CHAPITRE IX
 
Claude fait une découverte…
et une crise de colère

 

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Claude se laissa glisser à bas du rocher en corniche et regarda dessous. Il y avait là une grande cavité encombrée de pierres que Dag avait déterrées en grattant.

« Aurais-tu par hasard trouvé un terrier de lapin assez vaste pour t’y faufiler ? dit Claude. Dag, où es-tu ?»

Silence absolu : pas même le plus petit gémissement en réponse. Claude rampa sous le roc pour inspecter l’excavation. Dag l’avait considérablement élargie. Claude appela François.

« François ! Lance-moi ta pelle, s’il te plaît. »

La pelle atterrit à côté de son pied. Claude se mit à creuser. L’ouverture suffisait peut-être à Dagobert, mais pas à elle !

Elle travaillait avec acharnement et ne tarda pas à être couverte de sueur. Elle sortit de dessous le rocher pour voir si quelqu’un voudrait venir l’aider. Ils dormaient tous.

« Quels paresseux ! » songea Claude, oubliant qu’elle en aurait fait autant si elle ne s’était pas inquiétée de Dagobert.

Elle se faufila de nouveau sous la corniche rocheuse et recommença à creuser. Elle eut bientôt assez de place pour s’introduire dans le trou. Elle s’aperçut alors avec surprise que cette espèce de terrier était relativement grand : elle pouvait y avancer sans peine à quatre pattes.

« Tiens ! Je me demande si c’est bien un terrier ou si c’est une galerie qui mène quelque part », songea Claude. « Dagobert, où es-tu ? »

De très loin lui parvint un faible aboiement. Claude poussa un soupir de soulagement. Dagobert était donc bien là ! Elle reprit sa progression dans le tunnel qui s’élargit tout à coup. Elle se rendit compte qu’elle se trouvait dans une sorte de couloir. L’obscurité était complète. Claude ne voyait rien, elle devait se contenter de tâter avec les mains.

Elle entendit soudain trottiner, et Dagobert se pressa affectueusement contre elle.

« Oh ! Dag, tu m’as fait peur. Où étais-tu passé ? Est-ce que nous sommes dans un passage secret ou ce tunnel a-t-il été creusé autrefois par les ouvriers qui extrayaient la pierre de la carrière et n’est plus utilisé maintenant que par des bêtes ?

— Ouah », dit Dagobert qui tira Claude par son short vers la lumière.

« D’accord, je te suis. Ne t’imagine pas que j’aime me promener toute seule dans le noir. Je suis venue là-dedans uniquement pour te chercher. »

Elle retourna sur ses pas vers le rocher en corniche. Pendant ce temps, Mick s’était réveillé et se demandait où Claude avait disparu. La réverbération du ciel bleu intense le faisait cligner des yeux. Il attendit quelques minutes, puis se redressa.

« Claude ! » Pas de réponse. À son tour, Mick se laissa glisser à bas du rocher et inspecta les alentours. Il vit alors surgir du trou sous le rocher d’abord Dag, puis Claude. Il restait la bouche ouverte et les yeux ronds de surprise, si bien que Claude se mit à rire.

« Ne t’inquiète pas. Je suis seulement allée chasser le lapin avec Dagobert. » Elle se secoua et brossa la terre collée sur son short et son chandail. « Au fond de ce trou, sous le rocher, il y a un couloir. Il est aussi étroit qu’un terrier de renard au début, puis il s’élargit de plus en plus jusqu’à devenir un véritable tunnel. Je ne me suis pas rendu compte s’il était très long, parce qu’il y fait noir comme dans un four. Dag l’a exploré plus que moi.

— Bonté divine ! C’est une découverte de première grandeur.

— Oui, allons l’examiner. François doit bien avoir une lampe de poche.

— Sûrement pas. Nous irons un autre jour. » Les autres, s’étaient réveillés maintenant et les écoutaient de toutes leurs oreilles.

« Il y a un passage secret ? dit Annie. Oh ! explorons-le tout de suite.

— Non, pas aujourd’hui. »

Mick jeta un coup d’œil à François. Ce dernier devina que Mick ne voulait pas faire participer Martin à leurs recherches. Il avait raison. Martin n’était pas un ami et ils venaient juste de le rencontrer par hasard. François adressa un léger signe de tête à Mick et dit :

« Non, nous n’avons pas le temps aujourd’hui. D’ailleurs, ce n’est probablement qu’une vieille galerie creusée par les carriers. »

Martin avait l’air très intéressé. Il se pencha pour inspecter l’excavation. « J’aimerais bien savoir ce que c’est. Nous pourrions nous retrouver un jour avec des lampes de poche pour vérifier si c’est un vrai tunnel ou non. »

François regarda sa montre : « Presque deux heures. Si nous voulons voir le programme de télévision dont vous nous avez parlé, Martin, il faut nous dépêcher. »

Les filles avaient rempli leur panier de primevères et de violettes. François se chargea de celui d’Annie, de peur qu’elle ne glissât et tombât, et tous commencèrent l’escalade des pentes abruptes de la carrière. Ils atteignirent vite le sommet. L’air leur parut froid, après l’atmosphère tempérée qui régnait en bas.

Ils se dirigèrent vers le sentier de la falaise et passèrent bientôt devant la maison du garde-côte. Il se trouvait dans son jardin et leur adressa un joyeux salut, de la main.

Martin poussa la porte de la maison voisine. Son père était assis près de la fenêtre et lisait. Il les accueillit avec un large sourire.

« Tiens, tiens, tiens. Voilà une bonne surprise. Entrez donc. Oui, le chien aussi. Cela ne m’ennuie nullement. J’aime beaucoup les chiens. »

La petite pièce semblait maintenant pleine à craquer. Ils serrèrent poliment la main de leur hôte. Martin lui expliqua qu’il avait amené ses compagnons pour assister au programme de télévision.

« Excellente idée », dit son père sans cesser de sourire. Annie était fascinée par ses sourcils. Ils ressemblaient à une brosse aux poils longs et épais. Elle se demandait pourquoi il ne les coupait pas, mais peut-être les trouvait-il à son goût. Ils lui donnaient l’air féroce, de l’avis d’Annie.

Les Quatre jetèrent un coup d’œil autour d’eux. L’appareil de télévision était installé à l’autre bout de la pièce, sur une table. Il y avait aussi un magnifique poste de radio… et quelque chose d’autre qui fit ouvrir de grands yeux aux garçons.

« Ah ! vous avez un émetteur et un récepteur, remarqua François.

— Oui, dit leur hôte. Je l’ai monté moi-même. C’est ma distraction favorite.

— Vous êtes drôlement fort, dit Mick.

— Qu’est-ce que c’est qu’un émetteur ? demanda Annie. Je n’en ai jamais entendu parler.

— Mais si, c’est un appareil qui permet d’envoyer des messages par radio, comme celui qui se trouve dans les voitures de police. Cela leur permet de communiquer avec leur quartier général, expliqua Mick.

Celui-ci est d’ailleurs beaucoup plus puissant. »

Martin tournait les boutons du poste de télévision. Le programme commençait. Annie sursauta en apercevant un visage d’homme surgir sur l’écran. « Je peux le voir et l’entendre en même temps », murmura-t-elle à François. M. Corton devina ce qu’elle disait et se mit à rire.

« Mais heureusement votre chien ne peut pas le sentir ! Sinon il se lancerait à sa poursuite. »

Le programme de télévision amusa beaucoup les enfants. Quand il fut terminé, M. Corton les invita à rester goûter.

« Ne dites pas non, conclut-il. Si vous craignez que votre tante ne s’inquiète, je peux lui téléphoner.

— Eh bien, oui, répondit François. Si cela ne vous dérange pas trop. Sans cela elle pourrait se demander ce que nous sommes devenus. »

M. Corton appela tante Cécile. Oui, elle leur permettait de rester, à condition qu’ils ne rentrent pas trop tard. Les enfants s’attablèrent donc devant un goûter qui pour être improvisé n’en fut pas moins excellent. Martin ne se montrait pas très bavard, mais son père le fut pour deux. Il rit, plaisanta, bref se révéla un hôte très agréable.

On en vint à parler de l’île de Kernach. M. Corton déclara la trouver splendide au crépuscule. Claude était aux anges.

« Oui, dit-elle C’est aussi mon avis. J’aurais bien aimé que papa n’ait pas choisi précisément ces vacances pour s’y installer. J’avais projeté d’y aller camper.

— Vous devez connaître chaque centimètre de terrain ?

— Naturellement. Nous connaissons tous l’île sur le bout du doigt. Il y a des souterrains, de vrais souterrains où nous avons découvert des lingots d’or.

— Je me rappelle avoir lu cela dans le journal, en effet. Vous avez dû beaucoup vous amuser. Surtout en trouvant les souterrains. Et il y avait aussi un vieux puits dans lequel vous êtes descendus, je crois ?

— Oui. Et il y a aussi une grotte où nous avons habité, ajouta Annie. Elle a deux entrées, une par la mer, et l’autre par la voûte.

— Je suppose que votre père fait ses expériences dans les souterrains ? poursuivit M.Corton. Quel curieux endroit pour travailler !

— Non… Nous ne… » Et Claude s’interrompit brusquement avec une grimace de douleur. Mick venait de lui décocher un coup de pied dans la cheville. Bien appliqué.

« Que vouliez-vous dire ? demanda M. Corton surpris.

— Simplement que nous ne savions pas où papa s’était installé », compléta enfin Claude en mettant ses jambes hors de portée de Mick.

Dagobert lança un aboiement plaintif. Claude se tourna vers lui. Il regardait Mick d’un air peiné.

« Qu’est-ce qui se passe, Dag ? demanda Claude avec anxiété.

— Il a trop chaud, je pense. Emmène-le donc un peu à l’air », suggéra Mick.

Claude, très inquiète, sortit avec Dagobert. Mick la suivit. Elle lui jeta un coup d’œil furibond.

« Pourquoi m’as-tu donné un coup de pied pareil ? Je vais avoir un bleu énorme.

— Tu sais très bien pourquoi. Répondre à tout comme ça ! Tu ne voyais donc pas que ce type s’intéressait de très près à ton père et à son travail sur l’île ? Il n’avait peut-être pas de mauvaises intentions, mais tu aurais quand même pu te taire. Mais non, tu bavardes à perdre haleine. Ah ! c’est bien d’une fille ! Il fallait que je trouve un moyen de t’arrêter. Et j’aime mieux te dire aussi que j’ai marché sur la queue de ce pauvre Dagobert pour qu’il aboie et que tu t’occupes de lui, au lieu de continuer à parler.

— Espèce de brute ! s’écria Claude avec indignation. Comment as-tu pu avoir le courage de faire du mal à Dagobert ?

— Je n’en avais pas envie du tout. Pauvre vieux, dit Mick en lui caressant les oreilles. Je n’y tenais pas le moins du monde. »

Claude était rouge de colère : « Je rentre. Je te déteste pour m’avoir dit des choses pareilles… et avoir écrasé la queue de Dag. Retourne là-bas et préviens-les que je ramène Dagobert à la maison.

— Parfait. C’est une bonne idée. Moins tu parleras à M. Corton, mieux cela vaudra. J’y vais pour tâcher de découvrir qui il est et ce qu’il fait. Je commence à avoir des soupçons sur son compte. Pars donc avant de lui raconter tout ce qui nous concerne de A à Z. »

Claude étouffait littéralement de rage quand elle s’éloigna avec Dagobert. Mick présenta ses excuses à M. Corton. Annie et François se rendaient compte qu’il était arrivé quelque chose et se sentirent mal à l’aise. Ils se levèrent, mais à leur grande surprise, Mick se montra très bavard et parut s’intéresser soudain beaucoup à M. Corton et à ses occupations.

Mais ils finirent quand même par prendre congé et à s’en aller. M. Corton leur avait adressé un grand sourire final : « Revenez quand vous voudrez, vous serez les bienvenus. Et dites à l’autre garçon… comment s’appelle-t-il déjà ? Claude… dites-lui que j’espère que son chien se rétablira vite. C’est un chien charmant, et si bien élevé ! Allons, au revoir. Et à bientôt. »