Après avoir passé quelques jours en ce lieu singulier, un désespoir profond s’empara de moi. Au point de me dire : si l’on m’avait amputée des jambes et des bras, au lieu de m’arracher à ma famille et à mon foyer, cela n’aurait pas été pire. Je savais que, désormais, ma vie ne serait plus la même. Ma douleur m’obsédait. Je me demandais quand j’allais revoir Satsu. Je n’avais plus de père, plus de mère – et je ne portais plus les mêmes vêtements. Toutefois, au bout de deux semaines, je fus stupéfaite de constater que j’avais survécu. Je me souviens d’un moment, alors que j’essuyais des bols pour le riz dans la cuisine, où je me suis sentie tellement déboussolée, que j’ai dû interrompre ce que je faisais et fixer mes mains pendant plusieurs minutes. J’avais du mal à croire que cette fille, qui essuyait les bols, était réellement moi.
Si je travaillais dur et me conduisais bien, je pourrais commencer ma formation d’ici à quelques mois, m’avait averti Mère. J’irais à l’école dans une autre partie de Gion, m’expliqua Pumpkin. Je prendrais des leçons de musique, de danse, j’apprendrais les subtilités de la cérémonie du thé. Les filles qui suivaient une formation de geishas fréquentaient toutes cette école – où j’allais retrouver Satsu, je n’en doutais pas. Mais il faudrait d’abord qu’on m’autorisât à y aller. Aussi, dès la fin de la première semaine, m’étais-je résolue à me montrer docile comme un agneau, dans l’espoir que Mère m’enverrait tout de suite à l’école.
La plupart de mes tâches étaient simples. Le matin, je rangeais les futons, je nettoyais les différentes pièces de la maison, je balayais le passage en terre battue, et cetera. On m’envoyait parfois chez le pharmacien, chercher de la pommade pour la gale de la cuisinière, ou dans les magasins de Shijo Avenue, acheter ces biscuits au riz dont raffolait Tatie. Heureusement, les travaux les plus ingrats – nettoyer les toilettes, par exemple – incombaient à l’une des vieilles servantes. Mais j’avais beau travailler comme une forcenée, dans le dessein de faire bonne impression, cela ne marchait jamais. En effet, il n’était pas humainement possible d’achever tous les travaux dont on me chargeait. Et puis Granny me rendait la tâche encore plus difficile.
S’occuper de Granny ne faisait pas réellement partie de mes fonctions – du moins telles que Tatie me les avait décrites. Mais quand Granny me convoquait, je ne pouvais décemment l’ignorer, puisqu’elle était la plus âgée et occupait le rang le plus élevé dans l’okiya. Un jour, par exemple, j’allais monter le thé de Mère, quand j’entendis Granny crier :
— Où est cette fille ! Envoyez-la-moi !
Je dus reposer le plateau de Mère et me précipiter dans la pièce où Granny déjeunait.
— Tu ne vois donc pas qu’il fait trop chaud ici ? me dit-elle, après que je me fus prosternée à genoux devant elle. Tu aurais dû ouvrir cette fenêtre !
— Pardonnez-moi, Granny. Je ne savais pas que vous aviez trop chaud.
— N’ai-je pas l’air d’avoir trop chaud ?
Elle mangeait du riz. Quelques grains étaient restés collés à sa lèvre inférieure. Je trouvai qu’elle avait davantage la tête d’une méchante femme que celle d’une femme qui a chaud. J’allai cependant ouvrir la fenêtre. Aussitôt une mouche entra et se mit à bourdonner autour du bol de Granny.
— Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? s’exclama-t-elle, en chassant la mouche avec ses baguettes. Les autres servantes ne laissent pas les mouches rentrer quand elles ouvrent les fenêtres !
Je lui présentai mes excuses et lui proposai d’aller chercher une tapette.
— Et faire tomber la mouche dans mon bol en la tuant ? Certainement pas ! Tu vas rester là pendant que je mange, et l’empêcher de s’approcher de moi !
Aussi dus-je rester debout à côté de Granny, pendant tout son repas, et l’écouter parler d’Ichimura Uzaemon XIV, le célèbre acteur de kabuki, qui lui avait pris la main pendant une fête de la pleine lune – quand elle avait quatorze ans. Lorsqu’enfin elle m’autorisa à partir, le thé de Mère avait tellement refroidi, que je ne pus le lui apporter. Je mécontentai Mère – et la cuisinière.
Si Granny m’accaparait tant, c’est qu’elle n’aimait pas demeurer seule. Même quand elle se rendait aux toilettes, elle obligeait Tatie à attendre devant la porte, et à lui tenir les mains pour l’aider à trouver son équilibre en position accroupie. L’odeur était si suffocante, que la pauvre Tatie manquait chaque fois se rompre le cou, en rejetant la tête en arrière, afin de ne pas trop sentir ces pestilences. Je n’avais rien d’aussi pénible à faire. Toutefois, Granny me demandait souvent de venir la masser pendant qu’elle se curait les oreilles avec une minuscule cuiller. Or le fait de la masser était une tâche bien plus pénible que vous ne pourriez l’imaginer. Je faillis vomir, la première fois qu’elle dénoua son kimono et dénuda ses épaules : sa peau, en dessous, était jaune et bosselée comme celle d’un poulet que l’on vient de plumer. J’appris pourquoi par la suite. À l’époque où elle était geisha, Granny avait utilisé une crème de maquillage blanche à base de plomb, appelée « Argile de Chine ». L’argile de Chine se révéla toxique, ce qui expliquait sans doute en partie le naturel peu amène de Granny. Plus jeune, elle s’était souvent baignée dans les sources chaudes, au nord de Kyoto. Cela n’aurait eu aucune incidence notable sur l’état de sa peau, si le maquillage à base de plomb n’avait pas été si difficile à enlever. Des restes de cette crème, associée à quelque composé chimique des eaux, colorèrent sa peau et la gâchèrent. Granny n’était pas la seule à avoir pâti de ce phénomène. Jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, on voyait encore des vieilles femmes au cou jaune fripé, dans les rues de Gion.
*
* *
Un jour, environ trois semaines après mon arrivée à l’okiya, je montai à l’étage beaucoup plus tard que d’habitude pour ranger la chambre d’Hatsumomo. La geisha me terrifiait. Pourtant, je la croisais rarement, vu son emploi du temps chargé. Je préférais éviter qu’elle me trouve seule chez elle. Aussi essayais-je toujours de faire sa chambre après qu’elle fut partie à ses cours de danse. Ce matin-là, malheureusement, Granny m’avait retenue jusqu’à midi.
La chambre d’Hatsumomo était la plus spacieuse de l’okiya – plus grande que ma maison, à Yoroido. Comme je ne comprenais pas pourquoi elle occupait un aussi grand espace à elle toute seule, l’une des vieilles servantes m’expliqua que Hatsumomo était actuellement la seule geisha de l’okiya. Dans le passé, elles avaient été trois, puis quatre, et dormaient toutes dans la chambre occupée aujourd’hui par Hatsumomo – laquelle faisait du désordre pour quatre, bien qu’elle fût seule. Ce jour-là, outre les étemels magazines étalés un peu partout et les brosses abandonnées sur le tatami, près de la petite table de maquillage, je trouvai dans sa chambre un trognon de pomme, ainsi qu’une bouteille de whisky vide, sous la table. La fenêtre était ouverte, et le vent avait dû faire tomber le cadre de bois sur lequel elle avait suspendu son kimono la veille – à moins qu’elle ne l’eût elle-même renversé avant de se coucher, fin soûle, et n’eût pas pris la peine de le redresser. Tatie aurait dû avoir ramassé ce kimono. C’était elle qui se chargeait de l’entretien des vêtements, à l’okiya. Cependant, pour une raison quelconque, elle ne l’avait pas fait. Je relevai le cadre de bois, quand la porte coulissa brusquement. Je me retournai, et vis Hatsumomo debout sur le seuil de la chambre.
— Oh, c’est toi, dit-elle. J’avais cru entendre une petite souris. Je vois que tu as rangé ma chambre ! C’est toi qui changes tout le temps mes pots de crème de place ? Pourquoi persistes-tu à faire ça ?
— Excusez-moi, madame, rétorquai-je. Je ne fais qu’enlever la poussière en dessous.
— Mais si tu les touches, ils vont finir par prendre ton odeur. Et alors les hommes me diront : « Hatsumomo-san, pourquoi tu pues comme une petite ignorante, tout droit sortie d’un village de pêcheurs ? » Tu comprends ce que je te dis, là ? Répète-le-moi, que j’en sois bien sûre. Pourquoi je ne veux pas que tu touches à mon maquillage ?
J’eus du mal à le dire mais finalement je m’exécutai.
— Parce qu’ils vont finir par prendre mon odeur.
— Très bien. Et que diront les hommes ?
— Oh, Hatsumomo-san, tu sens comme une fille de pêcheurs.
— Hmm… Je n’aime pas la façon dont tu dis ça. Mais je vais m’en contenter. Je ne sais pas pourquoi les filles qui viennent de villages de pêcheurs sentent aussi mauvais. Ton horrible sœur est venue, l’autre jour. Elle te cherchait. Elle puait presque autant que toi.
Jusque-là j’avais gardé les yeux baissés. Mais quand j’entendis Hatsumomo parler de ma sœur, je la regardai droit dans les yeux pour savoir si elle disait la vérité.
— Tu as vraiment l’air surprise ! s’exclama-t-elle. Tu ne savais pas qu’elle était venue ? Elle voulait que je te donne son adresse. Sans doute pour que tu ailles la voir, et que vous puissiez vous enfuir ensemble.
— Hatsumomo-san.
— Tu veux que je te révèle où elle est ? Parfait. Mais tu vas devoir mériter cette information. Quand j’aurai trouvé comment, je te le dirai. Maintenant, va-t’en.
Je n’osai pas lui désobéir, mais juste avant de sortir de la pièce je m’arrêtai, espérant la convaincre.
— Hatsumomo-san, je sais que vous ne m’aimez pas. Mais si vous me dites ce que je veux savoir, je vous promets de ne plus jamais vous importuner.
À ces mots, Hatsumomo sourit. Elle s’approcha de moi, le visage radieux. Une fois de plus, sa beauté m’éblouit. Il arrivait que des hommes dans la rue s’arrêtent pour la regarder, après avoir pris entre deux doigts la cigarette qu’ils étaient en train de fumer. Je crus qu’elle allait se pencher vers moi, me murmurer quelque chose à l’oreille, mais elle continua simplement à me sourire. Puis sa main partit en arrière et elle me gifla.
— Je t’avais dit de sortir de ma chambre, non ? grinça-t-elle.
J’étais trop stupéfaite pour réagir. Je dus trébucher en sortant de la pièce, car je me retrouvai par terre, sur le plancher du couloir, la main collée sur ma joue. Au bout de quelques instants, la porte de Mère s’ouvrit en coulissant.
— Hatsumomo ! lança Mère, en m’aidant à me relever. Qu’as-tu fait à Chiyo ?
— Elle parlait de s’enfuir, Mère. J’ai jugé bon de la gifler. J’ai pensé que vous étiez trop occupée pour le faire.
Mère appela une servante, à qui elle demanda plusieurs tranches de gingembre frais. Après quoi elle m’emmena dans sa chambre et me fit asseoir à table, le temps de terminer sa conversation téléphonique. Le seul téléphone de l’okiya permettant d’appeler à l’extérieur de Gion était fixé au mur de sa chambre, et personne d’autre n’avait le droit de s’en servir. Elle avait laissé l’écouteur sur l’étagère. Elle le porta à nouveau à son oreille et le serra si fort entre ses doigts boudinés, que je craignis de voir des humeurs couler sur le tatami.
— Excusez-moi, dit-elle de sa voix rauque. Mais Hatsumomo recommence à gifler les servantes.
Durant les premières semaines que je vécus à l’okiya, j’eus un sentiment de reconnaissance absurde à l’égard de Mère – ce que doit éprouver le poisson pour le pêcheur qui lui retire l’hameçon de la gueule. Sans doute parce que je ne la voyais que quelques minutes par jour, quand je faisais sa chambre. Elle passait sa vie dans cette pièce, assise à la table, généralement avec un livre de comptes. Elle rangeait ces petits livres dans une bibliothèque qui se trouvait devant elle, et dont les portes demeuraient ouvertes. Elle se servait de son abaque, faisait glisser les perles d’ivoire d’une chiquenaude. Peut-être tenait-elle bien ses comptes, mais dans tous les autres domaines, Mère était encore plus désordonnée et sale qu’Hatsumomo. Chaque fois qu’elle posait sa pipe sur la table, elle faisait tomber des cendres et des brins de tabac, qui restaient là, car elle ne les nettoyait pas. Par ailleurs, Mère n’aimait pas que l’on touche à son futon, si bien que toute la pièce sentait le linge sale. Et puis elle fumait tellement que les stores en papier avaient pris une teinte jaunâtre qui accentuait l’aspect glauque de la chambre.
Pendant que Mère parlait au téléphone, l’une des vieilles servantes arriva avec plusieurs tranches de gingembre frais. Je les appliquai sur mon visage, à l’endroit où Hatsumomo m’avait giflée. Le bruit que fit la bonne en ouvrant la porte, puis en la refermant, réveilla Taku, le petit chien de Mère. Cette créature d’un mauvais naturel à la gueule écrasée semblait n’avoir que trois passions dans la vie – aboyer, ronfler, et mordre les gens qui tentaient de la caresser. Après que la servante fut sortie, Taku vint s’allonger derrière moi. C’était l’une de ses petites ruses. Il adorait se mettre à un endroit où je risquais de lui marcher dessus sans le faire exprès, puis me mordre dès que je posais le pied sur lui. Ainsi prise entre Mère et Taku, j’eus l’impression d’être une souris coincée dans une porte coulissante. Lorsque Mère finit par raccrocher, elle revint s’asseoir à table et me fixa de ses yeux jaunes.
— Maintenant écoute-moi, petite fille, commença-t-elle. Peut-être as-tu déjà entendu Hatsumomo mentir. Et si c’est sans conséquences pour elle, il n’en est pas de même pour toi. Je veux savoir… pourquoi t’a-t-elle giflée ?
— Elle voulait que je sorte de sa chambre, Mère, dis-je. Je suis vraiment navrée.
Mère me fit répéter cela avec l’accent de Kyoto. J’eus un mal fou à y arriver. Quand finalement ma prononciation la satisfit, Mère poursuivit :
— Je ne pense pas que tu comprennes ton rôle ici, dans l’okiya. Notre plus grand souci est d’aider Hatsumomo dans sa carrière de geisha. Même Granny s’y emploie. Tu peux penser que c’est une vieille femme difficile, mais elle passe réellement ses journées à trouver divers moyens d’être utile à Hatsumomo.
Je ne voyais vraiment pas ce que Mère voulait dire. De toute façon, elle n’aurait pas convaincu un vieux chiffon que Granny pouvait être utile à qui que ce soit.
— Si quelqu’un d’aussi âgé que Granny s’efforce, du matin au soir, de rendre la tâche plus facile à Hatsumomo, songe à tous les efforts que toi, tu devrais faire.
— Oui, Mère. Je continuerai à travailler très dur.
— Je ne veux plus que tu ennuies Hatsumomo. L’autre petite fille s’arrange pour ne pas l’importuner. Toi aussi, tu devrais pouvoir y arriver.
— Oui, Mère… mais avant que je ne sorte, puis-je vous poser une question ? Je me suis demandé si quelqu’un savait où se trouvait ma sœur. J’avais espéré pouvoir lui envoyer un petit mot, vous voyez.
Mère avait une bouche très particulière, bien trop grande pour son visage, et presque toujours ouverte, car sa mâchoire inférieure pendait. Mais là, elle eut une mimique que je ne lui avais jamais vue : elle me montra les dents. C’était sa façon de sourire – même si je ne m’en aperçus qu’au moment où elle toussa, ce qui était sa façon de rire.
— Pourquoi devrais-je te dire ça ? s’exclama-t-elle.
Après quoi elle eut encore quelques accès de ce rire grasseyant, avant de me congédier, d’un geste de la main.
Tatie m’attendait dans le vestibule, à l’étage. Elle me donna un seau. Puis elle me fit monter sur le toit, par une échelle glissée dans l’ouverture d’une trappe. Une fois en haut, je vis un réservoir d’eau de pluie. Il servait de chasse au petit WC, près de la chambre de Mère. En effet, nous n’avions pas de plomberie à cette époque, même dans la cuisine. Il n’avait pas plu, ces derniers temps, et les toilettes avaient commencé à puer. Je devais donc verser l’eau dans le réservoir, pour que Tatie puisse les nettoyer en tirant la chasse deux ou trois fois.
Sous le soleil de midi, les tuiles étaient brûlantes comme des poêlons. Pendant que je vidais le seau, je pensai à l’eau fraîche de l’étang où nous nagions, dans notre village du bord de mer. Je m’y étais baignée seulement quelques semaines plus tôt. Mais là, perchée sur le toit de l’okiya, j’eus l’impression que ce souvenir appartenait à un lointain passé. Tatie me cria d’arracher les mauvaises herbes entre les tuiles avant de resdescendre. Je regardai la brume de chaleur qui pesait sur la ville, et sur ces collines qui nous entouraient, semblables aux murs d’une prison. Quelque part, sous l’un de ces toits, ma sœur était sans doute en train de travailler, tout comme moi. Alors que je songeais à elle, je cognai le réservoir sans le vouloir. L’eau éclaboussa le toit, avant de tomber dans la rue.
*
* *
Environ un mois après mon arrivée à l’okiya, Mère m’avertit que le moment était venu pour moi d’entamer mes études. J’irais à l’école le lendemain matin avec Pumpkin, et l’on me présenterait les professeurs. Puis Hatsumomo m’emmènerait dans un endroit appelé « le Bureau d’Enregistrement » – je ne voyais pas du tout ce que ça pouvait être. Après quoi, en fin d’après-midi, je regarderais Hatsumomo se maquiller, puis s’habiller en kimono. Le jour où une petite fille commençait ses cours, elle devait assister aux préparatifs de la geisha la plus âgée de l’okiya. Ainsi le voulait la tradition.
Quand Pumpkin apprit qu’elle devrait m’emmener à l’école le lendemain, elle parut soudain très agitée.
— Il faudra que tu sois prête à partir dès ton réveil, m’expliqua-t-elle. Si on est en retard, autant aller tout de suite se noyer dans l’égout…
J’avais déjà vu Pumpkin se précipiter dehors aux aurores, les yeux tout sablonneux. Elle semblait souvent au bord des larmes, en partant. Quand elle passait devant la fenêtre de la cuisine, clopin clopant dans ses chaussures en bois, je croyais parfois l’entendre pleurer. Ça ne marchait pas très bien pour elle, à l’école – pas bien du tout, même. On l’avait prise à l’okiya un semestre avant moi, mais elle n’avait commencé les cours qu’une ou deux semaines après mon arrivée. La plupart du temps, quand elle rentrait, vers midi, elle filait directement dans la pièce des servantes. Elle redoutait qu’on la vît triste et angoissée.
Le lendemain matin, je me réveillai encore plus tôt que d’habitude. Je mis pour la première fois ce kimono bleu et blanc des étudiantes. C’était un simple habit de coton non doublé, avec un motif géométrique enfantin. Sans doute n’étais-je pas plus élégante que la cliente d’une auberge qui se rend au bain. Jamais cependant je n’avais porté de vêtement aussi sophistiqué.
Pumpkin m’attendait dans l’entrée, visiblement inquiète. J’allais glisser mes pieds dans mes chaussures, quand Granny m’appela. Elle voulait que je vienne dans sa chambre.
— Oh non ! souffla Pumpkin, dont le visage se décomposa comme de la cire qui fond. Je vais encore être en retard. Faisons semblant de n’avoir rien entendu et allons-y !
J’aurais bien aimé suivre ce conseil, mais déjà Granny se tenait dans l’embrasure de sa porte, me fixant d’un air mauvais. Elle ne me retint qu’un petit quart d’heure, mais ce fut suffisant pour faire pleurer Pumpkin. Quand finalement nous partîmes, Pumpkin se mit à marcher si vite que j’eus peine à la suivre.
— Cette vieille femme est vraiment cruelle ! dit-elle. N’oublie jamais de plonger tes mains dans le sel, après lui avoir frotté le cou.
— Pourquoi ?
— Ma mère me disait toujours : « Le mal se propage dans le monde par le toucher. » Et je sais que c’est vrai, parce que ma mère a frôlé un démon sur la route, un matin, et qu’elle en est morte. Si tu ne purifies pas tes mains, tu deviendras un vieux radis tout ratatiné, comme Granny.
Vu que Pumpkin et moi avions le même âge et nous trouvions dans la même situation, sans doute aurions-nous souvent parlé, si nous en avions eu l’occasion. Mais nos tâches nous occupaient tellement que nous avions à peine le temps de manger – et puis Pumpkin prenait ses repas avant moi, vu son ancienneté dans l’okiya. Je savais qu’elle était arrivée un semestre avant moi, je l’ai dit, mais je ne savais pas grand-chose d’autre sur elle. Aussi lui demandai-je :
— Tu es de Kyoto, Pumpkin ? C’est l’impression qu’on a, d’après ton accent.
— Je suis née à Sapporo. Mais j’ai perdu ma mère à cinq ans, et mon père m’a envoyée ici, chez un oncle. L’année dernière, mon oncle a fait faillite, et je me suis retrouvée à l’okiya.
— Pourquoi tu ne t’enfuis pas ? Tu pourrais retourner à Sapporo.
— Mon père a été victime d’une malédiction. Il est mort l’année dernière. Je ne peux pas m’enfuir. Je n’ai aucun endroit où aller.
— Quand j’aurai rejoint ma sœur, dis-je, tu pourras venir avec nous. Nous partirons ensemble.
Vu les difficultés que Pumpkin avait à l’école, je pensais que ma proposition la ravirait. Mais elle n’y répondit pas. Nous atteignîmes Shijo Avenue, que nous traversâmes en silence. C’était l’avenue que j’avais trouvée si encombrée, le jour où nous étions arrivées, Satsu et moi, avec M. Bekku. Mais là, en une heure aussi matinale, je n’aperçus que deux ou trois cyclistes, et un tramway. Une fois de l’autre côté de Shijo Avenue, nous enfilâmes une petite rue. Puis Pumpkin s’arrêta – c’était la première fois, depuis que nous avions quitté l’okiya.
— Mon oncle était très gentil, déclara-t-elle. Voilà la dernière chose qu’il m’ait dite, avant de m’envoyer à l’okiya : « Certaines filles sont intelligentes, d’autres sont bêtes. Tu es une gentille fille, mais tu es bête. Tu ne t’en sortiras pas toute seule, en ce monde. Je t’envoie dans un endroit où des gens te diront quoi faire. Obéis-leur, et on s’occupera toujours de toi. » Alors si tu veux partir, Chiyo-san, libre à toi. Mais moi, j’ai trouvé un endroit où passer ma vie. Je travaillerai aussi dur qu’il faudra pour qu’ils me gardent. Mais je préférerais me jeter d’une falaise, plutôt que de gâcher l’opportunité de devenir geisha, comme Hatsumomo.
Là-dessus Pumpkin s’interrompit. Elle regardait quelque chose par terre, derrière moi.
— Oh mon Dieu, Chiyo-chan, dit-elle. Ça ne te donne pas faim ?
Je me retournai. Nous étions devant l’entrée d’une okiya. Sous la porte, sur une étagère, se dressait un temple shinto miniature, avec une offrande – un gâteau de riz. Je me demandai si c’était ce gâteau que lorgnait Pumpkin. Mais elle avait les yeux baissés vers le sol. Il y avait des fougères et des touffes de mousse le long du passage dallé qui menait à la porte de la maison. Je ne vis rien d’autre. Et soudain mes yeux tombèrent sur lui : au début de l’allée, à la limite de la rue, un reste de calamar grillé, tout carbonisé, piqué sur une brochette. Des vendeurs ambulants en vendaient le soir. L’odeur sucrée de la sauce fut pour moi une torture, car les servantes comme nous ne mangeaient que du riz et des légumes marinés dans du vinaigre, ainsi qu’un bol de soupe une fois par jour, et de petites portions de poisson séché deux fois par mois. Malgré cela, je ne trouvai pas appétissant ce morceau d’encornet qui traînait par terre. Deux mouches tournaient autour, désinvoltes, comme si elles se promenaient dans le parc.
Pumpkin était de ces filles qui grossissent facilement, pour peu qu’elles mangent bien. Quand elle avait faim, son estomac faisait des bruits qui rappelaient ceux d’une porte coulissante. Toutefois, je ne pensai pas qu’elle eût réellement l’intention de manger cet encornet. Puis je la vis regarder des deux côtés de la rue, pour s’assurer que personne ne venait.
— Pumpkin, dis-je, si tu as faim, prends le gâteau de riz sur l’étagère, pour l’amour du ciel. Les mouches se sont déjà approprié l’encornet !
— Je suis plus grosse qu’elles, dit-elle. Et puis ce serait sacrilège de manger le gâteau de riz. C’est une offrande.
Là-dessus elle se pencha pour ramasser le calamar.
J’ai grandi en un lieu où les enfants mangeaient des petites bêtes, par curiosité. J’admets avoir un jour mangé un criquet, quand j’avais quatre ou cinq ans, parce qu’on m’avait piégée. Mais voir Pumpkin avec ce morceau de calamar à la main, sur sa brochette, des gravillons collés dessus et des mouches tournant autour… Elle souffla sur l’encornet pour les chasser, mais les mouches se contentèrent de bouger, pour ne pas perdre l’équilibre.
— Pumpkin, tu ne peux pas manger ça, dis-je. Ce serait comme si tu léchais les pavés !
— Qu’ont-ils de si terrible, ces pavés ? rétorqua-t-elle.
Puis elle se mit à genoux – je ne l’aurais pas cru, si je ne l’avais vu de mes propres yeux –, elle tira la langue et la passa longuement sur le sol. J’en restai bouche bée. Lorsque Pumpkin se releva, elle semblait elle-même étonnée de son exploit. Elle essuya tout de même sa langue sur la paume de sa main, cracha deux ou trois fois. Après quoi elle mordit dans le calamar et l’arracha à sa brochette.
Ce devait être un calamar récalcitrant, car Pumpkin le mâcha tout le long du chemin, jusqu’en haut de la colline. Elle ne l’avala qu’arrivée devant le portail en bois de l’école. J’entrai – le jardin était si beau ! J’en eus la gorge nouée. Des buissons à feuilles persistantes et des pins au tronc tourmenté entouraient un bassin ornemental où nageaient des carpes. De l’autre côté du bassin, dans sa partie la plus étroite, il y avait une grande pierre rectangulaire. Deux vieilles femmes en kimono se tenaient sur cette pierre, leur ombrelle laquée les protégeant du soleil de ce début de matinée. Quant aux bâtiments, j’ignorais à quoi ils servaient, mais je sais à présent qu’une petite partie seulement de ce complexe abritait notre école. La grande bâtisse, au fond, c’était le théâtre Kaburenjo – où les geishas de Gion donnaient un spectacle chaque printemps : « Les Danses de l’Ancienne Capitale. »
Pumpkin se dirigea à la hâte vers l’entrée d’un long édifice en bois, que je pris pour le quartier des servantes, mais qui se révéla être notre école. Dès l’instant où j’y pénétrai, je reconnus l’odeur caractéristique des feuilles de thé fermenté, séchées au charbon de bois. Encore aujourd’hui, mon estomac se contracte quand je sens cette odeur, comme si j’allais une fois de plus entrer en classe. J’ôtai mes chaussures et je les rangeai dans le casier le plus proche. Pumpkin me dit de les reprendre. Il existait une règle tacite selon laquelle les dernières arrivées rangeaient leurs chaussures en haut. Pumpkin dut grimper le long de ces casiers comme sur une échelle, pour mettre ses chaussures tout en haut. Vu que c’était ma première journée, et que Pumpkin avait une certaine ancienneté par rapport à moi, j’utilisai le casier au-dessus du sien.
— Fais attention de ne pas marcher sur les autres chaussures quand tu grimpes, me dit-elle, bien qu’il n’y en eût que quelques paires. Si jamais tu marchais dessus et qu’une des filles te voie, tu te ferais si bien frotter les oreilles que tu en aurais des ampoules.
L’intérieur de l’école me parut aussi vieux et poussiéreux qu’une maison abandonnée. Au bout d’un long couloir, j’aperçus un groupe de cinq ou six filles. J’éprouvai une vive émotion en m’approchant d’elles : l’une de ces étudiantes pouvait être Satsu. Mais lorsqu’elles se tournèrent pour nous regarder, je fus très déçue. Elles avaient toutes la même coiffure – le wareshinobu des apprenties geishas – et me parurent en savoir bien plus sur Gion que Pumpkin et moi n’en saurions jamais.
Nous entrâmes dans une salle de classe située à mi-hauteur du couloir. Cette pièce, de style japonais traditionnel, était assez vaste. Le long d’un mur, un grand tableau avec des crochets, auxquels étaient suspendues maintes petites plaques en bois. Sur chacune de ces plaques, un nom calligraphié à la peinture noire, en traits épais. Je n’avais pas encore appris tous les secrets de la lecture et de l’écriture. À Yoroido, j’allais à l’école le matin, et depuis que j’étais à Kyoto, j’avais passé une heure, chaque après-midi, à étudier avec Tatie. Cependant, parmi tous ces noms, je ne pus en déchiffrer que quelques-uns. Pumpkin se dirigea vers le tableau, prit une plaque portant son nom dans une boîte posée sur les tatamis, et l’accrocha sur le premier crochet libre. Ce tableau nous servait de pointeuse.
Nous nous rendîmes ensuite dans plusieurs autres classes où Pumpkin avait des leçons, et pointâmes de la même façon. Elle avait quatre cours ce matin : shamisen, danse, cérémonie du thé, et chant – une forme de chant appelée nagauta. Il nous fallait à présent quitter l’école, pour aller prendre notre petit déjeuner à l’okiya. Pumpkin, inquiète à l’idée d’être la dernière arrivée à chacun de ses cours, triturait la ceinture de son kimono. Mais juste au moment où nous glissions nos pieds dans nos chaussures, une autre petite fille de notre âge traversa le jardin en courant, tout échevelée. Pumpkin fut plus calme, après avoir vu la retardataire.
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* *
Nous avalâmes un bol de soupe et retournâmes à l’école le plus vite possible, que Pumpkin puisse s’agenouiller au fond de la classe et assembler son shamisen. Si vous n’avez jamais vu de shamisen, cet objet pourrait vous paraître étrange. On l’appelle parfois la guitare japonaise, mais en fait, le shamisen est bien plus petit qu’une guitare. Cet instrument possède un manche en bois, assez étroit, avec trois chevilles à l’extrémité. Le corps du shamisen est un petit coffre en bois, avec de la peau de chat tendue sur le dessus, comme un tambour. On peut démonter un shamisen, puis le glisser dans un sac, ou dans une boîte. C’est d’ailleurs ainsi qu’on le transporte. Pumpkin assembla son shamisen et se mit à l’accorder, avec un bout de langue pointé entre ses lèvres. Hélas, elle avait très peu d’oreille. Les notes, jamais justes, montaient et descendaient comme un bateau caracolant sur les vagues. La classe fut bientôt remplie de filles avec leur shamisen, placées à égale distance les unes des autres, tels des chocolats dans une botte. Je gardai l’œil sur la porte, dans l’espoir que Satsu allait apparaître. Mais elle ne vint pas.
Quelques instants plus tard, le professeur entra. C’était une minuscule vieille dame, avec une voix pointue. Elle se nommait Mizumi, et c’était ainsi que nous l’appelions en sa présence. Mais ce nom, Mizumi, a une sonorité très proche de nezumi – « souris ». Aussi l’appelions-nous Mme Nezumi – Mme Souris – dans son dos.
Mme Souris s’agenouilla sur un coussin, face à la classe, et ne fit aucun effort pour paraître aimable. Les étudiantes s’inclinèrent devant elle à l’unisson et lui dirent bonjour. Mme Souris leur lança un regard mauvais, sans prononcer un mot. Finalement, elle regarda le tableau et appela la première étudiante.
Cette fille semblait avoir une haute opinion d’elle-même. Après qu’elle eut avancé tel un cygne jusqu’au premier rang, elle s’inclina devant le professeur et se mit à jouer. Au bout d’une minute, Mme Souris lui dit d’arrêter. Elle lui fit toute une série de critiques sur sa façon de jouer. Puis elle ferma son éventail d’un coup sec, et l’agita à l’adresse de la fille pour la congédier. L’étudiante la remercia, fit une nouvelle révérence, et retourna à sa place. Mme Souris appela une autre élève.
On continua ainsi pendant un peu plus d’une heure, jusqu’au moment où Pumpkin fut appelée. Elle était nerveuse. Dès l’instant où elle se mit à jouer tout alla de travers. Mme Souris commença par lui faire signe d’arrêter. Elle prit son shamisen pour le réaccorder correctement. Après quoi Pumpkin fit une nouvelle tentative. Toutes les étudiantes se regardèrent. Personne ne comprenait quel morceau elle s’évertuait à jouer. Mme Souris donna une grande claque sur la table du plat de la main, et ordonna aux étudiantes de regarder devant elles. Puis elle marqua le rythme avec son éventail plié, pour aider Pumpkin à jouer. Mais cela ne servit à rien. Aussi Mme Souris lui montra-t-elle comment tenir son plectre. J’eus l’impression qu’elle lui tordait les doigts les uns après les autres, pour l’obliger à tenir correctement son médiateur. Finalement, Mme Souris renonça. Elle lâcha l’écaille sur le tatami, écœurée. Pumpkin le ramassa et revint à sa place, les larmes aux yeux.
Quand la fille que nous avions vue courir, les cheveux en bataille, se présenta au professeur et fit sa révérence, je compris pourquoi Pumpkin avait eu si peur d’être la dernière arrivée.
— Ne perds pas ton temps à essayer de me faire des politesses ! coassa Mme Souris à son adresse. Si tu n’avais pas dormi aussi tard ce matin, tu serais peut-être arrivée à l’heure, et tu aurais peut-être appris quelque chose.
La fille présenta ses excuses et se mit à jouer, mais le professeur ne l’écouta pas.
— Tu te réveilles trop tard, le matin, se contenta-t-elle de lui dire. Comment veux-tu que je t’enseigne quoi que ce soit, si tu ne prends même pas la peine de pointer à une heure décente, comme les autres filles ? Retourne à ta place. Je ne veux pas te voir.
Là-dessus la classe se termina. Pumpkin me conduisit auprès de Mme Souris, devant laquelle nous nous inclinâmes.
— Puis-je me permettre de vous présenter Chiyo, professeur, dit Pumpkin, et vous demander d’être indulgente à son égard, car ses dons sont très limités.
Pumpkin ne m’insultait pas en disant cela. C’était simplement une façon de se montrer poli, à cette époque. Ma propre mère n’aurait pas formulé sa requête autrement.
Mme Souris me dévisagea longuement, puis elle déclara :
— Tu es une fille intelligente. Ça se voit tout de suite. Tu pourras peut-être aider ta grande sœur à s’entraîner au shamisen.
Elle parlait de Pumpkin, bien sûr.
— Essaie de mettre ton nom au tableau le plus tôt possible, le matin, me dit-elle. Ne parle pas pendant les cours. Je ne tolère aucun bavardage ! Et regarde toujours devant toi. Si tu fais tout ça, je t’apprendrai le shamisen du mieux que je pourrai.
Là-dessus, elle nous libéra.
Dans les couloirs, entre les cours, je continuai à ouvrir l’œil, cherchant Satsu. Je ne la trouvai pas. Je commençai à m’inquiéter, à me dire que peut-être je ne la reverrais jamais. J’avais l’air si préoccupé, que l’un des professeurs exigea le silence avant de commencer son cours, et me dit :
— Toi, là-bas ! Qu’est-ce qui ne va pas ?
— Tout va bien, madame, répliquai-je. Je me suis seulement mordu la lèvre sans le faire exprès.
Et parce que les filles, autour de moi, me regardaient, je me mordis la lèvre jusqu’au sang.
Heureusement, les cours suivants se déroulèrent sans incident. En classe de danse, par exemple, les étudiantes arrivaient à se mouvoir avec un assez bel ensemble. Ainsi, aucune fille n’attirait l’attention sur elle. Pumpkin était loin d’être la plus mauvaise danseuse, elle avait même une sorte de grâce, dans sa façon un peu maladroite de bouger. Le cours de chant, en fin de matinée, fut plus problématique pour elle, car elle n’avait aucune oreille. Mais comme les étudiantes chantaient à l’unisson, Pumpkin pouvait masquer ses fausses notes en remuant beaucoup les lèvres et en fredonnant à voix basse.
À la fin de chaque cours, elle me présentait au professeur. L’un d’eux, une femme, me demanda :
— Tu vis dans la même okiya que Pumpkin, n’est-ce pas ?
— Oui, madame, répondis-je. L’okiya Nitta.
Nitta était le nom de famille de Granny, de Mère et de Tatie.
— Donc tu habites avec Hatsumomo-san.
— Oui, madame Hatsumomo est la seule geisha de notre okiya, pour le moment.
— Je ferai de mon mieux pour t’enseigner le chant, dit-elle. Enfin tant que tu réussis à rester en vie !
Là-dessus le professeur éclata de rire, comme si elle venait de faire une plaisanterie très fine. Après quoi elle nous congédia.