CHAPITRE XI
Découvertes intéressantes et plan d’action
PAR la fenêtre ouverte, il n’entrait plus ni cris ni lueurs étranges. La nuit était redevenue paisible et silencieuse.
Les quatre enfants s’assirent dans un angle de la pièce, plein d’ombre. Annie, serrée tout contre François, était vraiment effrayée.
« Je veux retourner à la maison, murmurait-elle. Dis, François, on rentrera dès demain, n’est-ce pas ? » François passa son bras autour des épaules de sa sœur sans lui répondre. Il aurait voulu expliquer aux autres ce qu’il avait vu et ne trouvait pas de mots pour s’exprimer.
En fait, il n’avait strictement rien vu. Se guidant sur les plaintes qu’il entendait, il était arrivé à hauteur des trois chênes rabougris, tout près, semblait-il, de l’endroit d’où elles provenaient.
« C’était comme des voix humaines, précisa François, et pourtant je ne voyais personne. Dago aboyait, courait en tous sens, avait l’air apeuré, mais ne découvrait rien. Et c’est à ce moment que les voix se sont tues. Toutes ensemble. D’un seul coup.
— Et les lumières ? questionna Mick.
— Les lumières ? Elles sont tout aussi inexplicables que les voix, répondit François, de plus en plus embarrassé. Tout d’abord, j’avais cru qu’elles brillaient à hauteur d’homme. Mais ce n’était pas vrai. En m’en approchant, j’ai vu qu’elles flottaient, quelque part assez haut dans l’air, à quatre ou cinq mètres peut-être. C’est difficile à évaluer. Elles se sont éteintes en même temps que les voix se sont tues, au moment où j’arrivais assez près pour voir d’où elles provenaient.
« Tout cela n’a pu se faire tout seul, conclut François, et pourtant s’il y avait eu quelqu’un, Dago l’aurait vu, que diable !
— Ouah ! » approuva tristement le chien, ce qui voulait dire : « Je n’aime pas du tout ce genre d’expédition », et sa queue frappa trois fois le sol en guise de confirmation.
« Si ces bruits et ces lumières se produisent tout seuls, sans que personne s’en mêle, dit Annie, c’est encore pire. Retournons à la maison, François. Dès demain.
— Si tu veux, répondit enfin François. Cette affaire me paraît par trop incompréhensible. Je suis prêt à abandonner. Mais je ne le ferai pas avant d’avoir vérifié le terrain ! J’ai une idée en tête…
— Quelle idée ? s’exclama Mick.
— Eh bien, suppose que notre présence ici soit réellement une gêne pour celui ou ceux qui soulèvent les dalles, que feront-ils ? Ils chercheront à nous faire partir. Le meilleur moyen ne serait-il pas de nous faire peur ? Une petite mise en scène comme celle que nous venons d’admirer pourrait fort bien n’avoir pas d’autre but.
— L’idée est bonne, mais… comment se fait-il alors que Dago n’ait débusqué personne ?
— Nous le comprendrons peut-être en inspectant le terrain.
— Et si tu ne trouves rien ni personne, nous rentrerons demain ? répéta Annie.
— Oui ! je te le promets, petite sœur. Et, de toute façon, je ne t’obligerai pas à passer une nuit de plus ici, contre ton désir. »
Peu après, rien d’anormal ne s’étant produit, les enfants se recouchèrent et parvinrent, non sans peine, à se rendormir. Le reste de la nuit s’écoula sans alerte, et le soleil était déjà haut dans le ciel quand François, le premier, s’éveilla. La vue du plafond bas le surprit. Où était-il ? En Espagne ? Non ! Il était revenu à Kernach, et ce plafond était celui de la chaumière en ruine.
Il réveilla Michel qui reprit très vite ses esprits.
« Tu te rappelles cette peur que nous avons eue cette nuit ? murmura-t-il avec un sourire ironique. Maintenant qu’il fait grand jour et que le soleil brille, je ne comprends pas que nous ayons pu être aussi affolés.
— Plus j’y pense, répondit François, plus je suis certain que quelqu’un cherche à nous faire peur. Il y a réussi – il faut le reconnaître – pendant quelques minutes. Mais cela ne prendra plus ! J’ai bien envie de reconduire les filles à la maison, et de revenir ici avec toi.
— Annie ne demandera pas mieux, mais Claude s’y refusera. Tu la connais. Elle met un point d’honneur à faire tout ce que font les garçons ! À mon avis, il ne faut rien décider avant d’être allés sur place. Je suis sûr que nous trouverons une piste. Je ne crois pas aux fantômes, moi !
— Alors, réveillons les filles et mettons-nous en chasse ! Hep ! Claude ! Annie ! Espèce de marmottes ! Allez-vous enfin nous apporter notre café au lait ? À quoi est-ce bon, les filles, si elles ne servent même pas les garçons ! »
Claude se redressa, les yeux brillants de colère, comme l’avait souhaité François.
« Tu peux bien te faire ton caf… », commença-t-elle. Puis elle remarqua la mine goguenarde de son cousin et éclata de rire.
« Tu commences déjà à me faire enrager ?
— Je cherchais seulement à te mettre en bonne forme pour la journée, lui dit-il. Rien de plus. Maintenant, viens vite. Nous allons nous baigner dans l’étang ! »
Tous partirent en courant allègrement. Dago bondissait en balançant sa queue comme une invite à une compétition dont il était certain de sortir vainqueur. Le soleil brillait avec un éclat plus réconfortant que jamais. Dans les buissons, les oiseaux chantaient à tue-tête. Les terreurs nocturnes étaient bien oubliées !
En arrivant près de l’étang, Claude s’aperçut qu’un baigneur les y avait devancés.
« C’est Guy ! » s’écria-t-elle, puis en riant elle ajouta : « Si toutefois il veut bien, ce matin, se laisser appeler Guy ! Quel dommage qu’il soit là !
— Oh ! tant pis ! Nous ferons comme s’il n’existait pas ! » Et Michel, tournant le dos au baigneur, se mit à délasser ses espadrilles.
« Venez vite ! L’eau est délicieuse ! » cria une voix lointaine. C’était Guy. Il les avait entendus venir et agitait le bras pour les appeler. Son visage était tout sourire.
« Nous venons ! » riposta Claude, caressant Radar venu, en guise de bonjour, frotter contre ses jambes son poil mouillé. « Vous appelez-vous Guy ce matin, ou non ?
— Bien sûr, que je m’appelle Guy ! Ne dites pas de sottises et venez jouer. Vous arrivez bien, je m’ennuyais tout seul. »
Guy nageait comme une anguille. Il déploya ses talents pour la plus grande joie de tous.
Il nageait sous l’eau, attrapait une ou deux jambes au passage, éclaboussait tout le monde, filait comme un poisson volant et s’engloutissait sous les profondeurs lorsqu’on croyait le saisir en surface.
Quand le jeu prit fin, les baigneurs, essoufflés, s’allongèrent sur la berge pour se sécher au soleil.
« Dis donc, Guy, questionna François. N’as-tu rien vu d’extraordinaire cette nuit ? Ni rien entendu ?