27

Durant l’été 1939, je travaillai comme une forcenée – réceptions, spectacles de danse, rendez-vous avec le général. Le matin, j’avais du mal à me lever, j’avais l’impression d’être un seau rempli de clous. Cela dit, j’arrivais à oublier ma fatigue vers le milieu de l’après-midi. Je me demandais souvent combien me rapportaient tous ces efforts, tout en pensant qu’on ne me le dirait pas. Puis un après-midi, Mère me fit venir dans sa chambre. Elle m’annonça que j’avais gagné plus qu’Hatsumomo et Pumpkin réunies, ces derniers six mois. J’en restai bouche bée.

— Le moment est venu d’échanger vos chambres, déclara-t-elle.

Cette nouvelle ne me réjouit pas autant que vous pourriez l’imaginer. Ces dernières années, Hatsumomo et moi avions cohabité en nous évitant. Cependant, je m’attendais à voir le tigre se réveiller à tout moment. Hatsumomo ne penserait pas qu’elle échangeait sa chambre contre la mienne, mais qu’on lui prenait sa chambre.

Je vis Mameha ce soir-là. Je lui fis part de la décision de Mère. Et de mes craintes : Hatsumomo n’allait-elle pas s’attaquer à nouveau à moi ?

— Ce serait bien, dit Mameha. Il faut que ça saigne, pour que cette femme s’avoue vaincue. Donnons-lui l’occasion de s’infliger une dernière blessure.

Le lendemain matin, très tôt, Tatie vint à l’étage exposer les modalités du déménagement. Elle m’emmena dans la chambre d’Hatsumomo et m’informa que le coin, au fond, à gauche, serait désormais le mien. Puis elle fit venir Pumpkin et Hatsumomo dans ma petite chambre et leur montra quel espace occuper. Nous nous installerions dans nos nouvelles chambres quand nous aurions déménagé toutes nos affaires.

Je m’attelai à la tâche dès le début de l’après-midi, transportant mes affaires dans le couloir, d’une chambre à l’autre. J’aimerais pouvoir dire que j’avais amassé une collection d’objets d’art, comme Mameha à mon âge. Hélas, les temps étaient durs. Le gouvernement militaire avait interdit la vente des cosmétiques, les jugeant superflus. Mais nous disposions toujours de produits de luxe, à Gion – nous étions les jouets délicats d’hommes puissants. Cependant, les cadeaux somptueux n’étaient pas d’actualité. Aussi n’avais-je récolté, au fil des années, que quelques rouleaux, des pierres à encrer, des bols en céramique, une collection de clichés stéréoscopiques de vues célèbres, et un joli stéréoscope en argent, que m’avait donnés l’acteur de Kabuki Onoe Yoegoro XVII. Je déménageai toutes ces choses – avec mon maquillage, mes sous-vêtements, mes livres et mes magazines – dans le coin qui m’était imparti. Le lendemain soir, Hatsumomo et Pumpkin n’avaient toujours pas commencé à déménager leurs affaires. Le troisième jour, en rentrant de mes cours, je décidai de demander l’aide de Tatie si les onguents et autres flacons appartenant à Hatsumomo encombraient toujours la table de maquillage.

Quand j’arrivai en haut de l’escalier, je fus surprise de voir la porte de nos deux chambres – la mienne et celle d’Hatsumomo – grandes ouvertes. Sur le plancher du couloir, un pot de crème blanche, cassé. Quelque chose clochait. Je vis quoi en entrant dans ma chambre. Hatsumomo était assise à ma petite table, en train de lire un cahier dans lequel je notais mes pensées.

Les geishas font un vœu de discrétion tacite – elles ne parlent jamais des hommes qu’elles fréquentent. Aussi serez-vous surpris si je vous dis qu’un après-midi, à l’époque où j’étais encore apprentie, j’entrai dans une boutique et m’achetai un joli cahier pour commencer mon journal. Je ne consignai pas ces choses qu’une geisha n’est pas censée révéler. Je notai seulement mes sentiments et mes pensées. Lorsque je parlais d’un homme, je lui donnais un nom de code. Nobu s’appelait « M. Tsu », dans mon journal : il lui arrivait d’exprimer son mépris en faisant « tsu ». Quant au président, je l’avais baptisé « M. Haa ». Un jour, il avait poussé un soupir d’aise et fait « haa ». J’avais imaginé qu’il se réveillait dans mes bras et disait « haa ». Aussi cette exclamation fit-elle grande impression sur moi. Cela dit, je n’avais jamais pensé qu’on lirait ce que j’avais écrit.

— Sayuri, je suis bien contente de te voir ! lança Hatsumomo. J’étais impatiente de te dire à quel point j’appréciais ton journal. Certains passages sont « très » intéressants. Tu as un style touchant. Ta calligraphie est assez médiocre, mais…

— Avez-vous lu ce que j’ai écrit sur la première page ?

— Je ne crois pas. Voyons… « Confidentiel ». Tiens, voilà un exemple qui illustre bien ce que je disais à propos de ta calligraphie.

— Hatsumomo, veuillez reposer ce cahier sur la table et sortir de ma chambre, s’il vous plaît.

— Enfin, Sayuri ! Je voulais seulement t’aider ! Pourquoi appeler Nobu Toshikazu « M. Tsu », par exemple ? Ça ne lui va pas du tout ! Tu aurais dû l’appeler « M. Cloques », ou « M. Manchot ». Tu peux changer, si tu veux, sans préciser que c’est moi qui en ai eu l’idée.

— Je ne vois pas ce que vous voulez dire, Hatsumomo. Je n’ai rien écrit sur Nobu.

Hatsumomo poussa un soupir, comme pour signifier que j’étais une piètre menteuse. Elle se mit à feuilleter mon journal.

— Si tu ne parlais pas de Nobu, alors dis-moi à qui tu faisais allusion, déclara-t-elle. Voyons… Ah, voilà : « Lorsqu’une geisha le dévisage, M. Tsu rougit de colère. Moi, je peux le regarder aussi longtemps que je veux : il adore ça. Son aspect physique, et le fait qu’il soit manchot ne me rebutent pas. » Tu connais un sosie de Nobu, sans doute. Tu devrais les présenter ! Pense à tout ce qu’ils auraient à se dire !

J’étais écœurée. C’est une chose de voir ses secrets dévoilés, mais de voir sa propre sottise ainsi révélée… Si je maudissais quelqu’un, c’était moi, pour avoir gardé ce journal, et pour l’avoir rangé dans un endroit où Hatsumomo pourrait le trouver ! Un commerçant qui laisse ses marchandises dehors peut difficilement en vouloir à l’orage de les avoir abîmées.

J’allai jusqu’à la table, pour prendre mon journal des mains d’Hatsumomo, mais elle le serra contre sa poitrine et se leva. De l’autre main, elle prit le verre qu’elle buvait. Étant près d’elle, je reconnus l’odeur du saké. Elle était ivre.

— Tu veux récupérer ton journal, et je vais te le rendre, Sayuri, dit-elle, en se dirigeant vers la porte. Le problème, c’est que je n’ai pas fini de le lire. Aussi vais-je l’emporter dans ma chambre. À moins que tu ne préfères que je le donne à Mère. Je suis certaine qu’elle appréciera les passages qui lui sont consacrés !

J’ai dit qu’un pot de crème gisait sur le plancher en mille morceaux. Quand Hatsumomo cassait quelque chose, elle ne prenait même pas la peine d’appeler les servantes. Cela dit, en sortant de ma chambre, elle eut ce qu’elle méritait. Sans doute avait-elle oublié le pot cassé – elle était très éméchée. Elle marcha sur le verre brisé, poussa un cri. Elle regarda son pied, émit un bruit haletant, mais continua son chemin.

Je paniquai, lorsqu’elle rentra dans sa chambre. J’envisageai d’aller lui arracher le journal des mains. Puis je me souvins de cette prise de conscience de Mameha, pendant le tournoi de sumo. Se précipiter sur son adversaire était la chose la moins subtile à faire. Mieux valait attendre qu’Hatsumomo se détende. Qu’elle pense avoir gagné. Je lui prendrais alors le journal au moment où elle s’y attendrait le moins. Cela me sembla être une bonne idée. Puis je me dis qu’elle pouvait le cacher.

J’allai derrière sa porte et chuchotai :

— Hatsumomo-san, excusez-moi de m’être emportée. Puis-je entrer ?

— Non.

J’ouvris néanmoins la porte. La pièce était dans un désordre inouï. Hatsumomo avait posé des choses partout, dans l’idée de déménager. Le journal était sur la table. Hatsumomo pressait une serviette sur son pied. Comment allais-je détourner son attention ? Je n’en avais pas la moindre idée, mais je n’allais certainement pas sortir de cette pièce sans mon journal.

Hatsumomo se conduisait comme un rat, mais elle n’était pas sotte. Si elle n’avait pas bu, je n’aurais même pas essayé de la jouer. Mais vu son état d’ébriété avancé… Je parcourus le plancher du regard : des piles de vêtements voisinaient avec des flacons de parfum et d’autres choses éparpillées par terre. La porte du placard était ouverte. À l’intérieur, le coffret où elle rangeait ses bijoux. Lesquels gisaient sur le tatami, comme si elle les avait essayés, puis abandonnés là. Un objet attira mon attention aussi clairement qu’une étoile solitaire dans un ciel noir.

C’était une broche pour obi en émeraude, celle qu’Hatsumomo m’avait accusée d’avoir volée le soir où je l’avais surprise avec son amant, des années plus tôt. Je n’avais jamais pensé la retrouver. J’allai jusqu’au placard, je me baissai et ramassai le bijou.

— Quelle bonne idée ! Vole-moi donc un bijou ! s’exclama Hatsumomo. Tu me le rembourseras en liquide. Ça m’arrange, en fait.

— Je suis ravie que vous n’y voyiez pas d’inconvénient ! répliquai-je. Mais combien devrais-je payer ce bijou-là ?

Je m’approchai d’elle et lui mis la broche sous le nez. Son sourire radieux s’envola. Elle était sous le choc. Je tendis la main et récupérai mon journal, sur la table.

Je ne savais pas comment Hatsumomo allait réagir. Je sortis, refermai la porte derrière moi. Je pensai montrer à Mère ce que j’avais trouvé, mais je ne pouvais aller la voir avec ce journal. J’ouvris la porte du placard où l’on rangeait les kimonos de la saison. Je glissai le journal entre deux habits enveloppés de papier de soie. La chose avait duré trois secondes, mais à tout instant, je m’étais attendue à ce qu’Hatsumomo ouvre la porte de sa chambre et me voie. Après avoir refermé la porte du placard, je me précipitai dans ma chambre. J’ouvris et fermai les tiroirs de ma table de maquillage à grand bruit, qu’Hatsumomo croie que j’avais caché le journal dans le meuble.

Je ressortis dans le couloir. Elle se tenait dans l’embrasure de sa porte. Un sourire dansait sur ses lèvres, comme si elle s’amusait de la situation.

Je m’efforçai de paraître préocccupée – ce qui n’était pas très difficile. J’allai dans la chambre de Mère, posai la broche devant elle, sur la table. Elle poussa le magazine qu’elle était en train de lire, leva la broche dans la lumière, l’admira.

— C’est une belle pièce, dit-elle. Mais on n’en tirera pas grand-chose au marché noir. Ce genre de bijou ne se vend pas très cher.

— Je suis sûre qu’Hatsumomo va le payer un bon prix, Mère, déclarai-je. Vous vous souvenez de cette broche que je suis censée lui avoir volée, il y a des années ? Celle que l’on a ajoutée à ma dette ? Eh bien c’est celle-là. Je viens de la trouver par terre, dans le placard d’Hatsumomo, à côté de son coffret à bijoux.

— Vous savez, Mère, intervint Hatsumomo, qui m’avait rejointe dans la chambre et se tenait derrière moi, je crois que Sayuri a raison. C’est la broche que j’ai perdue ! Ou du moins, ça y ressemble. Je ne pensais pas la revoir !

— Oui, c’est très difficile de retrouver ses affaires quand on est soûle du matin au soir, dis-je. Vous devriez mieux regarder dans votre coffret à bijoux.

Mère posa la broche sur la table et continua de toiser Hatsumomo d’un air sévère.

— Je l’ai trouvée dans sa chambre, Mère, reprit mon ennemie. Elle l’avait cachée dans le tiroir de sa table de maquillage.

— Pourquoi fouillais-tu dans son tiroir ? s’enquit Mère.

— Je ne voulais pas vous le dire, Mère, mais Sayuri avait laissé traîner un cahier sur sa table, et j’essayais de le cacher, pour lui rendre service. J’aurais dû vous l’apporter tout de suite, je sais, mais… Elle tient un journal, vous savez. Elle me l’a montré l’année dernière. Elle a écrit des choses incriminantes sur plusieurs hommes. Et puis il y a des passages sur vous, Mère.

Je pensai nier la chose, mais tout cela n’avait plus d’importance. Hatsumomo était en mauvaise posture, et quoiqu’elle pût dire n’y changerait rien. Dix ans plus tôt, quand c’était elle qui rapportait le plus d’argent à l’okiya, elle aurait sans doute pu m’accuser de n’importe quoi – d’avoir mangé les tatamis de sa chambre, par exemple. Mère eût ajouté à ma dette le coût de tatamis neufs. Heureusement, les choses avaient changé : la brillante carrière d’Hatsumomo touchait à sa fin ; la mienne ne faisait que commencer. J’étais la fille de l’okiya et sa principale geisha. À mon avis, Mère ne se souciait même pas de savoir qui disait la vérité.

— Ce journal n’existe pas, Mère, déclarai-je. Hatsumomo a tout inventé.

— Ah oui ? rétorqua Hatsumomo. Je vais aller le chercher, alors, et pendant que Mère le lira, tu pourras toujours prétendre que j’ai tout inventé !

Hatsumomo se dirigea vers ma chambre, Mère sur ses talons. Le plancher du couloir était dans un triste état. Non seulement Hatsumomo avait cassé un pot de crème et marché dessus, mais elle avait laissé des traînées de crème et de sang dans le couloir, à l’étage – et sur les tatamis de sa chambre, de la chambre de Mère et de la mienne. Elle était agenouillée devant ma table de maquillage, quand j’entrai. Elle refermait lentement les tiroirs, l’air déconfit.

— Qu’est-ce que c’est que ce journal dont elle parle ? me demanda Mère.

— Si ce journal existe, Hatsumomo va le trouver, ironisai-je.

Mon ennemie posa ses mains sur ses genoux et eut un petit rire, comme si tout cela n’avait été qu’un jeu, et qu’elle avait trouvé son maître.

— Hatsumomo, lui dit Mère, tu rembourseras à Sayuri la broche que tu l’as accusée d’avoir volée. Et puis je ne veux pas voir de tatamis ensanglantés dans cette okiya. Nous les remplacerons, à tes frais. Cette journée t’aura coûté cher, et il est à peine midi. Dois-je attendre avant de faire le total, au cas où tu n’aurais pas fini ?

Je ne sais pas si Hatsumomo entendit Mère. Elle était trop occupée à me fixer d’un regard méchant. D’une méchanceté inusitée.

 

*

*    *

 

Si l’on m’avait demandé, à l’époque, à quel moment le rapport de force s’inversa, dans mes relations avec Hatsumomo, j’aurais répondu : après mon mizuage. Cette étape dans ma vie me mit hors de portée de mon ennemie. Cela dit, nous aurions très bien pu cohabiter jusqu’à un âge avancé, s’il ne s’était produit aucun autre événement notable. Voilà pourquoi la chute d’Hatsumomo – je l’ai compris par la suite – date du jour où elle a lu mon journal et où j’ai retrouvé la broche d’émeraude qu’elle m’avait accusée d’avoir volée.

Pour illustrer mon propos, voici une anecdote que l’amiral Yamamoto Isoroku nous conta un soir, à l’Ichiriki. Je ne dirai pas que j’étais une intime de l’amiral Yamamoto – considéré comme le père de la marine impériale japonaise – mais j’ai eu le privilège de me trouver à plusieurs reprises dans la même fête que lui. C’était un petit homme, mais pensez à la taille d’un bâton de dynamite… Les fêtes s’animaient toujours, après son arrivée. Ce soir-là, il jouait à qui boira le plus avec un autre homme. Le jeu touchait à sa fin. Le gage du perdant : acheter un préservatif à la pharmacie la plus proche, parce que c’est embarrassant. L’amiral gagna. L’assemblée le congratula avec force cris et applaudissements.

— Heureusement que vous avez gagné, amiral, dit l’un de ses subordonnés. Pensez au pauvre pharmacien qui se retrouverait avec l’amiral Yamamoto en face de lui !

Les invités trouvèrent cela très drôle. L’amiral déclara qu’il n’avait jamais douté gagner.

— Oh, allons ! intervint l’une des geishas. Tout le monde perd, de temps à autre ! Même vous, amiral !

— C’est sans doute vrai pour les autres, mais pas pour moi, répliqua l’amiral.

Certaines personnes durent le trouver arrogant. Moi pas. L’amiral était de ces hommes habitués à gagner. Une geisha lui demanda quel était son secret – Je ne cherche jamais à vaincre mon adversaire, mais à saper sa confiance, expliqua-t-il. Un esprit envahi par le doute ne peut se concentrer sur le meilleur moyen de gagner. Deux hommes sont égaux tant qu’ils ont la même confiance en eux-mêmes.

À l’époque, je n’eus pas une claire conscience de la chose, mais après qu’Hatsumomo et moi nous fûmes querellées à propos de mon journal, son esprit – comme l’aurait dit l’amiral – fut envahi par le doute. Elle comprit que Mère ne prendrait plus jamais son parti contre moi. Tel un kimono oublié dehors, elle n’allait pas résister aux intempéries.

Si j’avais rapporté cela à Mameha, sans doute se serait-elle érigée contre ce point de vue. Sa vision d’Hatsumomo différait de la mienne. Selon elle, Hatsumomo était une femme autodestructrice. Il nous suffirait de la manipuler pour l’amener à sa perte. Peut-être Mameha avait-elle raison. Je ne sais. Toutefois, durant les années qui suivirent mon mizuage, Hatsumomo devint de plus en plus caractérielle. Elle se mit à boire, elle ne maîtrisa plus ses pulsions cruelles. Jusqu’à ce que sa vie commence à se déliter, elle avait toujours usé de cruauté dans un but précis, tel le samouraï tire son épée – non pour donner des coups au hasard, mais pour frapper ses ennemis. À ce stade de sa vie, Hatsumomo sembla ne plus savoir qui étaient ses ennemis. Il lui arrivait de blesser Pumpkin, de faire des remarques insultantes sur les hommes qu’elle divertissait, dans des soirées. Autre chose : elle n’était plus aussi belle qu’avant. Sa peau avait un aspect cireux, son visage devenait bouffi. Ou peut-être la voyais-je ainsi. Lorsqu’un bel arbre est infesté par des insectes, son tronc perd de sa magnificence.

 

*

*    *

 

Le tigre blessé est un animal dangereux. Aussi Mameha prit-elle une décision : nous allions suivre Hatsumomo le soir, pendant plusieurs semaines. Ma grande sœur voulait garder l’œil sur elle : Hatsumomo pouvait aller voir Nobu, lui faire part de mes remarques à son sujet et de mes sentiments cachés pour « M. Haa » – Nobu saurait immédiatement qu’il s’agissait du président. Cela dit, Mameha voulait aussi rendre la vie impossible à mon ennemie.

— Quand on veut casser une planche, fit observer Mameha, la faire craquer en son milieu ne suffit pas. Il faut sauter dessus jusqu’à ce qu’elle cède et se casse en deux.

Aussi Mameha venait-elle à notre okiya au crépuscule – sauf lorsqu’elle avait un engagement impératif – et attendait-elle qu’Hatsumomo sorte pour la suivre. Mameha et moi ne pouvions toujours effectuer cette filature ensemble, mais l’une d’entre nous au moins s’arrangeait pour suivre Hatsumomo de fête en fête, pendant une partie de la soirée. Le premier soir, Hatsumomo feignit de s’en amuser. À la fin de la quatrième soirée, elle nous lançait des regards mauvais, elle avait des difficultés à se montrer enjouée avec les hommes qu’elle était censée distraire. Le deuxième soir de la semaine suivante, elle fit volte-face dans une ruelle et marcha droit sur nous.

— Voyons un peu ! lança-t-elle. Les chiens suivent leurs maîtres. Et vous me suivez partout, toutes les deux. Vous voulez sans doute que je vous traite comme des chiennes ? Je vais vous montrer ce que je fais avec les chiennes que je n’aime pas !

Sa main partit en arrière. Elle allait frapper Mameha sur la tempe. Je poussai un hurlement, ce qui dut dégriser Hatsumomo. Elle me fixa un moment, les yeux brillants de colère. Puis sa colère retomba, elle tourna les talons et s’éloigna. Tous les passants, dans la ruelle, avaient vu ce qui s’était passé.

Quelques personnes s’approchèrent, s’enquirent de l’état de Mameha. Elle leur assura qu’elle n’avait rien et leur dit, d’une voix triste :

— Pauvre Hatsumomo ! Le médecin a raison. Je crois qu’elle perd la tête.

Aucun médecin n’avait dit cela, mais la remarque de Mameha eut l’effet escompté. Bientôt le bruit courut dans Gion qu’un docteur avait jugé Hatsumomo déséquilibrée.

 

*

*    *

 

Pendant des années, Hatsumomo avait été très proche du célèbre acteur de Kabuki, Bando Shojiro VI. Shojiro était un « onna-gata » : il ne jouait que des rôles de femme. Un jour, dans une interview, il déclara qu’Hatsumomo était une beauté rare. J’imite ses gestes sur scène, précisa-t-il. Chaque fois que Shojiro était en ville, Hatsumomo lui rendait visite.

Un lundi, j’appris que Shojiro donnerait une fête en fin de soirée, dans une maison de thé de Pontocho, de l’autre côté de la rivière Shirakawa. J’avais eu connaissance de cette nouvelle en préparant une cérémonie du thé pour des officiers de la marine en permission. Après la cérémonie, je me précipitai à l’okiya, mais Hatsumomo était déjà partie. Elle faisait ce que j’avais fait moi-même, des années auparavant : elle partait tôt, pour qu’on ne puisse la suivre. Impatiente de prévenir Mameha, j’allai directement chez elle. Sa servante m’informa qu’elle était partie depuis une demi-heure, pour « faire ses dévotions ». Je savais ce que cela signifiait : Mameha était allée au petit temple, à l’est de Gion, prier devant les trois jizo qu’elle avait fait ériger là. Un jizo protège l’âme d’un enfant disparu. Ces statues symbolisaient les trois enfants dont Mameha avait avorté à la demande du Baron. Dans d’autres circonstances, je serais sans doute allée la retrouver, mais je ne pouvais l’importuner en pareil moment. Autre chose : peut-être ne voulait-elle pas que je sache qu’elle était allée là-bas. Aussi l’attendis-je dans son salon. Tatsumi me servit une tasse de thé. Mameha finit par rentrer, l’air abattu. Ne voulant aborder d’emblée le sujet qui m’occupait, nous parlâmes du « Festival des Siècles » – Mameha devait jouer le rôle de Lady Murasaki Shikibu, auteur du « Dit de Genji ». Finalement Mameha leva les yeux de sa tasse de thé. Je lui dis ce que j’avais appris dans le courant de l’après-midi.

— Parfait ! s’exclama Mameha. Hatsumomo va se détendre, penser qu’elle n’a pas à s’inquiéter de nous. Vu l’attention que va lui accorder Shojiro, elle va se sentir renaître. Là-dessus nous allons arriver, telle une mauvaise odeur venant de la ruelle, et gâcher sa soirée.

Hatsumomo m’avait traitée avec une infinie cruauté depuis des années, je la haïssais. Aussi aurais-je dû me réjouir à cette perspective. Mais, curieusement, le fait de conspirer pour la blesser ne me procurait aucune joie. Je me souvins d’un matin où je nageais dans l’étang, enfant. Soudain, j’éprouvai une violente douleur à l’épaule : une guêpe m’avait piquée et tentait de sortir son dard de ma chair. Je hurlai. L’un des garçons arracha la guêpe de mon épaule. Il la tint par les ailes au-dessus d’un rocher, comme nous cherchions le meilleur moyen de la tuer. Cette piqûre me brûlait affreusement. La guêpe ne m’inspirait aucune sympathie. J’eus cependant une sensation de vide dans la poitrine, à l’idée que cette créature était vouée à une mort imminente. J’éprouvai cette même pitié pour Hatsumomo. Durant ces soirées où nous la suivîmes dans Gion – jusqu’à ce qu’elle rentrât à l’okiya, vaincue – j’eus presque l’impression que nous la torturions.

Ce soir-là, vers neuf heures, nous traversâmes la rivière pour nous rendre à Pontocho. Contrairement à Gion, qui s’étend sur plusieurs pâtés de maisons, ce quartier n’est qu’une longue allée au bord de la rivière. C’était l’automne, il faisait frais. Toutefois, Shojiro donnait sa réception en plein air, sur un vaste ponton attenant à la maison de thé. Personne ne prêta grande attention à notre arrivée. Des lanternes en papier illuminaient la véranda. Les lumières d’un restaurant, sur la rive opposée, projetaient des reflets dorés sur l’eau. Tous les invités écoutaient Shojiro : il racontait une histoire, de sa voix chantante. L’air déconfit d’Hatsumomo quand elle nous vit ! Elle me fit penser à une poire pourrie : au milieu de ces visages réjouis, son expression sinistre faisait tache.

Mameha s’assit sur un tatami, à côté d’Hatsumomo, ce que je trouvai très hardi. Je pris place à l’autre extrémité du ponton, à la droite d’un vieil homme à l’air doux, qui se révéla être Tachibana Zensaku, un musicien célèbre. Il jouait du koto. J’ai toujours ses disques, de vieux microsillons rayés. Je découvris ce soir-là que Tachibana était aveugle. J’aurais volontiers renoncé à ma vengeance pour discuter avec cet homme fascinant – et attachant. Nous avions à peine commencé à parler, que tout le monde éclata de rire.

Shojiro était un mime exceptionnel. De grande taille, fin comme une branche de saule, il avait un visage tout en longueur, capable de prendre les expressions les plus insensées. Il aurait fait croire à une bande de singes qu’il était l’un des leurs. Présentement, il imitait la femme assise à côté de lui, une geisha d’une cinquantaine d’années. Avec ses gestes efféminés, sa moue, sa façon de rouler des yeux, il donnait d’elle une image parfaite. J’étais ébahie. J’avais envie de rire. Je trouvai Shojiro encore plus drôle qu’au théâtre. Tachibana se pencha vers moi et me souffla :

— Que fait-il ?

— Il imite une geisha âgée, assise à côté de lui.

— Ah, fit Tachibana. Ce doit être Ichiwari.

Il me donna une petite tape du dos de la main, pour s’assurer qu’il avait toute mon attention.

— Le directeur du théâtre Minamiza, dit-il, en levant son petit doigt – sous la table, pour que personne ne le voie.

Au Japon, un petit doigt levé signifie amant, ou maîtresse. Tachibana me disait que la geisha âgée était la maîtresse du directeur du théâtre. Le directeur, également présent, riait plus fort que les autres.

Shojiro se mit un doigt dans le nez. L’assemblée explosa de rire. Le ponton craqua. Je l’ignorais, à ce moment-là, mais Ichiwari avait pour manie de se curer le nez en public. Elle rougit comme une pivoine, cacha son visage derrière sa manche. Shojiro, qui avait bu une bonne quantité de saké, l’imita. Les gens rirent poliment. Seule Hatsumomo sembla trouver la chose vraiment drôle. Shojiro commençait à dépasser les bornes, à devenir cruel. Le directeur du théâtre intervint :

— Allons, Shojiro-san, gardez un peu d’énergie pour votre spectacle, demain ! Et ne voyez-vous pas que vous êtes assis à côté de l’une des plus grandes danseuses de Gion ? Nous pourrions lui demander de danser.

Le directeur parlait de Mameha.

— Oh non ! dit Shojiro. Je n’ai pas envie de voir une femme danser.

L’acteur préférait avoir la vedette.

— Et puis je m’amuse bien, ajouta-t-il.

— La grande Mameha est là. Elle peut danser pour nous. Nous n’allons pas laisser passer cette occasion, Shojiro-san, déclara le directeur du théâtre, sans le moindre humour, cette fois.

Plusieurs geishas renchérirent. Shojiro se laissa convaincre : il demanda à Mameha de danser, sur un ton boudeur, comme un petit garçon. Hatsumomo était furieuse. Elle servit du saké à Shojiro, qui lui en servit à son tour. Ils échangèrent un regard, comme pour dire qu’on leur gâchait leur soirée.

On envoya une servante chercher un shamisen. Une geisha l’accorda, se prépara à jouer. Tout cela prit quelques minutes. Mameha se plaça devant la toile de fond. Elle exécuta plusieurs petites pièces dansées. De l’avis général, Mameha était une jolie femme. Toutefois sa beauté n’égalait pas celle d’Hatsumomo. Aussi ne saurais-je dire ce qui fascina Shojiro. Fut-ce le saké, ou le fait que Mameha dansât si bien ? – Shojiro était lui-même un bon danseur.

Mameha revint parmi nous. Shojiro ne la quittait plus des yeux. Il lui demanda de s’asseoir à côté de lui. Ce qu’elle fit. Il lui servit une tasse de saké, et tourna le dos à Hatsumomo, comme s’il s’agissait d’une adoratrice quelconque. Hatsumomo serra les lèvres, ses yeux réduisirent de moitié. Quant à Mameha, je ne l’avais jamais vu flirter avec quiconque de cette façon : elle dévorait Shojiro du regard, tout en se frottant la base du cou, comme si elle était gênée de la rougeur apparue en cet endroit. Elle fit cela de façon si convaincante ! On aurait pu croire qu’elle avait réellement rougi ! Une geisha demanda à Shojiro s’il avait des nouvelles de Bajiru-san.

— Bajiru-san m’a abandonné ! déclara Shojiro, sur un ton dramatique.

Je ne comprenais pas à quoi Shojiro faisait allusion. Tachibana m’expliqua, dans un murmure, que « Bajiru-san » était l’acteur anglais Basil Rathbone – à l’époque, je ne connaissais pas cet acteur. Quelques années plus tôt, Shojiro avait monté une pièce de Kabuki à Londres. Basil Rathbone avait adoré ce spectacle. Avec l’aide d’un interprète, les deux acteurs s’étaient liés d’amitié. Shojiro pouvait admirer des femmes comme Hatsumomo ou Mameha, il n’en était pas moins homosexuel. Depuis son retour d’Angleterre, il clamait que son cœur était brisé à jamais, Bajuri n’ayant pas de goût pour les hommes. Ce faisant, il se moquait de lui-même.

— Cela m’attriste, lança une geisha, d’assister à la fin d’un amour.

Tout le monde rit, excepté Hatsumomo. Elle continuait à fixer Shojiro d’un air mauvais.

— Je vais vous montrer la différence qu’il y a entre Bajiru-san et moi, déclara-t-il.

Il se leva, demanda à Mameha de le suivre. Il l’emmena à l’autre extrémité du ponton, afin qu’ils aient de l’espace.

— Ça, c’est moi quand je joue, dit Shojiro.

Il évolua d’un côté de la pièce à l’autre, d’un pas léger, tout en agitant son éventail plié d’un mouvement souple du poignet.

— Maintenant je vais imiter Bajiru-san.

Il attrapa Mameha, la bascula vers le sol dans une parodie d’étreinte passionnée. L’air éberlué de Mameha, quand il lui couvrit le visage de baisers ! Tous les invités se réjouirent et battirent des mains. Sauf Hatsumomo.

— Que fait-il ? s’enquit Tashibana, tout bas.

Je ne pensais pas que quelqu’un d’autre eût entendu, mais avant que j’eusse pu répondre, Hatsumomo s’écria :

— Il se rend ridicule !

— Oh, Hatsumomo-san, dit Shojiro, vous êtes jalouse, n’est-ce pas ?

— Évidemment qu’elle est jalouse ! s’exclama Mameha. Vous devez vous réconcilier. Devant nous. Allez-y, Shojiro. Ne soyez pas timide ! Embrassez-la, comme moi ! Ce n’est que justice.

Après plusieurs tentatives infructueuses, Shojiro réussit à relever Hatsumomo. Il la prit dans ses bras et la renversa. Puis il redressa la tête en hurlant, la main sur la bouche : Hatsumomo l’avait mordu. Pas assez fort pour le faire saigner, mais suffisamment pour lui causer un choc. Elle se tenait face à lui, l’œil étréci, les lèvres retroussées. Sa main partit en arrière. Elle le gifla. Elle dut manquer sa cible, car sa main atterrit sur la tempe de l’acteur. Sans doute avait-elle trop bu.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? me demanda Tachibana.

Dans le silence ambiant, on entendit sa phrase aussi clairement qu’un coup de sonnette. Je ne répondis pas. Toutefois, Tachibana entendit les gémissements de Shojiro et le souffle haletant d’Hatsumomo. Il dut deviner ce qui s’était produit.

— Hatsumomo-san, je vous en prie, intervint Mameha, d’une voix si calme qu’elle détonnait dans cette ambiance. Essayez de vous calmer !

Je ne sais si les propos de Mameha eurent l’effet escompté, ou si Hatsumomo avait déjà perdu la raison, mais elle se jeta sur Shojiro et le rua de coups. Sans doute était-elle en plein délire – toute la scène parut déconnectée de la réalité. Le directeur du théâtre se précipita sur Hatsumomo pour l’immobiliser. Mameha s’éclipsa. Elle revint une minute plus tard avec la maîtresse de la maison de thé. Le directeur du théâtre tenait Hatsumomo par-derrière. Je crus que la crise était passée, mais Shojiro cria si fort après Hatsumomo, que ses propos se répercutèrent de l’autre côté de la rivière.

— Espèce de monstre ! cria-t-il. Vous m’avez mordu !

Je ne sais pas comment nous aurions mis un terme à cet épisode traumatisant sans l’intervention de la maîtresse de la maison de thé. Elle parla à Shojiro d’une voix apaisante, tout en faisant signe au directeur du théâtre d’éloigner Hatsumomo. J’appris par la suite qu’il ne l’avait pas seulement emmenée. Il l’avait jetée dehors.

 

*

*    *

 

Hatsumomo ne revint pas à l’okiya cette nuit-là. Quand elle reparut, le lendemain, elle sentait le vomi, ses cheveux étaient en désordre. On l’envoya aussitôt dans la chambre de Mère, où elle passa un long moment.

Quelques jours plus tard, Hatsumomo quitta l’okiya, dans un simple kimono de coton que Mère lui avait donné. Ses cheveux tombaient sur ses épaules. C’était la première fois que je la voyais sans chignon. Elle avait un sac à la main, contenant ses affaires et ses bijoux. Elle sortit, sans nous saluer. Elle ne partait pas de son plein gré. Mère l’avait mise dehors. Selon Mameha, Mère cherchait à se débarrasser d’Hatsumomo depuis des années. Que ce fût ou non le cas, Mère dut apprécier le fait d’avoir une bouche de moins à nourrir. Hatsumomo ne gagnait plus autant d’argent qu’avant. En outre, les restrictions n’avaient jamais été aussi sévères.

Si Hatsumomo n’avait pas été connue pour sa méchanceté, une autre okiya aurait pu la prendre, même après qu’elle eut blessé Shojiro. Hélas, elle était toujours prête à sortir ses griffes. Tout le monde, à Gion, savait cela.

Je ne sais pas de façon certaine ce qu’il advint d’Hatsumomo. Trois ans après la guerre, on me dit qu’elle gagnait sa vie en tant que prostituée dans le quartier de Miyagawa-cho. Le soir où j’appris cette nouvelle, dans une fête, un homme déclara que, si elle était prostituée, il la retrouverait et lui donnerait du travail. Il entreprit de la chercher. Il ne la retrouva pas. L’alcool dut finir par la tuer, destin commun à bien des geishas.

Nous nous étions habituées à cohabiter avec Hatsumomo, comme on finit par s’accommoder d’une jambe raide. Il fallut qu’elle disparaisse pour que nous comprenions à quel point sa présence nous avait affectées. Il s’écoula un certain temps avant que nos traumatismes ne guérissent. Même endormie, Hatsumomo représentait une menace : les servantes savaient qu’elle les martyriserait d’une façon ou d’une autre dans le courant de la journée. Elles vivaient dans un état de tension permanent, comme si elles marchaient sur un lac gelé dont la glace pouvait se briser à tout moment. Quant à Pumpkin, devenue dépendante de sa grande sœur, elle se sentait étrangement perdue sans elle.

Je faisais vivre l’okiya depuis plusieurs années, déjà. Malgré cela, il me fallut des mois pour me débarrasser de réflexes négatifs qu’Hatsumomo avait induits chez moi. Chaque fois qu’un homme me regardait bizarrement, je me demandais si elle lui avait dit des choses affreuses à mon sujet – et cela bien après qu’elle fut partie. Chaque fois que je montais l’escalier de l’okiya, je gardais les yeux baissés, de peur qu’Hatsumomo ne soit sur le palier, attendant de maltraiter quelqu’un. Combien de fois ai-je posé le pied sur cette dernière marche, levé les yeux, et constaté, soulagée, qu’Hatsumomo n’était plus là ! Elle était partie, je le savais. Cependant, le couloir vide semblait hanté par sa présence. Des dizaines d’années ont passé, mais il m’arrive encore de penser, en soulevant le brocart qui recouvre mon miroir, que je vais la voir là, en train de me sourire d’un air narquois.