D’Amelia Maugery à Juliet
8 février 1946
Chère Miss Ashton,
Je viens juste de recevoir la visite de Dawsey. Je ne l’avais jamais vu dans l’état de ravissement où l’ont plongé votre cadeau et votre lettre. Il était si occupé à me convaincre de vous écrire avant la prochaine levée qu’il en a oublié sa timidité. Je ne pense pas qu’il en ait conscience, mais Dawsey possède un rare don de persuasion. Il ne réclame jamais rien pour lui-même, si bien que tout le monde s’empresse de lui accorder ce qu’il demande pour les autres.
Il m’a parlé de l’article qui vous a été commandé et m’a demandé si j’accepterais de vous écrire pour vous parler du cercle littéraire que nous avons formé pendant – et à cause de – l’occupation allemande. Je serais ravie de le faire, sous certaines conditions.
Un ami d’Angleterre m’a envoyé un exemplaire d’ïzzy Bickerstaff s’en va-î-en guerre, Votre livre est à la fois informatif, distrayant et amusant ; mais c’est ce ton humoristique qui me pousse à chicaner.
Je suis consciente que « Le Cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates de Guernesey » est un nom inhabituel qui pourrait facilement être tourné en ridicule. Pouvez-vous m’assurer que vous ne serez pas tentée de le faire ? Les membres de notre cercle sont très chers à mon cœur, et je ne voudrais pas qu’ils deviennent pour vos lecteurs matière à plaisanteries.
Accepteriez-vous de me parler de vos intentions, ainsi que de vous-même ? Si oui, je serais ravie de vous parler du Cercle. J’espère recevoir de vos nouvelles très prochainement.
Cordialement,
Amelia Maugery