chapitre xiii
— Tes ennemis ont des difficultés, émit la créature végétale. Les « zourks », c 'est ainsi que nous appelons les buissons bruns, ont capturé deux hommes et la bête. Les autres semblent paralysés et restent sur place.
Marc informa les deux jeunes femmes qui, bien évidemment, ne pouvaient percevoir les ondes psychiques.
— Espérons qu'ils abandonneront la chasse, soupira Elsa toujours tapie dans le réseau de verdure.
Le sifflement de plusieurs hélijets lui apportèrent un cinglant démenti. Les appareils s'immobilisèrent, formant un cercle de deux kilomètres de diamètre.
— Ils débarquent des troupes qui vont nous encercler, ragea Marc les mâchoires crispées, puis ils ratisseront le terrain.
Il regarda le soleil qui ne baissait que lentement sur l'horizon.
— Notre seule chance serait d'attendre la nuit. Nous pourrions alors nous glisser entre les lignes car ils ne seront pas assez nombreux pour aménager une ligne continue.
Encore un espoir déçu ! Une fusée verte explosa dans le ciel, suivie immédiatement de clameurs.
— Ils croient chasser le sanglier, grogna Magda. Je ne me laisserai pas prendre vivante. Je préfère mourir en me battant plutôt que d'être découpée en morceaux pour permettre la survie de quelques mâles fortunés.
— Pour l'instant, le mieux est de rester cachés, dit Marc.
Il ferma les yeux, pensant à Ray.
— Ray... Ray, murmura-t-il, j'aurais tellement besoin de toi.
Soudain, Elsa vit son ami pâlir fortement.
*
* *
Ray augmenta encore la vitesse du module. La forêt défilait devant l'appareil comme dans un film en accéléré. Peu rassurée, Michka ferma un instant les yeux.
— Que t'arrive-t-il ? murmura-t-elle.
— J'ai eu un contact avec Marc. Il est avec nos amies. Ils se sont évadés de l'hôpital et sont dans la forêt à une dizaine de kilomètres du bâtiment. Malheureusement, ils sont maintenant encerclés par des gardes.
Le module ralentit brutalement projetant Michka contre le tableau de bord. Elle se réinstalla sur son siège en bougonnant :
— Conduite masculine typique toute en douceur !
Les traits crispés, Ray ne répondit pas. Il avait
renoué le dialogue psychique avec Marc et s'efforçait de le localiser.
— C'est bien, vieux frère, tu viens de passer au- dessus de nous. Nous sommes dissimulés dans les buissons de couleur vert tendre.
— Aperçu !
A l'instant où il amorçait son virage, plusieurs éclairs rouges jaillirent de dessous les arbres. Trois frappèrent le module et aussitôt plusieurs témoins lumineux s'allumèrent. L'androïde lança un juron très humain.
Lâchant les gouvernes, il ouvrit la porte qui fut arrachée par la force du vent. Il passa le bras autour de la taille de la jeune femme en criant :
— Cramponne-toi à mon cou, nous allons sauter.
Michka ne put retenir un gémissement de frayeur
quand Ray, d'un mouvement puissant des jambes, sauta dans le vide.
La chute fut stoppée juste au sommet d'un gros chêne. C'est en douceur que l'androïde et son pesant fardeau glissèrent dans la ramure pour enfin atteindre le sol.
Toujours agrippée au cou de Ray, Michka ne desserrait pas son étreinte. Elle ne pouvait dissimuler le tremblement qui secouait sa carcasse.
— Je ne crois pas que c'est le lieu pour batifoler, ironisa-t-il. Je te promets de reprendre cette joute plus tard.
L'ironie piqua au vif Michka qui rougit.
— Vil mâle prétentieux ! Peux-tu cependant m'expliquer par quel miracle je suis encore en vie ?
— La puissance de mes anti-grav est calculée pour emporter un agent en cas d'urgence.
Une explosion et une colonne de fumée qui s'élevait au-dessus des arbres traduisaient l'écrasement du module.
— Espérons qu'ils nous croiront morts, dit Michka.
— Je crains qu'ils ne s'empressent de le vérifier.
Viens, il nous faut maintenant rejoindre nos amis à pied. Ils sont dans cette direction.
Ils marchèrent une centaine de mètres puis Ray fit signe à la jeune femme de se dissimuler derrière un gros tronc. Moins de dix secondes plus tard, cinq gardes apparurent. Ils marchaient en file indienne, le fusil à la bretelle, parlant à haute voix.
— L'appareil ne doit plus être loin, on distingue la fumée de l'incendie. Nous ne trouverons qu'un amas de plastique calciné. Pourquoi nous imposer une promenade supplémentaire ?
— Ferme-la, les ordres de Conway sont de rechercher l'origine de l'engin et d'éventuels cadavres, rétorqua celui qui menait la colonne. Maintenant, si tu as envie de discuter, tu iras t'expliquer avec lui mais ne t'étonne pas de voir supprimer ton salaire du mois à moins qu'il ne préfère te cabosser le visage.
La colonne passa à moins d'un mètre de Ray puis disparut dans le sous-bois.
— Suis-moi ! Attention, ne t'approche pas des buissons bruns. Marc m'a prévenu qu'ils étaient très dangereux.
Ils progressèrent pendant dix minutes puis Ray fut contraint de s'immobiliser. Il montra du doigt une silhouette qui marchait lentement devant eux.
— Il y en a d'autres à droite et à gauche qui avancent ainsi en tirailleur. Nous n'allons pas pouvoir passer devant eux sans être repérés.
Michka désigna un buisson.
— Si ce tas de branchages est aussi méchant que tu le dis, il y a une solution. Laisse-moi faire !
Elle pressa le pas, silencieuse, ne faisant craquer aucune brindille en dépit de son poids.
Le garde avançait, un fusil laser à la main, scrutant le terrain devant lui. Soudain, une main énorme se plaqua sur sa bouche, l'empêchant de crier tandis qu'un bras le ceinturait brutalement, lui coupant la respiration. La surprise lui fit lâcher son fusil. Une force immense l'arracha du sol. Un court voyage dans les airs et il atterrit dans un buisson. Aussitôt, des lianes s'enroulèrent autour de lui. La douleur survint, atroce, clamée dans un long hurlement.
Michka avait prestement ramassé le fusil et rejoint Ray. Plusieurs gardes accoururent, contemplant avec horreur leur camarade qui se débattait encore dans les branchages.
— Voilà qui va les occuper un moment, ricana Michka. C'est le moment de nous éclipser.
Ils partirent au pas de course, le bruit de leur avance étant couvert par les exclamations des gardes. Ils arrivèrent enfin près de leurs amis. Ray étreignit Marc tandis que Magda tombait dans les bras de Michka. Les deux femmes s'embrassèrent un long moment.
Les premières effusions passées, Elsa demanda avec un sourire :
— Par quel merveilleux hasard avez-vous pu arriver ici ?
— C'est une longue histoire, éluda Ray. Michka a été très efficace. Il faudrait songer à disparaître rapidement. Les gardes sont nombreux et ils fouillent méthodiquement tout le sous-bois.
— Comment as-tu réussi à franchir leur barrage ?
— Notre amie leur a offert une petite distraction en envoyant l'un d'eux se promener dans une plante Carnivore. Mais pour passer tous les cinq, je pense qu'il faudra employer la manière forte et certainement plusieurs décharges de désintégrateur.
Marc grimaça de contrariété.
— J'aimerais mieux l'éviter. Si Asano apprend que nous sommes aussi fortement armés, il est capable de faire arroser toute la région de projectiles incendiaires ou même nucléaires. Je ne le veux pas pour protéger nos amies les plantes qui ne peuvent pas fuir. Il nous faudrait trouver une cache nous permettant d'attendre la nuit.
Une créature végétale se manifesta psychiquement.
— Je crains que cela ne soit pas possible. La seule anfractuosité de terrain est l'antre du démon qui s'ouvre cinq cents mètres à votre droite. Mais ce serait folie de vouloir y pénétrer.
Marc réfléchit rapidement.
— Je doute que votre démon soit plus féroce que nos adversaires. Guide-nous vers son repaire.
— Ta décision est courageuse. Je sais que tu la prends pour nous épargner. Marche en direction du soleil couchant.
Ayant informé ses compagnons, Marc donna le signal du départ. Dix minutes plus tard, ils parvinrent à une excavation qui semblait s'enfoncer loin dans le sol. Ray sauta le premier. Il se reçut sur le sol deux mètres plus bas.
— Une galerie part en pente douce, dit-il. Vous pouvez venir.
Il leva les bras et aida les trois femmes à descendre. Marc ne tarda pas à les rejoindre.
— Passe devant, dit-il, et donne-nous de la lumière.
Aussitôt, un faisceau lumineux jaillit de la base du cou de l'androïde.
— C'est pratique, ironisa Michka.
— J'ai encore plein d'autres qualités qu'il ne tient qu'à toi de découvrir.
Ils étaient dans un boyau circulaire de plus de deux mètres de diamètre. Il y régnait une atmosphère lourde, chaude et une puissante odeur de moisissure.
Ils avancèrent d'une cinquantaine de mètres. De la voûte pendaient de nombreuses racines. Cent pas plus loin, la galerie se divisait en deux parties d'un diamètre équivalent.
— Droite ou gauche ? demanda Marc.
Ray parut hésiter, tous ses détecteurs en éveil.
— La gauche serait préférable. Je perçois dans l'autre galerie quelque chose que je n'arrive pas à analyser et qui progresse assez vite.
Les Terriens firent une dizaine de pas et se plaquèrent contre le mur de terre. Maintenant, un grondement sourd était perceptible, une sorte de raclement. Deux longues minutes s'écoulèrent. Soudain, ils virent défiler dans la lueur du projecteur une créature monstrueuse. Une gigantesque chenille progressait en ondulant. D'énormes poils noirs couvraient le dos et raclaient la paroi de la galerie provoquant ce bruit inquiétant. La créature s'arrêtait par instants et mangeait une des racines qui pendait de la voûte.
Fermant les yeux, Marc perçut alors l'onde de douleur émise par une entité végétale. La chenille poursuivit sa route, lentement, trop lentement au goût des Terriens. Très pâle, Elsa se serra contre Marc qui posa le bras sur son épaule en un geste protecteur.
chapitre xiv
Les gardes avançaient maintenant à peu de distance les uns des autres. Leur battue se terminait et Conway enrageait de n'avoir rien trouvé. Un appel le fit se retourner.
— Monsieur Conway, il existe là une excavation.
Il courut aussitôt pour examiner l'endroit.
— Les fugitifs ne peuvent que se terrer ici.
Il désigna trois hommes.
— Descendez là-dedans. N'oubliez pas que monsieur Asano veut l'homme vivant. Pour les filles, vous pourrez toujours vous amuser avec elles avant de les ramener à l'hôpital. Elles ne sont pas mal du tout. Pensez à vos camarades qui voudront aussi profiter de l'occasion.
Avec de grands éclats de rire, les hommes sautèrent dans l'excavation. Ils ressortirent quelques minutes plus tard.
— La galerie est profonde, il nous faut des projecteurs.
Jurant et sacrant, Conway harcela les hommes jusqu'à ce qu'un hélijet apporte en urgence deux phares portables. Il les descendit lui-même aux gardes. Les projecteurs allumés, ils avancèrent d'une vingtaine de mètres.
Brusquement un homme cria :
— Là, devant, cette chose...
Une tête, énorme, affreuse, apparaissait dans le faisceau lumineux. Deux gros yeux noirs, brillants. Une bouche circulaire qui s'ouvrait laissant voir une série de dentelures. Avec une rapidité impensable, la tête fut projetée en avant. La gueule saisit le garde le plus avancé. Comme dans un affreux cauchemar, les hommes virent un instant les jambes s'agiter à l'extérieur puis disparaître dans l'énorme cavité buccale.
Le mets sembla plaire à la chenille car elle avança vivement et saisit un deuxième garde que la stupeur avait paralysé. Le corps disparut dans son gosier avec la même facilité que précédemment. Le troisième laissa tomber son fusil et le projecteur pour courir plus vite vers la sortie. Il bouscula Conway en hurlant :
— Un... Un monstre !
Il sauta pour atteindre la main secourable que lui tendait un camarade. Prudent, Conway l'imita. A l'instant où il essayait d'obtenir des explications du garde, la tête de la chenille apparut. Après un moment de surprise, il cria :
— Tirez ! Tirez, vous autres !
Plusieurs rayons laser frappèrent la bête qui se lança de nouveau en avant, happant l'homme le plus avancé. Cette fois, le tir reprit, plus intense et surtout plus précis. De larges entailles apparurent au niveau de la tête et du cou, laissant sourdre un liquide verdâtre et visqueux. La chenille continuait cependant à progresser, obligeant les gardes à reculer. L'un trébucha et ce fut sa perte. Avant qu'il ait pu se redresser, la tête monstrueuse était au-dessus de lui. Une odeur pestilentielle, un orifice béant, une douleur atroce, le noir, le néant.
Maintenant, les hommes tiraient sans discontinuer. Les nombreux rayons déchiquetèrent la chenille dont les fragments étaient encore animés de mouvements ondulatoires.
Livides, tremblants, plusieurs gardes se laissèrent tomber à terre. Le survivant des trois gardes descendus dans l'excavation ricana :
— Si vos fugitifs ont tenté de se cacher dans cet antre, il est inutile de continuer à chercher. Ils se trouvent dans ce qui sert d'estomac à cette bestiole.
— C'est possible, soupira Conway, mais j'aurais
préféré une certitude. J'informe le patron.
*
* *
Asano, le regard noir, fixait la fille tremblante qui se tenait devant lui.
— Ta négligence et ton abandon de poste sont responsables de bien des ennuis qui viennent de survenir. Si tu avais donné l'alerte immédiatement, les fuyards auraient été rapidement repris et je n'aurais pas à déplorer la perte de plusieurs hommes. Koura va t'infliger le châtiment que tu as mérité.
Le colosse toujours posté derrière son patron, s'anima soudain. En un bond, il fut sur la fille trop terrorisée pour esquisser un geste. Il la poussa contre la table, collant le torse sur le plateau où il la maintint de la main gauche tandis que la droite retroussait la robe. Le minuscule slip fut arraché, dévoilant un postérieur blanc et rebondi. Aussitôt, un claquement sonore retentit, vite suivi de plusieurs autres. L'épi- derme ne tarda pas à devenir vermillon puis écarlate. La correction se poursuivit longuement en dépit des sanglots de plus en plus déchirants de Gina.
Enfin, le colosse cessa de frapper. La fille resta immobile car la main pesait toujours sur son dos. Asano que le spectacle avait amusé, reprit :
— Ce n'était que la première partie. Maintenant Koura va te montrer de quoi il est capable. Cela te plaira certainement puisque tu aimes te faire trousser dans les toilettes.
Le colosse avait déboutonné son pantalon. Il saisit Gina par les hanches après l'avoir obligée à écarter les jambes. Un cri prouva qu'il avait triomphé du dernier obstacle.
— Non ! Arrêtez, vous êtes trop gros. J'ai mal !
Insensible aux plaintes de sa victime, Koura poursuivait son puissant mouvement de va-et-vient qui semblait interminable à sa victime. Il resserra son étreinte quand sa sensualité déborda en flots pressés.
Quand il la lâcha, Gina glissa lentement sur le sol.
— File mais si tu commets encore une faute, Koura ne sera plus aussi doux.
Elle se releva avec peine, le visage barbouillé de larmes. Une douleur sourde irradiait dans son ventre et la peau de ses fesses la brûlait terriblement. Marchant à petits pas, les jambes écartées, elle sortit du bureau.
Asano éclata de rire. La scène lui avait rappelé sa jeunesse, quand, petit proxénète, il dressait les filles qui refusaient de lui obéir. C'était loin maintenant et il avait su gravir les échelons de l'organisation pour enfin arriver à sa tête. Il devait reconnaître que la disparition du grand patron et de son fils qu'il avait désigné pour lui succéder, l'avait bien aidé, d'autant que nombre de chefs de district qui auraient pu prétendre le remplacer avaient trouvé la mort ou avaient été emprisonnés. Toutefois, il lui avait fallu travailler durement pour reconstruire les réseaux et assurer son autorité. Cela n'avait pas été sans luttes sanglantes car beaucoup de petits malfrats espéraient travailler pour leur propre compte et non pour une organisation qui prélevait une part importante des bénéfices. Conway avait alors pu montrer toutes les faces de son talent.
L'entrée de Vincent, la mine préoccupée, le fit se retourner. Il tenait à la main un communicateur radio.
— Stone est-il enfin prisonnier ?
— Il semble qu'il est mort. Je voudrais que vous entendiez directement le rapport de Conway.
Ce dernier parla lentement, la voix encore enrouée par la peur ressentie. Lorsqu'il fit mention d'un appareil qui les avait survolés, Asano questionna :
— Un hélijet ?
— Cela ressemblait plutôt à un module de liaison comme en utilisent les astronefs. Quoi qu'il en soit, les gars ont eu la présence d'esprit de le descendre. J'ai envoyé une équipe examiner l'épave. Elle avait totalement brûlé et aucun indice sur son origine n'a pu être trouvé. Il n'y avait aucun survivant.
— Des squelettes calcinés ?
— Rien ne m'a été signalé.
Il narra ensuite ses démêlés avec la chenille géante qui avait dévoré trois de ses hommes.
— Rien ne prouve que ta bestiole ait aussi boulotté nos fugitifs, grogna Asano.
— Où pourraient-ils être ? Nous avons ratissé toute la zone sans trouver la moindre trace.
Peu convaincu, Asano hésita mais Conway se fit pressant.
— Pouvons-nous rentrer ? La nuit ne va pas tarder et les hommes sont épuisés.
— Rappelez-leur que je les paie pour effectuer parfois un travail et pas seulement pour se goberger et roupiller.
Après un instant de réflexion, il soupira :
— Vincent va vous envoyer des hélijets pour vous ramener.
Il interrompit sèchement la communication. Il resta plusieurs minutes, les sourcils froncés et les yeux perdus dans le vague. Il s'ébroua soudain.
— Vincent, qu'a répondu la Guilde des pirates ?
— Elle nous envoie deux astronefs solidement armés.
— Quand doivent-ils arriver ?
— Dans quelques heures. Dès qu'ils auront émergé dans ce système, ils appelleront pour prendre vos consignes.
— Qu'ils fouillent l'espace à la recherche d'un astronef qui se dissimule quelque part, hors du champ de notre radar.
— Ce n'est guère possible.
Asano poussa un soupir excédé.
— Un module cherchait Stone. Il ne provient pas de notre astroport qui l'aurait signalé. Donc il a été éjecté d'un astronef qui constitue un danger pour nous. Il faut le trouver et le détruire.
— C'est noté, monsieur.
— As-tu des nouvelles récentes de la Terre ?
— La police locale enquête toujours sur les meurtres de Milligan et de Wood mais elle ne paraît pas avoir progressé.
— Et la Sécurité Galactique ?
— C'est le black-out complet. Officiellement tout au moins, elle ne s'intéresse pas à l'affaire, pas plus qu'à la disparition de mademoiselle Swenson. Mon
correspondant doit me rappeler ce soir.
*
* *
— Tes ennemis viennent de partir dans leur machine volante, émit la créature végétale. Il serait prudent de quitter au plus vite l'antre du démon.
— Ton diable n'était qu'une gigantesque chenille qui avait élu domicile sous votre bosquet et grignotait vos racines. Elle a également dévoré plusieurs hommes avant d'être tuée. Vous serez tranquilles pendant un moment.
— Voilà une excellente nouvelle, ami.
Les Terriens éprouvèrent quelques difficultés pour sortir de la galerie car une partie du cadavre du monstre occupait l'excavation donnant accès à l'air libre. Pour se frayer un chemin, Ray dut utiliser son désintégrateur à très faible puissance.
La nuit était tombée quand le groupe émergea enfin à l'air libre. Elsa respira avec plaisir l'air parfumé de la forêt.
— Je n'arrive pas à débarrasser mon nez de la puanteur de cet animal.
Les Terriens s'assirent au pied d'un gros chêne. Ray tira d'une cavité dissimulée dans sa cuisse droite une boîte de tablettes nutritives.
— Je n'ai rien de mieux à vous offrir. Si nous devons rester longtemps dans cette forêt, il faudra nous organiser.
— Pour l'instant, dit Marc, j'aimerais savoir comment tu as réussi à venir ici en si peu de temps.
— C'est en grande partie grâce à Michka qui cherchait son amie. En fait, les deux premiers petits malfrats sont venus nous trouver à domicile. Ensuite nous n'avons eu qu'à remonter la filière.
Sans fard, il narra leur enquête aussi sanglante que musclée. Marc poussa un énorme soupir.
— Espérons que la Sécurité Galactique ne fera pas le rapprochement avec notre précédente aventure. Je ne sais si Neuman acceptera, cette fois, de fermer les yeux.
— Je lui ai donné de belles informations que ses services ne possédaient pas. Il devrait nous en être reconnaissant.
— Tu oublies que l'ingratitude est l'apanage des grands chefs.
— De plus, j'ai laissé une piste bien visible et ses services ne devraient pas tarder à s'intéresser de près à Santa.
Elsa se manifesta avec un brin d'ironie.
— Avant de songer à vous expliquer avec les autorités officielles, il faudrait d'abord regagner le monde civilisé. Quelle solution proposez-vous ?
Le visage de Ray exprima une perplexité très humaine.
— Le Mercure ne possède plus qu'un petit module de secours. Pour le faire venir en télécommande, il devra voler à une altitude moyenne, ce qui le fera repérer par le radar de l'astroport.
— C'est certain, approuva Marc. Il nous faut attendre que la surveillance se relâche. Malheureusement cela peut demander plusieurs jours, sinon des semaines.
— Devrons-nous rester ici tout ce temps ? s'inquiéta Magda.
— Ce ne serait guère prudent. Asano nous croit mort mais je parie qu'il doute encore. Il est probable qu'il renverra ses séides patrouiller dans la région à la recherche d'indices. Il serait prudent de nous éloigner.
— Pour aller où ?
— Intéressante question à laquelle je ne peux répondre pour l'instant. Je vais demander des renseignements à mes amies.
Marc ferma les yeux pour contacter les créatures végétales. Plusieurs minutes s'écoulèrent en silence.
— Il est difficile de te conseiller, puisque nous ne nous déplaçons pas. Toutefois, nous sommes en contact avec des congénères qui poussent assez loin vers l'ouest. Eux pourront peut-être te donner un avis autorisé. Nous les préviendrons de votre venue.
— Merci !
Après s'être redressé, Marc annonça :
— Ce soir, nous dormirons ici mais il nous faudra nous mettre en marche avant l'aube.
Ils s'installèrent pour la nuit. Magda et Michka se serrèrent l'une contre l'autre avec une évidente satisfaction. Toutefois, cette dernière rougit en voyant le regard ironique de l'androïde.
Elsa se blottit dans les bras de Marc en murmurant : — Si jamais nous revoyons la Terre, je promets de passer une semaine entière dans un lit confortable.
Ils s'endormirent, libérés de toute crainte, sachant que Ray veillait sur eux.