17

Depuis quelques semaines, Martial redoutait l'arrivée de la nuit. Jusqu'à ces derniers temps, il n'avait jamais hésité, le soir venu, à chercher un peu de fraîcheur sur la véranda où seuls les moustiques et les mygales étaient à craindre.

Mais ces heures calmes étaient révolues. Certes, il n'avait pas oublié le cambriolage dont il avait été victime et prenait toujours soin de ne pas tenter le diable – en l'occurrence les malfrats qui hantaient le campement – et de ne pas laisser une porte ou une fenêtre ouverte quand il s'absentait.

À part ces élémentaires précautions, il n'avait jamais eu à se barricader comme il le faisait maintenant dès que le soleil disparaissait. Et nul doute qu'il eût installé le piège à fusils que tendait Joaquin – dont lui avait parlé Antoine – s'il avait su s'y prendre et surtout s'il n'avait craint d'en être la première victime. Il était peu féru d'armes et se savait maladroit dans leur maniement. Mais cela ne l'empêchait pas, chaque soir, de ne jamais se coucher sans avoir posé son fusil de chasse à la tête de son hamac.

Et c'était également par prudence et pour regrouper leurs forces qu'il avait invité Tchang à venir s'installer dans la même pièce que lui. À deux, ils se rassuraient et s'endormaient avec moins d'appréhension. Car les nuits devenaient incertaines et dangereuses. Et il n'était pas rare que de furtifs bruits de pas, des chuchotements ou encore le faible grincement de la serrure dont on testait la résistance les réveillent en sursaut, les contraignent à sauter de leur hamac.

Il y avait encore peu, les injonctions qu'ils adressaient alors aux invisibles visiteurs, tapis de l'autre côté de la cloison de bois, suffisaient pour les éloigner. Mais alors que naguère les rôdeurs n'insistaient pas et s'enfuyaient discrètement, ils tenaient maintenant tête.

S'instauraient alors d'étranges et désagréables dialogues que l'épaisseur réduite des planches du bungalow rendait très oppressants.

Car aux admonestations et aux avertissements que lançaient Martial et Tchang répondaient maintenant des flots d'insultes, des projets de représailles, des menaces de mort. Souvent même, quelques volées de pierres venaient marteler les parois et le toit du bâtiment.

« Et un jour, ces salauds vont avoir l'idée de tout arroser de pétrole et de foutre le feu, et on sera coincés comme des rats… » pensait Martial.

Dans ces moments, il était à la fois angoissé et furieux, surtout furieux. Car s'il y avait toujours eu des vols et des assassinats sur le chantier, leur récente recrudescence était due à l'agonie de la Compagnie.

Déjà, certaines entreprises, prudentes ou peut-être même presque ruinées, payaient de plus en plus mal et avec des délais de plus en plus longs la main-d'œuvre qu'elles employaient.

Et c'était de cette masse désormais trop mal et trop irrégulièrement rémunérée et dans laquelle fermentait la révolte que sortait une dangereuse faune, une racaille prête au pire pour prendre quelques piastres.

Martial redoutait beaucoup que la folie meurtrière ne gangrène un jour les milliers de pauvres hères de toutes races qui travaillaient sur le chantier.

Irrémédiablement gravé dans sa mémoire, le heurtait le souvenir du sac de Lima, ses abominations, sa furie. Or, il pressentait d'instinct que de tels débordements pouvaient brutalement naître. Alors, de nouveau, ce seraient l'horreur, le pillage et les flots de sang. Et lui qui, depuis son retour dans l'isthme, avait couru chaque jour le risque d'être emporté par une crise de malaria ou une attaque de fièvre jaune était maintenant angoissé à l'idée d'être une nouvelle fois repris dans le maelström d'une foule déchaînée.

Maintenant, il avait peur. Et, depuis peu, il savait surtout que les seuls événements capables de le faire fuir seraient le déferlement d'une troupe, ses cris de haine, sa marche, son attaque de tous ceux qui, comme lui, représentaient l'ordre, le travail, la richesse.

Certes, la situation sur le canal n'atteignait pas encore ces extrêmes et rien ne prouvait qu'elle les atteindrait un jour. Il n'en restait pas moins que les nuits étaient maintenant dangereuses, peuplées de silhouettes et d'ombres louches, en quête de mauvais coup.

Le bonheur de Silvère était tellement rayonnant et communicatif qu'il atténua beaucoup la peine de Pauline.

Comme elle le craignait, il lui avait été douloureux d'abandonner à la fois Marcelin et la France, de quitter Rosemonde. Et d'être contrainte de le faire en laissant aussi Antoine derrière elle.

Son départ avait donc été pénible, mais elle reconnaissait honnêtement qu'il eût été pire sans la joie presque indécente qu'affichaient les deux enfants.

Car Pierrette aussi était heureuse de rejoindre le Chili. À son sujet, Pauline avait redouté le déchirement que représentait sa séparation d'avec Marcelin, son jumeau, et elle était prête à lui venir en aide en cas de trop gros chagrin. Tout s'était passé mieux que prévu et c'étaient ses enfants et leur gaieté qui l'avaient soutenue.

Si Pierrette était manifestement contente de retrouver bientôt ses habitudes, sa maison, ses amies, elle était quand même loin de l'exubérante gaieté de son frère. À croire qu'il s'était ennuyé à périr pendant les mois qu'il avait passés en France !

Ce n'était pas le cas, Pauline s'en était assurée. Il était enchanté de son séjour et se disait même prêt à revenir, plus tard, passer d'autres vacances à Paris ou à Bordeaux. Mais, pour l'heure, ce qui le ravissait, c'était de rentrer au bercail, de revoir les paysages qu'il aimait, qui étaient siens, de retrouver Joaquin, Arturo, Jacinta, ses camarades d'école, La Maison de France et même, et c'était le comble, les Fonts-Miallet de Tierra Caliente !

D'ailleurs, pour faire bonne mesure, comme pour se remettre déjà dans le milieu – mais plus encore pour signifier aux autres passagers qu'il revenait chez lui –, il s'était mis à parler espagnol avec sa mère et sa sœur ; exercice qu'il ne pratiquait bien sûr jamais en famille, sauf pour plaisanter.

Cela avait beaucoup amusé Pauline, mais lui avait surtout fait comprendre que son fils se sentait plus chilien que français et que le vieux père Delmas avait vu juste en décrétant que les enfants étaient américains.

Mais si la joie de son benjamin lui avait permis de mieux supporter le départ, elle l'avait aussi inquiétée. En le voyant, en l'entendant, elle n'avait pu s'empêcher de songer à Marcelin. Si, comme son jeune frère, il était plus attiré par le Chili que par la France, les années qu'il allait y passer risquaient d'être très dures. Cette pensée aussi l'attristait.

Elle nourrissait également quelques appréhensions à l'idée de revivre à Santiago, d'y retrouver la hantise des tremblements de terre, de subir à longueur de journée les exigences souvent démesurées des clientes de La Maison de France, de reprendre une existence dont elle s'était si facilement détachée pendant quelques mois. Sans envier le mode de vie de Rosemonde, elle avait néanmoins mesuré à quel point les journées de son amie se déroulaient dans une tranquillité et un calme délicieusement reposants.

Aussi, sans le laisser paraître aux enfants dont le bonheur faisait plaisir à voir, outre la nostalgie de la France qui la gagnait déjà, croissait une vague et diffuse crainte de l'avenir.

— Eh bien voilà, tâche de nous faire honneur, redit Antoine avec une certaine gêne car il avait conscience du ridicule de la situation.

Sans le stupide retard du train qui devait le conduire à Saint-Nazaire, tout aurait été terminé depuis une bonne heure. Ses adieux faits, il se serait installé dans le compartiment, aurait baissé la vitre pour saluer une dernière fois Marcelin de la main, puis ce serait laissé emporter.

Au lieu de ça, pour tromper le temps, son fils et lui arpentaient le quai de la gare de Bordeaux en guettant, au loin, l'hypothétique arrivée du convoi.

— Mais qu'est-ce qu'ils fabriquent, ces ânes ! grommela Antoine pour la dixième fois.

Il le savait puisque le chef de gare les avait prévenus qu'un éboulement de ballast avait failli provoquer un déraillement du côté de Langon. Mais le fait de poser la question lui permettait d'entretenir un peu la conversation. Car ni Marcelin, ni lui n'avaient plus rien à raconter de sérieux, d'important. Tout avait déjà été dit et toutes les recommandations avaient été faites.

— Je ne connais rien de plus stupide que les adieux ratés, soupira Antoine. Enfin, pense à tout ce que je t'ai dit. Et, surtout, écris à ta mère, le plus souvent possible. Elle va beaucoup s'ennuyer. Bon. Tout ça, tu le sais. Et pour les quelques jours de vacances qui te restent, aide bien ta marraine. Tu as beaucoup de chance d'avoir quelqu'un comme elle pour t'accueillir. Mais bon Dieu ! Qu'est-ce qu'il fout ce maudit train ?

— Il finira bien par arriver, dit Marcelin. Il observa son père, s'assura que le convoi n'était toujours pas en vue puis se décida : Bon, je voulais te l'écrire, mais puisqu'on a le temps… Voilà, je voulais te dire, je suis très content que tu aies acheté les terres des Fonts-Miallet. Très content aussi que Ferdinand Bordes s'en occupe. Et, tu sais, j'ai en projet d'aller souvent les voir, pendant les vacances, bien sûr.

— Ça c'est une très bonne idée. Et je suis moi aussi très heureux que ce retour des terres dans la famille te fasse plaisir.

— Beaucoup. Tu vois, je sais maintenant pourquoi elles comptent pour nous. J'ai calculé, tu as beau t'occuper des vingt-huit mille hectares de M. de Morales, les seules terres qui soient vraiment à nous, qui nous appartiennent, ce sont ces deux hectares des Fonts-Miallet. Et pourtant, si tu avais voulu, tu aurais pu acheter une belle hacienda du côté de Concepción, de Chillán ou de Talca. Au lieu de ça, tout ce que tu t'offres, ce sont deux hectares de friche et de taillis ! Et je suis sûr que ça nous fait plus plaisir que cinq mille hectares au Chili ! C'est drôle, non ?

— Oui. Mais c'est normal aussi, et plus sérieux. Aux Fonts-Miallet, j'ai acheté des souvenirs, et ça, c'est inestimable. J'ai aussi effacé une vilaine déception qui me chagrinait depuis un soir de mai 71. Ça fait du bien d'avoir réglé ce compte. Toi, si cet achat te fait plaisir, c'est peut-être parce que tu as deviné tout ça. Mais je crois que c'est surtout parce qu'on aime bien marcher sur une terre de famille, une terre marquée par les ancêtres. Moi, je trouve qu'on y est beaucoup plus à l'aise, plus fort aussi. Oui, plus fort. Il observa la voie, sourit : tiens, le voilà enfin, ce fichu train ! Mais maintenant je suis content qu'il ait eu du retard.

— Je t'aurais écrit tout ça, redit Marcelin.

— C'est beaucoup mieux comme ça. Allez, cette fois, c'est vraiment le bon départ, pour toi beaucoup plus que pour moi, même si c'est toi qui restes et moi qui m'éloigne. Et maintenant, fais-moi plaisir, va-t'en, dit Antoine en l'étreignant et en l'embrassant.

Il le regarda, sourit, puis le repoussa fermement.

— Allez, va, fils, nos adieux n'ont que trop duré. Une minute de plus et on va se mettre à dire des bêtises ou à verser une larme. Va, et fais-nous honneur.

Réveillé en sursaut par les coups sourds qui martelaient la porte, Martial pensa d'abord que quelques voyous étaient en train de mettre leurs menaces à exécution.

La nuit précédente, plusieurs rôdeurs étaient déjà venus fouiner sans discrétion autour du bungalow. Menacés de prendre une volée de plombs s'ils s'entêtaient à empêcher les honnêtes gens de dormir, ils avaient fini par s'éloigner, mais avaient promis de revenir, une nuit ou l'autre.

Cœur battant la chamade, Martial sauta de son hamac, empoigna son fusil.

— Je ne crois pas que ce soient des voleurs, le prévint Tchang.

Le Chinois était déjà debout et s'il s'était prudemment armé d'une machette de taille respectable, il ne paraissait pas très inquiet.

— Pourquoi dis-tu ça ?

— On dirait que c'est Pedro qui appelle.

— Quel Pedro ? J'en connais cinquante !

— Moi ! Pedro le Blanc ! lança une voix que Martial reconnut aussitôt.

Pedro le Blanc était un des premiers Jamaïcains que Martial avait embauchés en 81. Très bon forgeron, il s'était vite intéressé aux machines et était ainsi devenu un mécanicien digne de confiance. Ses compétences étaient telles qu'elles réduisaient au silence les quelques oiseuses réflexions que lui attirait parfois son état d'albinos.

— Que se passe-t-il ? demanda Martial en ouvrant la porte, entre, dépêche-toi !

— C'est à l'atelier, dit Pedro le Blanc d'une voix geignarde.

Il épongea son front couvert de sueur, gratta son crâne aux cheveux blancs et crépus et regarda craintivement Martial de ses petits yeux rouges, presque fermés car éblouis par la lueur de la lampe.

— Alors, raconte ! Je vais pas te bouffer ! lança Martial.

— Les rôdeurs…, expliqua le Jamaïcain, les rôdeurs sont rentrés dans l'atelier, l'atelier fer, précisa-t-il. Ils prennent tout ce qu'ils peuvent…

— Je vois…, murmura Martial.

Il était soudain très las, fatigué de se battre, d'être contraint de se battre sans arrêt, et contre tout.

— Je vois, redit-il. Et là-bas, naturellement, personne n'a même essayé d'intervenir, de les sortir de l'atelier à coups de pied au cul !

— Ils sont nombreux…, s'excusa Pedro le Blanc.

— Nombreux ? explosa Martial, combien ? Quinze, vingt ? Et vous, les terreurs des pulperias et des bistrots, les champions des bordels, vous êtes combien au campement ? Trois cents ? Cinq cents ? Plus même ! Et pas un n'a bougé ! Ah si, toi. Excuse-moi, soupira-t-il en s'asseyant.

Il épongea son torse ruisselant de sueur, écrasa distraitement quelques moustiques qui voletaient autour de ses pectoraux et alluma un cigare.

Il était démoralisé, s'en voulait de l'être mais se savait incapable de réagir efficacement. Ce pillage, qui se déroulait à moins de cinq cents mètres de là, était à l'image du chantier.

Tout croulait, tout pourrissait. Et si personne ne prenait même plus la peine de faire quoi que ce soit pour arrêter la débâcle, c'était parce qu'il n'y avait plus rien à faire. Sauf attendre un éventuel mais très improbable miracle.

— Si je suis venu, c'est aussi parce que…, ajouta Pedro le Blanc en hésitant.

— Oui ? Vas-y ! Au point où nous en sommes, dit Martial.

— Ben, y a quelques gars qui sont un peu soûls, et je les ai entendus qui parlaient de foutre le feu, pour rire qu'ils disaient… Mais peut-être que si vous y…

— C'est ça ! coupa Martial avec un rire amer, compte là-dessus ! Je vais aller là-bas tout seul ! Tout seul pour expliquer à ces salopards que ce qu'ils font n'est pas bien du tout ! Et pendant qu'ils me casseront la gueule, tes camarades resteront dans leurs cases, cachés derrière les volets, mais regardant entre les lames pour voir à quoi ça ressemble un Blanc qui prend une raclée ! Non, non, dit-il en se versant un verre de punch, n'y compte pas !

— Peut-être qu'ils auront peur de vous, surtout avec un fusil ! hasarda le Jamaïcain.

— Peur de moi ? Tu rigoles ! Non, non, je n'irai pas là-bas, j'ai passé l'âge de jouer les héros. Tes copains peuvent tout prendre si ça les amuse ! Qu'ils se servent ! d'ailleurs, je ne vois pas ce qu'ils pourront emporter de l'atelier ! Des marteaux, des clés, des forges, des enclumes ? Je ne vais pas risquer ma peau pour sauver quelques outils, elle ne vaut plus grand-chose, mais je m'en sers encore !

— Et s'ils mettent le feu ?

— Ils ne sont pas dans la scierie ? Ni dans la réserve de bois ? Alors, tu sais, le feu dans la ferraille ! Je ne vois pas ce qui brûlera. Des boulons ? Des rivets ? Enfin, merci quand même d'être venu me prévenir, ça m'évitera une mauvaise surprise demain matin ; à mon âge, il faut les éviter.

— Mais alors, qu'est-ce qu'on fait ? demanda Pedro le Blanc.

Il était perplexe et ne comprenait plus.

— Rien. On attend que ça se passe, dit Martial. Quand tes copains en auront assez, ils partiront tout seuls. Et crois-moi, mon vieux Pedro, c'est ce que nous ferons tous un jour ou l'autre, bientôt…

Ils n'avaient pas osé mettre le feu à l'atelier et n'avaient pas pu emporter grand-chose.

Alors, dépités de ne rien trouver de vraiment monnayable, ils s'étaient vengés en cassant tout ce qui pouvait l'être, en renversant les établis et les armoires, en éparpillant les boulons, les écrous et les rivets.

De plus, non contents de jalonner le sol d'excréments, de flaques d'urines et de vomissures, quelques vicieux avaient jeté des poignées de sable dans les bidons de graisse, puis avaient éventré les fûts d'huile.

Quand il découvrit le spectacle, au petit jour, Martial fut empoigné par une telle fureur qu'il en regretta de n'être pas venu disperser les pillards à coups de fusil.

Et lorsqu'il crut déceler l'éclair d'un sourire narquois sur le visage d'un Cubain, sa rage explosa, terrible. Elle s'abattit sur tous les hommes présents qui, par leur couardise, voire leur complicité, avaient permis que de tels actes soient commis.

— Et c'est bien simple, menaça-t-il, si ça se renouvelle, je retiendrai sur votre paie le prix de la casse ! Alors, à partir de ce soir, vous avez intérêt à monter la garde !

Et soudain il se tut, désarmé, et s'éloigna à grands pas pour masquer sa gêne. Fallait-il qu'il soit stupide, épuisé et surtout aveuglé par la colère pour avoir osé parler de paie ! La Compagnie avait déjà plus de trois semaines de retard de paiement. Aussi, pour régler les jours de travail de ses hommes, avait-il dû faire l'avance en puisant dans les réserves de la Sofranco !

C'était un système très dangereux qui ne pouvait durer et qu'il devait appliquer avec la plus grande prudence ; et en priant le ciel que la Compagnie finisse par régler ce qu'elle lui devait. Alors, parler de retenir leur salaire à des hommes qui risquaient de ne plus toucher un centavo !

— Mais, bon Dieu ! Que s'est-il passé ici ? Vous êtes tous devenus fous ou quoi ? lança soudain Antoine campé au milieu de la vaste porte de l'atelier.

Martial sursauta, sourit et courut vers son ami.

— Mais que fais-tu là à cette heure ? Je ne t'attendais que ce soir ! dit-il en l'étreignant et en lui expédiant de grandes claques dans le dos et sur les épaules.

— Ça, c'est la surprise. Grâce au Franklin, un nouveau vapeur, une vraie merveille. Traversée superbe et surtout ultra-rapide ! Nous avons mis à peine dix-sept jours, ce qui explique notre avance. En revanche, j'aimerais que tu m'expliques ce bordel ? dit Antoine en désignant l'atelier saccagé.

— Ah ça ? Ça, c'est la nouvelle mode sur le chantier ! dit Martial, soudain repris par le découragement. Viens, je vais te raconter.

Et il précéda Antoine qui ne put s'empêcher de remarquer à quel point, en l'espace d'un an, son ami s'était voûté et avait maigri. De plus, tous ses cheveux étaient maintenant blancs ; c'était très impressionnant.

— Alors, comme ça, tu passes me faire une petite visite amicale ? C'est gentil…, plaisanta Martial un peu plus tard.

— Fais pas l'innocent, s'amusa Antoine, d'accord, il y a la visite amicale, mais ce n'est pas uniquement pour ça que je suis là…

— Je sais. Tu es là pour me décider à abandonner au plus vite le chantier, sourit Martial. Tiens, regarde, dit-il en désignant la table, nos amis Edmond et Herbert m'abreuvent de dépêches. Il en arrive toutes les semaines, ou presque. À les croire je suis en train de ruiner la Sofranco !

— Sans aller jusque-là, le tout est de savoir où en est vraiment la situation.

— On ne dirait pas que tu as travaillé sur le chantier, lui reprocha Martial. La situation ? Ni plus ni moins pourrie que d'habitude…

— Allons, ne me raconte pas d'histoires ! Tu sais aussi bien que moi qu'elle est désespérée. N'oublie pas que j'arrive de France, j'y ai appris beaucoup de choses… D'accord, je n'y connais rien en finances, mais je sais écouter et lire les journaux.

— Les journaux ? Eh bien, moi il y a beau temps que je m'en sers comme torchon ! Ils mentent tous, c'est flagrant !

— Bien sûr. Mais il n'empêche qu'en France plus personne de sérieux ne croit que la Compagnie pourra redresser la barre ! Et tu veux savoir ce qui m'inquiète le plus ? C'est que les politiciens s'en mêlent et s'en servent ! Et tu sais aussi bien que moi que tous ces gens-là sont des charognards, ils trouvent leur vie sur les cadavres ! Et ils sont maintenant nombreux au-dessus de Panamá… Alors pour moi, s'il n'est pas encore mort, le canal est déjà agonisant et ça tu ne peux pas l'ignorer.

— D'accord, l'affaire est foutue, je le sais depuis longtemps et alors ?

— Alors il serait prudent d'en tenir compte.

— La prudence ne m'intéresse pas. Allez, va, ne te fatigue pas à chercher à me convaincre, je connais tous tes arguments et…

— Et tu t'en fous, coupa Antoine.

— Oui. À toi, je peux le dire parce que tu comprendras, ce canal me plaît tel qu'il est, et même tel qu'il devient. C'est-à-dire une entreprise qui semble vouée à l'échec à plus ou moins brève échéance. Mais, moi, j'ai décidé de voir jusqu'où ça va finir ! Ça oui, je veux le voir et je le verrai !

— Ça risque de coûter cher…

— Pas tant que tu crois, moins que ne le pensent Herbert et Edmond. Et puis quand bien même ! Moi, je suis là depuis septembre 81. Ce canal, je l'ai vu naître, s'ouvrir, grandir, devenir fou. Alors voilà, je veux voir la suite. Peut-être la mort, peut-être la renaissance, on ne sait pas. Mais personne ne m'empêchera d'assister à cela. J'ai décidé de rester parce que ce canal c'est mon dernier combat, ma dernière aventure. Oui, la dernière. Ensuite… plus rien ne sera pareil, le rêve sera fini. Souviens-toi, on l'a commencé ensemble, un soir.

— Oui, dans une petite auberge de Lodève, on s'est pris à rêver, enfin surtout toi…

— Allons, allons, toi aussi ! Alors comprends-moi, en ce moment, grâce à ce chantier de boue et de caillasse, j'arrive à oublier mon âge et ma santé. Ça semble idiot, mais c'est vrai, je les oublie et je rêve encore un peu… Mais quand cette épopée s'achèvera, je sais que les années vont me retomber sur les épaules et qu'elles pèseront soudain très lourd, d'un coup. Alors laisse-moi les oublier encore un peu…

— Tu sais bien que ce n'est pas moi qui te forcerai à abandonner mais je ne suis pas le seul…

— Alors fais comme moi ! Ne t'occupe pas de ce que pensent Herbert et Edmond. Ils sont gentils, tous les deux ; je les aime bien, mais ils ne peuvent pas comprendre. À quoi bon discuter avec eux !

— Ils sont quand même en droit de demander des comptes…

— Des comptes ? Bien malin qui pourrait parler de comptes ! D'accord, la Compagnie nous doit plusieurs dizaines de milliers de piastres. Mais quoi, rien ne prouve qu'elle ne paiera pas un jour ou l'autre !

— Rien ne prouve non plus qu'elle paiera…

— C'est vrai. Mais j'ai décidé de tenter le coup jusqu'au bout. Tu pourras dire ça aux amis de Santiago. Et, maintenant, oublions toutes ces bêtises. Viens, on va aller voir l'ami O'Brien, il va être ravi de te revoir. Et puis, surtout, tu vas te rendre compte qu'en un an on a rudement bien travaillé. Tu vas voir, le canal se creuse, mon vieux, il se creuse et il avance malgré tout. Et, malgré tout, peut-être qu'on réussira !

Lorsqu'il avait accepté, presque à contrecœur, de faire un détour par Panamá, Antoine n'avait pas pensé qu'il aurait du plaisir à revoir le pays. Or, outre le bonheur de retrouver Martial et O'Brien, l'honnêteté l'obligerait à reconnaître qu'il était également content de reprendre contact avec le chantier. Un chantier qui, n'en déplaise à Martial, paraissait ne pas avoir progressé d'un mètre…

Ce n'était certes qu'une impression car, pour quiconque avait travaillé là, l'avancement du creusement sautait immédiatement aux yeux.

Mais, par le jeu du ciel bas d'où chutait toujours un lancinant crachin, de ces longues files d'hommes qui s'échinaient toujours dans la tranchée, des dragues et des excavateurs – toujours aussi grondants et ferraillants –, de la jungle – toujours oppressante et envahissante –, Antoine avait l'impression d'avancer dans un songe, de revivre point par point une tranche d'existence. Et il en était heureux.

Heureux de redécouvrir un paysage familier, une animation bouillante de vie, de labeur ; et cette lourde et constante rumeur qui, telle une réconfortante et régulière respiration, montait du canal.

— Alors, avoue qu'on a bien travaillé ! dit Martial en s'arrêtant au sommet d'un petit cerro qui dominait le chantier. Tiens, regarde là-bas, insista-t-il avec fierté en tendant la main vers le Chagres, regarde notre brave Ville de Lodève ! Tu ne peux pas la reconnaître, elle est comme neuve, enfin presque… Tu viendras la voir de plus près, un vrai bijou ! Et là-bas, dans la tranchée, regarde ce qu'on a gagné depuis ton départ ! Tu te souviens comment c'était, oui ? Alors, c'est pas de la belle ouvrage qu'on fait là, de la bonne besogne ?

— Si, reconnut Antoine.

Il contempla lentement le paysage, découvrit peu à peu tous les changements survenus depuis son départ.

Alors, aussi vite qu'était monté son bonheur quelques instants plus tôt, s'installèrent la colère et la tristesse quand il pensa à l'avenir.

Car il était scandaleux, et surtout déchirant, que tout ce qui rendait Martial si fier, tout ce fantastique travail, fait de sueur, de douleur et de mort, se révèle bientôt inutile et vain.

Il devenait même honteux d'envisager un instant de stopper une telle entreprise, d'arrêter les machines et les trains, de congédier les dizaines de milliers d'hommes et de laisser le champ libre à la jungle.

Elle était là, toute frémissante d'impatience, jugulée pour un temps, mais sournoisement à l'affût du terrain à regagner.

Déjà, ses lianes et ses racines menaçantes, ses graines, ses spores, ses bulbes et ses rhizomes envahissants, retenus à l'extrême bord du chantier, étaient prêts à se déchaîner, à bondir, à ramper, à envahir, à digérer et à faire disparaître ce grand sillon rouge.

Et de cette palpitante artère entre deux océans ne resterait bientôt qu'une longue cicatrice verdâtre, toute purulente de marigots puants où grouilleraient les caïmans.

— Oui, vous avez fait du bon travail, soupira enfin Antoine en essayant d'oublier la vision du chantier livré à l'abandon.

 Nous avons fait du bon travail, tu y as ta part, rectifia Martial.

— Si peu… Enfin oui, un peu… Cela dit, sérieusement, combien de temps donnes-tu encore à la Compagnie ? Je veux dire avant qu'elle n'arrête tout. Tu as bien une idée ?

— Non. Un mois, six mois, un an, va savoir… Plus peut-être ou moins, je n'en sais rien. Mais, vois-tu, je n'en suis plus là. Je ne calcule plus tout ça. Ce qui importe c'est de tenir au jour le jour, de creuser au jour le jour, de m'accrocher jusqu'au bout. Et je suis certain que tu ferais la même chose à ma place.

— C'est bien possible. Oui, je crois que moi aussi je m'accrocherais.

— Alors j'ai raison de vouloir rester ?

— Oui. Oui, tu as raison, mais si je dis ça à Edmond et à Herbert, ils vont penser que je suis devenu fou, aussi fou que toi…

Grâce aux enfants de plus en plus débordants de joie, le retour de Pauline à Santiago se passa beaucoup mieux que prévu. Et ce fut même avec un certain plaisir qu'elle retrouva ses amies et relations, Clorinda au mieux de sa forme et une Maison de France en parfait état. Quant au bonheur que manifestèrent Arturo, Jacinta et Joaquin en revoyant Pierrette et Silvère, il fut émouvant.

À cela s'ajoutèrent coup sur coup deux dépêches qui la réjouirent. La première annonçait la proche arrivée d'Antoine, la seconde était une longue lettre de Marcelin.

En plusieurs pages d'une très belle écriture, le jeune homme racontait sa rentrée scolaire, ses découvertes, sa nouvelle existence. Il parlait même de quelques camarades qu'il s'était déjà faits et assurait surtout que les années à venir seraient vite passées.

Rassérénée, heureuse même, Pauline se prit à penser que l'avenir était beaucoup plus serein qu'elle ne l'avait craint en quittant la France. Et elle était même près de se reprocher d'avoir manqué d'énergie et surtout d'optimisme lorsque le sol trembla imperceptiblement sous ses pieds.

Ce n'était rien, juste un de ces habituels et très fréquents petits frémissements auxquels des gens comme Joaquin ne prêtaient même pas attention ; un de ces infimes temblores que Silvère lui-même traitait par le mépris.

Mais, pour elle qui les redoutait tant, il était synonyme de frayeur incontrôlable, d'angoisse, de panique. Et pour bref et faible qu'il fût, il lui fit mesurer combien les mois qu'elle venait de vivre en France avaient été calmes, reposants, paisibles. Elle comprit surtout que cette forme d'existence lui manquait déjà beaucoup.

Malgré les réflexions de Pauline qui redoutait de le voir reprendre une vie pleine de voyages et ponctuée de longues absences, Antoine ne passa que quelques jours à Santiago.

Il y avait maintenant plus de six mois qu'il avait délaissé les champs de Tierra Caliente et il avait hâte de les retrouver. Ils lui manquaient ; il était impatient de voir l'état des vignes et des vergers, l'avancement de tous les travaux. De plus, comme il l'expliqua à Pauline, la politesse envers M. de Morales exigeait qu'il reprît au plus vite et à plein temps ses fonctions de régisseur. Le printemps était bien avancé et il était urgent de mettre en œuvre ou de faire accélérer tous les soins saisonniers.

Mais, avant de sauter dans le train de Concepción et à peine descendu de celui qui l'avait conduit de Valparaíso à Santiago, il eut à cœur d'aller rendre compte de son voyage à Panamá à Edmond et à Herbert.

Il trouva les deux hommes moins soucieux qu'il ne le craignait, mais encore plus cyniques que d'habitude.

— Il est superflu de vous demander si vous avez réussi à convaincre notre ami Martial, dit Edmond. Puisqu'il ne vous accompagne pas, c'est qu'il s'entête toujours là-haut, je me trompe ?

— Non, mais il faut essayer de le comprendre, expliqua Antoine, pour lui, le canal c'est…

— Taratata ! coupa Herbert. Tout ce que nous comprenons, c'est que la situation est catastrophique et que nous allons perdre de l'argent, beaucoup ! Nous en sommes donc à souhaiter que la chute de la Compagnie soit la plus rapide possible. Le reste n'est que du sentimentalisme, pour ne pas dire du romantisme !

— Si l'on veut, dit prudemment Antoine un peu désarmé par les derniers mots d'Herbert. Mais vous savez, se reprit-il, ça travaille dur là-haut, et ça avance !

— En pure perte, et à perte, coupa Edmond. Plus rien ne sauvera maintenant la Compagnie. Alors, ne venez pas nous raconter qu'il faut essayer de comprendre Martial. Son attitude est insensée, un point c'est tout !

Antoine hocha doucement la tête, alluma un des havanes d'Herbert.

— Vous savez, il y a une chose que je voulais vous dire depuis longtemps, reprit-il en souriant, et je pense être l'interprète de Martial et aussi de Romain. À propos, où est-il, ce brave ?

— En tournée depuis un mois entre Antofagasta, Calama et Tocopilla. Vous le connaissez, il ne tient pas en place !

— Donc il serait de mon avis, assura Antoine sans cesser de sourire. Oui, il y a longtemps que je voulais vous le dire, et prenez-le comme vous voulez, ça ne changera rien. À vous deux, à toujours parler d'argent, vous faites une sacrée paire d'emmerdeurs ! Ah oui, alors, dans le genre, vous êtes champions ! Voilà, c'est dit et ça fait du bien !

— Ah bon ? Des emmerdeurs ? Expliquez-vous au moins ! lança Herbert beaucoup plus amusé que vexé.

— Parfaitement, dit Antoine en regardant surtout Edmond qui semblait plus choqué que l'Anglais. Vous dites que Martial a une attitude insensée ? C'est possible, mais, si j'ai bonne mémoire, vous n'avez pas dit ça quand il vous a sauvé de la faillite dans les années 77 ou 78, pas vrai ?

— Ça, je le reconnais et je lui en sais toujours gré, assura Edmond.

— Et vous, la terreur des rabonas, poursuivit Antoine en regardant Herbert. Je sais bien que ce n'est pas Martial qui vous a sauvé la peau dans ce campement, là-haut, dans la sierra de Moreno, mais dites-moi honnêtement si vous-même n'avez pas eu une attitude insensée en allant bêtement courir le désert voici quelque huit ans ? Complètement stupide et folle, votre idée de cette époque. Parce que, entre nous, vous êtes aussi fait pour courir les pistes que moi pour être banquier !

— Je vous le concède, sourit Herbert.

— Et l'attitude des braves andouilles qui partirent à votre recherche, n'était-elle pas insensée, elle aussi ? Et pour parler comme vous, que nous a-t-elle rapporté cette expédition ? De belles suées et à l'ami Edmond, le sage des sages, un joli coup de lame !

— C'est quand même très différent ! protesta Edmond.

— Laissez-moi finir ! Vous voulez que je vous donne un conseil ? dit Antoine. Oubliez un peu de compter tous les deux, ça reposera tout le monde ! Et laissez-moi vous dire aussi ceci : si tous ceux qui ont travaillé au chantier de Panamá l'avaient fait comme Martial, le canal serait ouvert depuis longtemps ! Malheureusement, les banquiers, les politiciens et les margoulins s'en sont mêlés et l'affaire en est morte ! Mais c'est à ces gens-là qu'il faut vous en prendre si vous perdez quelques sous, pas à Martial. Voilà, maintenant pensez-en ce que vous voulez, ça ne changera rien !

— Très bien, approuva Herbert. Vous avez sans doute raison, nous n'avons sûrement pas tort. Mais on ne va pas se battre pour ça, n'est-ce pas ? Quant aux affaires du canal, le proche avenir se chargera de les inscrire dans les profits, ou dans les pertes… Cela admis, que va faire Martial quand tout s'arrêtera ?

— Aucune idée, dit Antoine. Mais, voyez-vous, il est un point sur lequel je vous rejoins. Moi aussi, j'ai hâte d'apprendre que la Compagnie stoppe les travaux. Mais moi, si je suis impatient de le savoir, c'est parce que je me demande pendant combien de temps Martial pourra encore tenir debout.

Accompagné par Joaquin qui semblait rajeuni de dix ans tellement il était content, Antoine rejoignit Tierra Caliente après une petite semaine de repos.

C'est en vain qu'il avait proposé à Pauline de l'accompagner… Elle avait refusé et il reconnaissait que ses arguments étaient solides.

— Ce ne serait vraiment pas sérieux, avait-elle dit. Je ne peux pas m'absenter alors que je rentre tout juste ! Que penseraient les clientes, et même Clorinda ? Mets-toi à leur place ! De plus, j'ai vu à Paris quelques idées de vitrine que j'ai hâte d'essayer ici. Mais, toi, tâche de ne pas rester là-bas trop longtemps !

Il avait promis, sans toutefois fixer de date de retour et avait pris la direction du sud.

Et, maintenant, c'était sans remords qu'il était heureux car, outre le bonheur de retrouver des terres qu'il aimait, Pierrette et Silvère lui avaient causé une grande joie.

Le matin de son départ pour l'hacienda, ils étaient tous les deux entrés dans sa chambre avec des mines de conspirateurs. Et là, riant sous cape, ravis de le voir intrigué, ils avaient posé sur la table deux sachets remplis d'énormes pommes de pin toutes chargées de pignons bruns et qui embaumaient la résine. Et l'odeur des Fonts-Miallet avait soudain flotté dans la pièce.

Toutes explications étaient superflues. Pourtant, très fier de lui, Silvère avait cru bon d'insister :

— Tu vois, on y a pensé, nous ! Il faut remplacer le pin foudroyé. Alors sème des pins sur tout le cerro, partout ! Là-bas, c'est pas comme en France, y a de la place !

— D'accord, avait-il promis. Et avec toutes les graines que votre mère et moi avons ramassées, plus toutes celles que Marcelin m'a confiées, c'est une véritable forêt de pins parasols qui va naître aux Fonts-Miallet de Tierra Caliente.