De Juliet à Amelia
4 avril 1946
Chère Mrs, Maugery,
Le soleil pointe le bout de son nez pour la première fois depuis des mois, et quand je monte sur ma chaise et que je me penche par la fenêtre, j’arrive à apercevoir son reflet dans la Tamise. J’ignore les décombres qui jonchent l’autre bord de la route, et je fais mine de croire que Londres a retrouvé sa splendeur.
J’ai reçu une lettre bien triste de Dawsey Adams, Il m’y parle de son défunt ami Christian Hellman. La guerre n’en finit pas de finir, n’est-ce pas ? Un être si bon, fauché ainsi. Quel coup terrible cela a dû être pour Elizabeth. Heureusement qu’elle vous avait, vous, Mr. Ramsey, Isola Pribby et Mr. Adams, pour l’aider à mettre son bébé au monde.
Le printemps ne tardera plus. J’ai presque chaud dans mon halo de soleil. Plus bas, dans la rue (je ne détourne plus les yeux, maintenant), un homme en pull rapiécé est en train de peindre la porte de sa maison en bleu ciel. Deux jeunes garçons qui jouaient à se donner des coups de bâton insistent pour l’aider. Il cède et leur tend un minuscule pinceau à chacun. Tout compte fait, la guerre touche peut- être à sa fin.
Cordialement,
Juliet Ashton