’essentiel de la journée à me colleter au Chasseur. Dès que R2-D2 ne jouait plus les baby-sitters, il venait me prêter main-forte. Il m’évita une erreur quand j’intervertis les câbles de l’ordinateur de navigation, qui aurait mal analysé les coordonnées de vol, m’expédiant partout, sauf où je voulais aller…
En début de soirée, j’avais pour l’essentiel réparé les dégâts faits par Kyp, et je pensais finir le lendemain matin. Je m’offris un bon jogging, me détendis longuement dans un bain frais puis m’écroulai au fond de mon lit.
Je sentis plus que je n’entendis les enfants crier. Bondissant hors du lit, je me précipitai vers l’ascenseur… Mais il montait déjà, hors d’accès. Je courus dans l’escalier et gravis les marches quatre à quatre. Au-dessus de moi, dans la grande salle d’audience, je captai des forces mystérieuses…
Pourquoi ne donnait-on pas l’alarme ?
Streen est pourtant assez malin pour crier au secours en cas de danger !
Dès que l’image du vieil homme me revint à l’esprit, des bribes de conversation se rappelèrent à mon souvenir.
« Je ne peux pas lui échapper ! L’homme en noir… Il a parlé à Gantoris, puis à Kyp. On a beau rétablir l’éclairage, ça ne dissipe pas l’ombre et ses chuchotements infernaux ! »
J’en eus la gorge nouée.
Par tous les fantômes d’Alderaan, nous avons condamné à mort maître Skywalker en l’installant dans cette salle !
J’affrontai des bourrasques dès que je déboulai sur le palier. Puis je vis Leia bondir pour rattraper son frère et être soulevée dans les airs par le cyclone surnaturel. Au cœur de la tourmente, Streen dansait en rond, les bras en croix, le regard lointain… Manifestement, il voulait voir Leia et Luke emportés vers les cieux… et être tués par la terrible chute qui suivrait.
Sans aucun pouvoir de télékinésie, j’étais réduit à l’impuissance.
Je dois ramener Streen à la raison par tous les moyens !
Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et Kirana Ti en sortit la première… Je me concentrai, puis invoquai la Force pour projeter dans l’esprit de Streen une vision de la grande salle où Kirana Ti, les autres apprentis qui surgissaient de l’ascenseur et moi n’apparaissions pas. Bref, je lui fis croire qu’il était seul. Ceux que Streen voulait perdre avaient déjà disparu… Je lui transmis aussi la satisfaction du devoir accompli… et captai le ravissement d’une volonté étrangère à la sienne.
À cet instant, Kirana Ti se jeta sur lui. Les bourrasques surnaturelles disparaissant aussitôt, Luke et Leia retombèrent. Mobilisant leurs pouvoirs, Kam Solusar et Tionne amortirent leur chute.
Skywalker ne paraissait pas blessé.
Redevenu lui-même, Streen s’expliqua : dans son cauchemar, il croyait affronter l’homme en noir. Il avait tenté de le vaincre. Et maintenant, il constatait qu’il avait failli tuer Skywalker !
— Nous devons détruire l’homme en noir avant qu’il ne nous tue les uns après les autres ! conclut-il.
Je battis en retraite dans l’escalier. Au fond, j’avais toujours su qu’on en arriverait là. Me référant depuis le début aux psychopathes pour définir Exar Kun, je n’avais pas détecté la moindre faille dans mon raisonnement. Au cours de nos traques sur Corellia, nous pouvions toujours régler nos blasters sur « paralysie », capturer notre homme, le livrer aux psychiatres, l’incarcérer ou même l’exiler sur Kessel ou une autre colonie pénale. Nous pouvions aussi l’exécuter, mais seulement après comparution devant les tribunaux. Quand nous n’avions pas le choix, nous recourions à la force brute. Mais curieusement, peu de tueurs en série se battent jusqu’à la mort.
Pour Exar Kun, la capture et la réhabilitation n’étaient pas des options. Skywalker avait pu racheter les fautes de son père. Avec l’homme en noir, je ne nourrissais aucun espoir de ce genre. Luke avait intérêt à sauver son père, qui gardait avec lui des liens de nature à faciliter la rédemption. Avec Exar Kun, qu’avions-nous ? Un être qui venait de passer quatre mille ans prisonniers de son caillou flottant – Yavin 4 –, contraint de réfléchir sans cesse à ses actes. Après ça, s’il n’était toujours pas décidé à faire amende honorable, rien ne l’y déciderait.
Mais comment élimine-t-on une créature du Côté Obscur ?
Je n’en avais pas la plus petite idée. À nous de nous débrouiller…
Assez logiquement, alors que j’attendais le sommeil dans mon lit, une tache d’un noir huileux suinta lentement du plafond. Puis elle adopta les contours d’un grand homme mince au visage en lame de couteau, aux cheveux longs et à la tenue franchement démodée.
— Jolie petite astuce psychique, Keiran Halcyon !
— Quel compliment, de la part d’un Seigneur Noir de la Sith… (Je l’observai à travers mes paupières mi-closes.) Ça vous a vraiment trompé, Exar Kun, ou vous êtes-vous trop fié aux perceptions de Streen ?
— Que c’est bien vu, Halcyon ! Comme Gantoris et Kyp vous écrasaient de leur mépris, je vous avais mal jugé, j’en ai peur…
— Et moi qui croyais qu’on devait connaître un homme à travers ses ennemis…
— Un truisme qui était jadis ma devise. (L’ombre se stabilisa au pied de mon lit.) Autrefois, j’étais comme vous… Un type normal aux dents très longues.
— Si vous êtes l’échantillon standard de l’après-vie, je ne suis pas intéressé.
— Très drôle, Keiran… Vous êtes moins rempli de colère et de crainte que les autres.
Le regard noir d’Exar Kun me cloua sur place. Je tentai de lui dissimuler mes pensées comme je l’avais fait avec Mara Jade, mais il fut bien trop rapide.
— Vous avez aussi plus d’expérience et de maturité. Un beau fruit qui attend d’être cueilli !
— Pas par vous, en tout cas ! Si vous imaginez une seconde que je veux quelque chose de vous, vous me mésestimez encore.
— Oh, pour vouloir des choses, vous en voulez ! Vous ne le savez pas encore, voilà tout…
D’un geste de la main droite, il fit apparaître une sorte de fenêtre dans les airs, au centre de ma chambre. Au-delà, j’aperçus un destroyer impérial… Le Scélérat. Plus cabossé et noirci que sur l’image du général Cracken, mais les coups récoltés au fil des ans étaient loin de l’avoir mis hors service. Autour du monstre voltigeaient des essaims de Tri-chasseurs.
L’image zooma sur la passerelle puis sur la verrière avant. Je vis Leonia Tavira, plus âgée que ne le laissaient croire les documents de Cracken. Et d’autant plus jolie… Moins dégingandée, elle avait maintenant de belles courbes féminines. Ses prunelles violettes brillaient de malveillance.
Le Seigneur Noir de la Sith revenu d’un lointain passé eut un petit rire.
— Je peux vous donner le pouvoir de détruire les Scélérats. Les éliminer une fois pour toutes. Ou… (L’image de Leonia prit une luminosité surnaturelle.) Celui de posséder cette femme et de régner à ses côtés. Votre union sera le cœur d’un nouvel Empire qui dominera la galaxie jusqu’à la fin des âges…
Mes reins s’embrasèrent. Au prix d’un effort de volonté, je me forçai à rire en secouant la tête.
— Ça fait un peu trop long pour moi… La petite est mignonne mais je ne suis pas intéressé.
— Bien sûr que non. Vous êtes un homme de devoir… À bord du Scélérat, cependant, vous trouverez tout ce qui vous manquait.
L’image recula puis se centra sur une silhouette en armure, à côté de Tavira. Deux mètres de haut, un mâle… Il portait une cape sur son armure gris métal qui semblait taillée dans le même plastacier que celles des commandos de l’Empire. Le masque était assorti, avec sa forme reptilienne et ses fentes en diagonale pour les yeux.
L’ensemble évoquait une vipère…
Dès que je vis cet homme, je compris pourquoi le Scélérat avait échappé à toutes nos recherches.
Le personnage tourna la tête vers moi. Puis je le vis marcher vers Tavira…
Elle commença à crier des ordres, donnant le branle-bas de combat.
Exar Kun bâilla.
— C’est votre véritable ennemi, le responsable de tous les succès de la petite… Grâce à mon pouvoir, vous le vaincrez et ferez d’elle ce que bon vous semblera.
— Je me passerai de votre aide, Kun !
— Peut-être… Mais dans ce cas, vous n’y arriverez pas !
Ce qu’il me montra ensuite me glaça les sangs.
Mirax, réduite à l’état de gisante, exactement comme Skywalker… Une douce lumière argentée dansait autour d’elle. Les bras le long des flancs, elle paraissait endormie. La seule anomalie, c’était la petite bande grise posée sur son front où clignotaient des lumières rouges et vertes. Mirax semblait l’image même de la sérénité. Aucune détresse n’émanait d’elle.
Ni quoi que ce fût d’autre…
— Je peux vous la rendre. Vous révéler où elle est. (Exar Kun se composa le masque de la compassion – enfin, de l’idée qu’il s’en faisait.) Vous le savez, la Force me permet de vous montrer le passé, le présent et le futur. Voilà où est votre femme… Sans moi, vous ne la reverrez jamais.
— Et qu’exigerez-vous en échange ?
— Que vous tuiez Skywalker.
— La vie de Mirax contre la sienne ? Pas question !
Le Seigneur Noir éclata de rire.
— Vous en voulez plus ? Entendu. Votre femme et Tavira. Son vaisseau et la destruction de sa flotte, plus celle du navire de votre beau-père. Votre retour à Corellia et l’élimination de vos détracteurs !
Je secouai la tête.
— Non.
— Non ?
— Non. Vous ne comprenez toujours pas, hein ? Vous avez déjà perdu. Et vous continuez allègrement à avancer sur le chemin de la défaite. Vos quatre mille ans d’existence ne vous ont rien appris ?
— J’en sais plus que vous ne pourriez espérer apprendre en quarante millénaires !
— Peut-être ! Mais je sais au moins une chose qui vous échappe. (Me levant, je le désignai d’un index rageur.) Vous ne gagnerez jamais ! Vous balayez vos adversaires et que vous reste-t-il ?
— Mes fidèles.
— Au sein desquels se dresse déjà un rival qui causera peut-être votre perte…
— J’éliminerai ce traître…
— Admettons… Mais ce cercle infernal se répétera inlassablement parce que vous avez perdu de vue une vérité fondamentale, la première de toutes : la vie crée la Force. En détruisant Carida, Kyp a diminué votre pouvoir. En assassinant Gantoris, vous avez aussi miné votre pouvoir. Vous êtes un prédateur qui tue sans discernement et fait disparaître sa propre réserve de nourriture. Mais vous n’y pouvez rien, car le Côté Obscur vous inspire une faim impossible à rassasier !
— Ah !
Le rire strident de notre ennemi me fit l’effet d’un coup de couteau. Il n’en était pas moins un peu trop strident pour être franc…
— Vous parlerez du Côté Obscur quand vous en aurez fait l’expérience ! Rejoignez-moi et mesurez plutôt l’étendue de vos erreurs !
— Ça, ça m’étonnerait. Un droïde médical n’a pas besoin de contracter une maladie pour la diagnostiquer et la traiter. (L’air goguenard, je croisai les bras.) Je ne suis pas de la chair à fantasmes. Les vôtres ou ceux des autres. Allez-vous-en !
— Je suis venu vous tendre la main et vous proposer une alliance. À mes côtés, vous auriez beaucoup gagné. Quand vous viendrez à moi, je ne serai plus aussi généreux.
L’image de Mirax s’évanouit… d’une façon horrible.
Elle vieillit à vue d’œil, ses cheveux noirs grisonnant puis tombant par poignées. La peau ternie, les yeux enfoncés dans leurs orbites… Son corps boursouflé fit craquer sa tenue puis me laissa voir des os nus. Une bourrasque fit tournoyer son crâne, tel un jouet qui vint se poser devant moi avec ses orbites vides…
D’un battement de cils, je chassai cette vision. Et me retrouvai seul.
Tremblant comme une feuille…
Surpris, je lâchai un rire nerveux qui devint vite un rire franc et massif, comme ceux qu’avaient dû partager un jour Biggs, Wedge et Porkins dans cette même chambre.
Le secret de leur belle humeur ? Ils avaient appris comment détruire l’Étoile Noire…
Je ris avec eux. Exar Kun avait joué les créatures tentatrices. À son insu, en agissant ainsi, il venait de me livrer le secret de sa vulnérabilité.
J’avais espéré voir Leia Organa Solo en tête-à-tête pour lui faire part de ma trouvaille, mais entre ses enfants et l’arrivée impromptue d’une aile-B, je n’en eus pas l’occasion. Qui savait quels autres étudiants l’homme en noir avait déjà empoisonnés ? Leia n’était pas sur Yavin 4 depuis assez longtemps pour avoir succombé aussi. D’autant qu’elle lui opposerait à coup sûr une résistance farouche. Laisser tout le monde apprendre que je tenais le moyen de blesser Kun reviendrait à gaspiller notre unique avantage.
Le pilote de l’aile-B, un Calamarien nommé Terpfen, avoua qu’il avait été un agent manipulé par l’Empire. À son corps défendant, il venait de livrer aux Impériaux les coordonnées d’Anoth, où Winter et le benjamin des Organa Solo, Anakin, avaient été envoyés à l’abri. Terpfen supplia Leia de partir sur-le-champ les rejoindre. Hélas, la princesse ignorait les coordonnées d’Anoth et elles avaient été effacées de la mémoire du Calamarien. Seuls Winter, Luke et l’amiral Ackbar les connaissaient…
Leia décida d’aller immédiatement sur Mon Calamari voir Ackbar puis de voler au secours de son fils cadet.
Pendant que les étudiants s’occupaient des jumeaux et aidaient Terpfen à se remettre des rigueurs de sa course à travers le cosmos, je rattrapai Leia dans le Grand Temple.
— Conseillère Organa Solo, j’ai à vous parler !
— Soyez bref. Je dois partir.
Je pressai le bouton de l’ascenseur.
— Vous ne pouvez pas voyager avec Terpfen. C’est un traître !
Elle me précéda dans la cabine.
— Ne vous en faites pas pour ça.
— En dépit des assurances de l’ambassadrice Cilghal à propos de vos jumeaux, vous ne pouvez pas non plus les laisser ici.
— Alors quoi ? Je les embarque avec moi en compagnie de votre fameux traître et je les emmène sur un monde où ils serviront de cibles aux assassins de l’Empire ?
— Non, mais les laisser ici, où sévit un Seigneur Noir de la Sith vieux de quatre mille ans, n’est pas idéal non plus ! (Je secouai la tête.) Après tout, que savez-vous de nous ? Comment pouvez-vous confier vos enfants à de parfaits inconnus ?
— Je ne fais pas confiance à votre groupe mais à vous.
— Quoi ?
Les portes se rouvrant, elle s’engagea dans le couloir qui menait à sa chambre.
— En partant, mon mari m’a dit que je pouvais me fier à vous. Or, il a beaucoup de mal à accorder sa confiance. Ça m’a mis la puce à l’oreille. Et vous seriez surpris de voir tout ce qu’une dirigeante de la Nouvelle République peut dénicher comme informations quand sa curiosité est piquée au vif et qu’elle a accès à l’HoloNet. De plus, que mon frère vous ait accueilli parmi les premiers dans son Académie parle énormément en votre faveur. Quant à vos états de service, ils se passent aussi de commentaires. Mes enfants n’auront rien à craindre avec Corran Horn.
— Puisqu’on ne peut rien vous cacher, laissez-moi au moins vous conduire sur Mon Calamari. Vous le savez, je suis un as du pilotage ! Et quand vous atteindrez Anoth, je vous serai aussi très utile.
— Impossible. Parce que je sais précisément qui vous êtes ! Si vous aviez voulu être mon pilote, vous n’auriez pas cherché à me voir en privé. Vous désirez autre chose… Et ça exige que vous restiez. Je me trompe ? Alors ?
Je hochai la tête en la regardant jeter des vêtements dans un sac de voyage.
— D’abord, les apprentis vulnérables aux menées d’Exar Kun ont déjà eu maille à partir avec le Côté Obscur de la Force. Streen m’a posé une curieuse question à ce sujet, que j’ai d’abord considérée comme mineure. Mais à la réflexion, ce pourrait être le vecteur d’attaque d’Exar Kun. Pour Gantoris ou Kyp, je n’ai aucune certitude, mais ça paraît être le prolongement logique du processus. Il n’y a que le premier pas qui coûte… S’ils ont déjà frayé avec le Côté Obscur, rien n’était plus facile pour eux que de replonger…
— Dans ce cas, Kam est en danger.
— C’est un dur à cuire, mais oui, je le pense aussi. (Je baissai les yeux.) Streen reste un risque. Et Brakiss, avec son passé d’impérial, pourrait bientôt être à son tour menacé…
— Entendu… Autre chose ?
— Face à Exar Kun, nous avons un problème fondamental. Si nous excluons tous les « suspects » de la suite des événements, il aura la puce à l’oreille.
— Et la paranoïa qui ne manquera pas de se développer jouera pour lui… À ce train-là, tout le monde finira par tomber sous son emprise. (Leia tira la fermeture Éclair de son sac.) Existe-t-il une solution ou faut-il évacuer Yavin ?
— Avec Kyp aux commandes d’un vaisseau invincible ? Pas question ! Nous sommes le dernier obstacle à l’évasion d’Exar Kun. Car s’il quittait son caillou…
— L’évacuation est donc à proscrire. Le problème demeure. (Elle plissa le front quand je souris.) Je déteste qu’un Corellien arbore ce genre de sourire ! Yan fait ça quand il est sur le point de perdre son Faucon au sabacc…
— Eh bien, cette fois, c’est Exar Kun qui prendra une déculottée pour avoir visé trop haut ! (Mon sourire s’élargit.) Votre frère a détecté en moi une aptitude prononcée à projeter des hallucinations dans le cerveau des gens. Bien sûr, mes relations avec les sujets déterminent mon degré de réussite. Si je les connais bien ou pas du tout, si j’ai des sentiments à leur égard… Après avoir maîtrisé Streen en lui suggérant qu’il avait gagné, j’ai eu droit à une petite visite de notre ami Kun. Et j’ai eu le mauvais goût d’opposer une fin de non-recevoir à son offre de recrutement. M’ayant sondé, il a tenté de me manipuler.
Leia sourit et je découvris pourquoi des milliers de cœurs s’étaient brisés quand elle avait épousé Yan Solo.
— Du coup, vous avez pu le sonder aussi… Et vous pouvez maintenant le repérer quand il repassera à l’action ?
— Je crois… Je pense aussi que ses activités lui coûtent énormément d’énergie. Dans un avenir proche, il se tiendra sans doute informé par l’intermédiaire de Streen, en gardant profil bas…
— Et vous pourriez « alimenter » ce lien pour l’induire en erreur ?
— Le répit ainsi gagné nous permettra de fourbir nos armes.
— Excellent ! Je ne peux pas vous confier le commandement de l’Académie. Il le verrait aussitôt et se concentrerait sur vous.
— En effet. Moi aussi, je devrai garder profil bas. À moins que ça tourne vraiment mal…
Nous ressortîmes dans le couloir. Leia se dirigea à grands pas vers l’ascenseur.
— Cela dit, ajoutai-je, je peux nous gagner un répit, mais le statu quo ne sera pas éternel. Kun risque de revenir à la charge demain, voire cette nuit.
— Je sais que vous agirez au mieux. (Elle se tourna vers moi, une main tendue.) Que la Force soit avec vous.
— Et avec vous.
— Je l’espère… (Leia me fit un sourire sans joie avant que les portes de l’ascenseur ne se referment sur elle.) J’ai le sentiment que nous en aurons tous les deux besoin !