Lorsque Wren arriva sur le palier du cinquième
étage, le téléphone était en train de sonner. Ce n’était pas
Sergueï, puisque celui-ci s’était arrêté à la banque du coin pour
retirer de l’argent. Habituellement, les distributeurs étaient
insensibles aux variations de courant mais, comme le fit
indélicatement remarquer son compagnon, elle était légèrement
survoltée à cause de la réunion. Or, mieux valait prévenir que
guérir, surtout quand il s’agissait de billets de banque.
Pour sa part, Wren ne recourait jamais aux
distributeurs. Pas à cause du risque, vraiment très minime, de
faire sauter la machine, mais parce qu’elle préférait associer un
visage aux doigts qui manipulaient son argent. Sergueï, lui,
n’utilisait rien d’autre, même s’il se lamentait sans cesse de ne
jamais pouvoir retirer moins que des billets de vingt dollars.
Après tout, il pouvait bien se rendre directement au guichet
pendant les heures d’ouverture… Que craignait-il, que son patron le
sermonne pour son retard ? Mais non, Monsieur refusait de prendre
quelques minutes de plus et
d’entrer dans la banque pour parler à un distributeur humain
durant les heures de travail.
Vraiment, certains jours, elle ne comprenait pas
du tout son partenaire.
Tranquillement, elle défit les verrous pendant que
le téléphone continuait à s’énerver. Soit l’interlocuteur était
doté d’un caractère obstiné, soit il savait qu’elle n’avait pas de
répondeur et qu’elle était à la maison.
Ou bien…
— Allô ?
Ou bien, c’était sa mère, qui avait un caractère
obstiné et la certitude que sa fille ne décrocherait pas si elle
n’insistait pas.
— Salut, m’man. Comment va Seattle ?
Wren jeta les clés dans le bol sur le comptoir et
fourra ses gants dans les poches de son manteau.
A la requête de sa fille, Margot Valère avait pris
de longues vacances en septembre, quand les événements avaient
commencé à se précipiter. Ignorant à quel moment la Cosa
exploserait, Wren avait préféré éloigner sa mère, qui était une
vraie Ignorante. Jusqu’à présent, personne n’avait osé atteindre un
Talent en attaquant un Ignorant… Mais depuis quelque temps,
beaucoup de choses impensables avaient tendance à devenir
possibles. Encore une fois, mieux valait prévenir que guérir.
Certains jours, Wren se disait qu’il serait plus
sage que sa mère parte s’installer dans une autre région — dans un
endroit où personne ne hausserait les sourcils en entendant le nom
de Valère. Et certains,
jours, Wren se disait que c’était elle qui devait déménager…
Heureusement, sa mère avait tellement apprécié les
« vacances » que le voyage s’était transformé en une succession de
visites familiales — chaque fois, en fait, que Margot pouvait
quitter son travail. Sa mère, du coup, devenait une cible mouvante,
et par conséquent, nettement moins intéressante — constat que Wren
gardait sagement pour elle.
En contrepartie de cette paix de l’esprit, Wren
devait accepter les comptes rendus ultra détaillés et hauts en
couleur que lui délivrait Margot. Là, c’était la cousine Jeanne qui
avait eu droit à la visite royale, dans un Seattle assez peu
ensoleillé.
— Oh, euh… Ah oui ?
Wren transféra le combiné contre l’autre épaule
et, d’une main, défit son manteau. Evaluant d’un coup d’œil la
longueur du fil de téléphone et la distance qui la séparait de
l’armoire, elle préféra poser le manteau sur le comptoir. Sergueï
rangerait tout ça quand il rentrerait.
— Et le petit ? demanda-t-elle à sa mère qui
venait d’achever le récit de la vie de cousine Jeanne.
Le petit, c’était Kitty, le fils de Jeanne. Il
devait avoir… Wren se creusa la cervelle, en vain. Dix ? Onze ans ?
Pourtant, de ce côté-ci de la famille, il n’y avait pas tellement
de monde, et absolument personne du côté de son donneur génétique
mâle. Par conséquent, elle était impardonnable d’oublier ce genre
de choses.
Bah, peu importait. Sa mère, qui était
incapable de se rappeler quoi
que ce soit d’étrange ou de désagréable dans la vie de sa fille,
possédait une mémoire d’éléphant pour tout ce qui concernait les
affaires familiales, et adorait partager avec Wren le moindre de
ses souvenirs. Tout ce que sa fille avait à faire, c’était
d’émettre des grognements approbateurs de temps à autre.
Se perchant sur un tabouret, Wren tendit la main,
et attrapa un stylo et un bloc-notes pour y consigner ses
commentaires sur la réunion du matin.
Rien de tel que la démultiplication des tâches ou
la polyactivité pour éviter de penser à l’ampleur des tâches en
question. Regarde les choses du bon côté, ma
fille. Au moins, tu sais dans quel pétrin tu t’es fourrée, pas vrai
?
— Ce n’est pas un peu jeune ? lança-t-elle,
interrompant le flux de paroles maternelles. Euh… désolée, j’ai
oublié comment j’étais à cet âge-là.
Savoir ce que Beyl a pensé de la réunion et
envoyer son commentaire au Quad.
Evoquer l’idée des patrouilles dans la rue et voir
qui sursaute. Fatae, surtout.
Sergueï ouvrit la porte avant qu’elle ait pu
penser à une troisième idée. En apercevant la jeune femme au
téléphone, son compagnon haussa les sourcils et écouta un instant.
Puis, visiblement, il opéra la déduction qui s’imposait et agita
les doigts pour indiquer qu’il saluait Mme Valère, qui entretenait
avec lui des relations assez tendues, genre «
vous-êtes-celui-qui-couche-avec-ma-fille ».
Wren opina de la tête sans interrompre ses
interventions
monosyllabiques, ni cesser de remuer son stylo. Sergueï posa sa
sacoche à terre, attrapa le manteau de la jeune femme et le rangea
avec le sien dans le placard de l’entrée, puis disparut dans le
couloir.
En direction de la salle de bains… ou du bureau,
supposa Wren. Même s’il avait appris à laisser une plus grande
liberté de manœuvre à ce snob de Lowell, son assistant, Sergueï ne
pouvait s’empêcher de garder la main sur la cuillère quand quelque
chose mijotait. Bon, d’accord, la métaphore était atroce, mais il
fallait dire à sa décharge qu’elle était constamment
distraite.
— Attends une minute, il a fait quoi ?
Wren posa son stylo et écouta plus attentivement.
Les histoires de famille étaient au moins aussi compliquées que
celles de la Cosa, mais nettement plus drôles…
Sergueï mit l’ordinateur en route. Les éclats de
rire de Wren lui parvinrent par le couloir et son humeur sombre
s’allégea un peu.
Les rires avaient si rarement résonné dans
l’appartement, ces derniers temps.
Trop de tragédies, de tensions, de traumas — trop
de toutes sortes de mots commençant par « t ». Et pas assez de
rires depuis… depuis la mort de Lee, probablement. Avant cette date
fatidique, même lorsque Wren prenait des risques insensés et qu’il
devenait fou à tenter de la protéger, même lorsqu’ils ne savaient
pas si et quand ils décrocheraient une autre mission, il y avait eu
des rires, parfois teintés d’angoisse, mais toujours sincères et francs. Quand cela avait-il
réellement commencé à changer ?
Au fond de lui, Sergueï connaissait parfaitement
la réponse : depuis le moment où il avait négocié ce fatal accord
avec ses anciens employeurs, et abandonné dix ans d’indépendance
chèrement acquise pour assurer la protection de Wren contre les
manigances du Conseil. Et cela les avait menés où ? Au beau milieu
des problèmes du Silence — des problèmes qu’ils ne pouvaient
absolument pas se permettre de gérer.
Et c’était lui, le seul responsable. Par
conséquent, c’était à lui aussi de les sortir de ce guêpier. Mais
le processus était aussi délicat que celui qui avait abouti à
l’accord initial, et chacune des minuscules avancées auxquelles il
parvenait prenait une éternité. Il n’avait pas tout révélé à Wren.
La jeune femme n’avait pas besoin de tout connaître — sauf qu’elle
savait qu’il cachait certains détails, ce qui n’était pas fait pour
réduire la tension entre eux.
Peu à peu, à force de ne plus le voir ou
l’entendre, il en était venu à se demander s’il n’avait pas imaginé
la force lumineuse de son sourire ou le son cristallin de son
rire.
Un éclat de joie pure résonna dans le couloir.
Non, ce n’était pas le fruit de son imagination.
Se penchant sur le clavier, il entra l’adresse du
site de la galerie en chantonnant doucement.
Ce rire, c’était rien, ou si peu de chose. Pour
lui, c’était tout.
Et il se battrait pour l’entendre encore.
Il faut qu’on règle ça. Appelle-moi.
S. »
Il pressa la touche « envoyer » et attendit.
De l’autre côté de la ville, l’humeur était loin
d’être aussi gaie. L'immeuble semblait désert : nul bruit, nulle
lumière ne filtrait. Même l’ascenseur qui menait au sous-sol, et
qu’on ne pouvait appeler qu’après avoir entré un code et subi un
examen rétinien et biométrique, était d’un silence absolu. La
technologie utilisée était plus sophistiquée que celle des
départements les mieux équipés du gouvernement américain, pour la
simple raison que l’organisation installée dans ces locaux en avait
les moyens — et qu’elle n’avait de comptes à rendre à personne sur
la destination de son argent.
Les portes de l’ascenseur coulissèrent et deux
silhouettes en émergèrent. D’un même pas, elles s’engagèrent dans
le couloir. Les deux hommes étaient vêtus de complets sombres et de
chaussures en cuir souple, mais un observateur averti aurait
immédiatement remarqué que les vêtements du plus jeune sortaient
d’un magasin à la mode, tandis que ceux du plus âgé avaient été
soigneusement confectionnés sur mesure.
Une femme portant une blouse bleue par-dessus son
tailleur les dépassa en sens inverse. L'air visiblement soucieux,
elle leur décocha un signe de tête distrait.
— Denise Vargha. L'une de nos meilleures recrues.
Elle est responsable de la septième équipe.
Le jeune
homme avait conscience de ne rien annoncer de nouveau à son
interlocuteur, mais il ressentait le besoin d’occuper
l’espace.
— En effet.
La voix était harmonieuse et d’une politesse
extrême qui frisait l’ennui, mais avec une nuance d’avertissement
que perçut aussitôt le jeune homme. En tant que président de
l’organisation, son compagnon supervisait les embauches effectuées
par le département de R&D et connaissait, par conséquent, le
nom de tous les employés — depuis les laborantins jusqu’à l’équipe
de nettoyage.
Prudemment, l’assistant opta pour le silence. Ils
parvinrent devant une porte métallique, et le président effectua
les contrôles nécessaires pour que les battants s’ouvrent et leur
livrent passage. Aussitôt, un homme s’avança vers eux.
— Monsieur le président.
— Docteur Hackins.
L'homme regarda autour de lui, inspectant avec
soin les murs carrelés et le sol en ciment, pourvu de conduits
installés à un mètre de distance environ.
— Vous avez fait des améliorations, depuis mon
dernier passage.
Cette fois, la voix véhiculait une nuance
d’approbation parfaitement dosée et immédiatement annulée par la
question suivante :
— Plus de départs de feu ?
— Non, monsieur.
Le Dr Hackins laissa entendre qu’il n’ignorait pas
la réprimande, mais qu’il avait déjà pris ses responsabilités en tant que chef du projet.
L'incident était clos et il n’était plus nécessaire de s’excuser —
les excuses étant une marque de faiblesse pire que la négligence
initiale.
Les deux hommes franchirent la zone de sécurité,
gardée par deux portes métalliques qui ne s’ouvraient qu’après
triple vérification de l’empreinte du personnel autorisé, et
pénétrèrent dans le laboratoire principal — principale raison
d’être de cet immeuble.
Entièrement carrelée de blanc, la pièce dans
laquelle ils se trouvaient à présent était d’une propreté
immaculée. Assis devant des machines en acier inoxydable surmontées
par une vaste vitre, un homme en blouse blanche observait la
silhouette allongée sur un siège semblable à celui d’un dentiste,
de l’autre côté de la baie. C'était une jeune femme blonde et
élancée dont le visage était parsemé de taches de rousseur. Des
électrodes étaient fixées sur son crâne et des lanières de cuir
enserraient son cou, ses poignets et ses chevilles. Elle avait
l’air d’avoir couru des milliers de kilomètres, des monstres à ses
trousses.
— Bethany. L'une de nos meilleures recrues.
J'avoue avoir hésité à l’utiliser. Cependant, il semble…
— Gareth. Venez-en directement au fait.
— Euh… oui.
Gareth Hackins résista à l’envie de passer la main
entre sa peau et le col de sa chemise. Son contrôle de soi était
moins grand qu’il ne l’aurait voulu.
— Comme nous l’avons expliqué dans le rapport
annuel, il s’agit de la troisième série expérimentale, dite de
l’apprivoisement.
Il marqua
une pause, comme s’il s’attendait à recevoir des encouragements.
Son auditoire restant de marbre, il poursuivit avec un enthousiasme
forcé.
— Nous avons apporté quelques changements à la
méthode de réponse conditionnée sur laquelle nous avons travaillé,
ces dernières années. Notre but est d’obtenir une réaction
contre le courant magique, sauf ordre
contraire, bien sûr. Nos dernières tentatives se fondaient sur des
procédures classiques, comme le lavage de cerveau, mais les
résultats étaient incertains. Les effets ne duraient jamais assez
longtemps pour être véritablement efficaces et la plupart des
projets, ainsi que vous l’avez lu dans le rapport, ont dû être
annulés. Du gaspillage, vraiment. Avec cette nouvelle approche,
nous espérons créer une boucle réactive, autrement dit plus nos
sujets recourront à leur magie, plus ils seront enchaînés à notre
structure, du point de vue émotionnel.
— Comment cela fonctionne-t-il ?
Hackins eut un imperceptible haussement
d’épaules.
— Mettre leur magie sous contrôle est relativement
facile. Nos sujets sont prédisposés à recevoir les ordres basiques
mis au point par nos agents. Cependant, l’étape suivante s’est
révélée plus… problématique. Sept de nos modèles ont bloqué l’accès
à ce qu’on appelle le Courant en s’autolobotomisant. Un autre, le
numéro 9, a accepté les ordres, mais sur un mode exclusivement
passif. Le sujet numéro 8, Bethany, semble présenter le potentiel
de réaction active le plus intéressant.
— Entrez de nouveau en contact avec elle.
Le technicien pressa une touche. La jeune femme se
convulsa, puis retomba, inerte. Ses yeux bruns étaient grands
ouverts et fixaient obstinément le plafond blanc. Des gouttes de
sueur glissaient le long de ses tempes et tombaient lentement sur
le siège.
— Réponse ?
— Nulle.
— Intensifiez.
Le technicien leva une manette, puis approcha de
nouveau son doigt de la touche. Hésitant imperceptiblement, il
regarda son chef, puis appuya.
— Allez au diable ! grinça la jeune femme entre
ses dents crispées.
Son regard glissa sur le côté et vint se fixer sur
son bourreau.
— Intéressant, commenta Hackins. A ce stade, la
plupart d’entre eux se sont effondrés. Elle est vraiment
intéressante. A un niveau de Talent élevé correspond visiblement un
niveau élevé d’obstination.
Il se tourna vers le technicien et vérifia les
données entrées par celui-ci.
— Pas de reflux au niveau des électrodes ?
— Nous avons déjà remplacé deux séries, répliqua
le technicien. Dès qu’elle a réalisé que nous avions isolé le
tableau de bord, elle a cessé de perdre son temps. Une fille
intelligente, Bethany.
— Oui. Très intelligente.
— Intéressant.
— L'isolation vous permet d’arrêter leur magie ?
demanda le président au technicien.
— Pas exactement, monsieur. La magie est
simplement réfractée grâce à une série de strates qui la
ralentissent. En réalité, si elle voulait causer des dégâts, elle
pourrait le faire, mais nous pensons qu’une telle production
d’énergie la consumerait.
— Vous pensez ?
Le visage de l’homme se fit impénétrable. Le
technicien et le Dr Hackins se figèrent, et l’air se glaça
littéralement sous l’effet de la réprobation muette.
— En dépit de nos ressources, il y a beaucoup de
choses que nous ne comprenons pas encore sur ces Talents, intervint
Hackins. C'est la raison pour laquelle le travail progresse plus
lentement que prévu. Une étape franchie trop vite, un afflux un peu
trop violent, et nous les brûlons avant de parvenir au résultat
voulu. Cependant, si cette nouvelle procédure fonctionne, nous
devrions être rapidement prêts à passer au niveau supérieur.
— Elle ne se dérobera pas aux ordres ?
— Elle sera incapable de distinguer entre nos
désirs et les siens, assura Hackins.
— Excellent. Poursuivez votre travail. Gareth,
vous disiez avoir entreposé les restes de vos précédents sujets ?
Je voudrais voir les résultats de l’autopsie.
— Bien sûr. Par ici, s’il vous plaît.
Les deux hommes sortirent de la pièce de
contrôle sans accorder le
moindre regard au technicien et au cobaye.
Lorsque la porte se referma, les épaules du
technicien s’affaissèrent de soulagement. Professionnellement, il
était irréprochable, mais le taux d’échec sur ce projet avait été
particulièrement élevé. Et le Patron n’était pas un homme qu’on
pouvait décevoir. Surtout lorsqu’on se trouvait directement dans sa
ligne de mire.
Le chef du R&D était un chic type, personne
n’avait jamais dit le contraire, et c’était sympa de bosser avec
lui quand on lui plaisait, mais il ne tolérait aucun relâchement
dans le travail.
Un grognement, de l’autre côté de la vitre, attira
son attention.
— Min… minable… Lèche… bottes.
En ricanant, le technicien pressa de nouveau sur
le bouton. Le courant fusa à travers les électrodes, et le corps de
la jeune femme s’arqua brutalement. La décharge ne correspondait
pas exactement à ce que les gens de son espèce appelaient un «
afflux », lorsque le centre libérait soudain toute l’énergie
emmagasinée, mais elle y ressemblait assez pour donner une petite
idée de ce qui l’attendait.
La poitrine de la jeune femme frémit, agitée par
un hurlement qui refusait de sortir de sa gorge, et les muscles de
ses bras se tendirent comme pour tenter de se libérer. Le
technicien ricana une nouvelle fois en voyant tous les signaux
passer au rouge sur sa machine.
— Ne te débats pas trop, ma petite Bethy,
lança-t-il d’une voix
faussement sympathique. On te l’a déjà dit : si tu ne résistes pas,
ça ne te fera aucun mal.
Les signaux revinrent au jaune. Les yeux fixés sur
la jeune femme, il poussa la manette d’un cran.
— A moins que je ne décide du contraire, bien
sûr.
Bethany frémit, ses lèvres se crispèrent, mais
cette fois-ci, les voyants ne passèrent pas au rouge. Elle savait
ce qu’ils essayaient de faire avec son cerveau, elle sentait les
insinuations, les suggestions habiles qui déferlaient comme un
murmure et pénétraient en elle un peu plus à chaque décharge. Mais
son obstination était la plus forte. Bethany avait pu, contre
l’avis de son mentor, offrir ses services à ces hommes qui
l’avaient trahie, mais elle restait envers et contre tout un
Talent. Elle appartenait à la Cosa. Elle ne craquerait pas.
Elle ne trahirait pas sa famille.