27
Aden passa les
vingt-quatre heures suivantes dans une chambre d’hôtel.
En compagnie de Victoria, Mary Ann et Riley, il
compulsa les photos et les documents que leur avait remis Tonya
Smart. C’est à peine s’ils prirent le
temps de se dégourdir les jambes ou de manger.
Au menu ?
Une pinte de sang de Victoria pour Aden, afin
d’apaiser Junior. Pour Victoria, le sang
d’Aden, mais aussi un hamburger du fast-food tout proche.
Mary Ann, pour sa part, en avala trois, tandis
que Riley commandait un menu enfant. Lorsque les autres se moquèrent de lui, il se contenta
d’argumenter qu’il aimait les beignets de poulet. De façon générale, il se montra maussade et
revêche.
— C’est la mauvaise
période du mois, ou quoi ? lui
lança Aden à un moment.
Mais personne, sans doute de
peur qu’il explose, ne fit référence à la disparition du loup en
lui, pas plus qu’on ne parla de Joe Stone, de peur qu’Aden n’éclate
à son tour.
Joe. Son père. Il lui avait suffi
de le regarder dans les yeux pour le savoir. Il l’avait reconnu, malgré le temps. Son père. Comme ces mots
résonnaient étrangement ! L’homme
qui l’avait abandonné. Qui ne l’aimait
pas assez pour le garder, qui l’avait laissé à la merci des
créatures surnaturelles…
Et qui n’avait admis la vérité que sous la menace.
Si seulement il avait montré
le moindre signe de remords ! Mais
non : si Joe Stone avait honte de quelqu’un, c’était
d’Aden. Il refusait même que celui-ci
voie sa propre mère. Tout ça à encaisser
d’un coup, c’était trop. Sans compter le
fait que, d’après Riley, Aden avait une petite sœur, que son père
devait aimer comme il ne l’avait jamais aimé lui.
Pendant des années, Aden avait
rêvé de rencontrer ses parents. Son père
viendrait un jour à sa rescousse, le prendrait dans ses bras,
s’excusant de l’avoir abandonné. Il lui
jurerait qu’il l’aimait… Mais rien de tel ne s’était
produit. Au fil du temps, l’espoir
s’était éteint, faisant place à l’indifférence, puis au
mépris. Pourtant, le simple fait de voir
le visage de Joe Stone avait jeté à bas cette carapace, et Aden se
retrouvait de nouveau comme un enfant avide de tendresse
paternelle. Pour son père, en revanche,
il représentait seulement un danger.
J’ai
fait quelque chose de ma vie,
aurait-il voulu dire. Je suis devenu le roi des vampires. J’ai gagné ce titre grâce à mon courage, ma
ténacité. Comment son père
l’aurait-il regardé, alors ? Sans
doute avec horreur…
Cela ne changerait
rien. Il était roi, et se comporterait
comme tel. Par sms, Sorin et Seth lui
donnaient des nouvelles de Shannon et Ryder. Le premier, enfermé dans une cellule au manoir des
vampires, restait immobile toute la journée, jusqu’à ce qu’on lui
apporte de quoi se nourrir. Alors, il
se déchaînait et cherchait à dévorer son gardien. Ryder, lui, se remettait de ses blessures, mais il
restait anéanti par ce qu’il avait fait. Il suppliait tous ses interlocuteurs de le tuer. Sorin était enclin à accéder à sa requête et, sachant
cela, Seth voulait s’en prendre au frère de Victoria.
Aden leur avait ordonné à tous les deux de ne
rien faire, de se contenter d’attendre que son ami se rétablisse
tout à fait. Et, avait-il ajouté
royalement, il était
hors de question qu’on outrepasse ses ordres.
Je crois
que je connais ces visages ! lança soudain Julian, l’arrachant à ses
pensées.
Aden sortit de sa
rêverie. Il ferait mieux de se
concentrer un peu plus. Sur la photo
qu’il tenait à la main, deux hommes de taille moyenne se tenaient
côte à côte. Tous deux avaient des
cheveux noirs, épais pour l’un, clairsemés pour l’autre, qui
portait également des lunettes. Aucun
des deux ne souriait. L’arrière de la
photographie portait la légende Daniel et
Robert.
Les frères Smart.
C’étaient donc eux.
Tu crois
que c’est moi ? demanda
Julian. Celui avec
des cheveux et sans lunettes, poursuivit-il. Je ne peux pas croire que j’aurais coiffé mes cheveux
sur le côté pour cacher ma calvitie…
Qu’est-ce que tu en sais ? fit Caleb d’un ton vindicatif. Nous ne connaissons rien de nos
anciennes personnalités.
Même s’il était d’une humeur
exécrable, au moins il ne pleurait plus.
— Je suis ravi que tu
aies l’impression de les reconnaître, fit Aden à haute voix, mais
te souviens-tu d’autre chose ? Un
indice sur eux, leur vie, leur personnalité ? Et peux-tu m’expliquer pourquoi ce carton est rempli de
livres de sorts ?
Car c’était ce qui
constituait l’essentiel de la caisse que leur avait donnée Tonya
Smart : des grimoires magiques où s’alignaient les formules
— enchantement, magie noire, pour réveiller les morts ou les
retrouver… Robert Smart s’était-il consacré à
l’occulte ? Mais si c’était le
cas, pourquoi Aden, lui, n’avait-il pas besoin de tous ces ouvrages
pour déclencher ses pouvoirs ? D’après Joe, tout cela remontait à son
grand-père…
Je suis
désolé, Aden, mais je ne me souviens de rien,
soupira Julian.
Eve elle-même, la première
âme à s’être libérée de son esprit, avait eu des difficultés à
retrouver ses souvenirs. Néanmoins,
Aden en était convaincu à présent, ce n’était plus qu’une question
de temps pour que Julian fasse de même.
— Et voilà que Notre
Gentil Souverain est reparti au pays des rêves !
lança Riley, railleur.
Aden leva le majeur dans sa
direction, mais Victoria lui saisit la main et le contraignit à la
reposer sur le matelas. Chacun des deux
couples s’était installé sur un lit, mais Mary Ann et Riley se
parlaient à peine. Depuis leur retour
de la maison des Stone, et même avant, on aurait dit qu’ils
faisaient tout pour s’ignorer.
— Julian pense connaître
ces deux types, expliqua Aden pour finir. Mais lequel est Daniel, lequel est
Robert ?
Etouffant un bâillement, Mary
Ann se leva et le rejoignit en quelques enjambées. Il lui suffit d’un coup d’œil pour répondre à la
question.
— Robert, c’est
celui-ci, dit-elle en indiquant le chauve du doigt.
J’ai vu des photos de Daniel sur internet,
c’est l’autre.
Je n’y
crois pas ! gémit Julian,
pendant que Caleb ricanait.
— Il avait la réputation de communiquer avec les
morts. Il aurait aidé la police sur
plusieurs affaires, expliqua-t-elle. J’ai imprimé les quelques articles que j’ai trouvés à
son sujet, poursuivit-elle en ouvrant un sac de voyage pour en
retirer une liasse de feuilles. Tiens,
les voilà. J’aurais sans doute pu te
les donner avant…
— Aucun problème, fit
Aden. Je n’avais pas le temps de m’en
occuper, de toute façon.
— J’ai beaucoup réfléchi
à tout ça, continua Mary Ann. Le fait
que tu aies absorbé son âme semble indiquer qu’il est mort à
proximité, sinon à l’intérieur même de l’hôpital. Or, son frère y travaillait. Et si Robert lui avait rendu visite ce
soir-là ? S’il avait réveillé un
mort, qui les avait tués tous les deux ?
— D’après ce que tu m’as
dit, fit remarquer Riley, seul Daniel a été retrouvé à l’hôpital,
battu à mort.
— C’est vrai,
acquiesça-t-elle.
— Alors, on tourne en
rond, tonna l’ex-loup-garou. Où est le
corps de Robert, s’il est mort en même temps et au même
endroit ? A moins… à moins qu’Aden
ait absorbé l’âme de Daniel ?
Julian s’accrocha à cette
idée comme à une bouée de sauvetage. J’aime mieux cette
théorie ! Je crois que j’étais
celui avec les cheveux.
— Ce n’est pas
plus logique, intervint Mary Ann. Daniel travaillait à l’hôpital depuis des
années. N’aurait-il pas réveillé des
morts avant cette fameuse nuit ?
A la grande surprise d’Aden,
Riley lui jeta un regard noir avant de
répliquer :
— Tu as déjà entendu
parler de pouvoir latent ? Cela
arrive, qu’une capacité se révèle après des années…
Mary Ann se raidit et le
fusilla du regard. Oui, Riley
faisait allusion à ses
pouvoirs de Draineuse, et de toute évidence elle détestait
ça.
— Ce n’est pas le moment
de vous disputer, intervint Aden. Je
crois qu’on peut déjà déduire que Julian était un des frères
Smart.
Et sans
doute celui qui était beau gosse, commenta l’âme.
Au même moment, Junior poussa
un grondement. Il avait faim, de
nouveau. Cela arrivait de plus en plus
fréquemment, et il se montrait toujours plus difficile à
calmer. Mais, pour le moment, Aden
choisit de l’ignorer.
— Je vais lire ce que tu
as imprimé, promit Aden. Peut-être
qu’un détail aidera Julian à retrouver la mémoire…
— Eve a retrouvé ses
souvenirs quand tu es remonté dans le temps pour elle, fit
remarquer Mary Ann. Et si tu
recommençais ? Si tu laissais
Julian retourner dans le passé ?
Cela faisait plusieurs fois
que ses amis lui suggéraient d’avoir recours au voyage dans le
temps. Ils ne réalisaient donc pas
quelles pouvaient en être les conséquences ?
— Je vous l’ai déjà
dit. On ne peut pas retourner dans le
passé sans changer l’avenir. Le risque
est trop grand. Qui sait ce que je peux
modifier dans le présent ?
— Franchement, Aden,
intervint Mary Ann, regarde-nous. Tu
crois vraiment qu’il peut nous arriver pire ?
— Oui. Sans le moindre doute.
— Je ne vois pas comment
ce serait possible.
Ah non ?
— Et si je n’étais
jamais venu à Crossroads ? Si nous
ne nous étions jamais rencontrés ?
A sa grande surprise, Aden
vit s’allumer dans les yeux de Mary Ann une lueur
d’espoir.
— Elle a raison,
approuva Victoria. Si tu n’étais pas
arrivé à Crossroads, nous ne t’aurions pas pourchassé.
Mon père ne chercherait pas à te tuer,
maintenant.
— Réfléchis à ça, Aden,
intervint Riley à son tour.
Ainsi, ils se liguaient
contre lui ? Mais non, il devait
exister un autre moyen, un moyen plus simple et moins
dangereux.
— Elijah, tu as une
suggestion ?
Le silence. Ce maudit silence.
— Réponds-moi, je t’en
prie, souffla-t-il en enfouissant la tête dans ses mains.
Aide-moi au moins à peser le pour et le
contre. Ne me laisse pas
tomber.
Il y eut un nouveau silence,
et, pour finir, un soupir familier.
Je ne
vais pas te dire ce que j’ai vu, Aden.
Enfin, une
réponse ! Une réponse irritante,
insupportable, mais une réponse tout de même !
— Tu veux dire que tu
sais ce qui va arriver si je remonte dans le temps, et si je refuse
de le faire ? Tu as vu comment
tout ça se terminait ?
Si, d’habitude, Aden
préférait rester à l’écart pour discuter avec les âmes, il parlait
à présent sans se cacher, au beau milieu de la pièce.
Et cela n’avait aucune importance : il
sentait que, tôt ou tard, il allait les perdre, et voulait profiter
de leur présence au maximum.
Elijah poussa un nouveau
soupir.
Oui,
j’ai vu comment ça se termine.
Le cœur d’Aden se mit à
battre à tout rompre.
— Alors ?
De nouveau le silence, comme
si, songea Aden avec amertume, ils avaient remonté le temps de cinq minutes
seulement.
— Elijah, je t’en
supplie, aide-moi.
Si l’âme refusait, il en
serait peut-être réduit à tenter d’avoir une vision par
lui-même. Ses pouvoirs grandissaient,
mais ça restait une solution aussi hasardeuse que
désespérée. Il n’aurait guère d’autre
choix, pourtant.
Non,
Aden. C’est pour ton bien, je te le
promets. Je me suis trompé
jusqu’ici. Avec mes prétendues visions,
je t’ai guidé dans la mauvaise direction. Je n’ai fait qu’empirer les choses.
— Pas chaque
fois !
Même une
seule fois aurait été de trop.
Junior poussa un nouveau
grognement.
Une odeur suave parvint aux
narines d’Aden. Victoria !
Assise à ses côtés, elle lui caressait le bras
du bout des doigts. Elle se trouvait si
près de lui qu’il pouvait voir battre son pouls à la base de son
cou. Il se mit à saliver.
Pourvu qu’il ne bave pas !
— Nous reparlerons plus
tard de cette histoire de voyage dans le temps, trancha Riley en se
levant. En attendant, j’aimerais bien
jeter un œil à ton tatouage.
Remettre à plus tard la
discussion sur le retour dans le passé ? Et comment ! Le plus
tard possible, même. Elijah n’avait
rien dit qui puisse les aider, et Aden ne tenterait rien tant qu’il
ne serait pas parvenu à avoir lui-même une vision du
futur.
Le parfum de Victoria
s’éloigna, remplacé par la senteur minérale du loup-garou (ou
plutôt de l’ex-loup-garou), qui se mit à fouiller dans les cheveux
d’Aden sans ménagement.
— Je comprends ce qui
s’est passé, déclara-t-il au bout d’un moment. L’encre s’est effacée, et le tatouage a fini
par ne plus remplir son
rôle. Mais Joe n’a pas menti : tu
as été protégé contre les créatures surnaturelles.
— Jusqu’au moment où
j’ai rencontré Mary Ann.
— Oui, approuva
celle-ci. Ça a créé comme une
explosion d’énergie. Voilà ce qui a
mis un terme à l’efficacité des protections.
Riley se laissa tomber sur
le lit aux côtés de Victoria, qui posa familièrement la tête sur
son épaule.
— Je comprends ce qui
s’est passé, souffla-t-elle. Quand
vous vous êtes rencontrés, la magie est devenue si forte qu’elle a
annulé celle que le père d’Aden, simple humain, avait
créée.
— Ne dis pas que c’est
mon père, grinça Aden. Son nom est
Joe.
Outre la colère contre cet
homme incapable de l’aimer, il éprouvait une étrange
jalousie. En général, il n’appréciait
guère les liens très étroits entre Victoria et Riley, mais
aujourd’hui, ce sentiment était encore plus vif.
— Je te demande pardon,
Aden. Je ne voulais pas te
blesser.
Elle avait pâli, et Aden
s’en voulut intérieurement. Comme s’il
avait besoin de passer sa colère sur elle !
— C’est moi qui te
demande pardon. Je n’ai aucune raison
de réagir comme ça.
Mais pendant qu’il parlait,
Riley continuait de caresser l’épaule de Victoria, pour la
réconforter. Et… ça le mettait
hors de lui !
C’est à
moi de le faire, pensait-il. Oui, mais
voilà : Victoria et Riley se connaissaient depuis des années,
voire des décennies. Ils se faisaient
confiance, comptaient l’un sur l’autre, et…
Ce n’était pas le moment de
penser à ça, mais une idée lui était revenue, blessante, insidieuse.
Une idée qui remontait à quelque temps déjà,
et qu’il n’était pas parvenu à oublier.
Pour éviter de perdre sa
virginité avec le vampire que son père avait choisi pour elle,
Victoria avait un jour décidé de coucher avec un autre.
Et qui avait-elle bien pu
choisir ? A quel garçon
faisait-elle suffisamment confiance pour lui accorder cette
faveur ?
Riley, évidemment.
Qui d’autre ?
Aden bondit sur ses pieds,
les poings serrés, et Junior poussa un rugissement.
Ainsi, il ne criait pas seulement quand il
avait faim : de toute évidence, la bête réagissait aux
émotions de son hôte.
— Aden !
lança Victoria, tes yeux !
Ils sont violet brillant !
— Riley, enlève tes
sales pattes de sur cette fille ! lança-t-il sans prendre garde à ce qu’elle
disait.
Sa voix normale était comme
doublée par un ton caverneux, presque animal.
Riley parut d’abord ne pas
réagir, se contentant de plisser les yeux, puis il se leva et
laissa tomber les bras le long de son corps.
— A vos ordres,
Majesté. Comme vous voudrez,
Majesté. Qu’y a-t-il d’autre pour
votre service, Majesté ?
— Riley, lui lança
Victoria avec urgence sans quitter Aden des yeux, sors
d’ici. Tout de suite. Mary Ann, je t’en prie, fais-le sortir.
L’ex-loup-garou ne bougea
pas d’un pouce jusqu’à ce que leur amie commune intervienne.
Le prenant par la main, elle le conduisit
jusqu’à la porte et la referma sur eux.
Elle avait
compris.
— Oui.
Se pouvait-il qu’autant de
colère et de froideur résonne dans sa voix ?
— Je…
— Je ne veux rien
entendre.
S’emparant de la caisse qui
contenait les livres et les papiers, Aden, furieux, s’enferma dans
la salle de bains en claquant la porte. En plus de tout ce qu’il avait à gérer, voilà que sa
fiancée avait couché avec un de ses amis ! D’accord, cela remontait à loin, mais penser que Riley
et Victoria avaient entretenu davantage que des relations amicales
lui paraissait insupportable.
En cet instant précis, il
aurait aimé casser la figure à Riley. Toutefois, il se contenta de s’asseoir sur le
couvercle des toilettes et de laisser tomber la boîte entre ses
pieds.
— Et celle-là, Elijah,
tu t’y attendais ?
Pas de réponse.
Evidemment.
Tu ne
peux pas reprocher à Victoria de…
— Tais-toi,
Caleb ! Je ne veux rien entendre
de ta part non plus. A partir de
maintenant, on s’occupe de cette boîte et de rien d’autre,
compris ? Alors taisez-vous
tous !
Il y eut un nouveau silence
— qu’il accueillit avec soulagement. Au moins, se dit-il, il n’avait eu de visions que
concernant Edina, jamais de Riley et Victoria ensemble dans un
lit…
Des visions.
C’était une idée intéressante,
non ? Tenter de se forcer à en
avoir une pourrait l’aider à penser à autre chose, à se sentir
mieux…
Ou pas
du tout, comme il dut l’admettre une demi-heure plus tard.
Il était toujours sur les toilettes, le cœur
battant, la sueur au front. Les
émotions qui l’agitaient étaient bien trop violentes pour qu’il
puisse se projeter dans le futur. Tant
pis : il essaierait de nouveau plus tard. Pour l’instant, il ne lui restait qu’une chose à
faire : continuer à fouiller dans le carton des
documents.
***
Dehors, l’air était glacé,
le froid mordant.
— Tu peux me dire ce
qui vient de se passer ? demanda
Mary Ann à Riley.
— Rien du tout,
répondit celui-ci, le visage fermé.
— Arrête de te cacher,
Riley. Dis-moi tout. Tu me détestes, hein ? Tu veux que je disparaisse de
nouveau ?
Elle avait parlé sans
réfléchir. Elle n’aurait jamais dû lui
dire une chose pareille. Et s’il
répondait par l’affirmative ?
Mais il se contenta de
passer une main sur son visage, désemparé.
— Je ne te hais
pas.
D’accord, mais pour ce qui
était du fait de disparaître ?
— Tu m’en veux,
alors ? Tu n’arrives pas à me
regarder dans les yeux et tu ne m’adresses pas la parole.
Tu consoles Victoria, mais jamais
moi !
Il la regarda d’un œil
interrogateur :
— Parce que tu as
besoin que je te réconforte ?
C’était tout sauf une
invitation.
Elle l’avait blessé.
Elle avait détruit sa vie, sa nature
profonde, et ne pouvait rien faire pour le changer.
Cela, elle le savait. Mais pouvait-elle pour autant cesser de l’aimer, de
souhaiter de tout son cœur pouvoir l’aider ?
— Non,
mentit-elle. Aucun besoin de
réconfort.
— Tu vas changer d’avis
dans quelques secondes, fit soudain la voix de Tucker derrière
elle.
Riley bondit, mais le
demi-démon restait invisible. Soudain,
elle sentit des bras qui s’emparaient d’elle, immobilisant son cou
et sa taille, et le métal d’un canon de revolver pressé contre sa
nuque.
— Riley !
gémit-elle d’une voix étranglée.
Celui-ci lança un regard
mauvais derrière elle.
— Laisse-la partir,
ordonna-t-il.
— Nous avons à parler,
répondit Tucker. J’ai besoin de
vous. Vivants, de préférence, mais je
reste ouvert aux négociations.