Personne ne me comprend.
Il y a sans aucun doute beaucoup de gens qui croient le faire.
L’autre jour, j’étais à la Librairie du Polar et je suis tombé en arrêt devant des rayons entiers d’études sur la psychologie des meurtriers multiples, ou tueurs en série comme on les appelle parfois. Je dis bien des rayons entiers. Il y avait au moins cinquante titres. J’en ai feuilleté quelques-uns. Pas un auteur qui m’ait donné l’impression de s’être vraiment mis à l’écoute de ces chants surnaturels que tous prétendaient pourtant avoir parfaitement compris.
La plupart des ouvrages qui s’emploient à découvrir pourquoi certains individus deviennent des multiples se ramènent à deux catégories selon la théorie qu’ils défendent.
D’un côté, la vieille théorie marxiste qui veut que le comportement du multiple soit le produit du matérialisme historique : celui qui est à l’origine victime de la société en devient l’oppresseur. De l’autre, la théorie, plus moderne, mais essentiellement fondée sur une vision nietzschéenne des choses, selon laquelle le multiple aspire intensément non point à rejeter la société – où la gloire serait la pierre de touche du succès et le meurtre le plus court chemin pour y parvenir – mais au contraire à s’y intégrer.
Aucune de ces interprétations grossières de la criminalité violente ne me semble particulièrement satisfaisante. J’ai personnellement une explication plus convaincante à proposer.
Dans Les Hêtres rouges, Sherlock Holmes définit l’« art » du détective comme « quelque chose d’impersonnel – qui me dépasse moi-même ».
Il en va de même de l’art du meurtre.
« Le crime est banal et la logique rare, explique-t-il à Watson. C’est donc sur la logique plus que sur le crime qu’il convient de s’appesantir. »
La logique, mesdames et messieurs, la logique, tout est là. La logique où rien n’est accidentel. La logique, qui traite de chaque possibilité et dont toutes les possibilités constituent ses propres faits.
La logique du meurtre est une science plus noire qui se nourrit d’une haine intellectuelle soigneusement entretenue. Contrairement à l’amour, la haine est une passion que je contrôle, une sorte de balai qui sert à nettoyer l’âme. Une fois libérée, elle permet de voir comment l’homme marcha un jour sur la terre avant l’amour chrétien, et comment un homme pourrait un jour marcher quand tout cela appartiendra au passé. Comment la haine de Dieu peut élever l’âme plus près de toi, mon Dieu, plus près de toi.