CHAPITRE 19
— Londres sol, Consul 2802, instructions ?
Le commandant Rogan commençait à s’impatienter. Il avait horreur des départs en retard, détestait gaspiller le combustible et avoir à retenir la puissance vibrante qui grondait dans les quatre moteurs à réaction. Jusqu’à présent, ils n’avaient encore été retardés que d’une minute, mais le pilote avait déjà été mis de mauvaise humeur par d’autres raisons, plus personnelles, et le fait que leur décollage soit ainsi différé, ne fût-ce que de quelques instants, l’irritait d’autant plus.
— 2802, maintenez position, répondit une voix métallique.
— Bon sang, gronda Rogan pour lui-même, sans parler dans son micro.
Keller lui lança un regard rapide, mais le commandant ne voulut pas le voir et continua à regarder droit devant lui, dans la nuit.
Mon Dieu, songea le copilote, c’en est fait de notre relation. Pourquoi Beth ne s’était-elle pas tue ? Qu’avait-elle cru pouvoir obtenir en révélant à son mari qu’elle l’avait trompé avec son protégé – son ami ? Il y avait tant d’autres noms à citer, alors pourquoi le sien ? L’aventure d’une nuit. Rien de sérieux. Une faiblesse de sa part. C’était impardonnable, bien sûr. Mais, alors qu’il y en avait eu tant d’autres, probablement beaucoup plus sérieux, pourquoi l’avoir mentionné, lui ? Évidemment, Beth avait voulu blesser Peter Rogan dans ce qui atteindrait le plus douloureusement son orgueil – et elle y avait réussi. Ce n’était pas l’infidélité de sa femme qui l’avait le plus heurté : c’était l’humiliation d’avoir été dupé par son propre subordonné. Par quelqu’un à qui il faisait confiance.
En parlerait-il à Cathy ?
Keller avait déjà décidé de lui en parler lui-même dès qu’il en aurait l’occasion. Il était inutile de vivre dans la crainte permanente que quelqu’un d’autre lui dévoile son infidélité. Elle serait terriblement peinée lorsqu’il le lui dirait, mais si elle l’apprenait par quelqu’un d’autre… Il préférait chasser cette idée de son esprit. Si elle l’aimait assez et qu’il se montrait honnête vis-à-vis d’elle, elle pardonnerait. Sinon… Il chassa également cette pensée-là de son esprit. Quoi qu’il advienne, une chose était certaine : il ne fallait pas qu’il la perde. Elle lui était devenue trop précieuse. Quant à Rogan, c’était une autre affaire. Il savait qu’il ne pardonnerait jamais tout à fait. Et le coup qu’il lui avait donné la veille, et qui l’avait fait tomber, n’était pas là pour arranger les choses. Je suis désolé, commandant, dit-il mentalement. Peut-être pourrai-je un jour me racheter à vos yeux.
— Consul 2802, dit la voix métallique, arrachant les deux hommes à leurs pensées, autorisé à suivre votre plan de vol pour Washington Dulles. Départ standard aux instruments Daventry 2, avec niveau de vol 350 pour la croisière. Affichez Mode Alpha Code 4208.
Avec un soupir de soulagement, le commandant Rogan répéta leur plan de vol.
— Roger, Consul 2802. Correct, répondit immédiatement la voix. Contactez unité-deux-unité virgule trois.
— Londres sol. Consul 2802 au point d’attente vingt-huit droite. Autorisation décollage ?
— 2802, après l’atterrissage du DC 8, alignez-vous et maintenez.
— 2802. On s’aligne après l’atterrissage.
— 2802 autorisé au décollage.
— 2802. OK, on roule.
Le 747 se mit à foncer sur la piste, et à prendre de la vitesse : la force des réacteurs plaquait tout le monde contre son siège, les passagers comme les membres de l’équipage. Et, en l’espace de quelques secondes, le point V. 1 fut atteint et dépassé. Plus question de ne pas décoller. Puis, le commandant Rogan poussa jusqu’à V. Rot. et dit : « Rotation. » Le Jumbo prit lentement son attitude de décollage. À ce moment, le commandant fit doucement monter dans l’air le nez du Jumbo et le monstre commença son ascension, incroyable de puissance, fendant l’air fluide, se transformant en un gracieux géant à mesure qu’il montait dans la nuit.
Keller se détendit… Le Jumbo prenait de la hauteur et entamait une grande courbe dans le ciel, pour se diriger vers la route qui lui avait été assignée, Amber One. C’était bien vrai : quand on décollait dans la majesté d’un appareil comme celui-ci, on laissait ses soucis derrière soi, au sol. Le commandant lui-même avait l’air plus détendu, tandis qu’ils passaient en revue la liste des vérifications d’après-décollage. La tension quittait son visage de façon presque visible. Keller l’observait tandis qu’il donnait la permission de détacher les ceintures de sécurité et de fumer. Le pilote le regarda, pendant une brève seconde, puis il se détourna pour contrôler ses instruments. Son visage était resté insondable.
À ce moment-là, Cathy fit irruption dans le cockpit :
— Commandant Rogan, dit-elle d’un ton pressant.
— Qu’y a-t-il, Cathy ? répondit-il sèchement, sans quitter les instruments des yeux.
— Un des passagers de première classe a trouvé quelque chose dans son attaché-case. (Elle jeta un coup d’œil à Keller et une étincelle d’émotion passa entre eux.) Cela ressemble à… une bombe !
Le commandant tourna la tête d’un coup brusque.
— Vous êtes certaine ? aboya-t-il.
La brutalité de sa réponse la fit tressaillir.
— Il y a… il y a un mécanisme qui a l’air d’être une minuterie. Le passager ne sait pas comment cela a pu être introduit dans son bagage.
— Et les autres passagers, se sont-ils rendu compte de quelque chose ?
— En première, oui. En seconde classe, ceux qui sont à l’avant ont remarqué une certaine agitation et se demandent à quoi elle est due.
— Bon. (Il regarda Keller.) Descends voir ce que c’est.
— Vous allez brancher le code d’alarme ?
— Pas avant que tu sois allé voir, répondit Rogan, glacial.
Cathy les considéra tous deux avec curiosité, distraite pour un instant du danger qu’il y avait en bas. Elle n’avait jamais entendu le commandant s’adresser de cette façon-là à Dave, et pourtant ils avaient déjà connu des périodes de crise, dans le passé. Keller, qui avait déjà défait sa ceinture et s’était levé, regardait le pilote comme s’il avait quelque chose à lui dire. Rogan le regardait froidement, et Cathy sentait la tension qui grandissait entre eux.
— Alors ? demanda le commandant avec fureur, le visage levé vers Keller – un visage plein de colère, et non de peur. Tu vas te décider à y aller, oui ou non ?
Sans un mot, Keller se retourna, se glissa hors de l’étroit habitacle et arriva devant Cathy. Il vit qu’elle était toute pâle, plus inquiète pour lui qu’à cause du danger qui les menaçait peut-être. Il lui adressa un sourire rassurant et lui prit le bras :
— Passe devant, lui dit-il.
En passant à côté du mécanicien naviguant, qui était déjà couvert de sueur, il lui donna une tape sur l’épaule en lui criant, à cause du bruit des moteurs :
— C’est pas encore le moment de mettre ton parachute, Al !
L’autre lui répondit par un faible sourire et leva les pouces pour lui souhaiter bonne chance. Ils se hâtèrent de quitter le cockpit et s’engagèrent dans l’escalier en spirale. Cathy s’arrêta au milieu pour se retourner vers lui. Son visage était livide, à présent, et ses yeux immenses. Tendant le bras vers elle, il mit sa main en coupe autour de son visage offert et fit glisser ses doigts sur la douceur de sa joue, en lui souriant pour l’encourager. Ils reprirent leur descente.
Le chef steward, Brody, les attendait en bas de l’escalier et, lorsqu’il vit Keller, il lui indiqua le compartiment de première classe. Le copilote ne perdit pas de temps à poser des questions et se dirigea en hâte vers la première, sans se préoccuper des rangées de visages anxieux et tendus qu’il laissait derrière lui. La scène qui se présenta à lui le fit stopper net.
Sir James Barret était assis de biais sur son siège, les pieds dans le couloir central, une étroite mallette noire ouverte sur les genoux. Il avait l’air atterré. L’attitude des autres passagers variait de la panique intégrale à la curiosité mêlée d’effroi. À côté de Sir James était assis un homme plus jeune, son secrétaire personnel, qui se collait contre le hublot comme pour s’enfoncer dans le fuselage de l’avion et s’y mettre à l’abri de ce dispositif menaçant qui se trouvait dans la mallette. Quatre hommes d’affaires japonais, qui occupaient la rangée voisine, avaient quitté leur place pour aller se blottir vers le nez de l’appareil, où ils baragouinaient avec excitation. Une femme berçait dans ses bras une petite fille en pleurs – elle-même paraissait au bord des larmes. Une poupée de plastique, qui était tombée dans le couloir, considérait la scène d’un œil froid et sans regard. Un homme à l’accent américain vociférait, enjoignant Sir James de faire quelque chose. Son compagnon le tirait par la manche en essayant de le calmer, mais sans grand succès.
Et il y avait encore un homme, tout seul, qui se tenait debout devant son siège, une main posée sur son dossier et l’autre sur celui du siège qui était devant lui et sur lequel il prenait appui. D’une maigreur famélique, il avait la peau jaunâtre et le visage sillonné d’innombrables rides très profondes. Il souriait. D’un sourire qui contenait un mélange de peur et d’excitation. Et de moquerie.
Sir James semblait incapable de détourner les yeux de sa mallette. Lorsque Keller s’approcha, il la fit pivoter avec précaution sur ses genoux, pour lui en montrer le contenu. C’était bel et bien une bombe, Keller n’en douta plus dès l’instant où il vit le réseau compliqué de fils électriques, les tubes de plastique, la minuterie. Et il comprit en même temps de quelle façon elle avait été introduite à bord. Il ouvrit la bouche pour dire à Sir James de ne pas bouger, mais au même moment une lumière blanche, aveuglante, jaillit devant lui, et un souffle d’air brûlant le souleva de terre et l’emporta, enveloppé dans un cocon de lumière, jusque dans la cabine.
Son corps heurta quelque chose de dur, puis il tomba par terre. Chose incroyable, il ne ressentait pas la moindre douleur : rien qu’une bizarre torpeur. Il se força à ouvrir les yeux et se demanda pourquoi le monde penchait aussi fortement, pourquoi les passagers se débattaient et dégringolaient à cause de l’inclinaison du sol. Pourquoi la cabine était soudain envahie par les flammes. Puis, il vit la porte avant qui, à demi arrachée à son cadre, pendait comme par miracle, ne tenant plus que par de minces bouts de métal. L’air noir de la nuit s’engouffrait en mugissant par le trou ainsi formé. Et son esprit bouleversé commença petit à petit à réaliser ce qui s’était passé.
Il chercha à se relever, étonné de n’avoir mal nulle part, mais il ne parvint qu’à se soulever sur un coude. Il voulut crier : Cathy rampait vers lui, le visage ensanglanté et empreint d’épouvante, les yeux écarquillés par la terreur – et l’amour –, la bouche ouverte pour hurler. Mais il n’entendait rien. L’intérieur de l’avion n’était plus qu’une tourmente de silence. Puis, le monde commença à s’obscurcir, à disparaître, ses yeux commencèrent à ne plus vouloir voir tant d’atrocités et il eut une dernière vision, fugitive, de Cathy : luttant de tout son corps pour résister à la pente de l’appareil, elle tendait vers lui une main tremblante et couverte de sang. Et son visage reflétait à présent un immense chagrin.
À ce moment-là, tout se désintégra pour faire place à un vide paisible, à un sommeil réparateur.
Quelqu’un lui souleva les paupières et, instantanément, il s’éveilla. Clignant les yeux et détournant la tête, il se dégagea de ces pouces qui le maintenaient de force et son regard rencontra le visage anxieux du père Vincente.
— Comment vous sentez-vous ? demanda le prêtre. Ne bougez pas avant que nous soyons sûrs que vous n’avez rien de cassé.
Docile, Keller se laissa tâter par les doigts experts du prêtre, tandis que mentalement il s’efforçait de ramener ses sens à la réalité présente. Tout lui revint d’un seul coup, toute cette affreuse vision de cauchemar : la bombe, l’explosion, l’inclinaison de la cabine pendant la chute de l’appareil, et l’angoisse qui se reflétait sur le visage blessé de Cathy. Le geste qu’elle avait fait vers lui. Une larme perla au coin de chacun de ses yeux, qu’il se hâta de chasser en battant des paupières. Peut-être eût-il mieux valu qu’il ne se souvienne de rien.
Mais au moins, il pouvait être sûr, à présent, de ce qui avait provoqué l’accident ! L’antagonisme qui l’avait opposé au commandant n’avait joué aucun rôle dans l’évolution des faits. Ni lui ni le pilote n’avaient commis la moindre négligence. Tout cela n’était pas lié à eux. Et maintenant, il savait comment il avait été possible que la bombe fût introduite à bord sans être détectée. Il essaya de s’asseoir, mais les mains du père Vincente l’en empêchèrent :
— Un peu de patience, monsieur Keller, j’ai presque terminé.
— Je me sens très bien, insista Keller en regardant autour de lui. Où est Hobbs ? demanda-t-il anxieusement.
— Je suis là, David, répondit une voix étouffée sortant de l’ombre.
Une silhouette s’avança péniblement et le médium lui apparut, pressant un mouchoir rougi sur sa bouche. Les bougies avaient été rallumées et la lumière de la lampe de poche avait retrouvé une certaine vigueur. L’avion baignait dans le calme et le silence.
— Hobbs, c’était bien une bombe ! Quand je me suis évanoui, j’ai revu tout ce qui s’était passé cette nuit-là !
— Oui, c’était une bombe, en effet, dit Hobbs avec lassitude.
Keller tâcha de discerner ses traits à la lueur tremblotante des bougies-le rayon de la lampe de poche étant braqué sur lui-même. De terribles marques pourpres étaient apparues sur le front et les joues du médium. Ses cheveux avaient été complètement brûlés à plusieurs endroits et son cuir chevelu était couvert d’ampoules. Keller en vit même de nouvelles qui se formaient.
— Grands dieux ! s’exclama-t-il, incapable de dire autre chose.
— Il semble que vous n’ayez rien de cassé, monsieur Keller, annonça en se redressant le père Vincente, qui était arrivé au terme de son examen rapide mais détaillé.
— Bien sûr, je vous l’ai dit, je me sens bien, dit Keller, qui n’arrivait pas à détacher son regard de la tête mutilée d’Hobbs.
— M. Hobbs doit se rendre immédiatement à l’hôpital, dit le prêtre. Il a été gravement brûlé. En outre, les coupures qu’il avait autour de la bouche se sont rouvertes, et il faut les faire soigner. D’ailleurs, un bon calmant nous ferait du bien à tous les trois.
— Non. (Hobbs avait retiré le mouchoir de sa bouche pour se faire mieux comprendre, et ses deux compagnons ne purent réprimer un tressaillement à la vue de ses lèvres tuméfiées et sanguinolentes.) Il y a encore beaucoup à faire, ce soir.
— Mais vous ne pouvez pas continuer dans votre état, protesta le père Vincente.
— Nous n’avons pas le choix.
— Il a raison. Ce n’est pas fini, dit Keller en se dressant sur son séant. Comment se fait-il que vous, vous soyez tellement sûr que c’était une bombe ? demanda-t-il à Hobbs.
Le médium était occupé à étancher – mais sans y réussir tout à fait – le flot de sang qui s’écoulait de ses lèvres. Dès qu’il parlait, il grimaçait de douleur.
— Pendant que j’étais sous… une autre voix m’a parlé. C’était une voix différente. Troublée et effrayée, comme les autres, mais différente tout de même. (Il ploya sous l’effet de la douleur et les deux autres se précipitèrent pour le soutenir.) Non, non, ça va. Laissez-moi seulement quelques minutes de repos…
Ils attendirent, sans un mot, qu’Hobbs ait recouvré suffisamment de forces pour continuer :
— Cette… cette voix… est parvenue à me dire ce qui… s’était passé… qui… responsable… Il faut… nous devons chercher… cette personne… ce soir… tout de suite… devons enrayer…
Il retomba en avant, en gémissant.
Keller lui posa la main sur l’épaule.
— Cette voix, dit-il, qui était-ce ? Qui est-ce qui vous a parlé ?
Hobbs faisait des efforts pour surmonter son martyre.
— Je… je ne sais pas… Ce n’était pas clair… voulait nous aider… je vais… vous conduire à… l’homme.
— À qui ? À celui qui a posé la bombe ?
— Oui.
— Comment feriez-vous cela ? interrompit le prêtre.
— Son image… dans mon esprit… Il m’a montré…
— Alors, c’est la police que cela concerne, à présent, dit le père Vincente d’un ton décidé.
— Pas le temps… pas le temps…
— Il a raison, dit Keller. Et d’ailleurs, comment expliqueriez-vous tout cela à la police ?
— Il faut faire… vite. Y aller… ce soir.
Hobbs réussit, moyennant des efforts surhumains et avec l’aide du prêtre et du copilote, à se remettre sur ses pieds. Il était extrêmement faible, mais il pouvait marcher.
Quant à Keller, les pensées se bousculaient follement dans sa tête. Cette bombe. Introduite à bord par Sir James. Aussi simple que cela. Sir James, qui était directeur ou administrateur de nombreuses sociétés, était entre autres directeur de la compagnie aérienne qui employait Keller. Et, bien souvent, il embarquait avec l’équipage pour échapper aux fastidieux contrôles douaniers ainsi qu’à la fouille des bagages à main. C’était un privilège qu’il s’accordait et qui était, bien entendu, tout à fait officieux – d’ailleurs, il n’y avait pas toujours recours. Mais cette fois-ci, Keller en était certain, cela avait été le cas. C’était tellement facile.
Mais qui avait posé la bombe ? Quel maniaque avait été capable de tuer plus de trois cents personnes pour atteindre un seul homme ? Ou bien avait-on précisément voulu commettre un assassinat de masse ? Et comment Sir James ne s’était-il pas rendu compte de la présence de cette bombe dans son attaché-case avant d’embarquer dans le Jumbo ? Il y avait encore tant de questions auxquelles il manquait les réponses ! Sa propre survie, par exemple. Il avait déjà entendu parler de cas similaires, de gens qui s’étaient trouvés dans la trajectoire directe d’une explosion et qui en étaient miraculeusement sortis indemnes. Cela s’expliquait par le déplacement d’air, qui atteignait la personne avant la déflagration elle-même et formait autour de son corps comme un écran protecteur. C’était peu probable, mais pas impossible. Son corps avait heurté quelque chose de dur qu’il avait été contraint de contourner avant de tomber, pratiquement, sur l’escalier. Était-ce cela qui l’avait protégé de la terrible flamme qui avait accompagné l’explosion ? Ensuite, tandis que le 747 tombait à pic, la porte qui pendait, accrochée à ce qu’il restait de ses gonds, avait dû être tordue et détachée, éraflant l’aile au passage, comme Tewson l’avait deviné. Et lui, qui se trouvait tout près de l’ouverture béante, avait sans doute été projeté au-dehors, où il avait atterri sur la terre meuble du champ.
Le copilote se sentait soulagé. Soulagé d’avoir trouvé une explication à sa survie. Soulagé de savoir que la responsabilité de la catastrophe ne pouvait aucunement être attribuée ni au commandant Rogan ni à lui-même. Mais c’était un soulagement qui ne lui apportait aucune sérénité.
Ils sortirent de la carcasse, étonnés qu’elle ne se soit pas complètement désintégrée, étonnés aussi de ne pas trouver à la sortie un comité d’accueil composé de policiers. Pourtant, le vacarme terrifiant qui s’était fait dans l’épave devait avoir attiré l’attention ! Mais, soudain, le père Vincente leur montra du doigt la raison pour laquelle on ne les avait absolument pas remarqués.
À l’est, du côté de la grand-rue d’Eton, des flammes léchaient le ciel et remplissaient la nuit de lueurs rouges. Apparemment, une des boutiques ou un des immeubles de la grand-rue avait pris feu.
Et l’incendie se propageait.