20.
Elle atterrit dans l’obscurité et chancela, désorientée. La lumière bleue s’atténua, puis disparut dans un dernier éclat. Wren réfréna une brusque nausée, effet inévitable de toute translocation, et sursauta en entendant un fracas, non loin d’elle. Soudain, elle se rappela où elle était, et pourquoi. Avançant à tâtons devant elle, elle comprit qu’il faisait sombre, non seulement parce qu’elle avait oublié d’ouvrir les yeux, mais aussi parce que toutes les lampes étaient éteintes. Sa main heurta un mur, glissa à la recherche d’un interrupteur, le découvrit et appuya. Rien ne se produisit.
— Zut ! grommela-t-elle. Un court-circuit.
Le fantôme devait probablement aspirer le courant pour se donner plus de force et de puissance. Ce n’était guère surprenant, mais fichtrement ennuyeux. Un instant, elle pria pour qu’il ne se produise pas un court-circuit général dans la ville, parce qu’alors, elle risquait d’en entendre parler jusqu’à la fin des temps…
Par précaution, elle récupéra l’électricité passive qui dormait dans les câbles. Toujours ça de gagné. Plaçant prudemment son bras blessé contre le mur, elle avança. Pas la moindre fenêtre. En revanche, quelques lumières de secours jetaient une lueur faible, qui lui permit de discerner un bureau. Elle se trouvait dans l’espace d’accueil, juste à la sortie de l’ascenseur.
— Oriente-toi, ma fille, murmura-t-elle en essayant de localiser le fracas qu’elle avait entendu tout à l’heure.
Un hurlement rauque déchira le silence. Il venait du couloir, en face.
— Bien, allons-y.
Glissant le long du mur, elle progressa aussi rapidement que possible. De temps à autre, son épaule heurtait un cadre de bois, et elle esquissait une petite grimace. Elle se moquait bien d’avoir des bleus. Mais elle regrettait amèrement de ne pas avoir inclus dans son contrat une clause médicale couvrant les frais d’hôpital, ou tout au moins, une visite à Jay, le masseur qui habitait à deux immeubles de chez elle et dont les tarifs étaient affreusement élevés.
— Concentre-toi, idiote !
Un rai de lumière filtrait sous l’imposante porte à double battant, au bout du couloir. C'était une lumière étrange qui ne ressemblait ni au flux uniforme d’une lampe, ni à l’éclat changeant du soleil entrant par une fenêtre. Elle évoquait une sorte d’aurore boréale, oscillant du bleu au rouge en passant par le vert et le jaune. De temps à autre, une étincelle argentée jaillissait et retombait sur le tapis du couloir, avec un léger grésillement. Une faible odeur de brûlé se répandait aussitôt.
« Je parie que c’est mon fantôme. Ou bien un mage très, très énervé et très, très chargé… » Qu’est-ce qui était préférable ? En dépit de son instinct qui lui conseillait de fuir immédiatement, Wren se força à avancer.
Prudemment, elle posa sa main sur la poignée et réprima un mouvement de recul. Sans trop savoir pourquoi, elle s’était attendue à un contact brûlant. Or, le métal était froid. Raffermissant sa prise, elle appuya doucement.
La porte s’ouvrit sans heurt. Surprise, Wren chancela légèrement sur le seuil, puis se figea devant le spectacle qui s’offrait à ses yeux.
Une véritable tornade semblait avoir dévasté le magnifique bureau. Brisés et déchiquetés, des tables en marqueterie et des fauteuils de cuir s’amoncelaient pêle-mêle au pied du mur. Des tableaux de maître gisaient au sol, lacérés. Des traces noires zébraient les tapis épais. Une odeur âcre, piquante, saturait l’air — une odeur de câbles fondus, et de…
Wren fit un pas en avant. De chair brûlée… Elle eut un haut-le-cœur. Sur le sol gisait un corps, vêtu d’un uniforme bleu. Un agent de surveillance. « Mon Dieu, faites que ce ne soit pas Rafe… » L'un de ses bras était tendu en avant, comme pour attraper l’assaillant. La chair de son visage était horriblement boursouflée et craquelée, le rendant méconnaissable. Plus loin, Wren aperçut une jambe. Une jambe détachée de son propriétaire. Et sur la table, un bras baignant dans une mare de sang, appartenant sans doute au même propriétaire. L'un des gardes du corps mentionné par Sergueï ? Wren eut un second haut-le-cœur, plus violent que le premier. « Du calme, ma fille. » Pas le moment de vomir, ou de piquer une crise de nerfs. On verrait ça plus tard… S'il y avait un « plus tard ».
Les flux d’énergie qui tourbillonnaient dans la pièce rappelèrent Wren à la réalité. Elle avança, poursuivant son inspection.
— Nom d’un chien, grommela-t-elle.
Une silhouette était recroquevillée contre le mur. Un homme d’un certain âge. Frants, supposa-t-elle. Son nez saignait abondamment, sa chemise blanche était en lambeaux, comme lacérée par des griffes, et son bras droit était visiblement blessé. Une femme gisait à ses pieds, comme un paquet qu’on aurait jeté là et abandonné. Ses cheveux éparpillés couvraient à demi son visage, et son corps était d’une immobilité absolue. Mais Wren n’eut pas le temps de vérifier si elle respirait encore.
Il était là.
Le spectre, au moment de sortir de la dalle, ressemblait à une masse d’énergie aux contours vaguement humains. Celui qui se tenait devant elle était devenu plus consistant, en quelque sorte, depuis son pantalon souillé de boue jusqu’à ses joues bleuies par une barbe de plusieurs jours. Sidérée de constater à quel point il avait su prendre une allure vivante, Wren eut un mouvement de recul en voyant l’aura qui palpitait autour du fantôme. Voilà quelle était la source de l’étrange lumière boréale !
L'individu n’était peut-être pas un mage, mais son séjour dans les limbes lui avait visiblement permis de s’imprégner de quelques procédés magiques : prélever du Courant, en particulier. Intéressant. A étudier plus tard, si on lui en laissait la possibilité. Pour l’instant, elle se contenterait d’ajouter le phénomène à la longue liste des aspects troublants de l’affaire.
Le spectre plongea ses yeux dans les siens. Une onde de choc la traversa. Les pupilles étaient fixes et dilatées, la mort et la magie s’y disputaient la suprématie, sur fond de folie.
« Mon Dieu, il a été aspiré par le Courant ! Je ne savais pas qu’un Profane, un mort, pouvait être aspiré par le Courant… Mon Dieu… La mort… Je suis morte… »
Réagissant instinctivement, elle plongea ses racines à travers le béton et l’acier, jusqu’aux soubassements les plus profonds, en priant pour que ses forces tiennent jusque-là. En priant désespérément pour que son entraînement résiste aux sortilèges rapportés de l’au-delà par le fantôme.
« Bon sang, mais pourquoi n’existe-t-il aucun livre sur l’usage du Courant par les spectres ? lança-t-elle silencieusement à l’intention de Sergueï. Je ne lis peut-être pas beaucoup, mais théoriquement, il est censé y avoir un livre sur le sujet ! »
Soudain, à sa plus grande surprise, le fantôme se détourna. Oubliant visiblement sa présence, il épousseta son pantalon sali. Très illogiquement, Wren en conçut de la colère, et non du soulagement.
Il ne devait pas finir ce qu’il avait commencé.
— Hé là !
Le spectre se retourna. Ses traits remuèrent comme s’il essayait de parler. Son visage avait dû être agréable autrefois, avant que la mort ne fasse son œuvre.
Puis, manifestement, le fantôme renonça et reporta son attention sur les autres personnes présentes dans la pièce.
Ou, plutôt, sur une seule d’entre elles.
— Bien sûr ! C'est la raison de votre présence ici.
Bon sang, son cerveau avait dû partir en vacances le jour où elle s’était lancée dans cette mission ! C'était pourtant si simple, et ils n’y avaient pas pensé… Tout devenait lumineux. La vengeance !
Ils avaient certes évoqué cette possibilité, mais du point de vue des vivants, pas des morts ! N’avait-elle pas dit, aujourd’hui même : « Je doute que le fantôme se soucie de la loi » ?
Le spectre voulait prendre sa revanche sur ceux qui l’avaient enfermé dans la pierre, et défaire l’œuvre du mage, mort depuis longtemps maintenant. Qui d’autre mieux que celui qui portait le nom de l’immeuble pouvait être la cible ? Bien sûr, ce n’était pas lui qui était à l’origine de l’édification, mais le péché du père suffisait.
Elle avait donc vu juste. C'était le Conseil qui avait tout manipulé dès le début. Frants se moquait d’eux, défiait leur autorité. Ils avaient décidé de s’en débarrasser, mais il leur fallait un intermédiaire — un homme qui agirait, sans le savoir, pour leur compte. Ils avaient dû en essayer plusieurs, et seul Prevost avait mordu à l’appât. Quand Frants s’était mis à hurler, ils avaient refusé d’intervenir, l’obligeant, du même coup, à engager l’un de ces Indépendants jetables… Et, bien sûr, ils savaient que la pression de la translocation serait trop forte, que le sceau maintenant l’incantation n’y résisterait pas… Or, non seulement la Solitaire avait survécu à l’événement mais, en outre, elle avait poursuivi sa mission. Aussi, ils avaient purement et simplement cherché à l’éliminer pour que le fantôme reste libre d’accomplir sa vengeance. Et de les débarrasser, du même coup, d’un ancien client devenu trop gênant. Si, dans la foulée, le spectre pouvait se charger de la Solitaire que le tireur d’élite avait manqué, le Conseil pourrait se féliciter d’avoir parfaitement réussi son coup et préservé son intégrité aux yeux de toute la Cosa.
Juste un tout petit bémol… Oh, si petit… Que deviendrait le fantôme, une fois Frants et elle mis hors course ? Le Conseil y avait-il seulement songé ? Et si le fantôme apprenait que l’incantation avait été formulée par un mage, membre du Conseil ? Le dossier du mage en question avait beau avoir été détruit, le souvenir de son acte demeurait. Telle était la fonction de la mémoire : quelqu’un, quelque part, devait conserver la trace de ce qui avait été dit et fait. Il existait donc encore une piste qui permettait de remonter jusqu’au Conseil.
Pendant que Wren se félicitait de sa perspicacité, le spectre avait rassemblé ses forces, ce qui se traduisit par une violente bourrasque. La femme aux longs cheveux noirs valsa contre le mur et retomba. Frants s’était agrippé aux vestiges d’un bureau. Et Wren se félicita de la solidité de ses racines.
Le spectre leva lentement son poing vers Frants, qui le regardait avec un air de défi agressif. Une fenêtre vola en éclats, et Wren réagit avant même de comprendre ce qu’elle faisait.
— Noooon ! hurla-t-elle en s’élançant de toute sa force contre le spectre.
Elle s’attendait à heurter une masse relativement consistante. Elle roula à travers une zone de turbulences qui la secoua en tous sens et fit grimper en flèche son taux d’adrénaline, déjà élevé. Atterrissant sur le sol, elle se ramassa et se retourna aussitôt. Et zut ! Elle se trouvait exactement entre le revenant et sa victime.
— Maîtrisez-le ! hurla Frants, retrouvant toute sa superbe de patron habitué à donner des ordres.
Wren lui lança un regard froid. Ce type cherchait visiblement les ennuis. Heureusement pour lui, un client mort les obligerait à faire une croix sur le chèque. Ce qui agacerait prodigieusement Sergueï.
Son cerveau fonctionnant à toute allure, Wren passa en revue tout ce qu’elle savait sur la manière de neutraliser un Courant hostile. Soudain, l’image de Sergueï expliquant la signification d’une sculpture bizarre lui revint à l’esprit. Que disait-il, déjà ?
« L'artiste s’est efforcé de montrer la continuité qui existe entre nous, à chaque instant. L'humanité est, en somme, une forme de vie unique qui s’est fragmentée en mille morceaux. »
Une forme unique. Une énergie unique. Un Courant unique fragmenté en mille autres courants…
L'énergie dont s’était servi le fantôme pour acquérir sa toute récente consistance, peut-être réagissait-elle encore à l’incantation qu’elle avait lancée pour retrouver le spectre…
Os dans la chape de pierres
Os et chair depuis longtemps séparés
Réunissez-vous !
Wren n’avait pas le talisman avec elle. Pourtant, la formule fonctionnait encore. Lentement, très lentement, elle sentit le Courant volé par le fantôme rejoindre, à travers l’incantation, son propre Courant. Elle aspira. Dieu que c’était dur ! Elle aspira encore et encore. Puis, dans un frémissement, le flux s’accéléra, et elle éprouva une sensation de poids et de chaleur dans ses entrailles, comme après un repas particulièrement lourd. Pas de doute : demain, elle paierait très cher cet excès. Le corps humain ne pouvait contenir qu’une dose limitée d’énergie, et elle était en train d’atteindre cette limite. Mais elle n’avait pas le choix : dans l’immédiat, elle ne voyait pas d’autre endroit où elle aurait pu stocker ce Courant. Jamais le revenant ne pourrait venir le chercher là.
En théorie, du moins.
Le spectre vacilla, tenta de retenir le Courant. Une lutte acharnée s’ensuivit. Une lutte qui ne ressemblait à rien de ce que John lui avait appris.
« L'énergie sans volonté n’est que de l’énergie. Le pouvoir inutilisable n’est pas du pouvoir. Et quand je fais ceci, sens-tu le Courant ? »
Elle avait poussé un petit cri au moment où la décharge était passée de ses doigts aux siens. Une décharge mille fois plus douloureuse que ce qu’elle avait jamais ressenti.
— Tu me fais mal ! avait-elle crié, indignée.
John avait secoué la tête.
— Bien sûr, Jenny-Wren. Le Courant n’aime pas être dominé. Il se débattra jusqu’au bout. Mais tant que tu ne l’as pas réduit à ta merci, il ne te sera d’aucun secours. Tu dois le contrôler, le canaliser. Sinon, il te sera inutile. Allez, concentre-toi. Vas-y.
Elle se concentra. Inspirant et expirant lentement, elle laissa l’énergie se tasser en elle. Ses jambes devinrent plus lourdes que du plomb, plus denses que les poutres d’acier de l’immeuble. Lui revint alors à la mémoire un mantra qu’elle avait appris à l’époque où elle s’exerçait à canaliser le Courant : « Ce que je veux, sera ; ce que je vois, sera ; ce que je guide, sera. »
Le chant l’apaisa. L'énergie aspirée s’imprégna de sa marque, et tout son corps se tendit sous la pression accumulée en son centre.
— Bien. Discutons peu, discutons bien, je…
Déséquilibrée par un brutal appel d’air venu de l’arrière, elle s’interrompit. Oubliant un instant le dangereux fantôme, elle se retourna. Le visage tordu par l’effort, Frants essayait d’articuler des mots.
— Qu’est-ce que vous fabriquez, bon sang ?
L'ignorant, il crispa ses lèvres d’une manière affreuse. Les paroles refusaient visiblement de venir.
Wren saisit Frants par les épaules et le secoua jusqu’à ce qu’il revienne à lui.
— Cette foutue formule ne marchera pas sans le sacrifice, dit-il d’une voix rauque. C'est pour ça que j’ai toujours échoué. Ce n’est pas seulement du sang qu’ils veulent, mais le corps tout entier !
S'arrachant à la main de Wren, il se jeta sur la femme étendue à terre et l’obligea à se redresser.
Sang contre sang, os contre os
Ame contre âme, tel est le chant
Voici l’offrande, voici le pouvoir
Incapable de bouger, la femme le regardait avec des yeux terrorisés.
« Espèce de salaud ! songea Wren, outrée. Il veut obliger l’énergie du spectre à entrer dans le corps de cette femme. Comment compte-t-il s’y prendre ? »
Une incantation n’était qu’une formule. Seul un Talent pouvait en activer la magie. Où Frants pensait-il en trouver un ? Les corps qui gisaient là… Tous n’étaient peut-être pas des Profanes… Espèce de triple salaud ! C'était lui qui les avait tués, pas le fantôme ! Pour leur voler l’énergie dont il avait besoin au moment de prononcer les mots !
C'était… c’était une horreur… un travestissement abominable de tout l’enseignement qu’elle avait reçu ! Arracher le Courant à des êtres innocents ! Pire encore, pour que la formule de protection fonctionne de nouveau, il devait…
Wren hurla, en même temps que le fantôme. Pour activer l’incantation, il devait recourir aux mêmes éléments. Autrement dit, se procurer une âme. Celle de la femme qui se tenait devant lui, aussi inerte qu’une poupée. Frants était en train de reproduire le péché de son père, de son grand-père, y ajoutant une demi-douzaine d’autres crimes.
— Va au diable, Oliver Frants ! Toi et ton argent !
La femme à demi affaissée évoquait un automate brisé. Rassemblant toutes ses forces, Wren puisa dans l’énergie venue du spectre et en retira quelques fils qu’elle enroula autour de Frants. L’ignoble crapule était désormais liée au fantôme. Et si ce dernier avait une revanche à prendre, grand bien lui fasse ! Pour sa part, elle ne voulait qu’une chose : sortir la poupée inerte de cet enfer ! Roulant cette pensée en boule, elle la lança dans l’aura du fantôme, avec toute l’énergie dont elle disposait. Il la recevrait ou pas. En tout cas, elle avait fait son devoir. Le reste, elle s’en lavait les mains.

Ce matin-là, au réveil, il s’était senti le maître du monde. En passant devant le miroir de l’entrée, il avait souri à son reflet. D’une pichenette, il avait incliné son chapeau pour se donner un air désinvolte. Puis, se ravisant, il l’avait redressé, et retrouvé son aspect d’homme respectable. Satisfait de lui, satisfait du monde, il était sorti d’un pas allègre.
Soudain, une voix surgie de nulle part. Une voix jeune et féminine traversant les profondeurs de sa folie.
— Tuez-le, si vous voulez. Mais épargnez la femme. Trop d’innocents ont déjà péri.
Alors, des profondeurs de sa folie, il avait répondu.
— Je ne veux tuer personne. Je veux rentrer à la maison.
Sa maison. Fleurant bon l’encaustique passé sur les meubles de bois, le vent jouant doucement dans les voilages transparents cousus par Sarah, les sons assourdis par les tapis épais. Et dans la chambre, ce lit si confortable dont il avait peine à s’extraire chaque matin…
Sarah avait disparu. La maison avait disparu. Tout avait disparu, à l’exception de l’immeuble auquel il s’était consacré juste avant de mourir. Cet immeuble qui lui avait tout volé. Et l’homme qui se tenait devant lui, cet homme était l’hériter direct de celui qui avait commandité l’édifice : ses traits, son nom le disaient. Misérable parmi les misérables, qui n’avait pas hésité à détruire une vie pour protéger la sienne.
L'âme de Jamie Koogler monta lentement les marches du perron, ouvrit la porte et prit dans ses bras son épouse, si belle et si tendre…
Dans un ricanement atroce, le fantôme se tourna vers sa victime.
— Une saloperie d’héritage que grand-papa a laissé, pas vrai ?
Sans plus attendre, Wren prit la femme inerte dans ses bras et la guida vers la porte. A mesure qu’elles avançaient, la poupée s’animait, retrouvant ses couleurs. Chaque pas qui l’éloignait de son maître cruel semblait réveiller sa vitalité.
Dans le couloir, Wren installa la femme contre le mur et s’agenouilla pour regarder les yeux fixes et sans vie. Un éclat lointain la convainquit que toute conscience n’avait pas disparu.
— Restez ici, murmura-t-elle. Ne bougez pas. Compris ? Pas un seul mouvement, pas un seul gémissement, et vous sortirez indemne de cette histoire.
Pour toute réponse, elle obtint un léger battement de cils. Satisfaite, elle posa rapidement sa main sur l’épaule de la femme, puis se leva. Un hurlement bestial, le bruit sourd d’un corps tombant sur le sol la figea sur place.
— Bon sang, je ne peux pas laisser faire ça…, marmonna-t-elle.
Courant vers la porte, elle descendit au plus profond d’elle-même, jusqu’aux plus petites cellules de son corps. Comme John le lui avait montré, au début de sa formation. Alors, ramassant toute l’énergie accumulée, elle façonna une boule aussi grande qu’un homme.
— Stop ! hurla-t-elle en la lançant dans la pièce.