19
— Réveille-toi, Aden. Aden ? Il faut te réveiller, maintenant !
Aden s’accrocha à la voix comme à une bouée de sauvetage. Il flottait dans un océan obscur, dans des abysses sans fond et sans forme — ni bruits, ni couleurs, ni sensations. Puis l’océan devint une montagne, et il grimpa, et grimpa encore, pour arriver au bord d’un précipice. Alors, il se laissa tomber, et sa chute l’entraîna dans une rivière glacée qui…
— ADEN ! REVEILLE-TOI !
Il ouvrit les yeux. Au-dessus de lui, les cheveux défaits, Victoria le regardait, les joues empourprées par l’effort.
— Il y a un problème ? croassa-t-il.
Il se redressa, et tout son corps protesta. Chacun de ses muscles lui faisait mal et sa peau semblait avoir rétréci. Il avait la bouche sèche comme un désert. Mais le pire, c’était son estomac qui se contractait et se tordait dans tous les sens, comme s’il avait entrepris de se dévorer lui-même tant il était affamé.
— J’étais inquiète, se justifia Victoria en se rasseyant.
La main dans la poche, elle jouait avec quelque chose qui produisait un bruit de froissement — un emballage de bonbon, probablement.
— J’ai failli te forcer à boire du sang, acheva-t-elle.
Mmh… du sang…
Passant une langue gourmande sur ses lèvres, il tâcha de se rappeler ses derniers souvenirs. Il était entré dans la salle de bal alors que la fête battait son plein. Il avait parcouru la foule du regard puis, d’une façon qu’il ne parvenait pas à comprendre, il avait regardé à travers un des murs, derrière lequel il avait vu Victoria. Sans doute un nouveau pouvoir dû à sa transformation en vampire… Combien lui en restait-il à découvrir ?
Après leur discussion avec Sorin et leurs trois amis du ranch D & M, Victoria et Aden avaient quitté la fête ensemble pour regagner sa chambre. Ils y étaient toujours, d’ailleurs. Que s’était-il passé ? Il se souvenait de s’être assis sur le lit puis… plus rien. Il avait dû s’endormir.
Incroyable. Quelle petite nature !
Il avait eu l’intention de lui parler de ce qu’il avait vu : l’apparition qui dansait, la scène où Victoria enfant était fouettée à cause de sa mère… Au fond, le fait qu’il soit tombé comme une masse était peut-être une bénédiction. Comment aurait-elle réagi à ces nouvelles ? Elle semblait très fragile en ce moment, et le récit de ces visions aurait été un stress supplémentaire, un poids qu’elle n’aurait sans doute pas supporté.
— Quelle heure est-il ? demanda-t-il en prenant une profonde inspiration.
Erreur ! Il n’aurait jamais dû respirer. Le parfum de Victoria lui emplit les poumons, balayant au passage toute pensée logique. Faim ! Il voulait cette odeur — il voulait cette fille ! — de tout son corps. Sa bouche se remplit aussitôt de salive, et il constata que, comme souvent ces derniers temps, ses mâchoires lui faisaient mal.
— Tout va bien ? demanda-t-elle.
— Impeccable, répondit-il d’une voix rauque.
— Comme dirait Riley, je vais faire comme si je te croyais. Et pour répondre à ta question, c’est le matin.
Il secoua la tête, pour chasser la poussière et les araignées qui avaient dû s’y installer, mais sans grand résultat.
— Seulement ? Mais on a quitté le bal à la fin de la nuit…
— Nous sommes le matin… du jour d’après.
D’accord. C’était un peu plus logique.
— C’est ce qu’on appelle un sommeil réparateur.
Un sommeil réparateur… Pour les vampires, ce terme avait un sens précis : il désignait une sorte de coma, un état de privation sensorielle totale où le vampire et sa bête se fondaient en un seul être. Le taux de globules rouges dans le sang augmentait de manière astronomique, ce qui accélérait tous les processus de régénération. Cela, Aden n’en avait connaissance que depuis quelques secondes, et pourtant c’était comme s’il l’avait toujours su — exactement comme il connaissait à présent le nom de tous ceux qui fréquentaient la cour.
Sommeil réparateur ou pas, il avait tout de même l’impression de s’être frotté à une centaine de boxeurs professionnels. Et d’avoir perdu tous ses combats. Pourtant, il n’avait pas le temps de gémir sur son sort, ni d’entamer un deuxième round avec son oreiller : il avait du pain sur la planche.
Il posa une jambe sur le sol, et se serait mis debout si Victoria n’avait placé une main ferme et glacée sur son épaule. D’accord, elle n’aurait pu réellement le retenir, car il semblait que ses forces l’aient abandonnée, mais il s’immobilisa tout de même. Et bien lui en prit : son mouvement venait de déclencher une réaction en chaîne. Pied, genou, jambe, bassin, hanche — un élancement lui parcourut tout le corps, comme une véritable explosion de souffrance. Il attendit un instant, inspirant profondément pour calmer la douleur.
— Si je viens de traverser vingt-quatre heures de sommeil réparateur, comment se fait-il que je me sente aussi mal ?
— C’est parce que les tissus cicatriciels sont encore frais. Mais ne t’inquiète pas. Lève-toi, étire-toi un peu, et tu te sentiras mieux.
Le ton de sa voix était confiant, pas de place pour le doute.
— Combien de fois as-tu vécu ce genre de choses ?
Avec un ravissant haussement d’épaule, elle répondit :
— J’ai arrêté de compter il y a bien longtemps.
Il n’aimait pas cette réponse. Pas du tout.
— Tu veux me donner un peu plus de détails, s’il te plaît ?
— Je n’en ai pas très envie.
— Tu sais, je peux faire punir tous ceux qui t’ont fait du mal.
Erreur, de nouveau. Il avait lancé ça comme une blague, pour la dérider, mais elle ne riait pas. Et, au fond, lui-même ne plaisantait pas vraiment. Quiconque ferait du mal à Victoria souffrirait en retour. Voilà ce qu’il se disait.
Bon. Mieux valait changer de sujet avant que cela ne tourne à l’interrogatoire. Qu’aurait-il à y gagner, sinon la bouleverser inutilement ?
C’était plutôt le moment de lui parler de ce qu’il avait vu. Sa mère, Edina, qui tentait de l’entraîner avec elle dans sa fuite. Son père qui les surprenait, puis qui faisait fouetter Victoria. Néanmoins, la discussion risquait de la mettre mal à l’aise. Après tout, dans la situation inverse — si Victoria l’avait vu en position de faiblesse —, Aden se serait senti gêné.
Minute. C’était un peu le cas maintenant, non ? Il pouvait à peine tenir debout, et il était encore couvert de bleus et de contusions — en tout cas, c’était l’impression qu’il avait : sommeil réparateur ou pas, la douleur était encore omniprésente. Elle le voyait donc au plus bas de sa forme, moralement comme physiquement. Et après tout, ce n’était pas la première fois : elle l’avait vu mourant, puis assoiffé de sang, possédé de pulsions bestiales…
Malgré cela, Aden continuait à détester l’idée de se montrer faible devant Victoria. Ce qui signifiait que l’inverse était probablement vrai, car les vampires étaient mille fois plus orgueilleux que les humains… Donc, tout bien considéré, inutile de lui parler de ses visions. Cela ferait partie des secrets qu’il emporterait dans la tombe, comme on dit. Plus il apprenait à connaître Victoria, mieux il comprenait comment elle fonctionnait, et plus il éprouvait de respect pour elle. Non, décidément, il n’y avait aucune raison de la perturber avec cette histoire d’apparitions surgies du passé.
Ou bien était-ce un simple prétexte de sa part ? Etait-il trop lâche pour se mettre dans une situation embarrassante ? Honnêtement, non. Parfois, le silence était préférable à la franchise. Il ne dirait rien.
Et, comme si sa bouche choisissait de faire le contraire de ce que sa tête avait décidé, il lança :
— Dis donc, ça t’est déjà arrivé d’avoir des visions de mon passé ?
Après tout, si elle lui posait la question, il ne pourrait pas lui mentir…
— Pardon ? Non, pas du tout. On en parlera plus tard, d’accord ? Pour l’instant, j’ai quelque chose à te montrer.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Regarde.
Sur la table de chevet, elle saisit une sorte de télécommande noire. Se retournant, elle la pointa en direction de la commode, à l’autre extrémité de la chambre. Un panneau de bois s’ouvrit, révélant un large écran plat qui s’alluma. Victoria se mit à parcourir les canaux jusqu’à trouver une chaîne d’information continue.
— Ecoute ça, dit-elle.
A l’image, une journaliste à l’expression sombre se tenait dans un bois, protégée de la pluie battante par un parapluie.
— … ce que l’on nomme déjà « Le massacre des robes rouges de Tulsa », expliquait-elle. Dix femmes sauvagement assassinées. La police a mobilisé tous les moyens humains et scientifiques pour découvrir l’identité de l’auteur de ce crime abominable, et…
— C’est tragique, intervint Aden, mais en quoi est-ce que ça me regarde ?
Victoria appuya sur la touche « muet » et se laissa retomber sur le matelas à ses côtés.
— Des femmes en robes rouges. A Tulsa. Où se trouve Riley. Et Mary Ann. Aden ? Ça ne peut être que des sorcières, celles qui étaient à leurs trousses. Et elles ont reçu de multiples coups de couteau, ce qui veut dire que ça ne vient ni des fées, ni des vampires, ni des loups-garous.
Il percuta enfin. Comment c’était possible ! Il était vraiment fatigué, intellectuellement.
— Et Mary Ann et Riley ? Ils vont bien ?
Elle hésita avant de répondre.
— Je ne sais pas. Riley ne m’a pas donné signe de vie depuis un moment.
Mais que pouvait-il bien être arrivé à leurs amis ? Pour le savoir, Aden décida de faire appel au médium dans sa tête.
— Elijah ? Tu sais quelque chose ?
Rien du tout, répondit l’âme.
Bien. Cela signifiait au moins qu’il n’avait rien vu de funeste. D’une certaine façon, c’était rassurant. Aden revint à Victoria :
— Comment peux-tu être certaine qu’aucune des races de créatures dont tu parles n’est responsable de ça ?
— Les fées n’auraient pas fait couler le sang. Les vampires si, mais on n’en aurait pas retrouvé une goutte autour des corps. Quant aux loups-garous, ils auraient laissé des marques de crocs et de griffes, pas de coups de couteau.
En parlant de sang… Mmh…
Mais comment une telle pensée pouvait-elle lui venir en un tel moment ? Quelle honte ! Des gens étaient morts, sans doute dans d’atroces souffrances, et il ne pensait qu’à manger ?
— Aden ? le relança Victoria.
Oui. Il devait lui répondre. Ou au pire parler d’autre chose…
— Ça nous laisse qui, comme suspect ?
Attends un peu ! intervint soudain Caleb. Je viens juste de me réveiller, et je n’ai pas tout entendu. Je rêve ou elle vient de parler d’un groupe de sorcières… assassinées ?
Victoria lui parlait, mais Aden ne percevait plus ce qu’elle disait : la voix de Caleb était stridente, chargée d’angoisse.
— Oui, répondit-il à l’âme. Je suis désolé, mais c’est la vérité.
Impossible. Non, elle doit se tromper.
— Caleb…
Non ! Elijah, dis-lui qu’elle se trompe. Dis-le-lui !
Je suis désolé, Caleb, répondit celui-ci d’une voix peinée.
Non ! Le cri s’étrangla avant de se transformer en une suite de sanglots à fendre l’âme.
Caleb avait toujours aimé les sorcières. De toute évidence, il avait un lien avec elles, un lien qui datait de sa première existence, celle d’avant Aden.
Aden ? Il faut que tu remontes dans le temps. Il faut que tu leur sauves la vie.
La réponse surgit, immédiate, implacable :
— Non. Impossible. Je ne peux pas faire ça.
Tu veux dire que tu ne veux pas !
— C’est trop dangereux. Tu le sais, ça pourrait mal finir. Encore plus mal, je veux dire.
Telle avait été sa réponse quand Victoria lui avait suggéré la même chose, et il resterait intraitable si, quelle qu’en soit la raison, on lui demandait de revenir dans le passé pour changer le cours des événements. Dans la balance, les risques pesaient bien plus lourd que les avantages. Ils étaient tout simplement énormes.
Aden, je t’en prie !
— C’est non, désolé.
Elijah et Julian entreprirent de consoler leur ami. Aden releva la tête vers Victoria, qui le regardait d’un œil interrogateur.
— C’est Caleb. La nouvelle l’a… perturbé.
Elle l’a détruite, oui.
— Je suis désolée pour lui.
— Moi aussi.
Et c’était vrai, même si, pour sa part, il n’avait jamais apprécié les sorcières. Comment l’aurait-il pu ? C’étaient elles qui avaient lancé un sortilège de mort sur Riley, Mary Ann et Victoria ; elles qui avaient failli le priver de tous ses amis et de la vie qu’il s’était construite. Néanmoins, il ne supportait pas qu’une des âmes dans sa tête souffre. S’il l’avait pu, il aurait sauvé ces femmes rien que pour éviter cela.
— Le mieux que nous puissions faire, c’est d’apprendre ce qui est arrivé et de tout faire pour que ça ne se reproduise jamais, dit-il.
— Tout à fait d’accord, approuva Victoria. Tu m’as demandé qui pouvait avoir fait ça… Eh bien, vu que les zombies et les gobelins ne seraient pas capables d’actions aussi coordonnées, cela ne laisse que les humains.
Mais tout ce tracas avait réveillé Junior. La bête s’étirait dans la tête d’Aden avec de petits bruits d’enfant. Aïe… Mauvais moment pour une nouvelle bagarre. Quelque chose que lui avait dit Elijah lui revint à la mémoire : sa créature réagissait aux émotions. Donc, s’il parvenait à rester calme, le bébé-monstre ne chercherait pas à l’affronter.
En tout cas, on pouvait l’espérer.
Victoria. Se concentrer. Il lui fallait reprendre la conversation.
— Des humains ? Mais comment des humains auraient-ils pu vaincre une escouade de sorcières ? Nous avons tous les deux été témoins des dégâts qu’elles peuvent infliger, et franchement, je pense qu’on ne peut pas les battre sans pouvoirs magiques. Non, de simples humains n’auraient eu aucune chance !
— Je n’en suis pas sûre.
— Et si une des autres races avait voulu qu’on croie des humains coupables ? Si tout cela était une mise en scène ?
— C’est possible, mais dans quel but ? Pour envoyer quel message, et à qui ?
— Je ne sais pas… Quelque chose comme « on sait qui vous êtes et on est sur vos traces » ?
— Oui… non… peut-être. Franchement, je ne sais pas. C’est la première fois qu’une chose pareille se produit. Nous effaçons nos traces. Toutes les créatures surnaturelles le font. Après un combat, il ne reste en général rien que les humains puissent découvrir. C’est comme ça que nous sommes élevés, parce que c’est comme ça que nous survivons depuis des siècles.
— Les choses changent parfois.
— Oui, acquiesça-t-elle d’un ton neutre. Cela arrive.
Elle avait un ton étrange dans la voix. Y avait-il un double sens dans ses paroles ? Voulait-elle dire qu’il avait changé, lui, et qu’elle ne l’aimait plus ?
Ce fut le moment que choisit Junior pour pousser un cri affamé.
Réprimant un soupir, Aden se laissa retomber sur le lit, un bras sur les yeux.
— Je n’arrive pas à penser. Tu sais quoi ? On parlera de ces meurtres quand on aura mangé, d’accord ?
— D’accord.
Mais l’hésitation dans sa voix était toujours perceptible. Que se passait-il ?
— Tu as déjà mangé ? demanda-t-il.
Et il ajouta l’autre question qui le taraudait :
— Au fait, où as-tu dormi la nuit dernière ?
Il savait qu’il avait pris sa chambre, et qu’elle n’était pas restée. Sans parler du fait qu’il méritait des coups de pied aux fesses pour s’être endormi au moment de son tête-à-tête avec elle. Il l’avait plus ou moins chassée de ses propres appartements. Or, pour avoir passé la plus grande partie de sa vie sans pouvoir profiter du moindre espace personnel, il savait à quel point cela comptait.
Auparavant, Victoria se serait sentie suffisamment en confiance pour s’endormir à ses côtés. Mais il s’était comporté de façon si brutale avec elle ces derniers temps qu’elle n’avait sans doute pas osé le faire, de peur qu’il la rejette.
— J’ai dormi dans la chambre de Riley, répondit-elle, plongeant de nouveau la main dans sa poche pour jouer avec le papier d’emballage ou quoi que ce soit qui s’y trouvait.
Il entendit le râle irrité qui s’élevait de sa propre gorge avant même de comprendre qu’il venait de lui. Calme-toi. Ne te laisse pas aller à tes émotions.
Il se souvint de la première fois où il avait vu Victoria en chair et en os, ailleurs que dans les visions d’Elijah. C’était dans la forêt derrière le ranch D & M. Elle l’attendait, flanquée d’un Riley impassible. Aden s’était demandé ce qu’il y avait entre eux — et même si elle lui avait assuré qu’ils étaient simplement amis, le sentiment de jalousie ne l’avait jamais tout à fait quitté depuis.
Amis, peut-être, mais amis proches. Trop à son goût.
— Tu aurais pu dormir ici, lui fit-il remarquer. Avec moi.
— Avec toi ? Toi, mon souverain, le maître de la terre comme des cieux, tu m’aurais proposé de dormir dans le même lit que Sa Majesté ? Est-ce que tu sais que c’est la première fois depuis que nous sommes revenus ici que tu mentionnes le sujet ?
Elle n’avait pas tort, mais…
— Eh bien, je le mentionne maintenant.
Elle se renfrogna. Encore une fois, elle joua nerveusement avec le papier dans sa poche.
— Eh bien, je suis flattée, fit-elle, mais son expression démentait ses paroles. Surtout si je considère que tu me repousses depuis que nous sommes de retour.
Ah, d’accord… C’était donc ça, le cœur du problème.
— Je suis désolé. Vraiment. Mais je m’améliore, non ? Je veux dire, toi aussi tu as changé…
De mieux en mieux : à présent, on aurait dit qu’il lui faisait des reproches, des reproches qu’elle était bien loin de mériter. La mine de Victoria s’assombrit encore. Et de nouveau ce bruit de papier froissé.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? Que je suis plus humaine ?
Pardon ? Mais quelle mouche la piquait ?
— Je veux dire… Je ne veux rien dire de mal. Rien qui ressemble à une critique. Mais, c’est vrai, tu te comportes de façon de plus en plus humaine. Et je te répète que ce n’est pas négatif.
— Bien sûr que si. Tu veux dire que tu ne me trouves plus aussi bien qu’avant.
— Absolument pas ! Je n’ai jamais dit ça !
Alors pourquoi ses protestations sonnaient faux ?
— Ecoute, Aden, je sais que tu dois faire des efforts pour gérer ta nouvelle nature. Et c’est très bien.
Ouille. Il redoutait par avance ce qui allait suivre.
— Mais ça n’empêche pas que je t’en veux.
Tout juste : il n’aimait pas du tout cela.
— Tu es sérieuse ?
— Tu sais que je ne suis pas connue pour mon sens de l’humour.
Alors là… Quand elle s’y mettait, elle se comportait vraiment comme une humaine…
— Mais pourquoi est-ce que tu m’en veux ?
— Parce que.
Evidemment… Comment discuter avec ce genre de logique ?
— Super.
— Exactement.
— Mais… j’ai quand même besoin de manger.
Des flammes bleues étincelèrent dans les yeux de Victoria.
— Et alors ? Tu veux que j’aille te chercher un esclave de sang ?
Non. Oui.
— Non.
Il était toujours assoiffé, certes, mais d’un seul sang : celui de Victoria, encore et toujours. Pourtant, il avait bu celui de Sorin récemment. D’ailleurs, comment se faisait-il qu’il ne voie pas le monde à travers les yeux de celui-ci ? C’était en général le cas quand on se nourrissait d’un autre vampire… En espérant que changer de sujet détendrait l’atmosphère, Aden posa la question à Victoria.
— Cet effet ne dure que pendant un certain temps, lui répondit-elle. Et comme tu as dormi pendant plus de vingt-quatre heures, il s’est dissipé sans que tu te rendes compte de la connexion entre Sorin et toi.
Il y eut un silence, un silence pesant. De toute évidence, elle était toujours en colère contre lui. Enfin, elle reprit :
— Alors, peux-tu m’expliquer pourquoi tu refuses que je t’apporte un esclave de sang ?
— Ce n’est pas que je ne veux pas, mentit-il. J’ai simplement besoin de me débarbouiller avant.
Tant pis : il se forcerait à boire le sang de quelqu’un d’autre.
Bruit de papier froissé. Cette fois, c’en était trop.
— Tu peux me dire ce que tu as dans la poche ?
Ses joues virèrent aussitôt à l’écarlate.
— Rien du tout. Va te doucher, alors. Maintenant.
D’accord… Avec des gestes maladroits, il se mit debout et partit d’un pas hésitant vers la salle de bains. Il devait ressembler à un vieillard sans son déambulateur. Et sérieusement, comme il détestait que Victoria le voie comme ça !
Au moment où il allait refermer la porte sur lui, elle lui lança :
— Au fait, Aden, je te remercie de ne pas avoir tué mon frère.
— De rien.
Une fois seul, il se brossa les dents avant de s’accorder une douche rapide. Sur une commode, il découvrit ses affaires propres, impeccablement repassées et pliées, déposées là par Victoria. Ce fut avec un vrai plaisir qu’il enfila son jean, son T-shirt gris et ses bottes.
Dans sa tête, Gobeur poussait des cris de plus en plus pressants. En revanche, les sanglots de Caleb avaient cessé.
Une fois sa toilette terminée, il prit le temps de s’inspecter en détail dans le miroir. Quelle surprise de se revoir avec des cheveux blonds ! Pendant des années, il s’était teint en noir. Et ses yeux sortaient vraiment de l’ordinaire, aussi. La dernière fois qu’il s’était regardé dans une glace, ils étaient dorés. A présent, ils ressemblaient à un véritable kaléidoscope de couleurs.
Mais le plus étonnant restait l’absence totale de plaies, bleus et autres contusions. Il ne restait aucune trace du combat sur son corps — même si, à l’intérieur, la douleur restait très présente malgré la douche brûlante qu’il venait de s’offrir. Disparus les lèvres tuméfiées et les yeux pochés. Même la dent que lui avait cassée Sorin avait repoussé pendant la nuit. Non, vraiment, il n’avait pas à se plaindre.
Aden, pourrais-tu faire taire cette bête, s’il te plaît ? demanda Julian, l’arrachant à ses pensées. Je n’en peux plus de l’entendre grogner et pleurer. Ça devient vraiment insupportable…
— Il n’y a qu’une solution pour calmer Junior, répondit-il. Le nourrir.
Et encore, cela ne durerait qu’un temps…
Fais comme l’a suggéré Victoria, prends un esclave de sang. Je t’en prie.
Esclave de sang, esclave de sang… le terme l’agaçait de plus en plus. Dire qu’il avait failli le devenir lui-même ! Soudain, Aden dressa l’oreille. Dans la chambre voisine résonnait un bruit de pas. Intrigué, il ouvrit la porte de la salle de bains à toute volée. En fait, il sentit les nouveaux arrivants avant même de les voir. Maxwell et Nathan, les frères de Riley. Debout aux côtés de Victoria, ils semblaient tenter de la rassurer. Leur odeur trahissait qu’ils avaient passé beaucoup de temps dehors. Autre chose, aussi. Ils sentaient la peur.
Nathan avait la peau extrêmement claire. Ses cheveux étaient si blonds qu’ils paraissaient blancs, et ses yeux étaient d’un bleu très pâle. Quant à Maxwell, il arborait des cheveux dorés et une peau hâlée. Pour autant qu’Aden puisse en juger, ils étaient tous deux de très beaux garçons. Malheureusement, ils étaient également frappés d’une malédiction : toutes celles qu’ils désiraient les voyaient comme d’épouvantables laiderons et seules les filles qui ne leur inspiraient aucun sentiment pouvaient voir la beauté de leur vrai visage. Quelle ironie.
Une beauté qu’Aden, en toute logique, percevait — du moins tant qu’ils n’affichaient pas comme maintenant des expressions affligées et soucieuses.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il.
Etait-ce à cause d’eux que sa princesse pleurait ? Si oui, ils allaient le payer, et très cher. Serrant les poings il s’avança d’un air menaçant, mais avant qu’il ait pu ajouter un mot, Victoria lui tendit un gobelet rempli de sang.
— Tiens. Bois ça.
L’odeur douceâtre le frappa de plein fouet avant même qu’il se saisisse du verre. Dans sa tête, Junior poussait des cris de joie sauvage — ou tout simplement des hurlements bestiaux ? — et il se mit à saliver, tandis que ses mâchoires s’agitaient de façon incontrôlable. Car il le savait sans même avoir à le demander : ce sang était celui de Victoria !
Tout se déroula ensuite sans que son cerveau n’intervienne : tendre le bras, saisir le verre, le porter à ses lèvres, en vider le contenu… Il ne se rendit pas compte de ce qu’il faisait avant d’avoir avalé la dernière goutte.
Ainsi, il s’était cru fort après avoir bu le sang de Sorin ? Pauvre naïf ! La vraie force, il la rencontrait maintenant — une sensation délicieuse qui cascadait dans son corps comme une lumière vive. Il ferma les yeux de plaisir.
L’espèce de brouillard qui avait jusque-là atténué ses perceptions se dissipa entièrement. C’était comme si chaque cellule de son corps se transformait en une bulle de champagne. Toutes les douleurs qui lui restaient du combat avec Sorin disparurent sur-le-champ. Son corps se gonfla d’énergie — incroyable, et s’il avait grandi, pour de vrai ?
Junior ronronnait de satisfaction. Comme un nourrisson, il s’endormit à peine la dernière goutte avalée.
Mais Aden, lui, en voulait davantage.
Non, non, non, pas question, lança Julian sur un ton sans appel.
Comment avait-il fait pour se brancher aussitôt sur ses pensées ? Avait-il prononcé les mots à haute voix ? Fixait-il de façon ostentatoire le cou de Victoria ? Minute. C’était impossible : il avait encore les yeux fermés.
Il les ouvrit… pour découvrir qu’il avait laissé choir le gobelet et qu’il avait saisi le bras de Victoria. Qu’il l’attirait vers lui, de plus en plus fort…
Avec un hoquet de stupéfaction, Aden s’empressa de la relâcher et s’écarta d’elle. Maxwell et Nathan les regardaient tous deux avec gêne et curiosité.
Bien. Dans quelques heures, il se mettrait à voir le monde à travers ses yeux à elle. Cette fois, aucun sommeil réparateur ne l’en empêcherait. Continuerait-il pour autant à vouloir son sang, et rien d’autre ?
Cela n’avait peut-être pas d’importance. D’accord, il risquait de devenir accro, mais le jeu en valait la chandelle. Il voulait être avec elle, vivre à ses côtés et boire son sang, et cela à n’importe quel prix. Rien ne l’arrêterait.
Victoria se tenait devant lui, visiblement mal à l’aise. Se rendant compte qu’il n’avait pas cessé de la dévisager, Aden baissa les yeux.
C’est alors qu’il la vit. Là, sur le poignet de Victoria — elle portait une robe à manches longues, mais l’une d’elles s’était retroussée quand il l’avait saisie par le bras. Une longue estafilade qui s’étendait de part en part de ses veines.
Une estafilade qui ne s’était pas refermée. Elle s’était ouvert le poignet pour laisser couler son sang, mais la blessure n’avait pas cicatrisé. Mais c’était impossible ! C’est vrai que, un peu plus tôt, il lui avait pris la main et il avait remarqué qu’elle était toute froide, il s’en souvenait à présent. Or, c’était bien la première fois qu’il constatait ça chez elle.
— Victoria, est-ce que tout va bien ? demanda-t-il.
— Non, répondit-elle. Regarde ce que je viens de recevoir.
Et elle lui tendit son téléphone portable, où il lut les mots : Tulsa, St. Mary. Mourants. Vite.
— C’est un sms de Riley, précisa-t-elle.
Son menton tremblait. De toute évidence, elle avait grand-peine à retenir ses larmes.
Non, ce n’est pas Riley qui a écrit ça, fit Elijah.
— Comment peux-tu le savoir ?
Victoria le regarda avec surprise :
— Mais parce que c’est…
Il leva la main :
— Je te demande pardon. Je ne te parlais pas. On dirait qu’Elijah sait quelque chose.
Victoria se tut, affichant une expression d’espoir et de crainte mélangés.
D’abord, reprit l’âme, c’est une question de logique. S’il était vraiment mourant, Riley ne taperait pas aussi bien. Tu as remarqué ? Il a même fait l’accord. Peu crédible, n’est-ce pas ? Et je viens d’avoir une vision où Tucker tapait ce texto.
Une boule tordit le ventre d’Aden. Aussitôt, il répéta aux autres ce qu’il venait d’apprendre avant de reporter son attention sur Elijah.
— Qu’est-ce que tu as vu d’autre ? Montre-le-moi, je t’en prie.
Tu ne vas pas aimer ça.
— Ça m’est égal, fais-le.
Il y eut un silence, particulièrement inquiétant. Puis le médium poussa un long soupir :
Comme tu veux.
Et les images commencèrent, saisissantes, oppressantes. Riley immobile, attaché sur un lit d’hôpital, le teint cadavérique, une blessure béante à la cuisse.
Mary Ann était elle aussi allongée sur une civière que l’on sortait d’une ambulance, où il distingua clairement le nom de St. Mary. Elle était en jean et soutien-gorge, et elle portait en travers de l’épaule un pansement déjà entièrement recouvert de sang. Des infirmiers tentaient de lui appliquer un massage cardiaque, mais apparemment elle ne réagissait pas.
— C’est peut-être Tucker qui a écrit ce texto, mais il ne mentait pas, expliqua Aden d’une voix tremblante. Ils sont blessés, tous les deux. Grièvement.
Si ses amis mouraient… D’ailleurs, peut-être qu’ils étaient déjà morts ?
— Qu’est-il arrivé à Riley ? demanda Maxwell.
Aden expliqua ce qu’il avait vu.
Les deux frères ponctuèrent son récit d’innombrables jurons. Victoria se mordait le poing pour arrêter ses sanglots — en vain.
Dans la tête d’Aden, Caleb lui aussi poussait des jurons, ou plutôt un chapelet d’insultes destinées à Tucker.
— Tu crois que c’est Tucker ? demanda Maxwell à Aden. Je ne comprends pas comment il aurait pu battre Riley.
Le bruit dans sa tête était tel qu’il eut du mal à comprendre la question.
— Je n’en sais rien. Quoi qu’il se soit passé, nous devons nous rendre à St. Mary.
Il ne savait pas grand-chose sur les changeformes, mais les médecins risquaient de se rendre compte de quelque chose en examinant Riley.
— Victoria, reprit-il, tu peux nous téléporter ?
Oh oui, rugit Caleb. Qu’elle nous téléporte à Tulsa ! Nous allons enquêter. Et si c’est Tucker qui a fait ça, on va lui régler son compte.
L’idée de vengeance devait agir sur lui comme un shoot d’adrénaline.
Mais Victoria avait pâli brusquement. Avec un coup d’œil en direction des deux loups-garous, elle avoua d’un seul coup :
— Non. Aden… J’aurais voulu t’en parler avant, mais… Je n’arrive plus à me télétransporter. C’est peut-être à cause de ce que m’a fait mon frère, se hâta-t-elle d’ajouter. En revanche… peut-être que tu peux, toi ?
— Moi ?
Il n’avait jamais essayé, n’avait pas la moindre idée de comment on s’y prenait ni le temps d’apprendre — surtout qu’il n’était même pas certain d’avoir acquis ce pouvoir !
— Non, c’est peut-être possible mais je ne saurais pas comment m’y prendre. Tant pis, nous prendrons une voiture.
Au même moment, on frappa à la porte, et la belle Maddie fit son entrée dans la pièce. Elle avait sur le visage la même expression que le jour où elle lui avait annoncé l’arrivée de Sorin.
— Je ne sais pas pourquoi on m’a de nouveau choisie pour t’apporter la mauvaise nouvelle, Majesté, lança-t-elle d’une voix désolée, mais tes amis humains sont de retour.
— Je n’ai pas le temps de m’occuper d’eux. Dis-leur de retourner au ranch, et je…
Non ! le coupa Elijah. Il y avait de l’urgence dans sa voix. Tu dois parler avec eux. Maintenant.
Mais les sorcières…, commença Caleb.
Ce fut au tour d’Aden de l’interrompre, gagné par l’inquiétude du médium.
— Les sorcières attendront. Je te demande pardon, Maddie, reprit-il en se tournant vers elle. Conduis-moi jusqu’à eux.
Elle l’escorta jusqu’au bas des marches, puis au travers d’un dédale de couloirs. Pour finir, ils débouchèrent dans un vestibule où les attendaient Seth, Ryder et Shannon. Tous trois étaient couverts de cendre et de suie, et ils sentaient terriblement la fumée.
— Dites-moi ce qui s’est passé ! lança-t-il, impérieux.
— C’est le ranch, commença Seth avant de s’étouffer dans une quinte de toux.
— Il a b… brûlé, acheva Shannon. Du s… du sol au plafond. Il ne reste r… rien.
Aden se raidit.
— Et Dan ? Et Meg ?
— Ils sont en vie, mais blessés tous les deux, dit Ryder. Ils ne s’en sont sortis que parce que Sofia les a tirés de là.
Sofia était la chienne préférée de Dan. Ne réagis pas. Pas maintenant. Les émotions qui l’agitaient étaient trop terribles. En permettre une, juste une, c’était risquer de s’effondrer. Il devait rester fort… mais c’était trop d’un seul coup. Les mauvaises nouvelles s’empilaient comme autant de fardeaux qui menaçaient de l’ensevelir, de le broyer.
Shannon avait l’air à bout de forces. Comment pouvait-il encore tenir debout ? Il se massait la nuque, hagard. Sur ses joues, des larmes avaient tracé des ruisseaux clairs dans la suie.
— Mais S… Sofia y est restée. Et Brian aussi.
C’était un autre garçon pensionnaire du ranch. Aden et lui n’avaient jamais été très proches, mais sa mort, surtout dans ces circonstances, restait un déchirement.
— Terry et RJ vont partir plus tôt que prévu, poursuivit Ryder. Pour ce qui est des autres… l’assistance publique va s’occuper de nous.
Ces mots furent comme la goutte d’eau qui fit déborder le vase : il s’effondra sur lui-même, suffoquant et pleurant comme un enfant.
— On va nous placer dans de nouveaux foyers à travers tout l’Etat, continua-t-il d’une voix entrecoupée de sanglots. Ou même dans des prisons. Parce que les flics vont croire que le coupable est l’un de nous.
— Et ce n’est pas le cas ? demanda Nathan.
Seth se précipita sur lui, et il s’en fallut d’un rien qu’il ne le frappe.
— Tu plaisantes ? Aucun d’entre nous n’aurait fait une chose pareille ! Le ranch était notre seul chez nous. Dan et Meg étaient les seules personnes qui nous aient acceptés tels que nous sommes. Nous ne leur aurions jamais fait de mal, jamais !
Mais alors, qui pouvait être le coupable ? Tucker ? Non. Même un démon ne pouvait se trouver dans deux endroits à la fois.
— Mon père, gémit Victoria d’une voix horrifiée. A travers eux, il commence à s’en prendre à toi. Ce qui veut dire qu’il devient plus fort.
Oui. C’était évident. Vlad y était pour quelque chose, et les garçons n’étaient plus en sécurité aux alentours du ranch. Mais s’ils disparaissaient, on en conclurait qu’ils étaient coupables de l’incendie. De toute façon, l’ex-souverain vampire pourrait les retrouver où qu’ils aillent.
Il n’y avait qu’un seul endroit où ils seraient vraiment à l’abri. Ici, au manoir.
Tous les regards étaient tournés vers lui. Chacun attendait ses ordres ou une réponse à ses questions. Son devoir était de les protéger, tous autant qu’ils étaient, et ce n’était pas une tâche facile. Mais il l’avait acceptée en prenant la couronne, et il devait porter ce fardeau. Il prit sa décision.
— Maddie, dit-il en se tournant vers la jeune vampire, va chercher Sorin et amène-le ici.
Elle obtempéra sans un mot et quitta la pièce, sa robe noire battant sur ses talons. Quelques minutes plus tard, le frère de Victoria faisait son apparition au bout du couloir. Avant même qu’ils les aient rejoints dans le vestibule, Aden se mit à donner des ordres.
— Sorin, c’est toi qui prends le commandement. C’est temporaire, que je sois bien clair. Je dois partir pour un certain temps. Maddie, fais passer le mot à tous les autres. Maxwell, Nathan, vous venez avec Victoria et moi à Tulsa. Mes amis humains restent ici, et personne ne doit toucher à eux.
— J… je viens avec vous, annonça Shannon.
Son visage affichait une expression si déterminée que tous en furent impressionnés. Les loups-garous le regardèrent avec une certaine admiration. Seth et Ryder, de leur côté, se turent.
A quoi bon discuter avec Shannon ? De toute façon, avoir un humain à ses côtés n’était pas pour déplaire à Aden.
Minute. Un humain ? C’était comme ça qu’il voyait son ami, à présent ? Incroyable, il pensait vraiment comme un vampire !
— D’accord, Shannon vient avec nous, se reprit-il. D’ailleurs, j’ai changé d’avis. Seth et Ryder viennent aussi.
De cette façon, il n’aurait pas à s’inquiéter de ce qui pouvait leur arriver ici.
— Sorin, informe tout le monde que le duel entre Victoria et Draven attendra mon retour. La raison est que je veux y assister, et que je suis en déplacement pour l’instant. Si quelqu’un ose prétendre qu’il s’agit d’une ruse pour gagner du temps et éviter la défaite de Victoria…
— … ce quelqu’un sera sévèrement puni, compléta Sorin. Oui, je sais comment ça marche.
— Envoie quelques changeformes aux alentours du lycée de Crossroads. Je veux que le bâtiment soit surveillé nuit et jour.
Au cas où Vlad décide de frapper à cet endroit.
— Et dernière chose, je veux un garde qui protège en permanence le père de Mary Ann.
Il ne devait rien laisser au hasard.
Sorin acquiesça. De toute évidence, il aimait le tour que prenaient les événements.
— A tes ordres, Majesté.
Le guerrier vampire était-il vraiment digne de confiance ? Aden n’en était pas certain, mais il n’avait pas le choix. Evidemment, Sorin pouvait être un espion au service de son père, mais si ce n’était pas le cas il constituerait le plus loyal et le plus puissant des alliés à la cause d’Aden.
Elijah semblait n’avoir rien à dire contre Sorin, donc pas d’inquiétude. Pas trop, en tout cas.
— Très bien, conclut-il en se tournant vers ses amis. Et maintenant, allons sauver Riley et Mary Ann.
S’il n’est pas déjà trop tard, compléta Elijah d’un ton lugubre.
— Si tu n’as rien de plus positif à dire, lui lança Aden, il vaut mieux que tu te taises.
Les avertissements du médium, surtout aussi vagues, lui portaient de plus en plus sur les nerfs.
Elijah resta muet pendant tout le trajet vers Tulsa.